Intervention de Hervé Mariton

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton, rapporteur spécial :

L'exercice 2014 s'est traduit par un résultat net négatif de 4,8 milliards d'euros et par un chiffre d'affaires de 8,3 milliards – en baisse de 8 % –, soit un niveau inférieur à celui de 2009. Le groupe a été contraint d'inscrire dans ses comptes d'importantes provisions ou pertes additionnelles, notamment près de 1,5 milliard de pertes de valeurs d'actif au titre des activités nucléaires et un peu plus de 1 milliard de pertes additionnelles sur des projets nucléaires phares – EPR finlandais et réacteur Jules Horowitz. Enfin, le résultat financier s'établit à moins 400 millions d'euros, contre seulement moins 250 millions en 2013.

Sur les 4,8 milliards de pertes, 4,4 milliards proviennent d'écritures exceptionnelles. L'excédent brut d'exploitation reste positif – à hauteur de 710 millions d'euros –, mais il est en recul. Le carnet de commandes demeure solide, d'une valeur de plus de 47 milliards d'euros. Par ailleurs, la trésorerie permet la poursuite de l'exploitation à court terme et n'a pas subi de dégradation au cours du premier semestre.

Cela dit, AREVA doit faire face à un endettement croissant. Sa dette atteint en effet 5,8 milliards d'euros, contre 4,4 milliards en 2013. Les capitaux propres ont connu une baisse significative, jusqu'à devenir négatifs pour s'établir à moins 673 millions d'euros en 2014. Or, le groupe doit faire face à deux échéances de remboursement d'emprunt, d'un montant de 1,5 milliard d'euros en 2016 et d'un peu plus de 1 milliard en 2017. Comme l'a reconnu le président du conseil d'administration, M. Philippe Varin, les besoins de liquidités du groupe s'élèvent à quelque 7 milliards d'euros dans les trois prochaines années : aujourd'hui, le groupe n'est pas capable d'y faire face.

Des solutions durables doivent donc être recherchées ; elles passent par la mise en oeuvre d'un plan de performance et de compétitivité, par une reconfiguration du périmètre, par un rapprochement avec EDF et par une recapitalisation qui mettra à contribution l'État mais aussi des investisseurs français et étrangers.

Jusqu'à présent les pouvoirs publics se sont surtout exprimés, comme les médias, sur le nouveau périmètre et moins sur la recapitalisation, que le groupe lui-même souhaite voir étudiée une fois redéfini ledit périmètre. Si cette redéfinition est sans doute une condition nécessaire au redressement du groupe, nous pensons qu'elle ne peut être une condition suffisante ; au reste, la reconfiguration de 2001 concernait déjà le périmètre. L'exercice qui consiste à désintégrer AREVA tout en intégrant une partie de ses activités au sein d'EDF peut être intelligent et nécessaire, mais il ne saurait se substituer à d'indispensables efforts en matière de compétitivité.

La situation financière du groupe est préoccupante ; elle appelle un traitement de fond dans un marché complexe. L'accident de Fukushima a bien entendu eu un impact sur la stratégie d'AREVA, fondée sur le réveil après l'hiver nucléaire consécutif à l'accident de Tchernobyl. Nous pensions, comme le président du directoire à l'époque, Luc Oursel, que le réveil japonais après Fukushima serait plus rapide : il semble seulement se profiler aujourd'hui, et de façon très progressive. La fermeture de réacteurs au Japon et en Allemagne a considérablement restreint l'activité de retraitement et pesé sur l'activité des services à la base installée. Or, ces activités sont essentielles au modèle développé par AREVA depuis sa création, le modèle dit « Nespresso », à savoir des marges faibles sur la construction des réacteurs et plus élevées sur l'approvisionnement en matières premières et sur les services à la base installée. Les décisions allemandes et le contexte post-Fukushima ont bien entendu bousculé ce modèle. L'activité tarde à redémarrer ; elle subit de surcroît, en France, les incertitudes liées au projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte.

De plus, AREVA peine à se positionner sur la nouvelle géographie du marché de la construction de réacteurs, un certain nombre de ses concurrents étant à même de proposer des cofinancements. AREVA ne le peut pas, que ce soit pour des raisons organisationnelles ou financières : cela pèse bien entendu sur ses perspectives de développement à l'international. On évoque souvent, par exemple, la construction de dizaines de réacteurs en Chine, dont les Chinois assureront eux-mêmes une bonne part ; mais la structuration des offres, sur laquelle AREVA est aujourd'hui à la peine, est aussi un enjeu important pour la conquête d'autres marchés.

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