Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 18 février 2014 à 19h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Effectivement ; ce n'était pas le cas lors de mon dernier déplacement.

En tout état de cause, parmi les 400 hommes de notre contingent supplémentaire, ainsi que dans la force européenne, on comptera un nombre significatif de gendarmes, qui auront pour mission d'accompagner la reconstitution des forces de l'ordre centrafricaines.

Troisième priorité : la sécurisation des populations musulmanes, notamment dans l'Est et le Sud-Ouest, où elles subissent la pression des anti-balaka, contre lesquels nous avons donc orienté nos actions. Ces derniers, au demeurant, sont d'origines très diverses : anciens partisans de M. Bozizé opposés au régime en place, anciens membres des forces armées centrafricaines (FACA) ou simples bandits s'adonnant aux exactions et aux pillages. Ils peuvent s'appuyer sur le vif ressentiment de la communauté chrétienne à l'égard des ex-Séléka, abusivement confondus avec le reste des musulmans, qu'il faudra bien faire revenir, au moins pour ceux qui ont fui dans l'Est du pays.

Par ailleurs, nous affichons solennellement notre refus d'une partition de la Centrafrique. Nul, aujourd'hui, n'envisage un tel scénario, à l'exception de quelques porte-parole des ex-Séléka qui ont tenu des discours indépendantistes pour les régions Est et Nord-Est. De fait, il ne reste plus qu'environ 1 000 ex-Séléka à Bangui : cantonnés dans deux camps, ils attendent d'être réintégrés dans les futures FACA. Le Président Déby et le Président Sassou-Nguesso ont, eux aussi, exprimé leur refus d'une partition, laquelle mettrait en péril l'équilibre de toute la région.

L'acheminement de l'aide alimentaire, qui requiert le soutien financier de la communauté internationale, est une autre urgence, notamment en raison de la fuite des commerçants musulmans et des éleveurs peuls. Si rien n'est fait, la situation pourrait tourner au désastre avec la saison des pluies, qui débute dans six semaines. L'aide humanitaire passe aussi par la sécurisation de l'axe routier reliant Bangui au Cameroun ; c'est chose faite jusqu'à Bouar, mais, au-delà, les convois humanitaires ont encore besoin d'une escorte militaire.

Avec 6 000 hommes, la MISCA a aujourd'hui atteint son format prévu, des soldats burundais et rwandais l'ayant rejointe il y a quelques jours. Toutefois, faute d'armements lourds et de moyens logistiques suffisants, elle reste essentiellement positionnée à Bangui ; ce sont là des handicaps, non seulement pour ses propres capacités de déploiement, mais aussi pour les nôtres.

Le dispositif EUFOR-RCA se mettra en place fin mars ; aujourd'hui, nous n'en sommes qu'au stade de la décision politique et de la définition de la mission. La génération des forces est en cours ; après-demain, les ministres de la défense des Vingt-Huit se réuniront à Athènes à ce sujet. Les perspectives sont plus encourageantes qu'au début de l'opération, puisque les Polonais, les Estoniens, les Lettons, les Roumains, les Portugais et les Georgiens – bien qu'ils ne soient pas membres de l'Union – ont annoncé leur intention de participer. Au total, l'EUFOR-RCA pourra sans doute compter sur 500 hommes, qui, en se déployant sur l'aéroport de M'Poko, permettront à nos propres soldats de se déployer ailleurs. N'oublions pas, cependant, que la saison des pluies commence dans six semaines et que l'arrivée des troupes de l'EUFOR-RCA n'est pas prévue, je le répète, avant fin mars.

La situation est relativement stable à Bangui – malgré des violences qui, aujourd'hui encore, ont blessé par balle l'un de nos soldats – ainsi que les communes de l'Ouest contrôlées par nos forces. C'est pour ne pas perdre cet acquis que le Président de la République a décidé l'envoi de 400 hommes supplémentaires, dans l'attente de l'EUFOR-RCA, dont la France, je le rappelle, sera la nation cadre – je rencontrerai jeudi, à Athènes, le général français qui en assurera le commandement. La perspective finale, cependant, reste le déploiement d'une opération de maintien de la paix des Nations unies. Si le calendrier est respecté dans toutes les composantes que je viens d'évoquer, l'État centrafricain pourra, d'ici aux élections du 15 février 2015 et à la faveur d'un niveau de sécurité minimal, retrouver une nouvelle dynamique ; mais si l'une de ces composantes venait à manquer, alors la situation deviendrait fort difficile. Par ailleurs, je compte beaucoup sur les forces de gendarmerie françaises et européennes dans le dispositif de renforcement de la sécurité quotidienne.

Enfin, lors de mon dernier séjour, les discussions ont souvent porté sur la reconstitution des FACA ; mais selon nous, la priorité est de reconstituer des forces de police et de gendarmerie. D'ailleurs, il faudra veiller à structurer les futures FACA, pour éviter des incidents tels que le lynchage récemment commis par un ancien soldat régulier.

Bref, je demeure relativement optimiste, pour autant que la mobilisation internationale soit au rendez-vous. La France apportera bien entendu sa contribution, dans la ligne de cette mission. Agissant sous mandat de l'ONU, elle a assumé ses responsabilités afin d'empêcher un génocide ; mais il faut à présent éviter un vide sécuritaire qui ferait de la RCA un nouveau foyer terroriste pour Boko Haram ou les chebab. Au-delà de la question humanitaire, c'est donc aussi notre sécurité et celle de la région qui se joue, même si, aujourd'hui, les milices ne sont mues par aucune idéologie fondamentaliste.

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