Intervention de Daniel Fasquelle

Réunion du 9 juillet 2015 à 10h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

La Côte d'Opale vit une situation dramatique. De nombreux marins-pêcheurs de ma circonscription, ne pouvant plus exercer leur profession, travaillent sur ces ferries. C'est l'emploi qui est en jeu ; ce sont les familles qui sont directement confrontées à un risque de perte d'emploi. Et il faut aussi à tout prix défendre le pavillon France. On ne peut accepter que nos entreprises disparaissent les unes après les autres.

Les salariés, les acteurs économiques et les responsables politiques de la Côte d'Opale ne comprennent pas. Vous l'avez dit vous-même, monsieur Jacques Gounon, vous aviez atteint vos objectifs – 12 % de parts de marché pour les camions, 6 % pour les voitures. Alors que vous étiez parti de rien, vous avez su trouver votre place dans un marché en pleine expansion. Vous avez réussi à installer une marque, vous aviez des clients, vous étiez en progression et sur la voie de l'équilibre, que vous pensiez atteindre en 2017. Vous aviez fait le plus dur, et nous nous interrogeons sur votre décision de tout arrêter du jour au lendemain. Je m'interroge encore après vous avoir entendu et je souhaiterais que vous nous expliquiez à nouveau pourquoi vous avez pris une telle décision.

Vous avez expliqué les difficultés internes de la SCOP SeaFrance. Mais les désaccords peuvent parfaitement se régler. Ce n'est pas la première entreprise où il peut y avoir désaccord entre le directeur et le conseil d'administration. Ce qui compte, ce sont les fondamentaux, c'est-à-dire la marque, le marché, l'évolution de l'entreprise. Or tous ces indicateurs étaient au vert. Le seul voyant rouge, c'était la décision de l'autorité britannique de la concurrence qui interdisait d'accoster à Douvres. Mais, alors que ce problème est réglé, vous décidez de tout arrêter. Je ne comprends toujours pas les raisons d'une telle décision, qui a des conséquences désastreuses pour l'emploi et la préservation du pavillon France.

Vous avez souvent évoqué les pressions britanniques, considérant que l'autorité britannique de la concurrence n'a pas été impartiale dans ce dossier. C'est aussi ma conviction. Il y a un an, avec Natacha Bouchart, Yann Capet et des responsables de l'entreprise, je me suis rendu à Londres, dans les locaux de l'autorité de la concurrence, pour défendre ce dossier. Nous étions ressortis de cette audition avec une impression qui s'est confirmée par la suite. Je suis juriste et j'ai enseigné le droit de la concurrence. J'avais dit au ministre que, sur le fond, notre dossier était solide et que, si on le traitait du seul point de vue du droit de la concurrence, il fallait donner raison à MyFerryLink. Nous avons d'ailleurs en grande partie été entendus par l'autorité d'appel de la concurrence britannique.

Vous avez parlé d'une forme d'indifférence générale du côté français. Je l'ai dit à M. Alain Vidalies, j'estime que le Gouvernement français a manqué de vigueur, qu'il n'a pas fait suffisamment pression et qu'il ne s'est pas assez impliqué dans ce dossier depuis plusieurs mois. Les Britanniques ont défendu leurs intérêts et leurs entreprises, alors que cela n'a pas été le cas des Français – c'est malheureusement ce qui se passe pour d'autres dossiers, par exemple pour Alstom. Pour ma part, je crois au patriotisme économique, et pas seulement dans les discours.

Une instance est étrangement absente de cette affaire : la Commission européenne. Que fait-elle ? Pourquoi ne s'est-elle pas emparée d'un dossier qui la concernait, puisqu'il s'agissait d'un désaccord sur le transport de passagers entre deux États membres ? Pourquoi Bruxelles a-t-il laissé les États, les autorités de la concurrence et l'entreprise seuls ? Avez-vous eu des contacts avec Bruxelles ? Quelles réponses avez-vous obtenues ? Comment expliquer le silence assourdissant de la Commission européenne et de Bruxelles ? Ce dossier aurait pu être réglé beaucoup plus rapidement. Les blocages liés à l'autorité britannique de la concurrence ont été gravissimes, puisqu'ils ont gêné le développement de l'entreprise et peut-être été à l'origine des tensions dans l'entreprise. Si Bruxelles et le Gouvernement français étaient intervenus avec plus de force, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui.

Le choix de l'entreprise DFDS est-il définitif ? D'autres choix étaient possibles. Il a été question de Stena Lines, qui avait laissé entendre que l'ensemble des emplois pourraient être préservés, ce qui n'est pas le cas de DFDS. Vous nous avez dit que DFDS était ouvert à la discussion ; j'en prends acte.

En ce qui concerne l'activité de fret, j'ai les mêmes interrogations que Yann Capet. Cette activité est-elle possible avec un seul navire ? Envisagez-vous d'acheter d'autres navires ? Par ailleurs, vous voulez reprendre 120 salariés pour l'activité de fret sur le Nord-Pas-de-Calais. Ne pouvez-vous pas aller plus loin pour limiter les dégâts en matière d'emplois ? Autrement dit, votre projet d'activité fret est-il fiable, durable ? N'est-ce pas un simple contre-feu pour gagner du temps avant de l'abandonner dans quelques mois ?

À l'occasion d'une table ronde au ministère chargé des transports, Natacha Bouchart avait suggéré de se tourner vers des entreprises comme la SANEF ou la Deutsche Bahn, qui sont intéressées indirectement par le développement du trafic et le transport de passagers et qui auraient pu trouver là un prolongement intéressant de leurs activités. Avez-vous eu des contacts avec ces entreprises ? Avez-vous recherché d'autres partenaires que P&O et Stena Lines, qui sont des concurrents de MyFerryLink ? Car c'est bien ce qui choque. Si vous aviez pu trouver un partenaire qui n'était pas déjà présent sur le trafic transmanche, peut-être aurait-on pu préserver l'entreprise et les emplois. Si ces démarches n'ont pas abouti, cette solution est-elle définitivement écartée ?

L'ensemble des élus de Calais ont demandé la tenue d'une table ronde réunissant DFDS, Eurotunnel et la SCOP SeaFrance. Êtes-vous d'accord pour participer à cette table ronde que le secrétaire d'État chargé des transports, Alain Vidalies, serait en train de préparer ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion