Intervention de Jean-Philippe Nilor

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 se sont traduits par un emballement de la dette hospitalière, celle-ci progressant à un rythme pouvant atteindre 20 % par an, et triplant sur une période de dix ans. Les pouvoirs publics en portent la responsabilité au premier chef : ils ont privilégié le levier de la dette pour financer un plus grand nombre d'opérations sans l'assortir de procédures rigoureuses, tout en allégeant les contrôles sur la nature et le montant des emprunts souscrits.

Le pari de la dette reposait sur la capacité des établissements, aidés par des dotations spécifiques de l'assurance maladie et par la nouvelle tarification à l'activité, à engager une dynamique de croissance de leurs recettes d'exploitation leur permettant d'assumer les charges de remboursement. Les gestionnaires hospitaliers ne sont pas non plus exempts de responsabilité. L'argent de la dette a pu leur paraître facile dans un contexte réglementaire permissif et dans un climat de concurrence entre les établissements bancaires, qui a favorisé le développement d'offres de crédits structurés dont les risques considérables ne sont apparus qu'ultérieurement.

En outre, les investissements ainsi réalisés ne se sont pas réellement inscrits dans une logique d'efficience et de retour sur investissement. Ils n'ont pas toujours été le levier d'une rationalisation et d'une reconfiguration destinées à améliorer l'efficacité de l'offre de soins. Les mesures d'encadrement progressivement prises depuis deux ans ne témoignent que de la prise en compte tardive de ce phénomène par les pouvoirs publics.

L'encours de la dette hospitalière, qui représente aujourd'hui 1,4 % du PIB, a créé une situation grave tant pour les finances publiques que pour nombre d'établissements qui n'ont plus les marges d'exploitation suffisantes pour couvrir leurs charges de remboursement. Une stratégie de désendettement s'impose, mais pas au prix de la santé publique ni d'une fracture sanitaire à l'échelle du territoire.

Pour que le ralentissement récent de la progression de la dette débouche sur une stabilisation, puis une diminution de l'encours, les pouvoirs publics doivent amplifier la réorientation engagée de la politique de soutien à l'investissement désormais plus sélective et davantage fondée sur les aides en capital. Leur action a permis de contrer récemment le risque d'assèchement des crédits offerts aux hôpitaux à la suite de la crise financière, mais les établissements demeurent pénalisés par le montant élevé des marges bancaires aussi bien pour les crédits à court qu'à moyen et long terme. Ces difficultés plaident en faveur d'un recours direct au marché pour les établissements qui jouissent d'une bonne qualité de signature et qui disposent de la surface financière et de l'organisation administrative suffisante pour émettre des billets de trésorerie ou des obligations.

Au final, l'offre de crédit du secteur hospitalier ne retrouvera un équilibre satisfaisant qu'à terme, avec l'amélioration générale des conditions de crédit. Il faudra aussi juguler les risques propres au secteur. La mise en place d'un fonds spécifique pour l'hôpital, à l'image de celui créé pour les collectivités territoriales, avec des modalités de financement et des critères d'éligibilité et de conditionnement des aides rigoureux, pourrait également faciliter ce rétablissement.

J'ajoute qu'un tel dispositif n'aurait de sens que si l'ensemble du monde hospitalier prend conscience du poids de la dette qui l'asphyxie et de ses répercussions sur les conditions de soins de nos concitoyens, et si l'ensemble de ce monde se mobilise pour réussir les réformes structurelles et courageuses qui s'imposent.

Enfin, les engagements de l'État devraient à l'avenir être davantage marqués du sceau de la cohérence. Nous ne comprenons pas, par exemple, pourquoi le Gouvernement s'entête à vouloir annoncer l'installation d'un cyclotron en Martinique et d'un autre en Guadeloupe. Deux rapports d'experts commandés par le ministère de la santé préconisent pourtant l'implantation d'un seul cyclotron interrégional en Martinique. Alors qu'au niveau national, on compte un cyclotron pour cinq Tep-scanners, c'est-à-dire pour environ quatre millions d'habitants, il y en aurait un pour 400 000 habitants dans chacun des territoires ultramarins. Cela exigerait un investissement de 12 millions d'euros, voire de 18 si l'on en implantait un en Guyane – au point où nous en sommes ! Cela induirait surtout un déficit d'exploitation structurel et exponentiel. L'État acceptera-t-il que la sécurité sociale supporte le remboursement de ces examens à un coût dépassant de 300 euros le tarif de référence ? Il est permis d'en douter. Surtout, d'autres besoins en santé de nos territoires d'outre-mer, déjà en grande souffrance sur ce plan, risquent d'être sacrifiés, et les difficultés financières ses établissements hospitaliers de s'aggraver. J'en appelle à un minimum de cohérence dans les décisions des pouvoirs publics.

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