Commission des affaires sociales

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h30

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 8 juillet 2015

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente de la Commission, puis de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l'audition de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées, de l'autonomie et de l'enfance, auprès de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, sur le projet de loi, adopté au Sénat, relatif à l'adaptation de la société au vieillissement (n° 2674) (Mme Joëlle Huillier, rapporteure).

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Les travaux de notre commission sur le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement se poursuivent avec l'audition de Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie, l'examen en deuxième lecture du texte lui-même intervenant mercredi prochain. Le débat en séance publique se tiendra au tout début de la session extraordinaire de septembre.

Je voudrais excuser notre présidente, Catherine Lemorton, qui est toujours en convalescence mais qui suit nos travaux. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Je salue aussi notre nouvelle rapporteure, Joëlle Huillier, qui avait beaucoup travaillé sur ce texte lors de la première lecture. Elle remplace Martine Pinville, à qui nous souhaitons un plein succès dans l'exercice de ses nouvelles fonctions au Gouvernement.

Le vieillissement est l'un des principaux défis que devra relever notre société au cours des décennies à venir. D'ailleurs, le débat passionne les Français, chacun se sentant concerné par le sujet. Si l'on ne peut que se réjouir de la progression continue de l'espérance de vie, il nous faut dès à présent prendre les mesures propres à permettre à notre pays d'affronter les difficultés causées par ce phénomène. Il s'agit bien, comme l'indique le titre du projet de loi, de réaliser un important effort d'adaptation de notre société, dont ce texte est la première étape.

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Laurence Rossignol, secrétaire d'état chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Il y a un an exactement, j'étais déjà devant votre commission pour vous présenter ce projet de loi, avant son passage en séance publique à la rentrée suivante. Nous avons un calendrier similaire pour la deuxième lecture.

Depuis l'an dernier, il s'est passé beaucoup de choses. Le groupe de travail relatif à la modernisation du pilotage et à la simplification de la gestion des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et le comité de pilotage de refondation des services d'aide à domicile ont engagé leurs travaux. Le Sénat a enrichi le texte de nombreuses contributions dont nous allons débattre. Nous avons aussi changé de rapporteure, dans le plus grand bonheur : Martine Pinville étant entrée au Gouvernement, Joëlle Huillier est appelée à rapporter un texte qu'elle avait suivi avec beaucoup d'attention l'année dernière.

Par souci d'efficacité, je vous propose de concentrer mon propos sur les trois sujets qui ont évolué en un an, quitte à ce que vous m'interrogiez sur d'autres thèmes que vous souhaiteriez voir traités. En vue de l'examen du texte par votre commission le 10 juillet prochain, je déposerai des amendements concernant deux de ces sujets. En cas de problème de calendrier, j'essaierai de transmettre les amendements aux membres de la Commission, de façon à ce que vous ne les découvriez pas juste avant la séance.

Premier sujet : le double régime d'agrément ou d'autorisation des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD). Très technique et complexe, il entraîne des conséquences sur la vie des usagers, des services et des départements. Il eût été plus raisonnable, lors de l'adoption du plan Borloo de développement des services à la personne, en 2005, de ne pas créer cette dualité de régime pour les publics fragiles, et de maintenir ceux-ci dans le système de l'autorisation. Dix ans après, plutôt que de pleurer sur le lait renversé, il faut agir en fonction de l'existant, c'est-à-dire des nombreux emplois concernés et des situations territoriales très disparates. J'ai souhaité aborder ce dossier avec réalisme et pragmatisme, sans position dogmatique par rapport à l'offre de service existante.

Les sénateurs nous ont quelque peu incités à agir. En première lecture, ils ont adopté un régime unique d'autorisation tarifée pour l'ensemble des services d'aide à domicile intervenant auprès de personnes handicapées ou âgées en perte d'autonomie ; chaque structure devrait conclure un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) avec l'autorité de tarification ; le nouveau dispositif serait expérimenté dans trois départements volontaires avant d'être généralisé à l'ensemble du territoire à l'horizon 2021. L'amendement adopté par le Sénat présente l'immense avantage d'ouvrir le débat. Cependant, après avoir consulté tous les spécialistes du sujet, je trouve que cette évolution n'est pas totalement satisfaisante : il n'aura échappé à personne que le fait de passer tous les SAAD en régime d'autorisation tarifée en 2021 comporte un très gros risque inflationniste pour les dépenses des départements.

Sur ce sujet complexe, je veux agir avec responsabilité. Il faut, je le répète, tenir compte de l'existant : plus de 8 000 structures interviennent auprès de publics fragiles ; le secteur emploie près de 450 000 personnes en mode prestataire. Nous devons concilier des exigences en termes d'emploi, de qualité de service, d'accessibilité financière et de structuration territoriale de l'offre, mais aussi de maîtrise des dépenses locales. Compte tenu du nombre de cases à cocher, vous aurez tous compris que la voie est étroite.

Face à la complexité, il serait tentant de ne rien changer à une situation qui perdure depuis des années. Soulignons d'emblée que le statu quo paraît interdit : s'estimant discriminées par les conseils généraux, des entreprises du secteur ont engagé devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) une procédure contentieuse dont l'issue ne fait guère de doute. Indépendamment de ce contentieux, le Gouvernement veut rendre ce secteur d'activité plus lisible et mieux réparti en fonction des besoins et des territoires. Je souhaite donc vous proposer une solution qui n'émane pas de mes seuls services. Comme je m'y étais engagée devant les sénateurs au moment des débats sur leur amendement, j'ai entrepris un travail de concertation réunissant les rapporteurs du projet de loi des deux assemblées, ainsi que les auteurs des rapports d'information sur les services à domicile – Martine Pinville et Bérangère Poletti pour l'Assemblée nationale, Dominique Watrin et Jean-Marie Vanlerenberghe pour le Sénat. Nous avons essayé d'élaborer une réponse collective. Si elle n'a pas été formellement ratifiée, au moins ma proposition ressort-elle d'une discussion avec les spécialistes de ce dossier au Parlement.

Par le biais de mon amendement, je vous propose une évolution progressive et sécurisante, qui permet à la fois de préserver l'emploi et l'existant, et d'enclencher une structuration de l'offre sur les territoires. Il s'agirait de créer un régime unique d'autorisation par les départements, mettant fin au droit d'option entre agrément et autorisation.

Pour quels SAAD ? Je vise les services intervenant en mode prestataire auprès des personnes âgées et des personnes handicapées, comme proposé par le Sénat, mais j'y ajoute, et j'y tiens beaucoup, l'intervention auprès des familles en difficulté dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de l'action sociale des caisses d'allocations familiales (CAF).

Ce régime unique d'autorisation permet d'inscrire les services dans un seul cadre réglementaire, celui du code de l'action sociale et des familles, en tant que service social et médico-social. Il permet aussi de positionner le département, en cohérence avec le recentrage de ses missions sur ses compétences sociales, comme l'acteur impulsant la structuration territoriale de l'offre d'aide à domicile. Afin de maîtriser les dépenses locales, ce régime unique d'autorisation serait sans tarification administrée automatique. Un cahier des charges national, demandé par l'ensemble des fédérations, préciserait les conditions de fonctionnement et d'organisation des services. Il pourrait s'inspirer de l'actuel cahier des charges de l'agrément, bien connu des acteurs.

Les exigences de transparence et d'égalité de traitement entre les structures, quel que soit leur statut juridique, seront garanties par trois moyens : les dispositions relatives au délai d'instruction des dossiers par les départements ; l'accompagnement par l'État, le cas échéant, du suivi de ces demandes ; le positionnement des conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA) chargés de suivre l'évolution de la réforme.

Voilà pour le schéma d'ensemble et l'objectif. Comment y parvenir en préservant au maximum l'existant et les emplois, tout en favorisant à terme une meilleure structuration de l'offre ? J'ai voulu pour cela un dispositif en deux parties.

Pour les quelque 6 000 SAAD agréés au moment de la promulgation de la loi – le « stock » –, le projet prévoit une bascule automatique dans le champ de l'autorisation sans tarification. Deux cas de figure sont alors envisagés. Premier cas : le service peut solliciter, auprès du département, un CPOM l'engageant sur des missions d'intérêt général avec, en contrepartie, une tarification négociée. Cette démarche pourra s'accompagner d'un rapprochement avec un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) dans le but de construire un service polyvalent d'aide et de soins à domicile (SPASAD). L'Agence régionale de santé (ARS) deviendrait alors signataire du CPOM. Deuxième cas : le service peut rester en tarification libre. Pour garantir la qualité et les droits des usagers, une évaluation externe sera obligatoire à la date à laquelle l'agrément aurait pris fin.

Pour les nouvelles installations de services – le « flux » –, le projet prévoit une période transitoire de sept ans pendant laquelle un opérateur peut solliciter une autorisation auprès du département, même en l'absence d'appel à projet.

À travers ce dispositif, nous avons cherché à avoir une approche équilibrée pour l'ensemble des acteurs, en tenant compte des interrogations ou des critiques émises sur le système antérieur, qui portaient notamment sur le manque de transparence des décisions des départements en ce qui concerne les autorisations. Le basculement dans le régime de l'autorisation permet de protéger l'existant. Le marché reste ouvert puisqu'il est possible, pendant sept ans, de demander une autorisation en dehors d'un appel à projet. Les départements conservent la maîtrise des tarifs et de l'organisation de l'offre puisque les services qui basculent directement de l'agrément à l'autorisation pourront demander un CPOM et une tarification.

Ce système permet aussi une meilleure structuration de l'offre sur l'ensemble du territoire, ce qui me paraît extrêmement important. À l'heure actuelle, il existe une quantité de services agréés dans les zones urbaines, au point que l'usager ne sait sur quels critères choisir, tandis qu'il n'y a que des services autorisés dans certains cantons ruraux.

Dans ce paysage très libre, les départements sont dans une situation compliquée puisqu'ils n'ont pas la maîtrise de l'organisation de l'offre. Les représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) m'en faisaient la remarque hier soir, au cours d'un échange que j'avais avec eux. Dans les domaines de l'aide à domicile et des assistantes maternelles, le département est contraint de donner des autorisations et ses propres agréments en parallèle de ceux délivrés par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), sans avoir aucune maîtrise de l'offre ni de l'équilibre entre l'offre et la demande. Le système que nous vous proposons lui permettra d'avoir les outils pour réguler l'offre et couvrir la totalité de son territoire en matière de services d'aide à domicile.

Le deuxième amendement du Gouvernement concerne la création du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), traduction concrète du principe de transversalité adopté par votre assemblée en première lecture. Le Sénat a souhaité revenir au Haut Conseil de l'âge (HCA) qui était prévu dans le texte initial, sur le modèle du Haut Conseil de la famille (HCF). Les acteurs du secteur enfance demandent aussi une structure transversale, qui est d'ailleurs préconisée dans le rapport sur la politique de l'enfance qui a été remis à France Stratégie.

L'idée de voir cohabiter trois hauts conseils sur trois tranches d'âge de la vie ne me convient pas. D'où l'amendement que j'avais déposé l'an dernier, visant à créer un HCFEA organisé en trois sections : une seule structure piloterait tous les sujets transversaux. L'opposition ne me contredira pas si j'affirme que le contexte actuel ne porte pas à multiplier les hauts conseils. En outre, il ne semble pas judicieux de construire des silos par tranche d'âge alors que les problématiques sont parfois très proches. Les aidants peuvent être concernés aussi bien par la politique de l'âge que par celle de la famille. Idem pour l'aide à la parentalité qui relève aussi bien de l'enfance que de la famille. Quant à l'intergénérationnel, il doit trouver une expression et une formalisation dans un Haut Conseil où doivent se rencontrer tous les experts et les acteurs de ces trois moments de l'existence, sachant que la famille dure toute la vie.

Je vous proposerai donc un amendement tendant à rétablir ce HCFEA. Loin d'y être dilué comme le redoutent certains, le HCA s'y trouvera renforcé. Mon amendement préserve aussi les missions de l'actuel Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) qui sera intégré dans le HCFEA où il prendra une tout autre envergure.

Troisième sujet, plus délicat : l'affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA). Par voie d'amendement, les sénateurs ont prévu d'affecter la totalité de cette contribution prélevée sur les retraites à la prévention et l'accompagnement du vieillissement, en établissant des pourcentages bien précis aux différents postes de dépense que la loi viendrait formaliser.

Cette mesure traduit sans doute leur crainte de voir le produit de la CASA détourné de son objet. Mais cette répartition en tuyaux d'orgue empêche d'ajuster les affectations en fonction de la sous-consommation de certaines dépenses, de l'augmentation des besoins ou encore du dynamisme de la recette. Cette mesure ne contribuerait pas à une gestion efficiente de la dépense publique, à l'heure où les pouvoirs publics – l'État comme les collectivités – sont engagés dans une démarche de rationalisation budgétaire.

En outre, la répartition prévue par les sénateurs, notamment à l'article 38, n'est pas opérationnelle. Les fractions de CASA affectées aux trois volets de la réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) – revalorisation des plafonds, réduction de la participation des bénéficiaires, répit et relais de l'aidant – et au soutien du secteur de l'aide à domicile, ne sont pas nécessaires : la réforme de l'APA dans son ensemble et le financement de l'avenant à l'accord de branche « aide à domicile » font l'objet d'un unique concours aux départements.

Madame la rapporteure, je connais votre mobilisation sur ces thèmes que vous ne manquerez pas d'aborder en commission comme en séance.

À l'occasion de cette audition, je souhaite aussi évoquer les sujets qui poursuivront une maturation bénéfique pendant l'été et feront l'objet d'amendements du Gouvernement en séance. Nous devons mettre à profit les deux mois qui séparent l'examen en commission des débats dans l'hémicycle pour formaliser les réflexions des groupes de travail actuellement en place.

Le premier sujet concerne les EHPAD. Un important groupe de travail, réunissant fédérations et représentants d'usagers, a réfléchi à la modernisation du pilotage de ces établissements et à la simplification de leur gestion. Lancé le 9 décembre 2014 et nourri de très nombreuses contributions et d'études d'impact, il a achevé ses travaux le 30 juin dernier.

Cet été, une concertation va s'ouvrir. Elle portera sur la contractualisation et la rénovation du cadre budgétaire, mais également sur l'application de la tarification forfaitaire dans une montée en charge progressive compatible avec nos contraintes financières. Cette tarification forfaitaire est un engagement fort du Gouvernement. Il a été reçu positivement par les fédérations que nous allons consulter avant de rédiger les amendements que nous présenterons en séance. Nous voulons vous proposer un bloc de réformes cohérent. Le concept de tarif socle sera également discuté dans le cadre de cette concertation.

Deuxième sujet : la notion de personne de confiance. Nous devons la préciser en séance, en veillant à ce que sa définition soit la même à chacune de ses occurrences dans les textes législatifs, notamment le code de la famille et de l'action sociale et la future loi portant sur la fin de vie. L'été permettra de procéder à ce travail légistique.

Enfin, je soutiendrai en séance des dispositions relatives aux résidences-senior. Le Gouvernement souhaite conserver la définition introduite par les sénateurs en mars dernier, tout en l'étayant pour assurer la défense de ces consommateurs que sont les résidents de ces structures. Je souhaite, en outre, que cette définition soit suffisamment large pour intégrer tous les modèles de résidences services pour personnes âgées. Tout cela nécessite un travail juridique et une concertation approfondie avec les ministères du logement et de la justice.

Il ne vous aura pas échappé que, pendant l'été, mon cabinet et les services du ministère des affaires sociales vont être particulièrement actifs.

Pour conclure, je tenais à vous dire que le travail mené par votre commission représente une avancée importante pour ce projet de loi. Ce texte fait l'objet d'une attente forte de la part des personnes âgées et de leurs proches, des élus et des professionnels du secteur. Le Premier ministre s'est engagé à ce qu'il soit adopté avant la fin 2015, afin qu'il puisse entrer en vigueur de façon pleine et entière au 1er janvier 2016. Nous avançons et devons mettre à profit ce temps pour l'enrichir de vos contributions mais également pour préparer l'entrée en vigueur de la loi. Je m'y emploie en travaillant, de manière quasi parallèle à la navette parlementaire, à l'élaboration des décrets d'application. Il s'agit de faire en sorte qu'il n'y ait pas un temps de latence trop long entre la promulgation de la loi et celle des décrets.

Considéré comme une priorité par le Gouvernement et le Parlement, ce texte est toujours examiné avec beaucoup de bienveillance, d'attentes. Nous aimerions tous qu'il y ait encore plus d'argent, plus de moyens, plus de sécurisation des départements. Pour autant, dans le contexte budgétaire actuel, il n'est pas négligeable d'affecter plus de 650 millions d'euros supplémentaires à la prise en charge de la perte d'autonomie. À la faveur de ce texte, les départements disposeront de moyens nouveaux et ils verront le taux de compensation de l'État remonter.

La longueur des procédures législatives provoque de l'impatience chez les citoyens, qui ne comprennent pas le décalage entre les annonces faites par la presse de l'adoption d'un projet de loi en conseil des ministres et le temps qu'il faut à la démocratie parlementaire pour le faire aboutir. Comme je suis moi-même impatiente, j'ai souhaité anticiper tout ce qui pouvait l'être, grâce au solde de la CASA de cette année. Celui-ci sera ventilé de la manière suivante : 100 millions d'euros pour alimenter le plan pluriannuel d'aide à l'investissement 2015-2017 ; 25 millions d'euros de concours APA supplémentaires aux départements, pour compenser le coût de la revalorisation salariale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile ; 20 millions d'euros pour l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ; 5 millions d'euros pour abonder les fonds départementaux de compensation du handicap notamment au profit des personnes handicapées vieillissantes ; 4 millions d'euros pour le soutien aux aidants et la préfiguration de la conférence des financeurs ; 2,9 millions d'euros pour la poursuite de la réhabilitation des logements-foyers ; près de 0,5 million d'euros pour l'accueil téléphonique mis en place en parallèle du premier portail d'information.

Surtout, j'ai mis en place un comité de pilotage de préfiguration des conférences des financeurs. Avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), nous avons lancé un appel à projet, et vingt-six départements se sont portés candidats pour mettre immédiatement en place une conférence des financeurs. Un budget de 2,6 millions d'euros a été dévolu à ces vingt-six conférences des financeurs préfigurées. À la fin de l'année 2015, nous pourrons tirer les leçons de cette expérimentation et en faire profiter les autres départements. Le nombre des départements volontaires m'a semblé être un gage de réussite de ces conférences.

Avec ce texte, nous mettrons en place des dispositifs innovants. C'est la raison pour laquelle nous essayons d'anticiper, de les expérimenter avant leur généralisation, dans le délai qui nous sépare de la promulgation de la loi. Comme ils sont innovants, nous n'avons pas une visibilité totale sur leur montée en charge. C'est pourquoi il ne me semble pas raisonnable de suivre les préconisations du Sénat en ce qui concerne l'affectation en pourcentages de la CASA. Ne sachant pas encore comment vont s'effectuer les montées en charge de ces différents dispositifs très innovants, il ne me paraît pas judicieux de les figer pour les années à venir, dès lors que l'on sécurisera les départements sur la partie APA.

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Même si vous nous avez donné beaucoup d'informations, permettez-moi de vous interroger sur deux sujets qui n'ont pas été abordés.

Le premier concerne l'avancée en âge et le vieillissement des personnes en situation de handicap, finalement peu évoqué dans le texte. L'allongement de la durée de vie dans notre pays concerne aussi les personnes qui ont subi un handicap plus ou moins tôt dans leur vie. Avec l'avancée en âge, le handicap peut s'aggraver et même entraîner un accroissement des déficiences antérieures.

De nombreuses personnes sont concernées, de nombreux établissements aussi. D'ailleurs, sur le territoire national, plusieurs projets visent à répondre au vieillissement de personnes handicapées. Des discussions sont engagées avec les gestionnaires d'établissement, les familles et les personnes elles-mêmes. Déjà quelques expérimentations ont permis de constater des résultats positifs sur le plan de l'organisation et du maintien des conditions de vie. Nous devons envisager l'assouplissement et le décloisonnement des enveloppes de financement pour les personnes âgées et les personnes handicapées, afin de permettre la concrétisation de ces projets qui répondent à de vrais besoins, et qui sont le plus souvent initiés par des établissements et services qui accompagnent depuis plusieurs années des personnes en situation de handicap.

Ces initiatives s'inscrivent dans une réflexion plus large sur la politique nationale de l'autonomie qui mérite vraiment d'être soutenue. Pourriez-vous nous donner votre sentiment sur cette approche nouvelle qui va dans le sens de l'accompagnement des parcours de vie ?

Deuxième sujet : la transformation des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en maisons départementales de l'autonomie (MDA). Cette mesure a suscité de nombreux débats au cours des derniers mois, dans le cadre du projet de loi mais aussi au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) que j'ai l'honneur de présider.

Des expérimentations ont permis de retenir des critères de qualité de fonctionnement dans les MDPH, en prévision de leur transformation en MDA. Nous pensons que la CNSA doit pouvoir jouer un rôle essentiel de pilotage et d'accompagnement de ces évolutions. Pouvez-vous nous indiquer comment peut se poursuivre la réflexion sur ce sujet, afin de garantir l'accès au droit et le respect des besoins, tant pour les personnes handicapées que pour les personnes âgées ?

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Je me réjouis des conditions d'examen par le Sénat du texte adopté par l'Assemblée nationale. Les sénateurs ont eu une approche constructive, cherchant à conforter un grand nombre des avancées du projet de loi : ils ont adopté conformes pas moins de vingt-deux articles et ont apporté des précisions utiles à de très nombreux autres. L'Assemblée nationale pourrait donc, à son tour, adopter conformes un grand nombre d'articles, notamment ceux qui portent sur les droits et la protection des personnes âgées.

S'il reste des désaccords, nous devrions pouvoir les surmonter, notamment en trouvant des compromis sur plusieurs dispositions ajoutées par le Sénat.

Le non-recours à la procédure accélérée a permis de donner du temps au temps. La concertation a été approfondie sur des chantiers importants initiés l'an passé mais qui n'étaient pas encore mûrs, je pense en particulier à la refondation du secteur des services de l'aide et de l'accompagnement à domicile. Relever ce défi doit permettre de réduire les inégalités d'accès aux aides humaines et d'offrir un accompagnement de qualité à l'ensemble des publics fragiles. Cela peut être l'un des grands marqueurs de cette réforme.

Cette réforme d'envergure sera également le gage de la bonne utilisation des nouveaux crédits, issus de la CASA, qui vont être affectés à l'amélioration de l'APA.

Madame la secrétaire d'État, vous avez abordé un grand nombre de questions en y apportant des réponses claires. Je vous en remercie. Néanmoins, je voudrais vous faire part des nombreuses interrogations qui persistent, tant chez nos collègues que chez les partenaires et professionnels du secteur, concernant les services à domicile qui font l'objet d'un simple agrément par l'État. Ils ont parfois contribué à faire baisser la tarification appliquée par les départements bien en dessous des coûts occasionnés par l'intervention de personnels convenablement formés et expérimentés.

Si l'intervention de nouveaux acteurs privés répond au principe de la liberté d'entreprendre, une meilleure régulation est manifestement nécessaire. Il est paradoxal, pour ne pas dire inacceptable, de devoir parler aujourd'hui d'une crise du secteur alors que la demande augmente et va continuer à croître au cours des années à venir. À ce propos, qu'en est-il des services mandataires ?

Pourriez-vous préciser le nouveau cadre de régulation envisagé par le Gouvernement ? En quoi va-t-il permettre de pérenniser l'action du monde associatif et d'améliorer l'accompagnement des publics fragiles ? La deuxième lecture doit nous permettre de mener ce chantier à bonne fin, sans doute dès le stade de l'examen en commission.

Nous pourrons également avancer, je l'espère, en ce qui concerne la définition d'une catégorie générique de résidences avec services pour personnes âgées, dénommée « résidences-senior ». Le Sénat a fait une première proposition avec l'article 15 bis A. Nous pourrions progresser afin de définir un cadre juridique viable commun à différents types de structures : les anciens logements-foyers transformés en résidences autonomie par l'article 11 ; les copropriétés avec services consolidées par l'article 15 ; mais également l'ensemble des nouvelles formes de résidences qui se développent en dehors des cadres existants. Un travail interministériel sur le sujet est sur le point de s'achever. Pourriez-vous nous repréciser les intentions du Gouvernement, afin de faire aboutir ce chantier lors de l'examen par notre assemblée en séance publique ?

La deuxième lecture devrait également permettre de progresser en ce qui concerne la tarification applicable au secteur social et médico-social. À ce titre, pourriez-vous nous donner des indications plus précises sur l'état des réflexions quant à une possible refonte de la tarification ? Dans le même ordre d'idée, quelles clarifications souhaitez-vous apporter à la notion de « tarif socle » dont la dénomination est source de difficultés pour les professionnels du secteur ?

Madame la secrétaire d'État, je me réjouis que vous soyez demeurée, tout au long de cette année, à la hauteur de l'ambition forte que notre collègue Michèle Delaunay avait insufflée à ce projet de loi. L'approfondissement de la réflexion a cependant pour conséquence de différer l'entrée en vigueur de certaines mesures très attendues. Aussi, pourriez-vous repréciser le calendrier qui devrait permettre une promulgation de la loi au tout début de l'année prochaine ? Confirmez-vous que vous avez donné instruction ferme à vos services de ne pas différer la prise des nombreuses mesures réglementaires d'application ?

Le calendrier d'adoption du projet de loi va conduire à la mise en réserve de près des trois quarts du produit de la CASA au titre de 2015. Comment cette ressource va-t-elle être utilisée ?

Enfin, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les intentions du Gouvernement sur le positionnement et le rôle du HCA ?

J'ai bien conscience que vous avez déjà formulé de façon extrêmement claire un certain nombre de réponses, mais je pense que la répétition sera utile à notre assemblée.

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Je voudrais réaffirmer notre attachement très fort à ce texte qui suscite à la fois des attentes, des inquiétudes et des impatiences dans notre pays.

Nous avons à relever des défis considérables : la perte d'autonomie, que vous abordez d'une manière satisfaisante, mêlant anticipation et accompagnement ; la question de ce que signifie être une personne âgée aujourd'hui dans notre société, sans forcément l'appréhender de manière négative ; l'enjeu déterminant des dispositifs dédiés aux familles, à l'accompagnement et aux aidants.

Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je me permets de saluer votre méthode : concertation, cheminement, groupes de travail, comités de pilotage. Ce choix, judicieux, compte tenu du grand nombre d'intervenants dans ce domaine du vieillissement, explique en partie la qualité du travail parlementaire. S'il y a autant de concordance entre le travail du Sénat et celui de l'Assemblée nationale, nonobstant quelques facteurs de division, le choix de la méthode n'y est pas étranger. Je tiens aussi à souligner le fait que l'engagement n'est pas purement symbolique : le Gouvernement s'engage de manière déterminante sur le plan financier, même si on peut toujours considérer qu'il devrait faire plus.

Nous soutiendrons, bien évidemment, les amendements que vous souhaitez déposer, madame la secrétaire d'État, même si deux d'entre eux – sur le HCFEA et l'affectation de la CASA – me semblent seulement répondre à l'expression de craintes.

D'aucuns se sont mobilisés au sujet du HCFEA, parce qu'ils redoutent un affaiblissement des politiques de l'âge. Pour ma part, je pense qu'il est indispensable de faire jouer les synergies, en rassemblant au sein d'une même structure les problématiques qui concernent l'âge, la famille et l'enfance. Nous soutenons la création du HCFEA qui chapeautera les trois secteurs.

Venons-en à l'affectation en pourcentages précis de la totalité de la CASA. On sent bien que le choix des sénateurs a été guidé par la crainte que ne se perpétuent les ponctions réalisées par les gouvernements. Nos collègues sénateurs ont considéré qu'il était plus sûr de flécher précisément l'usage de ces fonds. Je comprends leur réaction, mais nous avons besoin de souplesse. Au cours des débats à venir, je souhaite que nous trouvions le moyen de nous assurer que les fonds ne seront pas détournés de leur objectif initial, tout en pouvant être répartis de manière souple entre différentes politiques.

Pour terminer, je vais évoquer quelques amendements que je déposerai au nom de notre groupe. L'un concerne la formation. L'article 39 revenu du Sénat assimile la formation initiale des accompagnants familiaux à celle qui est obligatoirement délivrée avant le premier accueil. Cette vision est trop restrictive, car la formation initiale doit se poursuivre après le début de l'activité. Rappelons que les assistants familiaux effectuent 50 % à 80 % de leur formation initiale en cours d'emploi.

Un deuxième amendement porte sur l'indemnité de mise à disposition de la pièce ou du logement réservé à la personne accueillie. Je crains que la référence introduite par la Sénat ne soit contre-productive et qu'elle ne finisse par nuire au développement, que nous souhaitons tous, de l'accueil familial.

Un troisième amendement tend à rétablir l'indexation de l'indemnité versée sur l'évolution des prix. Cette mesure me paraît on ne peut plus logique.

Enfin, un amendement propose d'adapter le chèque emploi service universel (CESU) afin qu'il puisse être utilisé pour les accueillants familiaux.

Pour résumer notre état d'esprit, nous souhaitons maintenir la dynamique dans laquelle vous avez inscrit ce texte, poursuivre le travail accompli par nos collègues sénateurs, et répondre aux inquiétudes et aux impatiences qu'ont manifestées nos concitoyens.

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Si le vieillissement constitue bien l'un des principaux défis de notre époque, je ne suis pas sûre que ce texte soit vraiment en mesure de le relever.

Les départements versent l'APA à plus de 1,2 million de bénéficiaires pour un montant de plus de 5,5 milliards d'euros. Au niveau national, la dotation globale aux personnes dépendantes représente environ 22 milliards d'euros. Nous discutons de la répartition de la CASA, dont le produit s'est élevé à 645 millions d'euros l'an dernier et qui devrait représenter 710 millions d'euros cette année, selon les chiffres publiés hier par la CNSA. C'est dire combien cette taxe est dynamique !

Le texte nous inspire quelques réflexions sur la forme. Il a fallu une année complète avant d'engager la deuxième lecture du projet de loi, c'est bien long. Or, depuis le 1er avril 2013, les retraités imposables acquittent cette CASA qui est destinée précisément à financer les mesures du projet de loi dont nous discutons. À la fin de cette année, près de 2 milliards d'euros auront ainsi été prélevés pour financer une loi qui n'existe toujours pas à ce jour. Admettez, madame la secrétaire d'État, que cette situation est assez scandaleuse.

De plus, ce texte n'aborde pas le sujet épineux du reste à charge en établissement. Vous avez invoqué un manque de moyens qui nous concerne tous d'ailleurs, que ce soit l'État ou les collectivités. L'ancienne majorité en a souffert aussi en son temps, et nous aurions apprécié un peu plus de compréhension de votre part.

Avant l'adoption de la loi, une partie de la cagnotte CASA aura été utilisée pour combler le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV), même si une fraction de cette ressource est désormais sanctuarisée, après l'intervention du Parlement au sein de la CNSA.

Vous avez promis une adoption définitive du texte avant le 31 décembre prochain, ce qui reste encore possible si nous passons la vitesse supérieure. Néanmoins, à supposer que cette adoption puisse intervenir avant la fin de l'année, une mise en oeuvre effective du texte au 1er janvier 2016 paraît de plus en plus illusoire, et la cagnotte pourrait bien continuer de gonfler après le 31 décembre. On peut donc se réjouir que nos collègues sénateurs aient inscrit le fléchage en pourcentages du produit de la CASA dans le texte, même si l'opération est un peu plus compliquée qu'il n'y paraît.

Quoi qu'il en soit et pour finir avec les questions de forme, je suis sûre que nous aurions pu trouver un juste milieu entre le recours à la procédure accélérée – auquel vous avez bien fait de renoncer – et de tels délais d'examen.

Quelques sujets peuvent faire débat dans ce texte, notamment à la suite de son passage au Sénat. En matière de gouvernance, nous sommes d'accord avec le Sénat, sauf en ce qui concerne le HCFEA. Sur ce point, nous partageons vos soucis d'efficacité, de transversalité et d'économies, madame la secrétaire d'État, et nous pensons que l'heure n'est effectivement pas à la multiplication des structures. Nous l'avions exprimé de cette manière lors de la première lecture.

Venons-en au problème du financement et de l'affectation en pourcentages de la CASA. Ce problème technique, que vous avez su décrire, est encore un peu plus compliqué qu'il n'y paraît. Il était important de raisonner en pourcentages et non pas en valeurs absolues puisque la CASA va augmenter chaque année, du fait qu'un nombre croissant de retraités va s'acquitter de cette taxe. En revanche, à l'intérieur des pourcentages, les conseils départementaux devront pouvoir obtenir une compensation complète, dès le départ, des dépenses supplémentaires qui leur seront demandées.

Il reste un autre sujet épineux, que vous avez aussi décrit, madame la secrétaire d'État : le double régime d'agrément ou d'autorisation des SAAD. L'Europe va nous demander de ne conserver qu'un dispositif. Pourquoi ? Quelques conseils généraux ont eu une attitude discriminante, ne traitant pas de la même manière les services du privé et les services associatifs ou publics. Les services privés ont engagé une procédure devant la CJCE, et ils vont obtenir gain de cause. Or les dispositions que vous nous proposez ne règlent en rien ce problème de discrimination. En outre, elles ne permettront pas aux personnes d'exercer leur libre-choix car, sur certains territoires, les services privés pourraient avoir des difficultés à entrer dans le nouveau système d'autorisation.

Pour terminer, j'apporte mon soutien aux propos de la présidente sur la problématique des personnes handicapées et âgées pour lesquelles nous aurons aussi à trouver des solutions. Le groupe Les Républicains soutiendra vos amendements sur ce sujet.

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Comme nous l'avions dit en première lecture, le groupe écologiste tient à saluer l'initiative gouvernementale visant à préparer notre société à l'enjeu crucial du vieillissement de la population.

Les Français vivent plus vieux, et nous ne pouvons que nous en réjouir. Mais vieillir signifie aussi modifier sa façon de vivre, de se déplacer. Il faut parfois renoncer à la mobilité, à certaines activités socialisantes. La vieillesse implique souvent une dépendance à l'égard des autres, et le rôle des proches aidants devient primordial.

Ce texte apporte de nombreuses réponses à ces problématiques liées au vieillissement. Il tend à favoriser les déplacements, le maintien à domicile, la revalorisation de l'APA ainsi que le soutien aux aidants. Cependant, madame la secrétaire d'État, nous aimerions que vous nous apportiez des réponses concrètes quant aux moyens qui seront alloués par l'État pour la mise en application de cette loi.

Il est souvent des lois pavées de bonnes intentions qui ne trouvent pas de concrétisation dans la vie des Français, faute de moyens pour les appliquer. C'était le cas de la loi sur l'accessibilité de 2005. Nous aimerions avoir les garanties que cette loi ne subira pas le même sort. Il n'est pas raisonnable de voter une loi qui n'a pas les moyens de ses ambitions. Nous souhaitons que le Gouvernement nous apporte des réponses précises sur ce point.

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Quel sera le rôle de l'État dans la prise en charge du handicap par les maisons de l'autonomie, sachant que de nombreux besoins ne sont pas toujours satisfaits, notamment dans le champ de l'enfance handicapée ? Comment continuera-t-il à être le garant de l'égal accès aux droits sur l'ensemble du territoire ?

Vous avez souligné, à juste titre, les difficultés de certains territoires à accéder aux services agréés. Nous devons aussi tenir compte de la spécificité de ce secteur, qui emploie de nombreuses femmes dans des conditions de travail souvent difficiles. Comment assurer ces services à nos concitoyens sur l'ensemble du territoire et dans des conditions acceptables pour les salariés aussi ?

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Du fait de l'augmentation de l'espérance de vie et de la nécessité d'adapter la société au vieillissement de la population, ce texte, qui porte parfaitement son nom, était très attendu. Il ne se passe pas une semaine sans que nous recevions dans nos permanences des familles qui nous interrogent sur le reste à charge, des directeurs d'établissement qui souhaitent une réforme de la tarification et s'inquiètent des situations financières tendues dans les départements qui rendent la réforme de l'APA urgente, mais aussi des responsables de services de soins à domicile qui pointent le manque de moyens nécessaires au maintien le plus longtemps possible des personnes à domicile. Nous souhaitons que ce texte réponde à ces questions concrètes. En outre, l'augmentation du nombre de places en établissement est un véritable enjeu, tout comme leur financement.

Plusieurs acteurs sur le terrain sont concernés, en particulier les agences régionales de santé et les départements. Un important travail de concertation a été réalisé. Ce travail au niveau national sera-t-il décliné à l'échelon local ? Je pense, en effet, important que des mesures soient décidées au niveau des territoires.

Enfin, favorable à la simplification et au regroupement des structures, je pense qu'une organisation du Haut Conseil en trois sections, avec un seul pilotage, est une bonne idée. Ce Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge aura-t-il lui-même des déclinaisons au niveau des territoires ? Car l'expérience montre que les réformes peuvent être menées à bien si elles sont décentralisées.

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S'agissant du fléchage du produit de la CASA, je comprends la position du Gouvernement. Les crédits engagés, notamment en investissements, concernent des opérations dont l'ampleur dépend de la capacité des établissements dans le temps. La préoccupation des parlementaires est tout aussi légitime, et le Sénat a choisi de régler la question de cette manière au regard de l'histoire compliquée de la CASA et des perspectives dynamiques du produit. Pour ma part, je ne comprendrais pas que les hôpitaux qui n'auraient pas engagé la totalité des crédits provenant du fonds de modernisation des établissements ou des mairies se les voient supprimés, alors que les établissements médicosociaux ne seraient pas astreints à la même discipline.

Par conséquent, madame la secrétaire d'État, il serait intéressant que vous apportiez, en séance publique, des éléments sur la façon dont les choses pourraient être mieux régulées, ARS par ARS, autrement dit sur la manière dont les établissements pourraient engager des investissements supposant l'engagement des crédits CASA.

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Je souhaite revenir sur la différenciation entre l'agrément et le régime unique d'autorisation. L'article 32 bis adopté par le Sénat inquiète de nombreuses structures privées d'emploi à domicile et entreprises d'aide aux personnes âgées. Si j'ai bien compris, madame la secrétaire d'État, l'adoption de cet article revient à soumettre à autorisation les structures qui pourront intervenir auprès des personnes âgées, si bien que les personnes âgées qui choisiront des structures non autorisées ne pourront pas bénéficier de l'APA ou de la prestation de compensation du handicap. Le risque est d'exclure toute une série d'entreprises et, ainsi, de détruire des milliers d'emplois. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?

Le titre Ier, relatif à la perte d'autonomie, prévoit de conforter le rôle des services polyvalents de soins et d'aide à domicile, qui regroupent les services d'aide à domicile autorisés et les services de soins à domicile. Le problème réside dans la coordination des soins, car lorsqu'une personne rentre chez elle après une hospitalisation, son médecin traitant n'est pas toujours informé par l'hôpital de son état de santé. La loi de santé apporte une réponse à ce problème. Quel sera le rôle du médecin traitant auprès des services d'aide à domicile autorisés et des services de soins à domicile ? Sera-t-il chargé de coordonner les soins, ce qui me semble difficile compte tenu de sa charge de travail ?

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Je comprends la réaction protectrice des sénateurs s'agissant de la CASA. Je serais tenté de la partager, ayant entendu Mme la secrétaire d'État indiquer, dans un langage que je ne lui connaissais pas, que la gestion efficiente de l'argent public devait permettre, en période de rationalisation budgétaire, d'utiliser ces fonds avec souplesse. En clair, cela signifie que les sommes non utilisées doivent être affectées à autre chose, donc au budget général de l'État. Il faut appeler un chat un chat !

Pour ma part, je souhaite que ces sommes soient protégées et fléchées vers la prise en charge des personnes dépendantes. Peut-être les garanties sénatoriales vous paraissent-elles trop vigoureuses : trouvons-en d'autres, mais ne laissons pas détourner ces sommes. Sinon, ce que l'on a connu par le passé ne manquera pas de se reproduire.

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Ce projet de loi mérite toute notre attention, tant le défi est important. Nous constatons chaque jour les besoins sur le terrain, en termes d'habitat, de transport, de maintien à domicile, mais aussi de coût, difficile à supporter par les personnes âgées et les familles.

Ce texte permet quelques évolutions sur les droits individuels des personnes âgées et leur protection, la revalorisation et l'amélioration de l'APA, la refondation de l'aide à domicile – certes avec la conclusion des CPOM, mais on comprend la complexité de la mise en oeuvre d'un régime unique d'autorisation des services d'aide et d'accompagnement à domicile. Il comporte également des dispositions importantes sur le soutien et la valorisation des aidants et le droit au répit, sur la coordination gérontologique, dont on voit la nécessité sur le terrain tous les jours, sur la clarification des règles relatives au tarif d'hébergement en EHPAD, et enfin sur l'amélioration de l'offre sociale et médicosociale sur le territoire.

Toutefois, ce projet de loi n'apporte pas de réponse au problème majeur du reste à charge supporté par les familles pour leurs proches dépendants accueillis en établissement. C'est un sujet récurrent, auquel nous sommes confrontés quotidiennement dans nos communes. Le texte n'aborde pas non plus la question du financement de la prise en charge de la dépendance, alors même que la charge supportée par les départements va s'accroître. Par conséquent, nous attendons une vraie réforme du financement de la dépendance, madame la secrétaire d'État. Sans véritables moyens, les mesures sur la gouvernance des politiques de l'autonomie ne résoudront rien. Ces moyens doivent être maîtrisés et sécurisés. Les personnes âgées et les familles attendent des décisions en ce sens, car la situation actuelle ne peut perdurer.

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Un très gros organisme social de notre pays, PRO BTP, a eu l'idée géniale de créer des villages vacances avec accompagnement médicosocial qui permettent de régler le problème du répit et le casse-tête chinois de la rupture des vacances. Grâce à cette formule, la famille et la personne aidée passent leurs vacances sur le même site : chacun vaque à ses occupations et la personne aidée est prise en charge.

Ce type de structure doit être développé. Un tel projet est au coeur des politiques publiques de l'autonomie, mais gouvernement après gouvernement, il se heurte au mur du financement. S'il n'est pas rendu possible par le projet de loi que vous portez, nous passerons à côté d'une réelle avancée !

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Je ne dirai pas tout le mal que je pense de la création d'un énième comité – le Haut Conseil de l'âge ; nous y reviendrons sans doute lors de l'examen des amendements.

L'article 28 sexies prévoit la remise d'un rapport au Parlement par le Gouvernement. Même s'il faut éviter à tout prix les rapports, celui-ci pose une vraie question. De nombreuses personnes handicapées percevant l'allocation pour adulte handicapé (AAH) perdent totalement ou partiellement le bénéfice de celle-ci lorsque, atteignant l'âge légal de départ en retraite, elles deviennent allocataires de l'ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées). Or ce changement leur est parfois défavorable, l'ASPA étant moins adaptée à leurs besoins spécifiques. Partant de ce constat, la demande de rapport suggère, dans la droite ligne de la loi de 2005, d'instaurer un droit d'option entre le maintien de l'AAH et le passage à l'ASPA. J'ai cru comprendre que la rapporteure souhaitait la suppression de cet article, et j'en suis étonné dans la mesure où le Gouvernement s'en était remis à la sagesse du Sénat.

Madame la secrétaire d'État, sans qu'il y ait besoin d'un rapport, pouvez-vous indiquer à la Commission ce que vous comptez faire de cette idée ?

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Les résidences autonomie constituent une réponse intéressante, à la fois du point de vue de la prise en charge et de l'innovation que constitue leur dimension intergénérationnelle, pour faciliter le bien vieillir et le bien vivre-ensemble. Notre société a tendance à isoler, à cloisonner chaque génération ; ce dispositif mérite tout notre soutien eu égard à son humanité.

Pour avoir initié un tel établissement dans ma commune, je peux dire que le succès dépend du projet social. Le fonctionnement de ce type d'établissement est lourd et nécessite des moyens pour assurer des animations différentes de celles que l'on peut trouver dans des structures traditionnelles. Il faut, en outre, éviter la juxtaposition des résidents, qui ne vivent pas tous au même rythme, n'ont pas le même niveau de ressources, en cherchant un équilibre entre les différentes populations accueillies. Quels moyens financiers seront octroyés à ces structures pour accueillir d'autres résidents que les aînés ?

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Nos aînés souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile. Or il existe un décalage entre le discours empreint de bonnes intentions et la réalité sur le terrain. D'abord, l'adaptation des logements n'est pas suffisamment développée, non plus que son financement.

En outre, les services d'aide à domicile sont malmenés, sans compter que le financement des heures d'aide à domicile par les caisses de retraite est en diminution.

Enfin, nous ne nous inspirons pas suffisamment des pratiques à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, où des actions très innovantes permettent aux aînés de rester à domicile.

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L'adaptation de la société au vieillissement en outre-mer renvoie à des problématiques spécifiques, totalement ignorées par ce projet de loi. Je ne peux que regretter une telle absence dans un projet de loi d'orientation et de programmation. Pourtant, le rapport du Conseil économique, social et environnemental de juin 2011 souligne la gravité de la situation dans les collectivités outre-mer.

En premier lieu, à l'horizon 2040, la population des personnes âgées de quatre-vingts ans et plus sera multipliée par 3,5 en Martinique, 3,7 en Guadeloupe, 4,8 à la Réunion et 7,7 en Guyane, contre 2,3 en France. Ces progressions plus fortes que dans l'hexagone auront nécessairement des impacts importants sur nos territoires.

En deuxième lieu, l'apparition d'incapacités est nettement plus précoce en outre-mer que dans l'hexagone, du fait de la précarité des conditions de vie et de travail.

En troisième lieu, les taux d'équipements et l'offre de soins sont très nettement inférieurs outre-mer.

Toutes ces spécificités mettent en évidence l'urgente nécessité de politiques publiques ciblées et enfin efficientes dans les territoires ultramarins.

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L'excellent rapport d'information sur la mise en oeuvre des missions de la CNSA a fait le constat d'une méconnaissance abyssale des coûts de gestion de l'ensemble des structures médicosociales. Aussi le projet de loi devrait-il s'intéresser à la collecte des données sur les coûts de gestion de tous ces établissements médicosociaux, dont la vocation est de prendre en charge les problématiques traitées dans ce texte. Cela permettrait de rationaliser l'action publique, sur le plan de l'investissement comme du fonctionnement, dans le cadre de stratégies à court, moyen et long termes, mais aussi de mener une évaluation plus fine du patrimoine des établissements et services médico-sociaux.

(M. Christian Hutin remplace Mme Martine Carrillon-Couvreur à la présidence)

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Laurence Rossignol, secrétaire d'état chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

La maison départementale de l'autonomie (MDA) n'est pas une nouvelle personne morale ; elle se substituera à la MDPH pourvu que la commission exécutive de celle-ci le souhaite, après avis du conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie. La MDA est donc facultative, et ce processus sécurise l'évolution des MDPH.

S'agissant des personnes handicapées vieillissantes, je voudrais vous dire deux choses. D'abord, un amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale prévoit la remise d'un rapport sur la barrière d'âge dans les six mois suivant l'adoption de la loi. Nous n'avons, en effet, aucune visibilité budgétaire en la matière.

Ensuite, les initiatives de gestionnaires d'établissement pour accueillir des personnes handicapées vieillissantes se multiplient. Cet accueil, intégré dans les EHPAD, suppose un portage du projet. Le groupe de travail EHPAD étudie les modalités de financement de ce type d'organisation. Depuis 2005, la circulaire budgétaire engage les ARS à soutenir financièrement les initiatives locales en ce sens, sur la base des recommandations de bonnes pratiques publiées par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicosociaux (ANESM). Ainsi, l'accueil des personnes handicapées vieillissantes dans les EHPAD mobilise à la fois les gestionnaires et les pouvoirs publics pour inventer de nouveaux projets.

En tout état de cause, la question de la prise en charge du vieillissement à l'avenir est posée à notre société. Certes, le reste à charge est élevé, mais le coût est lui-même élevé, même dans les établissements publics qui s'efforcent de proposer des tarifs proches des budgets des résidents. Pour tout dire, si les établissements publics parviennent à baisser de manière significative les coûts, c'est en raison d'un niveau de subvention exceptionnel. Dans tous les cas, les coûts baissent grâce à l'argent public qui permet de réduire le reste à charge ! Il n'y a pas de magie pour réduire les tarifs dans les EHPAD. Des solutions pérennes à un sujet durable impliquent une large réflexion portant à la fois sur la prise en charge collective du vieillissement, et sur les parts respectives du financement socialisé et du financement individuel. L'état des finances publiques aujourd'hui ne permet pas de couvrir les besoins de financement nouveaux liés au vieillissement de la population. Pour autant, les 21 à 23 milliards d'euros de dépense annuelle publique engagés pour prendre en charge les pertes d'autonomie est tout à fait significative. La planification des besoins est assurée : en 2018, 15 000 lits supplémentaires seront ouverts en EHPAD. Gardons-nous du catastrophisme et portons un regard lucide sur la situation.

Le coût de l'accompagnement à domicile le plus longtemps possible, que privilégie également le projet de loi, est aussi très élevé. Je comprends l'inquiétude des départements, qui souhaitent voir sécurisées les dépenses nouvelles qu'ils vont engager. Mais le texte tel qu'il sera adopté en septembre permettra de sécuriser, grâce à l'instauration d'un pourcentage, la part affectée à la revalorisation de l'APA. Le dynamisme de la recette CASA sera donc répercuté sur la partie relevant de la réforme de l'APA. Ainsi, les choses sont claires pour les départements.

Madame Le Callennec, les CDCA se substitueront aux CODERPA (comités départementaux des retraités et personnes âgées). En revanche, j'ignore encore comment les trois composantes du Haut Conseil – famille, enfance et âge – seront déclinées au niveau départemental. Le niveau régional n'est pas adapté dans la mesure où les régions vont être grandes et qu'elles disposent d'un conseil économique, social et environnemental. Le niveau départemental se justifie puisqu'il s'agit de politiques conduites par le département. Il faudra également étudier la façon dont les CDCA, à partir de la structure nationale, s'empareront des autres champs.

Les travaux du groupe de travail EHPAD se sont achevés le 30 juin. La concertation conduite durant l'été portera sur les CPOM et le soin, sur la question des tarifications forfaitaires au regard de la montée en charge progressive compatible avec les contraintes financières. L'ADF a fait des propositions sur la dépendance et l'hébergement, qui figureront au menu de la concertation cet été. Sur le socle de prestations, un amendement à venir au mois de septembre prévoit de remplacer la dénomination « tarif socle » par celle de « prix socle ». Pour autant, nous continuons à discuter fermement avec les établissements pour faire la transparence sur ces fameux prix. Car, à défaut de réduire le reste à charge, nous voulons permettre aux résidents de choisir leur établissement en fonction d'un panier de services clairement identifié, dans un contexte de grande opacité des tarifs des établissements.

Madame Bouziane-Laroussi, l'État aura la même place dans les MDA que dans les MDPH.

Monsieur Nilor, ce projet de loi s'appliquera également dans les DOM ; des mesures spécifiques ne sont donc pas nécessaires. Si l'APA vient d'être mise en place à Mayotte, les dispositifs sociaux sont appliqués dans les DOM, où les conseils départementaux sont très mobilisés.

Monsieur Lurton, l'APA est déjà versée aux personnes utilisant les services d'une structure agréée, et le recours à une structure autorisée n'est pas une condition pour en bénéficier. Une fois la loi promulguée, toutes les structures seront autorisées, puisque tous les agréments basculeront vers l'autorisation. Par conséquent, tous les usagers continueront de bénéficier de l'APA dans les mêmes conditions. Ce n'est pas ce point qui cause souci.

Ce qui suscite de l'inquiétude, c'est plutôt la question du libre-choix. Parfois, il n'existe pas ; une seule structure est présente, en général une association qui couvre les cantons les plus reculés et les plus enneigés. Mais lorsque de multiples structures agréées interviennent dans la même commune, comme dans certaines villes de la banlieue parisienne, trop d'offre tue la capacité de choix. Mon point de vue est que, à terme, les départements vont reprendre la main sur l'organisation de l'offre, en appelant la candidature de plusieurs structures pour personnes âgées dans des territoires moins faciles d'accès afin d'assurer un réel libre-choix. Nous avons commencé à réfléchir à une intervention de la DIRECCTE. En tout état de cause, les départements, conformément au principe de libre administration des collectivités territoriales, prennent leurs décisions dans le respect de la loi.

Enfin, monsieur Morange, plusieurs enquêtes et études de coût en cours portent à la fois sur les EHPAD et les services d'aide et d'accompagnement à domicile. Ces études permettront de connaître et de décomposer les différentes charges des établissements et des services. Cette question stratégique doit être résolue en bonne intelligence avec les gestionnaires, c'est-à-dire dans le cadre d'un travail coopératif. Sur les SAAD, la remise du rapport est prévue en septembre 2015. Sur les EHPAD, des enquêtes de coût ont été remises en 2014 et en 2015, et une autre est prévue pour 2016.

La Commission des affaires sociales procède ensuite à l'examen du rapport d'information de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur la dette des établissements publics de santé (Mme Gisèle Biémouret, rapporteure).

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À la demande de son précédent coprésident, représentant la majorité, M. Jean-Marc Germain, la MECSS s'est saisie du sujet de la dette des hôpitaux publics. Elle a travaillé à partir d'une communication de la Cour des comptes demandée par la commission des affaires sociales en application de l'article L.O. 132-3-1 du code de la sécurité sociale. Ce document remis par la Cour des comptes en avril 2014 a été présenté devant notre commission le 8 octobre dernier. Cette étude témoigne, une fois encore, du caractère fructueux de l'assistance apportée par la Cour au Parlement dans sa mission constitutionnelle de contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale et d'évaluation des politiques publiques prévu par l'article 47-2 de la Constitution.

La MECSS s'est ensuite réunie régulièrement sur ce thème entre la fin du mois de novembre 2014 et le 1er juillet 2015, date à laquelle ses conclusions ont été discutées avec les représentants de la Cour des comptes. Elle a adopté hier, à l'unanimité, le projet de rapport d'information que Mme Biémouret va nous présenter.

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Après plusieurs mois de travaux, je vous présente aujourd'hui les conclusions de mon rapport d'information sur le thème de l'endettement hospitalier. La Cour des comptes a été sollicitée pour apporter son expertise. Sa communication sur l'endettement des établissements de santé se situe dans le prolongement des travaux qu'elle a menés sur les emprunts toxiques contractés par les collectivités locales, et sur son analyse de la faillite de Dexia.

Avant de parler des principaux constats de la Cour des comptes et des travaux de la MECSS sur des questions financières très techniques, j'évoquerai les moyens de conforter les hôpitaux publics dans leur mission alors qu'ils connaissent une situation financière et un endettement très préoccupants.

Au cours de mes déplacements en région, j'ai été frappée par le pragmatisme des équipes pour réussir à soigner tous les patients sans aucune sélection des risques, tout en faisant le maximum pour que les établissements continuent à se moderniser. Les choix au quotidien sont parfois douloureux. Ce constat a conforté mon souci de soutenir l'hôpital public, qui présente la spécificité de devoir relever sans cesse le défi d'être à la fois un service à la pointe de la médecine et un lieu où l'on accueille n'importe quel patient, fût-il en situation précaire et sans couverture sociale. Il faut reconnaître à l'hôpital public cette force de savoir concilier les contraintes contradictoires auxquelles il est soumis.

Mes déplacements m'ont aussi permis de rencontrer des équipes qui, tout en traversant des périodes de crise parfois très graves, ont réussi à poursuivre leur mission. J'ai entendu des inquiétudes sur les risques d'obsolescence de l'hôpital public qui, incapable de financer des équipements de pointe, perd des praticiens, découragés de devoir se battre au quotidien pour avoir les moyens d'offrir une médecine de qualité. Des choix importants doivent être faits pour financer la modernisation hospitalière et éviter que le poids de la dette ne compromette le futur, tant il est vrai qu'endettement et financement des investissements sont étroitement liés.

Longtemps, l'endettement hospitalier n'a pas été un sujet de préoccupation, car l'idée prévalait que les pouvoirs publics devaient dégager les moyens pour moderniser l'hôpital public. Depuis 2009, le niveau d'endettement de celui-ci et les dangers présentés par les emprunts structurés dits « toxiques » très concentrés sur certains établissements ont fait l'objet d'une prise de conscience. La Cour des comptes a donné des repères chiffrés très parlants : de 2003 à 2012, la dette hospitalière a triplé, passant de 9,8 milliards d'euros courants à 29,3 milliards. Elle a encore progressé d'un milliard d'euros en 2013. Durant une période particulièrement dynamique entre 2006 et 2009, elle a crû en moyenne de 16 % par an. Ce rythme s'est sensiblement infléchi, revenant à une hausse moyenne annuelle de l'ordre de 10 % dans les années récentes, et de 6 % aujourd'hui. Deux raisons expliquent cet emballement jusqu'en 2009.

La première est l'effort d'investissement considérable auquel les hôpitaux ont été appelés dans le cadre des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, qui ont couvert respectivement les périodes 2002-2007 puis 2007-2012. Ces deux plans, qui répondaient à un besoin de modernisation des hôpitaux publics, ont été financés non par des apports en capital ou par des subventions, comme prévu initialement, mais de plus en plus largement par des appels à l'emprunt, des dotations de l'assurance maladie couvrant les charges d'intérêts. Ces plans se sont caractérisés par une relance considérable des investissements hospitaliers qui sont passés de 3,6 milliards d'euros en 2003 à 6,7 milliards en 2009, puis à plus de 6 milliards en 2010 et en 2011, avant de revenir à 5 milliards annuels en 2012 et 2013.

Ce dynamisme de l'investissement hospitalier a été entretenu par l'abondance des projets présentés par les établissements eux-mêmes. Les risques d'un recours massif à l'emprunt ont été ignorés. La période était à l'optimisme, car le regain d'activité des hôpitaux était source de recettes supplémentaires et devait permettre de rembourser ces emprunts.

La seconde raison de l'emballement constaté a été le désarmement progressif des contrôles de l'administration des stratégies de dette des hôpitaux. Jusqu'en 2005, ces derniers devaient soumettre leurs emprunts à leur conseil d'administration, donnant à l'agence régionale d'hospitalisation (ARH), saisie des délibérations du conseil d'administration, la possibilité de réagir. Or une ordonnance de 2005 a modifié ce régime en donnant davantage de latitude aux établissements dans la souscription de leurs emprunts. La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) du 21 juillet 2009 a encore élargi cette marge d'autonomie en donnant aux directeurs des hôpitaux une compétence pleine et entière en la matière.

La perspective d'un surcroît d'activité lié à l'entrée en vigueur de la tarification à l'activité (T2A) a facilité le recours à l'emprunt. La Cour des comptes a souligné qu'à de nombreuses reprises, les choix d'investissement n'avaient pas été guidés par un souci d'efficience et que l'on avait construit des établissements surdimensionnés par rapport à la réalité de leur activité. Les pouvoirs publics ont réagi tardivement, et la crise financière a révélé les risques des emprunts structurés qui paraissaient à court terme intéressants.

Un décret a été pris à l'automne 2011 pour soumettre à autorisation d'emprunt les établissements les plus endettés ; il ne permet toutefois de réguler qu'une partie de l'appel à l'emprunt, car cette contrainte ne s'exerce que sur les établissements surendettés.

Le niveau d'endettement des établissements publics de santé est devenu critique. Le taux d'endettement, à savoir l'encours de la dette sur le total des produits d'activité, a lui-même doublé en dix ans et avoisine 40 %. Cet endettement élevé compromet le financement des investissements courants de renouvellement des équipements. La part des emprunts toxiques aggrave le phénomène d'endettement, mais il faut bien garder à l'esprit que le taux d'endettement global est trop élevé.

Dans un climat de concurrence exacerbée, les établissements de crédit ont sollicité les hôpitaux pour qu'ils souscrivent des emprunts sophistiqués avec, dans un premier temps, une phase de taux d'intérêt très bas mais, dans un second temps, une indexation les exposant à des risques considérables. Selon l'estimation de la Cour des comptes, les emprunts à risque élevé représentent 2,5 milliards d'euros dans l'encours des dettes hospitalières, soit 9 % de l'encours total des emprunts. Les emprunts particulièrement délétères, dits « hors charte Gissler », représentent, pour leur part, 1 milliard d'euros, soit 4 % des encours. Ces emprunts structurés sont d'autant plus dangereux qu'ils sont concentrés sur un nombre limité d'établissements. Une centaine d'entre eux sont très fortement « chargés » en emprunts toxiques : certains sont de grande taille, comme le centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Étienne, d'autres sont bien plus modestes, comme le centre hospitalier intercommunal de Montreuil.

La Cour des comptes a estimé que le coût de sortie des emprunts structurés, c'est-à-dire le rachat des options liées à ces emprunts toxiques, représente, en cas de remboursement anticipé, une dépense de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, dont 1 milliard pour certains emprunts parmi les plus risqués. Cette somme ne tient pas compte de l'effet du renchérissement du franc suisse, qui a considérablement fait augmenter le montant des indemnités de remboursement anticipé.

Au début de la crise, certains établissements avaient des difficultés à continuer d'emprunter ou même à obtenir des lignes de trésorerie. Cette situation a été en partie palliée par la montée en puissance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui a dégagé des enveloppes de crédits en faveur des établissements publics de santé, sous réserve que ces crédits soient d'une durée assez longue.

Les premières mesures décidées par le Gouvernement doivent être saluées, mais il faut aller plus loin pour parvenir à désendetter les établissements tout en trouvant des moyens plus diversifiés de financer les investissements.

Les premières mesures adoptées en urgence visant à rendre plus difficile le recours à l'emprunt en le soumettant à une autorisation préalable des agences régionales de santé (ARS) et à interdire la souscription de produits dérivés doivent être confortées. Un amendement en ce sens a d'ores et déjà été adopté dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, à l'initiative des deux coprésidents de la MECSS, pour interdire les emprunts en devises et encadrer au niveau législatif les emprunts à taux variable.

Certaines mesures doivent être adoptées d'urgence afin de sortir des emprunts toxiques. À court terme, il faut accélérer la mise en place effective du dispositif de désensibilisation des emprunts toxiques, dont la dotation devrait être majorée suite à l'aggravation de la situation financière des hôpitaux causée par le renchérissement du franc suisse. Le Gouvernement a annoncé que la dotation serait portée à 400 millions d'euros et que le deuxième volet serait financé par une nouvelle majoration du taux de la taxe de risque systémique payée par les banques. Or celle-ci nécessite une modification législative, qui ne devrait intervenir qu'en fin d'année dans le cadre de la loi de finances. Je trouve dommage que ce deuxième volet ne soit pas opérationnel avant, et je m'interroge sur le dimensionnement du dispositif : la somme de 400 millions d'euros sera insuffisante, ce qui conduira des établissements de taille moyenne à être écartés du dispositif alors que leurs capacités de négociation avec les banques sont faibles.

Parmi nos recommandations, nous indiquons qu'il faut que tous les établissements mènent une stratégie collective homogène de sortie des emprunts toxiques. Les ARS doivent convaincre les directeurs réticents de se désengager, même si certains emprunts toxiques présentent encore des taux favorables. Le risque potentiel est trop grand, et seule une stratégie d'ensemble permettra une démarche globale cohérente et fiable.

Nous demandons aussi qu'un point soit clarifié : les établissements de crédit peuvent-ils opposer aux hôpitaux publics le respect du taux de l'usure dans leurs renégociations de prêt pour passer à des taux fixes ? À titre conservatoire, nous souhaitons que les établissements bancaires écrêtent au niveau du taux de l'usure les taux d'intérêt fixes qu'ils proposent pour sortir des emprunts toxiques.

Enfin, et cette préconisation sera la plus difficile à mettre en oeuvre, il faut que les pouvoirs publics engagent une négociation avec les établissements bancaires, pour que ces derniers renoncent collectivement à la perception de la totalité ou de la majeure partie des indemnités de sortie des emprunts toxiques. Cette renonciation serait négociée au cas par cas et prendrait la forme d'une transaction avec les établissements emprunteurs. Cela permettrait de partager équitablement le coût de la sortie de ces emprunts car, jusqu'à présent, les banques y ont contribué faiblement malgré leur participation au dispositif de soutien.

Nous devons regarder vers l'avenir. Seule une démarche de négociation globale permettra de sortir rapidement de cette crise et de rétablir la confiance entre hôpitaux et établissements bancaires.

Nous recommandons de réfléchir à de nouvelles formes de financement des investissements. La Mission a entendu de multiples spécialistes qui ont surtout montré la complexité des mécanismes et la nécessité de stabiliser les règles du jeu. Ces dernières années, les modifications des règles de la T2A, l'instabilité des tarifs, ou encore l'évolution très contraignante de l'ONDAM ont profondément déstabilisé les directeurs hospitaliers. Les tarifs doivent, par ailleurs, intégrer le financement de la dotation aux amortissements pour permettre de réaliser les investissements courants.

Pour acter cet objectif de stabilité, la démarche contractuelle doit être renforcée : en contrepartie d'engagements sur des objectifs de productivité ou d'amélioration de l'offre de soins, les hôpitaux doivent disposer d'une visibilité d'au moins trois ans sur les aides à l'investissement dont ils peuvent effectivement bénéficier.

La spécificité des petits établissements contribuant à l'aménagement du territoire doit être réaffirmée, et leur mode de financement doit être adapté, comme cela vient d'être décidé dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

En raison de la crise des emprunts toxiques, les corps de contrôle, tels que l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ou l'Inspection générale des finances (IGF), qui sont chargés de réfléchir à l'évolution des modes de financement de l'hôpital, semblent aujourd'hui peu enclins à des solutions innovantes. Il faut pourtant diversifier les modes de financement en s'inspirant notamment de bonnes pratiques locales. On doit se féliciter que les gros établissements aient été autorisés à émettre des billets de trésorerie.

Il faut aller plus loin et prévoir, par exemple, de mutualiser certaines fonctions ou compétences pour gagner en force de négociation financière. Les établissements constituant un groupement hospitalier de territoire (GHT) doivent pouvoir décider de gérer de manière commune certains aspects de leur politique d'endettement et de trésorerie afin de disposer d'une masse critique plus importante pour accéder aux marchés financiers et négocier avec les banques.

Les auditions ont révélé que les directeurs d'hôpitaux et les cadres des ARS devaient renforcer leurs compétences en gestion financière, aussi bien lors de leur formation initiale que dans le cadre de la formation continue. Il faut inciter à la constitution de groupes de travail entre pairs pour partager les bonnes pratiques et accroître ainsi l'expertise des équipes de direction. Le Centre national de gestion de la fonction publique hospitalière (CNG) et l'École des hautes études en santé publique (EHESP) doivent renforcer leur coopération pour mettre sur pied des formations vraiment proches des problématiques de terrain. Nous recommandons également de développer la pratique du coaching individuel, notamment pour les fonctions les plus délicates des directeurs, et de mieux anticiper certains recrutements, notamment à l'issue des périodes d'administration provisoire, pour susciter des candidatures et assurer que le candidat retenu sera accompagné par un coach ou des référents expérimentés.

Pour répondre à la crise financière des emprunts toxiques, de gros efforts ont été faits pour rationaliser les critères d'investissement et évaluer la pertinence des projets. À ce titre, la mise en place du Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (COPERMO) doit être saluée. Cette cellule interministérielle qui instruit les demandes d'aides à l'investissement de plus de 50 millions d'euros a mené un long travail d'instruction des dossiers. Cette procédure manque de transparence. C'est dommage, car il faudrait diffuser les enseignements tirés de l'instruction des dossiers d'investissement présentés.

Il est urgent de trouver une solution équitable pour sortir des emprunts toxiques et des solutions pour diversifier le financement des investissements qui ne peuvent pas seulement reposer sur des emprunts bancaires.

Ce rapport d'information aura aussi le mérite de poser des questions essentielles et pressantes qui sont cependant souvent éludées. Le réseau hospitalier n'est-il pas surabondant ? Ne faut-il pas clairement hiérarchiser les équipements des hôpitaux pour constituer un réseau de soins avec des hôpitaux de proximité, des établissements généralistes et des établissements de haute technicité ?

Il faut aussi changer de regard et éviter de penser à des établissements toujours plus grands alors que la qualité passe aujourd'hui plutôt par des plateaux techniques modernes mais utilisés de manière continue avec des patients rapidement réorientés vers un parcours de soins extra-hospitalier. L'hôpital public doit se moderniser tout en gardant sa vocation d'hôpital de référence pour les techniques de pointe mais aussi d'hôpital ouvert à tous les patients, même sinon surtout les plus vulnérables.

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Je félicite la rapporteure et la coprésidente Gisèle Biémouret qui a acquis très rapidement la maîtrise d'un sujet extrêmement complexe, et je remercie les administrateurs qui ont accompli un travail remarquable.

En lançant la MECSS sur le sujet de la dette des hôpitaux, notre collègue Jean-Marc Germain était tout particulièrement préoccupé par l'explosion de cette dette dont le volume a triplé au cours des dix dernières années. Une partie de ces montants, certes mineure, même s'il s'agit tout de même d'un milliard d'euros, est qualifiée par Mme Biémouret « d'emprunts particulièrement délétères ». En ce qui les concerne, le déplafonnement de la parité du franc helvétique et l'actualité récente en Grèce n'ont fait que rendre la situation plus instable et les négociations avec les banques plus aléatoires.

L'analyse en silo vertical des charges d'emprunts liées à des investissements qui répondaient à la volonté de moderniser un parc hospitalier commençant à devenir obsolète dans les années 90 doit désormais être intégrée dans une vision plus horizontale qui tienne compte de la réorganisation de notre offre de soins et d'une meilleure connaissance du patrimoine et des coûts de fonctionnement des hôpitaux.

Lors d'une table ronde assez « sensible » réunissant des interlocuteurs des milieux bancaires, la MECSS a rappelé que la responsabilité des directeurs d'établissement hospitalier ayant contracté des prêts structurés était partagée, non seulement avec les autorités de tutelle comme les ARS, mais aussi avec les banques qui avaient proposé les prêts en question. Ces mêmes banques avaient été bien aises, lors de la crise de 2008, de voir d'une certaine manière les travailleurs français apporter leur caution pour éviter l'effondrement d'un système financier déstabilisé par la totale déconnexion de l'économie financière virtuelle et de l'économie de production. J'ai également rappelé à ces banquiers que leurs établissements avaient absorbé une bonne partie des emprunts toxiques de la Grèce. À tout le moins, on pourrait leur demander de consentir un effort similaire en faveur de nos concitoyens et des établissements de soins qui prennent en charge la santé des travailleurs qui participent à la création des richesses.

Enfin, la situation financière actuelle, qui résulte d'une politique monétaire très souple de la Banque centrale européenne (BCE), permet l'octroi de prêts à des taux historiquement bas. Ce sont autant d'opportunités pour les établissements hospitaliers de sortir de situations difficiles qui se traduisent de manière extrêmement concrète. L'asphyxie financière pour un hôpital, ce sont des pompes à morphine, des scanners, des réanimateurs et des infirmières en moins, et, hélas, peut-être aussi des décès en plus qui auraient pu être évités avec plus de moyens. Les institutions bancaires ont donc une responsabilité morale. C'est la raison pour laquelle elles doivent entendre l'exigence des représentants de la Nation que les pénalités de sortie des emprunts toxiques soient annulées.

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Le sujet est délicat, explosif même. Dans cette situation, quelle est la part du conjoncturel et quelle est celle du structurel ?

On peut imputer au conjoncturel le défaut d'investissements qui a prévalu durant de très nombreuses années, qui a nécessité d'engager les plans Hôpital 2007 puis Hôpital 2012. Sans aucune acrimonie, je souligne que ces plans ont laissé les établissements chercher seuls des financements, ce qui s'est majoritairement traduit par un recours à l'emprunt. Nous ne pouvons pas faire aujourd'hui comme si nous découvrions la situation dans laquelle nous avons nous-mêmes placé les hôpitaux. Concomitamment, la crise financière, qui a rendu totalement incertains les montages financiers construits par les équipes des centres hospitaliers, a également constitué un facteur conjoncturel.

Au-delà de ces réalités, des éléments structurels entrent aussi en jeu sur lesquels il est indispensable de s'interroger. Très sincèrement, peut-on demander à des gestionnaires d'établissement de travailler sérieusement sur la base d'un principe de tarification qui n'est toujours pas stabilisé, ou de répondre aux demandes formulées par l'État via les ARS alors que les participations financières correspondantes ne suivent pas ? Quel système hospitalier public voulons-nous en France, et qu'est-ce que cela signifie en termes d'organisation pour l'État et la sécurité sociale ?

Tenter d'établir un équilibre financier sur la base d'une tarification qui ne repose que sur l'activité ne peut que poser des problèmes. Cela conduit à faire des choix plus ou moins avoués d'activité, ce qui n'est pas acceptable pour un établissement public, et à pratiquer des tarifs fluctuants dans un ONDAM que chacun sait extrêmement contraint. Dans la suite que nous donnerons, je l'espère, au rapport de Gisèle Biémouret, le premier sujet qu'il nous faudra traiter sera celui d'une bonne tarification de l'activité.

Un autre élément à modifier est la carte hospitalière. Les groupements hospitaliers de territoire ont été vus par certains comme le moyen d' « assécher » les établissements qui n'étaient pas pivots, mais comment fonctionner sans les CHU ni les établissements d'un autre niveau ? La question de la structuration est fondamentale.

Pierre Morange souhaite contraindre les banques à jouer un rôle plus proactif. À nouveau, je m'interroge sur la nature de ce rôle : conjoncturelle ou structurelle ?

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Dans certains hôpitaux, en effet, la situation devient explosive. Voulu, à l'origine, pour évaluer la situation financière des hôpitaux publics confrontés aux emprunts toxiques, ce rapport d'information a été élargi à la dette de tous les établissements publics de santé, ce qui nous sera fort utile. Dans notre pays, 420 hôpitaux sont déficitaires, 40 d'entre eux cumulant à eux seuls 50 % du déficit. En 2013, le déficit cumulé s'élevait à 476 millions d'euros.

L'endettement massif des établissements de santé pèse sur la modernisation de l'offre de soins. Il en résulte un accès au crédit contrasté selon la taille des établissements et, parfois, selon le bon vouloir des ARS, des difficultés de financement à court terme et des problèmes de trésorerie dans nombre d'hôpitaux, ainsi que des inégalités croissantes entre les établissements pour financer les investissements : certains hôpitaux qui ont de réels besoins paient aujourd'hui le surdimensionnement d'hôpitaux voisins, ces « cathédrales » où avaient été construits plusieurs blocs opératoires finalement fermés peu de temps après faute d'activité.

Le rapport relève que l'expertise financière peut faire défaut dans les établissements. Avec un certain courage, vous osez même proposer d'améliorer la formation en la matière des cadres dirigeants des centres hospitaliers mais aussi des équipes des ARS. La question est, en effet, clairement posée à l'École des hautes études en santé publique.

Vous soulignez également les conséquences de la mise en oeuvre de la T2A. Pour ma part, je reste convaincue que si cette tarification à l'activité a pu profiter à certains établissements, elle en a très fortement pénalisé beaucoup d'autres en rendant leurs déficits structurels, ceux-ci se creusant paradoxalement avec l'activité. Cette évolution est sans doute également due au fait que les hôpitaux ne dissocient pas le financement des investissements immobiliers et celui des petits équipements médicaux. Votre rapport comporte une préconisation pour y remédier. La question est singulièrement posée aux hôpitaux de référence, ceux qui comportent des unités de chirurgie, de maternité et de réanimation. Cette tarification devrait, à elle seule, faire l'objet d'un rapport d'information, ainsi que le pense mon voisin Henri Guaino.

Pour ce qui est de celui qui nous est soumis aujourd'hui, il comporte treize préconisations, dont on espère qu'elles seront suivies. J'en retiens quatre :

Améliorer la transparence de la procédure devant le COPERMO : le moins que l'on puisse dire est que ses décisions restent très opaques, ce qui laisse libre cours à toutes les interprétations.

Renforcer la confiance entre les établissements de santé et les banques afin que ces dernières aient conscience les efforts consentis par les hôpitaux pour un retour à l'équilibre : je peux témoigner que ces efforts sont réels et ne vont pas sans créer des tensions chez les personnels.

Clarifier et stabiliser les règles de la tarification à l'activité : je me demande s'il ne serait pas opportun d'étendre aux établissements de référence qui en ont besoin le mécanisme prévoyant, à l'article 52 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, de faire bénéficier les établissements de proximité d'un financement mixte.

Engager une réflexion sur l'évolution des règles de financement des investissements : vous évoquez le crédit-bail et les expériences étrangères. Je citerai le cas du CHU de Rennes, pour lequel le fonds Nominoë concourt à des investissements plus qu'utiles pour la santé.

Le rôle des ARS est indispensable pour la mise en oeuvre de ces préconisations. Rien ne se fera sans leur implication forte et leur capacité à dialoguer de façon constructive avec les établissements de santé. La préconisation n° 3 du rapport de gérer en commun la trésorerie et l'endettement des établissements qui constitueront à terme un groupement hospitalier de territoire n'a pas cependant fini de nous mobiliser sur le terrain, et d'occuper les ARS et les établissements hospitaliers.

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Les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 se sont traduits par un emballement de la dette hospitalière, celle-ci progressant à un rythme pouvant atteindre 20 % par an, et triplant sur une période de dix ans. Les pouvoirs publics en portent la responsabilité au premier chef : ils ont privilégié le levier de la dette pour financer un plus grand nombre d'opérations sans l'assortir de procédures rigoureuses, tout en allégeant les contrôles sur la nature et le montant des emprunts souscrits.

Le pari de la dette reposait sur la capacité des établissements, aidés par des dotations spécifiques de l'assurance maladie et par la nouvelle tarification à l'activité, à engager une dynamique de croissance de leurs recettes d'exploitation leur permettant d'assumer les charges de remboursement. Les gestionnaires hospitaliers ne sont pas non plus exempts de responsabilité. L'argent de la dette a pu leur paraître facile dans un contexte réglementaire permissif et dans un climat de concurrence entre les établissements bancaires, qui a favorisé le développement d'offres de crédits structurés dont les risques considérables ne sont apparus qu'ultérieurement.

En outre, les investissements ainsi réalisés ne se sont pas réellement inscrits dans une logique d'efficience et de retour sur investissement. Ils n'ont pas toujours été le levier d'une rationalisation et d'une reconfiguration destinées à améliorer l'efficacité de l'offre de soins. Les mesures d'encadrement progressivement prises depuis deux ans ne témoignent que de la prise en compte tardive de ce phénomène par les pouvoirs publics.

L'encours de la dette hospitalière, qui représente aujourd'hui 1,4 % du PIB, a créé une situation grave tant pour les finances publiques que pour nombre d'établissements qui n'ont plus les marges d'exploitation suffisantes pour couvrir leurs charges de remboursement. Une stratégie de désendettement s'impose, mais pas au prix de la santé publique ni d'une fracture sanitaire à l'échelle du territoire.

Pour que le ralentissement récent de la progression de la dette débouche sur une stabilisation, puis une diminution de l'encours, les pouvoirs publics doivent amplifier la réorientation engagée de la politique de soutien à l'investissement désormais plus sélective et davantage fondée sur les aides en capital. Leur action a permis de contrer récemment le risque d'assèchement des crédits offerts aux hôpitaux à la suite de la crise financière, mais les établissements demeurent pénalisés par le montant élevé des marges bancaires aussi bien pour les crédits à court qu'à moyen et long terme. Ces difficultés plaident en faveur d'un recours direct au marché pour les établissements qui jouissent d'une bonne qualité de signature et qui disposent de la surface financière et de l'organisation administrative suffisante pour émettre des billets de trésorerie ou des obligations.

Au final, l'offre de crédit du secteur hospitalier ne retrouvera un équilibre satisfaisant qu'à terme, avec l'amélioration générale des conditions de crédit. Il faudra aussi juguler les risques propres au secteur. La mise en place d'un fonds spécifique pour l'hôpital, à l'image de celui créé pour les collectivités territoriales, avec des modalités de financement et des critères d'éligibilité et de conditionnement des aides rigoureux, pourrait également faciliter ce rétablissement.

J'ajoute qu'un tel dispositif n'aurait de sens que si l'ensemble du monde hospitalier prend conscience du poids de la dette qui l'asphyxie et de ses répercussions sur les conditions de soins de nos concitoyens, et si l'ensemble de ce monde se mobilise pour réussir les réformes structurelles et courageuses qui s'imposent.

Enfin, les engagements de l'État devraient à l'avenir être davantage marqués du sceau de la cohérence. Nous ne comprenons pas, par exemple, pourquoi le Gouvernement s'entête à vouloir annoncer l'installation d'un cyclotron en Martinique et d'un autre en Guadeloupe. Deux rapports d'experts commandés par le ministère de la santé préconisent pourtant l'implantation d'un seul cyclotron interrégional en Martinique. Alors qu'au niveau national, on compte un cyclotron pour cinq Tep-scanners, c'est-à-dire pour environ quatre millions d'habitants, il y en aurait un pour 400 000 habitants dans chacun des territoires ultramarins. Cela exigerait un investissement de 12 millions d'euros, voire de 18 si l'on en implantait un en Guyane – au point où nous en sommes ! Cela induirait surtout un déficit d'exploitation structurel et exponentiel. L'État acceptera-t-il que la sécurité sociale supporte le remboursement de ces examens à un coût dépassant de 300 euros le tarif de référence ? Il est permis d'en douter. Surtout, d'autres besoins en santé de nos territoires d'outre-mer, déjà en grande souffrance sur ce plan, risquent d'être sacrifiés, et les difficultés financières ses établissements hospitaliers de s'aggraver. J'en appelle à un minimum de cohérence dans les décisions des pouvoirs publics.

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L'analyse qui nous est présentée de la situation des établissements publics de santé est à la fois pertinente est inquiétante. Parmi les préconisations du rapport d'information, j'ai particulièrement retenu celle qui porte le numéro 6, consistant à développer une expertise financière mutualisée. Les établissements de santé sont confrontés à un double défi puisqu'ils doivent gérer un endettement massif tout en ayant l'obligation de poursuivre la modernisation de l'offre de soins. Cette obligation contribue d'ailleurs à creuser l'endettement des établissements hospitaliers, ce qui renforce la difficulté de la gestion de la dette.

Sur ce sujet, l'expérience de la mission d'accompagnement régionale à la tarification à l'activité (MARTAA), proposée par l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, est particulièrement intéressante, notamment dans son axe d'accompagnement de la gestion de la dette et de la trésorerie. Cette formule répondrait à la demande d'un certain nombre de directeurs d'établissement public de santé. Une telle expérimentation mériterait d'être étendue et d'impliquer tous les acteurs intervenant dans le financement des établissements.

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Ce rapport d'information constitue un socle de travail inestimable.

Madame Biémouret, vous avez eu raison de séparer la question de l'endettement général et celle du traitement des emprunts toxiques. Concernant ces derniers, un point m'étonne : le Gouvernement avait refusé un de mes amendements tendant à faire bénéficier les établissements de santé du fonds de soutien mis en place en 2013 pour les collectivités locales, mais aucune action volontariste n'a encore été mise en place pour l'hôpital, à l'exception de l'aide de 25 millions d'euros par an pendant quatre ans, destinée aux petits établissements.

Aucune action n'a, en particulier, été entreprise en direction des banques. Sur ce sujet, je soutiens le raisonnement de M. Morange : ceux qui ont proposé ces crédits aux établissements hospitaliers doivent participer activement à leur redressement puisqu'ils ont fortement contribué à leur endettement et aux dérives constatées.

S'agissant du caractère structurel de l'endettement, la situation des établissements est en fait extraordinairement contrastée alors qu'ils sont placés dans les mêmes conditions de fonctionnement. Ainsi, le fait que le CHU de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille soit très endetté n'exclut pas le besoin d'investissements massifs, par exemple pour la maternité ou pour ces tours desservies par deux ascenseurs seulement – le record d'attente pour les brancardiers qui acheminent les malades a été établi à trente-cinq minutes !

L'équipement hospitalier français est peut-être surdimensionné, mais cet aspect est à rapprocher de la façon dont la médecine de ville sera adaptée. Tant que la révolution du premier recours n'a pas eu lieu et que l'accès au soin et le suivi des patients ne seront pas assurés en ville comme ils le devraient, la question de l'hôpital restera difficile à traiter.

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Je souhaite que ce rapport ait une suite, d'abord pour les patients évidemment, mais aussi pour les directeurs d'hôpitaux et les équipes médicales qui sont très motivés et font le maximum pour soutenir l'hôpital public. Nous devons les aider ! Ces cadres hospitaliers vivent au quotidien des situations parfois inextricables qui ont des retombées sur les équipes de soignants. Comme le disait Christophe Sirugue, la situation est explosive.

Le GHT constitue certes une solution pour l'organisation des soins sur les territoires, mais je constate dans ma circonscription qu'il fait appel à la bonne volonté de personnes qui n'en font pas toujours preuve. Les ARS doivent jouer un rôle pour fluidifier l'organisation du territoire.

Pour conclure, permettez-moi de préciser que nous souhaitons intituler ce rapport d'information : L'hôpital public malade de sa dette ?

La Commission décide, à l'unanimité, en application de l'article 145 du Règlement, d'autoriser la publication du rapport d'information sur la dette des établissements publics de santé.

La séance est levée à douze heures dix.