Il n'a été mis un frein aux choix délibérés d'un développement tous azimuts qu'une fois révélée l'ampleur des pertes accumulées. Cela nous conduit à deux conclusions. La première est que la stratégie d'investissement, fondée sur des anticipations légitimes – hausse continue du prix des matières premières et de l'uranium –, faisait l'impasse sur les besoins financiers. De 2007 à 2010, les investissements réalisés par le groupe représentaient ainsi plus de quatre fois sa capacité d'autofinancement. Autrement dit, la soutenabilité du plan d'investissement impliquait un endettement croissant et des cessions ponctuelles d'actifs, les liquidités ainsi générées restant au demeurant insuffisantes. On peut notamment penser à la vente, pour 4,1 milliards d'euros, d'AREVA T&D – Transmission et Distribution, cela dit, elle fonctionnait sur des cycles financiers courts – générant ainsi de la trésorerie –, alors que ceux de la filière nucléaire sont longs. À l'époque, rappelons-le aussi, l'État n'avait pas donné suite aux demandes insistantes de Mme Lauvergeon quant à une recapitalisation du groupe à la hauteur nécessaire.
La seconde conclusion est que le groupe s'est engagé dans des projets et des acquisitions malencontreux, dont le bien-fondé apparaît rétrospectivement douteux. Nombre d'investissements très coûteux semblent par ailleurs procéder d'une volonté de développement à tout prix. Ainsi, le bilan de la branche Réacteurs et Services, en charge de la construction de réacteurs et d'équipements nucléaires lourds, révèle la persistance de pertes financières sévères. Le montant des nouvelles pertes additionnelles et des provisions pour pertes à terminaison sur trois grands projets de construction nucléaire atteint, pour l'exercice 2014, 1,1 milliard d'euros, dont 720 millions au titre du seul projet de construction d'OL3 en Finlande, autrement dit l'EPR Olkiluoto 3. Le total des provisions inscrites pour pertes à terminaison sur ce projet se monterait aujourd'hui à 4,4 milliards d'euros. Le coût du réacteur devrait quant à lui atteindre, en l'absence de nouvelles modifications, près de 9 milliards d'euros, contre une estimation initiale de 3,9 milliards. Ces chiffres traduisent à eux seuls l'ampleur des difficultés qu'AREVA a pu rencontrer dans la réalisation de projets phares dont il assure la maîtrise d'ouvrage.
D'autre part, les investissements d'AREVA se caractérisent par un surdimensionnement des capacités de production et par des anticipations optimistes quant à la fin de l'hiver nucléaire.
Dans le secteur Mines, la gestion des actifs de la société UraMin continue de peser sur les comptes du groupe et de mettre en cause la pertinence de sa politique d'investissement. En 2014, l'actif minier de Trekkopje a encore subi une dépréciation de 75 millions d'euros. Le total des pertes résultant de l'acquisition de cette société canadienne – ayant son siège aux îles Vierges britanniques – s'établit ainsi à 2,1 milliards d'euros. Nous n'avons rencontré aucun élément nouveau sur l'affaire UraMin, mais celle-ci fait l'objet d'une procédure judiciaire engagée suite au rapport de la Cour des comptes : nous devrions donc bientôt avoir quelques précisions.