La réunion

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Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur la situation en République centrafricaine

La séance est ouverte à dix-neuf heures.

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Monsieur le ministre, je vous remercie de votre disponibilité pour notre commission. Le moment est important, puisque le Président de la République vient de décider d'envoyer 400 hommes supplémentaires en République centrafricaine (RCA), lesquels s'ajouteront aux 1 600 déjà présents au sein des forces Sangaris ; l'Union européenne, de son côté, vient de se prononcer en faveur d'une opération militaire qu'avait entérinée la résolution du 28 janvier du Conseil de sécurité de l'ONU. Comment ces deux décisions seront-elles mises en oeuvre ?

Par ailleurs, une délégation commune à notre commission et à la commission de la défense s'est rendue hier en RCA. Je vous remercie d'avoir rendu ce déplacement possible, notre délégation ayant bénéficié de la protection des forces Sangaris, dont nous avons pu à cette occasion apprécier le travail remarquable. Au cours de cette journée très riche, nous avons rencontré le couple exécutif et les principaux membres du Gouvernement centrafricain, les représentants des organisations non gouvernementales (ONG), les responsables des autorités religieuses et bien entendu nos soldats.

De ce déplacement, je retire trois impressions. La première est que, là où les forces Sangaris sont déployées, la sécurité s'améliore : c'est particulièrement vrai à Bangui, où, bien que la situation demeure fragile, la vie a repris, à telle enseigne qu'un retour des musulmans dans les semaines ou les mois qui viennent paraît envisageable. Dans le reste du pays, en revanche, la situation semble encore très dégradée.

Dans ces conditions, il apparaît indispensable que les troupes de Sangaris et celles de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA) travaillent en bonne intelligence, et soient relayées au plus vite par une opération de maintien de la paix (OMP) des Nations unies, non seulement parce que celle-ci porterait à 10 000 hommes la présence militaire sur place, mais aussi parce qu'elle inclut des missions civiles. La remise en ordre de l'État centrafricain est un sujet crucial, y compris au regard de la sécurité. Le Premier ministre, à cet égard, nous a brossé un tableau bien sombre de la situation, les fonctionnaires – dont les policiers et les gendarmes – n'étant d'ailleurs plus payés depuis bientôt cinq mois.

Enfin, si la sécurité s'améliore à Bangui et sur l'axe routier qui relie cette ville au Cameroun, la situation humanitaire reste fort préoccupante : à l'aéroport de M'Poko, des cas de typhoïde laissent craindre une épidémie, et la saison des pluies risque de transformer en cloaque cet endroit établi sur un marécage. Les soldats disent craindre un envahissement de la piste par les réfugiés et des émeutes de la faim.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Vos impressions sur ce déplacement à Bangui – où je me suis moi-même rendu la semaine dernière pour la troisième fois – ne font que conforter les miennes, madame la présidente. Deux mois après son engagement sous mandat de l'ONU, l'opération Sangaris a permis d'éviter des massacres de masse et un effondrement du pays, ce qui était son objectif immédiat, et elle a indirectement précipité la chute du tandem Djotodia-Tiangaye qui, installé par les ex-Séléka, n'était plus à même de conduire le processus de transition jusqu'à son terme. Bien qu'elle ait ainsi éloigné le principal danger sécuritaire, notre intervention n'a pu empêcher le déchaînement de violences entre certains membres des communautés chrétienne et musulmane ; la séparation entre communautés s'est même accélérée, sous l'effet conjoint des rapatriements organisés par les pays voisins dès le mois de décembreet de l'exode spontané des populations musulmanes, exposées aux représailles des milices anti-balaka et d'une population traumatisée par des mois de pouvoir sélékiste. L'organisation méthodique de certains de ces départs par l'armée tchadienne a encore aggravé la fracture confessionnelle.

L'exode massif des musulmans de Bangui et des provinces de l'Ouest aggrave la crise humanitaire, puisqu'un certain nombre d'entre eux détiennent la majorité des commerces, à commencer par les Tchadiens établis à Bangui. Devant ce phénomène, les nouvelles autorités centrafricaines sont impuissantes. Il n'existe plus d'État de droit, et même plus d'État tout court ; les milices et les brigands en profitent pour multiplier vengeances, pillages et exactions. Nos forces parent au plus pressé, en sécurisant les quartiers où subsistent des familles musulmanes et en se projetant, désormais, dans l'Ouest du pays.

A la suite de mes entretiens avec le nouveau tandem exécutif centrafricain, ainsi qu'avec les principaux interlocuteurs de la région, je relève une série de priorités. En premier lieu, il y a un besoin urgent de ressources financières, car on ne peut remettre en marche l'État de droit sans payer les fonctionnaires ; faute de solution à court terme, la préparation des futures élections pourrait même s'en trouver compromise, à en croire la Présidente Samba-Panza.

La deuxième urgence est le rétablissement de l'appareil judiciaire, car il faut mettre fin à l'impunité. Certains de nos soldats patrouillent désormais avec 150 hommes issus de l'ancienne gendarmerie centrafricaine – qu'ils arment le matin et désarment le soir – afin de les préparer à la protection des populations. La priorité est de rétablir toute la chaîne, jusqu'à l'appareil judiciaire.

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Depuis hier, la prison est de nouveau en état d'accueillir des détenus.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Effectivement ; ce n'était pas le cas lors de mon dernier déplacement.

En tout état de cause, parmi les 400 hommes de notre contingent supplémentaire, ainsi que dans la force européenne, on comptera un nombre significatif de gendarmes, qui auront pour mission d'accompagner la reconstitution des forces de l'ordre centrafricaines.

Troisième priorité : la sécurisation des populations musulmanes, notamment dans l'Est et le Sud-Ouest, où elles subissent la pression des anti-balaka, contre lesquels nous avons donc orienté nos actions. Ces derniers, au demeurant, sont d'origines très diverses : anciens partisans de M. Bozizé opposés au régime en place, anciens membres des forces armées centrafricaines (FACA) ou simples bandits s'adonnant aux exactions et aux pillages. Ils peuvent s'appuyer sur le vif ressentiment de la communauté chrétienne à l'égard des ex-Séléka, abusivement confondus avec le reste des musulmans, qu'il faudra bien faire revenir, au moins pour ceux qui ont fui dans l'Est du pays.

Par ailleurs, nous affichons solennellement notre refus d'une partition de la Centrafrique. Nul, aujourd'hui, n'envisage un tel scénario, à l'exception de quelques porte-parole des ex-Séléka qui ont tenu des discours indépendantistes pour les régions Est et Nord-Est. De fait, il ne reste plus qu'environ 1 000 ex-Séléka à Bangui : cantonnés dans deux camps, ils attendent d'être réintégrés dans les futures FACA. Le Président Déby et le Président Sassou-Nguesso ont, eux aussi, exprimé leur refus d'une partition, laquelle mettrait en péril l'équilibre de toute la région.

L'acheminement de l'aide alimentaire, qui requiert le soutien financier de la communauté internationale, est une autre urgence, notamment en raison de la fuite des commerçants musulmans et des éleveurs peuls. Si rien n'est fait, la situation pourrait tourner au désastre avec la saison des pluies, qui débute dans six semaines. L'aide humanitaire passe aussi par la sécurisation de l'axe routier reliant Bangui au Cameroun ; c'est chose faite jusqu'à Bouar, mais, au-delà, les convois humanitaires ont encore besoin d'une escorte militaire.

Avec 6 000 hommes, la MISCA a aujourd'hui atteint son format prévu, des soldats burundais et rwandais l'ayant rejointe il y a quelques jours. Toutefois, faute d'armements lourds et de moyens logistiques suffisants, elle reste essentiellement positionnée à Bangui ; ce sont là des handicaps, non seulement pour ses propres capacités de déploiement, mais aussi pour les nôtres.

Le dispositif EUFOR-RCA se mettra en place fin mars ; aujourd'hui, nous n'en sommes qu'au stade de la décision politique et de la définition de la mission. La génération des forces est en cours ; après-demain, les ministres de la défense des Vingt-Huit se réuniront à Athènes à ce sujet. Les perspectives sont plus encourageantes qu'au début de l'opération, puisque les Polonais, les Estoniens, les Lettons, les Roumains, les Portugais et les Georgiens – bien qu'ils ne soient pas membres de l'Union – ont annoncé leur intention de participer. Au total, l'EUFOR-RCA pourra sans doute compter sur 500 hommes, qui, en se déployant sur l'aéroport de M'Poko, permettront à nos propres soldats de se déployer ailleurs. N'oublions pas, cependant, que la saison des pluies commence dans six semaines et que l'arrivée des troupes de l'EUFOR-RCA n'est pas prévue, je le répète, avant fin mars.

La situation est relativement stable à Bangui – malgré des violences qui, aujourd'hui encore, ont blessé par balle l'un de nos soldats – ainsi que les communes de l'Ouest contrôlées par nos forces. C'est pour ne pas perdre cet acquis que le Président de la République a décidé l'envoi de 400 hommes supplémentaires, dans l'attente de l'EUFOR-RCA, dont la France, je le rappelle, sera la nation cadre – je rencontrerai jeudi, à Athènes, le général français qui en assurera le commandement. La perspective finale, cependant, reste le déploiement d'une opération de maintien de la paix des Nations unies. Si le calendrier est respecté dans toutes les composantes que je viens d'évoquer, l'État centrafricain pourra, d'ici aux élections du 15 février 2015 et à la faveur d'un niveau de sécurité minimal, retrouver une nouvelle dynamique ; mais si l'une de ces composantes venait à manquer, alors la situation deviendrait fort difficile. Par ailleurs, je compte beaucoup sur les forces de gendarmerie françaises et européennes dans le dispositif de renforcement de la sécurité quotidienne.

Enfin, lors de mon dernier séjour, les discussions ont souvent porté sur la reconstitution des FACA ; mais selon nous, la priorité est de reconstituer des forces de police et de gendarmerie. D'ailleurs, il faudra veiller à structurer les futures FACA, pour éviter des incidents tels que le lynchage récemment commis par un ancien soldat régulier.

Bref, je demeure relativement optimiste, pour autant que la mobilisation internationale soit au rendez-vous. La France apportera bien entendu sa contribution, dans la ligne de cette mission. Agissant sous mandat de l'ONU, elle a assumé ses responsabilités afin d'empêcher un génocide ; mais il faut à présent éviter un vide sécuritaire qui ferait de la RCA un nouveau foyer terroriste pour Boko Haram ou les chebab. Au-delà de la question humanitaire, c'est donc aussi notre sécurité et celle de la région qui se joue, même si, aujourd'hui, les milices ne sont mues par aucune idéologie fondamentaliste.

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Ces précisions, monsieur le ministre, nous sont particulièrement utiles dans la perspective du vote par lequel notre assemblée se prononcera, le 25 février prochain, sur le prolongement de l'opération Sangaris.

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Le groupe d'amitié France-République centrafricaine, que je préside, est jusqu'à présent resté inactif, la RCA n'ayant jamais connu d'élections démocratiques. Il y a trois ans, je m'étais néanmoins rendu sur place pour rencontrer nos forces et la communauté françaises ; j'étais donc informé de la situation.

La RCA n'a malheureusement jamais connu ni la paix, ni la démocratie, ni la stabilité. Tout est à reconstruire mais, dans l'immédiat, c'est la survie d'une partie du peuple centrafricain qui se joue. Le camp de réfugiés que nous avons visité à Bangui donne une idée de la situation, avec des populations entassées et des enfants qui attendent de la nourriture et des soins. Dans la ville, les haines communautaires sont encore vives. Les populations ont besoin de protection, à commencer par la communauté musulmane, exposée au désir de vengeance des chrétiens.

Nous avons également pu mesurer l'ampleur des besoins de financement, pour les missions de sécurité comme pour le développement. L'élite centrafricaine est à reconstruire ; nous avons été sensibles au volontarisme de la Présidente Samba-Panza mais, pour assurer la tenue d'élections en 2015, il faudra que toutes les actions prévues soient effectivement mises en oeuvre. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvions abandonner le pays aux mains de bandits qui y font la loi depuis des années.

J'ajoute que la RCA est située dans une zone de conflits, convoitée pour ses richesses et poreuse quant à ses frontières. Des groupes terroristes – Boko Harma, chebab et AQMI, Al-Qaïda au Maghreb islamique – ont ainsi trouvé refuge le long d'un arc de cercle qui s'étend de l'Atlantique à l'Océan indien. Nous avons eu raison d'engager nos forces pour lutter contre cette menace, mais l'Europe doit se mobiliser également, avec l'ensemble de la communauté internationale. Vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, un certain nombre de bonnes nouvelles, dont nous attendons qu'elles se concrétisent le plus rapidement possible, car il y a urgence.

Nous avons assisté à l'arrestation d'un terroriste par nos forces mais l'on peut se demander ce qu'il deviendra, en l'absence de prison et de système judiciaire. Sera-t-il livré à la vindicte populaire ? Est-on en mesure d'apporter des réponses appropriées à ces dangers auxquels s'affrontent nos troupes ?

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La ministre de la justice a indiqué au général Soriano que ce dirigeant anti-balaka, arrêté dans le troisième arrondissement de Bangui, serait emprisonné puis déféré à un tribunal. On peut donc espérer, monsieur Charasse, un procès en bonne et due forme.

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L'arrivée des renforts début mars implique-t-il un changement de stratégie ?

La Présidente Samba-Panza souhaite que nos troupes restent sur place au moins jusqu'au 15 février 2015 ; or, à mon sens, la situation ne sera sans doute pas réglée à cette date.

Vous l'avez rappelé, le pays manque d'infrastructures et les besoins financiers sont importants, d'autant que la saison des pluies arrivera bientôt. L'Union européenne, qui a décidé l'envoi de soldats, apportera-t-elle de nouveaux concours financiers ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Je souscris aux analyses de M. Charasse.

La stratégie restera inchangée, monsieur Assouly. Nos troupes ont installé, dans le cinquième arrondissement de Bangui, des abris sécurisés afin d'inciter les réfugiés à quitter l'aéroport de M'Poko. L'arrivée de l'EUFOR-RCA et le renforcement des capacités opérationnelles de la MISCA permettront à nos soldats de se consacrer à ce type d'opération, quartier par quartier, et de se projeter ailleurs ; dans l'Ouest, ils sont déjà établis à Bouar, à Bossembélé, à Yaloké, à Bossangoa, à Mbaïki et à Berbérati. Les effectifs sont d'ailleurs modestes : à Mbaïki, la présence de deux sections, épaulées par des forces congolaises, a suffi pour assurer le retour au calme, lequel reste ensuite suspendu, bien sûr, au rétablissement de l'État, notamment à travers les forces de gendarmerie et l'appareil judiciaire.

L'Union européenne a jusqu'à présent engagé 360 millions d'euros : 75 millions sont dévolus au financement de la MISCA – ce qui permet de payer les salaires des soldats, mais pas l'équipement –, 225 millions à l'aide au développement et 62 millions à l'aide humanitaire. S'y ajoutera le budget dédié à l'EUFOR-RCA, dont le dispositif « Athena » couvrira une partie, notamment pour les infrastructures. On m'apprend d'ailleurs à l'instant que les Britanniques ont décidé, cet après-midi, de ne plus bloquer le processus de financement des infrastructures – en ce domaine, je rappelle que l'unanimité est requise.

S'agissant du calendrier, la perspective est la mise en oeuvre d'une opération de maintien de la paix. Jusqu'à une période récente, l'Union africaine y était réticente, pour ne pas dire plus, et plusieurs chefs d'État de la région s'y opposaient. Mme Samba-Panza en a cependant formulé la demande auprès des Nations unies, et notre diplomatie plaide également pour cette avancée. Le secrétaire général de l'ONU remettra un rapport sur le sujet à la fin du mois de février, et le Président Déby a déclaré, lors de sa venue à Paris la semaine dernière, qu'il ne s'opposait pas à une telle opération.

Quant à nos forces, elles n'ont pas vocation à rester durablement sur place ; même si elles pourront bien entendu appuyer la mise en place d'une opération de maintien de la paix, l'interposition n'est pas leur mission première.

La reconstitution des FACA est nécessaire, mais il faudra veiller à ce que les volontaires déclarés les réintègrent effectivement.

Quoi qu'il en soit, la question la plus immédiate est de savoir comment assurer le paiement des fonctionnaires dès la semaine prochaine. Plusieurs pays ont annoncé une contribution financière ; il faut maintenant que ces annonces se traduisent dans les actes.

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S'agissant de Bangui et de sa sécurité, les militaires ont accompli l'essentiel de leur tâche ; des forces de police et de gendarmerie doivent à présent les relayer, sans oublier l'indispensable rétablissement de l'appareil judiciaire. Mme la ministre de la justice nous a d'ailleurs indiqué que le tribunal de grande instance de Bangui est en état de fonctionner – ce qui n'est pas le cas dans d'autres villes.

Lors de l'entretien particulier que nous avons eu avec lui, le Premier ministre, pour sa part, a beaucoup insisté sur l'impérieux besoin d'assistance technique pour l'ensemble de l'appareil d'État. Quelles actions avons-nous engagées en ce domaine, où l'Union européenne peut sans doute faire davantage ?

Tous les dirigeants des pays de la région sont-ils fermes dans leur refus de la partition ? Certaines positions paraissent un peu flottantes… Mme Samba-Panza, après notre entretien, s'est rendue à Ndjamena, sans doute afin d'obtenir des financements pour payer les fonctionnaires, mais peut-être aussi pour d'autres raisons…

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

On peut toujours s'interroger sur la position de M. Déby ; mais, dans toutes les conversations que j'ai eues avec lui – y compris lorsqu'il était davantage en situation d'acteur –, il s'est montré résolument opposé à la partition, qui par le fait n'est nullement dans l'intérêt du Tchad. Les autres chefs d'État de la région, M. Sassou-Nguesso, M. Biya et M. Bongo, n'ont pas davantage varié sur le sujet, non plus, d'ailleurs, que l'Union africaine.

La menace d'une partition, qui aurait détaché une région à dominante musulmane, a été brandie par quelques responsables ex-Séléka, à commencer par M. Nourredine Adam ; mais aucune autorité politique officielle, je le répète, ne soutient ce scénario.

La question de l'aide technique n'est plus vraiment de mon ressort. Les gendarmes du nouveau contingent de 400 hommes auront une mission de « monitoring » – à laquelle s'associeront aussi, une fois sur place, les 150 gendarmes de l'Union européenne, parmi lesquels on comptera d'ailleurs des Français. Cette indispensable contribution devra être relayée par la mobilisation de l'Union européenne et surtout le déploiement d'une OMP, laquelle présente l'avantage d'être à la fois militaire et civile. Il faut donc jouer sur ces trois piliers, l'intervention française restant principalement militaire et, dans le domaine civil, humanitaire. Au-delà de l'EUFOR-RCA, une opération de type « EUCAP », à l'instar de celle décidée au Niger, sera sans doute nécessaire à l'avenir. Pour l'heure, nous devons surtout obtenir de nos partenaires qu'ils mobilisent, au sein de l'EUFOR-RCA, les effectifs annoncés.

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Le ministre des finances centrafricain nous a laissé entendre que ses services maîtrisaient seulement le b.a.-ba des règles d'élaboration d'une comptabilité publique : ne pourrait-on, pour les aider, dépêcher quelques fonctionnaires de Bercy ? J'appellerai l'attention de M. Moscovici sur ce point.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Mon ministère le fera également ; reste qu'une mission européenne, c'est son avantage, peut aussi inclure une telle assistance.

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Député de la 10e circonscription des Français établis hors de France – qui inclut la Centrafrique –, je partage vos analyses sur le risque d'embrasement de la zone en cas de vide sécuritaire en RCA ; le Président Bongo m'avait d'ailleurs fait part de ses inquiétudes à ce sujet. C'est donc également notre sécurité que nous jouons dans cette opération ; aussi voterai-je pour sa prolongation mardi prochain, contrairement à certains de mes collègues de l'UMP, qui la jugent aventureuse. De fait, on peut déjà prévoir que nos troupes devront rester sur place au-delà du 15 février 2015, sans parler de la tournure imprévisible que prendraient les événements si nous n'obtenions pas de l'ONU la mise en oeuvre d'une OMP.

Nous devions intervenir : depuis le début de l'année dernière, je vous alertais sur la situation ; ce faisant, je relayais bien entendu les craintes de nos 1 200 compatriotes établis en RCA.

Pourquoi les chefs d'État de la région sont-ils réticents à une OMP ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

L'ONU, aux termes de sa résolution, ayant mandaté la MISCA – autrement dit les forces africaines –, le lancement d'une OMP pourrait être considéré par eux comme un geste de défiance. Notre diplomatie s'est donc employée à les convaincre qu'une OMP s'inscrirait seulement dans le prolongement de la MISCA, et que les forces qui la constituent y seraient d'ailleurs intégrées. L'OMP, en tout état de cause, a une portée plus large en termes d'effectifs, de financements et de champ d'action. Sitôt assurée la sécurisation des villes, l'action des troupes relève moins du militaire que de l'interposition et du maintien de l'ordre.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.