Intervention de Philippe Gomes

Réunion du 7 juillet 2015 à 21h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomes :

Par l'article 17, le Gouvernement propose d'instaurer en Nouvelle-Calédonie une règle, la limitation du nombre d'armes pouvant être détenues par une personne physique, qui ne s'appliquerait à aucun autre endroit du territoire de la République. Or, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, la chasse fait partie des traditions de la population calédonienne, qu'elle soit kanake ou non.

Le 30 mars 2015, les différents responsables politiques calédoniens ont donc adressé au Premier ministre une lettre dans laquelle ils expriment leur opposition à cette mesure. Ils rappellent, du reste, qu'ils avaient déjà émis, au travers de leurs formations politiques respectives, un avis défavorable sur le décret soumis à la consultation du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie le 2 février 2014, gouvernement qui avait estimé que ce décret soulevait trop de difficultés d'application au plan local. Pourtant, ce décret – qui heureusement ne fixe pas le nombre maximal d'armes pouvant être détenues par une personne physique, le Conseil d'État ayant estimé dans son avis qu'une telle mesure portait atteinte aux libertés publiques et relevait donc de la loi – ce décret, disais-je, a été publié en février 2015, qui plus est sans que le haut-commissaire lui-même ait été au courant.

Les signataires de la lettre indiquent, par ailleurs, que « les mesures prises par l'État sur le régime de détention des armes et munitions sont déconnectées de la réalité calédonienne, dépourvues d'effet utile et suscitent une trop forte opposition au sein de la population locale pour être appliquées. » Et ils concluent : « Nous vous prions donc de bien vouloir faire en sorte que l'entrée en vigueur du décret – et, bien entendu, de la loi – soit différée et de demander au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie d'engager une réflexion localement pour revoir les dispositions de ce décret – et donc de la loi – en concertation avec les collectivités et les acteurs locaux. »

Cette lettre est signée, je le rappelle, par les quatre parlementaires de Nouvelle-Calédonie, les trois présidents de province – Paul Néaoutyine, président de la province Nord et membre du Palika, Néko Hnepeune, président de la province des Îles Loyauté et membre de l'Union calédonienne, et Philippe Michel, président de la province Sud et membre de Calédonie ensemble –, ainsi que par le président du Congrès, Gaël Yanno, de l'UCF, par la présidente du gouvernement de l'époque, Cynthia Ligeard, de l'UMP, et par les présidents des cinq groupes politiques du Congrès, y compris Rock Wamytan, de l'UC-FLNKS. Si l'ensemble des formations politiques et des institutions calédoniennes, dont on sait combien il leur est difficile de parvenir à un consensus, s'accordent sur ce sujet, c'est que quelque chose ne va pas dans le texte du Gouvernement. Ne pas prendre en considération une telle unanimité serait une faute.

Un seul argument a été avancé pour justifier une telle mesure : on a tiré sur un gendarme à Canala – ce qui est vrai. Mais le haut-commissaire est-il dépourvu d'armes législatives ou réglementaires pour prévenir ces agissements ? Non. Le code de la sécurité intérieure qui s'applique en Nouvelle-Calédonie compte plusieurs centaines d'articles, dont les trois suivants : l'article L. 312-7 dispose que si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes ou de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le haut-commissaire peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie.

L'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure précise que le haut-commissaire peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme des catégories B, C et D de s'en dessaisir, le dessaisissement consistant soit à vendre l'arme, soit à la neutraliser, soit à la remettre à l'État dans un délai déterminé sans que cette remise donne lieu à indemnisation.

Enfin, l'article R. 312-57 du code de la sécurité intérieure autorise le haut-commissaire à demander au déclarant de produire un certificat médical datant de moins d'un mois, si l'autorité locale compétente en matière de santé, consultée par ses soins, a signalé que le déclarant a été admis en soins psychiatriques sans consentement ou a suivi ou suit un traitement dans un service de psychiatrie.

Plutôt que d'ajouter un article supplémentaire, qui est la solution de facilité, utilisons ceux dont dispose déjà le représentant de l'État, qui est archi-armé sur le plan juridique, en prenant en compte les réalités locales. Tels sont les éléments qui conduiront, je l'espère, le Gouvernement à se déclarer favorable à mon amendement.

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