Madame la présidente, monsieur le rapporteur, je tiens à vous féliciter pour ce travail intense, mené sans tabous, sur ce sujet lié à l'avenir que nous souhaitons pour nos lycéens et étudiants, confrontés à la réussite de leurs études et de leur projet professionnel, donc de leur projet de vie.
Ce rapport est aussi redevable à la présidence de Dominique Nachury, qui a su conserver un esprit de dialogue constructif aux débats et entretiens que nous avons eus, et qui ont été nourris puisque nous avons auditionné quelque 127 personnes.
Nous apprécierons la concordance des temps, car ce rapport, qui a trait à la période qui précède et suit le baccalauréat, trouve parfaitement sa place dans le calendrier du monde éducatif, après la réception par la ministre Najat Vallaud-Belkacem et le secrétaire d'État Thierry Mandon des 54 propositions issues de la concertation menée dans la perspective du Plan national de vie étudiante (PNVE), et au lendemain de la publication des résultats du baccalauréat – avec un taux de 78 % d'admis à l'issue du premier groupe d'épreuves.
L'article 32 de la loi ESR dispose que le premier cycle d'enseignement supérieur s'inscrit dans la continuité des enseignements dispensés dans le secondaire, et que ceux-ci doivent préparer à la poursuite d'études supérieures. Il s'agit d'améliorer la réussite des étudiants, le taux d'échec en licence soulignant l'insuffisance des dispositifs mis en place jusqu'alors.
D'où l'idée de ce processus « bac moins trois – bac plus trois » évoqué pour la première fois lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche en 2012. La ministre d'alors, Geneviève Fioraso, caractérisait ce passage par la conjugaison de la pluridisciplinarité et de l'individualisation. Passer d'un article de loi à quatre pages comportant 33 recommandations a quelque chose de vertigineux par son ambition, pourtant indispensable au souci de justice sociale qui anime la politique du gouvernement en matière d'éducation et de réussite de tous les jeunes de notre pays.
On pourrait nous rétorquer que les temps sont à la simplification ; le présent rapport nous permet d'affirmer qu'ils sont au contraire à l'action pour la réussite des étudiants. L'université, après l'école, y est désignée comme le sanctuaire de la mission républicaine d'égalité, de justice et d'émancipation. Le processus « bac moins trois – bac plus trois » doit offrir à tous les lycéens et étudiants la garantie d'un parcours sécurisé et mieux accompagné d'inclusion sociale et professionnelle, tournant le dos à une reproduction sociale qui est source, pour les élèves les plus pauvres, d'échec et de décrochage.
De ce fait, l'université se trouve chargée de missions multiples et l'enjeu de ce rapport est de montrer qu'il est possible de les mener à bien, que les ressources humaines sont là pour réussir ce parcours, à condition de se donner du temps et de favoriser l'initiative locale dans le cadre et les objectifs de la loi ESR.
L'analyse qui est faite des enjeux de l'orientation vers les filières professionnelles montre que l'intervention publique est nécessaire pour garantir un accès prioritaire aux élèves issus des filières spécialisées et les amener là où ils peuvent réellement réussir. Mais cette intervention peut aussi se décliner à un niveau plus individuel, à travers les différentes mesures préconisées.
Car il s'agit bien d'accompagner l'élève dans un temps particulier : un temps décisif et incertain car l'échec est omniprésent. Il s'agit pour lui de construire son projet de vie, dans une période où les études se conjuguent à l'acquisition de l'autonomie. Cela passe, comme vous le soulignez, par la connaissance des filières et des métiers, mais aussi par l'aide au financement de l'autonomie, de façon à sécuriser le jeune dans ce nouveau rapport au temps, dans cet élargissement, parfois déroutant, du champ des possibles. Il faut reconnaître le besoin de maturation de la vaste majorité des étudiants sans que ce temps se transforme pour autant en un espace de vacuité.
À cette fin, le rapport a mis en évidence l'un des ressorts à remettre en action à l'université : la pédagogie, sur laquelle le secrétaire d'État a d'ailleurs insisté lors de son audition par la mission d'information. Il faut relancer la recherche pédagogique, tant pour la réussite des étudiants que pour celle des métiers de l'enseignement. Vous en avez abordé certains aspects, peut-être pouvez-vous démontrer que pédagogie et université ne sont pas incompatibles ?
Ma deuxième observation est plutôt un regret : celui de voir insuffisamment prises en compte, dans l'aboutissement des travaux de la mission, les filières technologiques de l'industrie, car ce sont elles qui assurent, en lien avec les entreprises, les meilleurs taux de réussite, alors même que les effectifs y sont en baisse.
Ma dernière remarque, enfin, relève du défi : comment faire tenir par le supérieur, c'est-à-dire par l'adhésion de ses enseignants, la promesse de former 50 % d'une classe d'âge, sachant que se pressent aux portes de l'université les cohortes les plus nombreuses de ce début de siècle et qu'elles affichent, aux tests PISA, les résultats les moins satisfaisants ? La volonté de transformer la massification de l'enseignement supérieur en démocratisation prend ici tout son sens.