Intervention de Charles de Courson

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

L'EPR est-il un produit compétitif ? Votre rapport ne répond pas à cette question. Beaucoup d'observateurs estiment que ce réacteur sera le « Concorde » du nucléaire : trop petit pour les grands pays, et trop grand pour les petits pays ou les moyens. Ses coûts de revient paraissent de surcroît trop élevés : un réacteur incapable de produire de l'électricité à un prix compétitif ne peut trouver d'acheteur.

Par ailleurs, l'EPR finlandais sera-t-il réceptionné ? Beaucoup de spécialistes répondent par la négative, de sorte qu'AREVA et ses héritiers auront à rembourser les avances – de 2 à 3 milliards d'euros, de mémoire. Conformément à la théorie du coefficient Π, le coût final du réacteur sera 3,14 fois supérieur à celui annoncé en termes d'investissements. Vous ne dites rien sur le coût de fonctionnement, sur le montant duquel Mme Lauvergeon s'était engagée auprès des autorités finlandaises. Dès lors que ce coût sera dépassé, qui paiera le différentiel ?

S'agissant de l'EPR de Flamanville, le chantier, là encore, sera-t-il réceptionné par EDF ? La réponse sera assurément négative si l'ASN estime que les systèmes informatiques de régulation, notamment, ne correspondent pas aux normes internationales. Vous êtes-vous interrogés sur ce point ?

Vous ne parlez pas non plus des coûts de l'EPR de Taishan : observe-t-on des dérapages ? Le groupe commence-t-il à provisionner des sommes pour ce chantier ?

Où en est-on, par ailleurs, des projets d'Angra 3 et de Hinkley Point ?

Vous n'avez rien appris de nouveau sur UraMin, dites-vous. La société a été négociée à 235 millions de dollars en avril 2006, puis à 472 millions en octobre de la même année, avant d'être rachetée 2,5 milliards en 2007 : l'affaire ne vous paraît-elle pas étrange ? Vous êtes-vous intéressés aux commissions versées, pour un montant de 40 millions ? Qui a touché cet argent ? Ce sont là, je le rappelle, des éléments parus dans la presse.

Avez-vous une idée du montant des investissements nécessaire à la mise aux normes de l'usine de la Hague ?

Dernier aspect du désastre, sur lequel vous revenez longuement : la gouvernance du groupe. Sur ce point vous n'osez pas, me semble-t-il, poser la question ultime : l'État est-il capable d'exercer sa tutelle ? La réponse se déduit cependant de votre rapport : non. De jeunes fonctionnaires, aussi talentueux soient-ils, ont-ils selon vous une quelconque autorité face à Mme Lauvergeon qui, membre de la haute aristocratie d'État – que je connais pour en faire partie –, court-circuite la tutelle grâce à ses entrées dans les milieux politiques ? Il faut pousser l'analyse jusqu'au bout : nous sommes dans un système d'irresponsabilité totale, où de hauts fonctionnaires dépourvus de la moindre expérience industrielle sont parachutés à des postes où ils se prennent pour des capitaines d'industrie, et ce aux frais du contribuable. Les modestes fonctionnaires qui ont tiré la sonnette d'alarme depuis des années, eux, n'ont pas été entendus, sans évoquer le Parlement, qui fut totalement inexistant. Certains collègues abondaient même dans le sens de Mme Lauvergeon, applaudissant à ses discours sur le modèle intégré sans voir les nuages s'amonceler. Le silence était de mise, dans tous les groupes politiques. Comment peut-on ainsi faire perdre, non pas deux ou trois, mais une dizaine de milliards au peuple français ? J'aimerais donc que nos deux rapporteurs se mouillent un peu, d'autant que l'un d'eux appartient, lui aussi, à la haute aristocratie d'État – l'autre est plutôt issu de celle de province. De fait, la dernière partie du rapport ne me semble pas aller au coeur du sujet.

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