L'un de nos collègues a parlé d'un sentiment de vertige face à l'ampleur des propositions contenues dans le rapport. J'ai plutôt envie de dire que leur nombre nous appelle à beaucoup d'exigence, et pas seulement sur les moyens, puisque beaucoup d'entre elles impliquent de demander plus aux enseignants. Il faudra aussi une forte volonté politique, car certaines bousculent l'ordre établi et nécessiteront, si nous voulons les mettre en oeuvre, beaucoup de détermination.
Vous avez identifié, monsieur le rapporteur, le coeur du problème : il s'agit de passer de la massification du supérieur à sa démocratisation, ce à quoi j'ajouterai le droit à la réussite pour chacune et chacun, quelle que soit son origine sociale.
Certaines propositions sont très intéressantes. Je pense à l'idée de rompre avec les filières, d'établir un socle commun, de lutter contre une orientation précoce souvent marquée par les inégalités sociales, et de faire en sorte que ce socle commun soit une exigence de qualité, d'excellence pour le plus grand nombre. Cela pose peut-être, au passage, la question de l'éventuelle prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à dix-huit ans. Quant à la polyvalence des établissements, elle contribue évidemment elle aussi à une plus grande mixité sociale.
En revanche, je ne partage pas votre discours sur la remise en cause du baccalauréat et de son rôle. Vous avez raison, il doit rester le premier grade universitaire, mais l'excellence à un coût, et les moyens nécessaires pour que les jeunes puissent passer ce premier diplôme dans de bonnes conditions doivent être consentis. L'entreprise de dévalorisation du baccalauréat, les propos que l'on entend depuis quelques jours sur des notes qui seraient de complaisance, tout cela n'est pas juste. Il faut au contraire valoriser tous les jeunes qui travaillent pour passer cet examen. C'est en revalorisant le baccalauréat que l'on pourra donner à la licence, comme vous le souhaitez, sa vraie fonction : celle d'une étape reconnue dans les cursus.
S'agissant du processus d'orientation, le rapport comporte de nombreuses préconisations. Nous avions débattu, dans le cadre des lois de refondation de l'école de la République et relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, de la nécessité de fonder un nouveau service public de l'orientation, assuré par des personnels qualifiés, pour le secondaire comme pour le supérieur.
Concernant les filières technologiques et professionnelles, je fais miennes vos propositions. Il faut travailler, au niveau de l'orientation, sur le rapport aux métiers. Trop souvent, les jeunes qui sont orientés vers ces formations ne connaissent absolument pas les métiers auxquels ils peuvent aspirer grâce à elles. Je l'ai moi-même souvent constaté, par exemple récemment au mois de juin lors du Salon international de l'aéronautique et de l'espace au Bourget. Les professionnels avaient fait un effort pour montrer les métiers et les technologies. Cela a été une découverte pour nombre de lycéens invités à ce salon.
J'en viens à la sélection induite par l'éloignement géographique. Une question très peu évoquée est celle des oeuvres universitaires. Pour les générations plus anciennes, la chambre en cité universitaire, le restaurant universitaire et la bourse, s'ajoutant éventuellement à un travail à temps partiel, étaient autant d'outils contre la discrimination sociale, qui ont permis à nombre de jeunes de poursuivre des études malgré les faibles ressources de leur famille. Il faut réfléchir à la revalorisation du rôle et des moyens des oeuvres universitaires, et notamment au développement de campus qui permettent aux jeunes d'habiter sur place et de bénéficier d'ouvertures sur la vie culturelle.
Enfin, le rapport fait état d'exigences nouvelles vis-à-vis des enseignants. Il serait intéressant, compte tenu des inquiétudes qui se sont fait jour, de refaire le point sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), sur le contenu des formations qui y sont dispensées et sur leur prise en compte par les différentes universités.