La dernière question que vous soulevez est peut-être plus délicate. Je vais néanmoins essayer d'y répondre.
Nous savons, et vous l'avez vous-même fait remarquer, que, dans le calcul du bouclier fiscal, les contribuables avaient l'art de piloter, évidemment au mieux de leurs intérêts, la réalité de ce patrimoine en laissant dans une société, quelle qu'en soit la nature, un bénéfice dont ils pouvaient disposer. De cette façon, ils le soustrayaient audit patrimoine, afin d'optimiser le rapport entre impôt et revenu imposable et de bénéficier à plein du bouclier fiscal à 50 %.
Nous proposons donc une mesure de transparence et de bon sens qui consiste à considérer que le patrimoine, dès lors qu'il existe – en l'espèce, l'exemple que vous prenez traduit bien sa réalité –, doit être pris en considération quand il s'agit d'apprécier à quoi s'applique le plafonnement à 75 %.
Au fond, le législateur a le choix entre deux solutions : ou bien il y a un plafonnement du plafonnement, et l'on sait à quels excès cela a pu conduire, ou bien il faut appréhender la totalité du patrimoine d'un contribuable, faute de quoi l'impôt dû n'est pas apprécié de la manière la plus loyale et la plus transparente. Cela dit, je peux admettre le mécontentement de ceux qui seront assujettis pour des montants qui, jusqu'alors, étaient épargnés par la cotisation à l'ISF car ils étaient logés – souvent d'ailleurs de manière artificielle – au sein de sociétés.
En vérité, cette réforme de l'ISF – qui fait suite à celle que vous aviez défendue, monsieur le président de la commission des finances, quand vous étiez rapporteur général – permet d'en finir avec quelques scories qui l'avaient en partie dénaturé et ne permettaient pas d'en bien comprendre la valeur réelle et l'intérêt social autant que fiscal. Cette réforme, outre qu'elle rétablit en partie les recettes que vous aviez abandonnées, qu'elle abaisse le taux marginal de 1,8 % à 1,5 % et qu'elle rétablit un plafonnement fixé à 75 %, permet d'appréhender la totalité des revenus et du patrimoine d'une personne assujettie à l'ISF.
Vous souhaitez ce débat pour éclairer la décision du Conseil constitutionnel ; vous avez raison : que le Conseil prenne ses responsabilités – au regard de ce qu'il a déjà indiqué tant au Gouvernement qu'au pouvoir législatif –, de la même façon que, les uns et les autres, nous avons pris les nôtres.
Nous estimons qu'il n'est pas inconstitutionnel de demander à un contribuable de cotiser sur la totalité de son patrimoine réel, quand, de votre côté, vous semblez penser, monsieur le président de la commission, qu'une partie de ce patrimoine pourrait échapper légitimement selon vous – illégitimement, selon le Gouvernement – à cette cotisation qui est due au titre de la solidarité nationale.