Intervention de Nathalie Nieson

Réunion du 12 décembre 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Nieson, rapporteure :

À l'unanimité, le Sénat a adopté le 20 novembre dernier une proposition de loi visant à améliorer la représentation des élus au sein des intercommunalités. Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi du 29 février 2012 –issue d'une initiative de M. Jean-Pierre Sueur, relayée à l'Assemblée par M. Jacques Pélissard–, laquelle, déjà, assouplissait certaines règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.

La proposition de loi, soumise aujourd'hui à notre examen vise à amortir l'effet de la réforme des collectivités territoriales adoptée le 16 décembre 2010, dont l'application entraînerait une baisse drastique du nombre d'élus dans les conseils communautaires.

En effet, en raison des méthodes volontairement dirigistes choisies en 2010 pour organiser la fusion des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), de nombreux élus locaux craignent que les ensembles intercommunaux plus vastes ainsi créés ne soient moins représentatifs. Ces élus ont pourtant jusqu'au 30 juin 2013 pour trouver un accord sur la composition des organes délibérants des EPCI qui seront installés après les élections municipales de mars 2014.

L'intercommunalité est aujourd'hui un acteur majeur de la vie locale, qui concerne plus de 96 % des communes et plus de 90 % de la population française. Son développement a été véritablement encouragé à partir de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale – dite « loi Chevènement » –, qui a cherché à pallier l'émiettement des communes en les encourageant à se regrouper pour exercer certaines compétences.

Afin d'achever la carte intercommunale et d'en rationaliser l'organisation, la loi du 16 décembre 2010, quant à elle, a prévu la mise en place d'une procédure de concertation organisée en deux temps.

Au cours de l'année 2011, chaque préfet s'est vu chargé d'élaborer et d'arrêter, en concertation avec les élus locaux représentés au sein d'une commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) destiné à définir un périmètre cohérent pour tous les EPCI, existant ou à créer, afin que chaque commune puisse trouver sa place au sein d'un établissement.

Désormais, le préfet peut mettre en oeuvre jusqu'au 1er juin 2013 les deux dispositifs temporaires d'achèvement et de rationalisation de l'intercommunalité prévus par les articles 60 et 61 de la loi de 2010 afin que le schéma départemental puisse s'appliquer dans les territoires.

En ce qui concerne la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre, la loi du 16 décembre 2010 a édicté de nouvelles règles. Avant son entrée en vigueur, cette composition reposait principalement sur des accords amiables, obtenus à l'unanimité des communes membres et inscrits dans les statuts de la communauté. Toutefois, pour éviter que l'application de la règle proportionnelle ne conduise à léser les communes les plus faibles ou ne favorise excessivement la commune la plus peuplée, chaque commune devait disposer d'au moins un siège au sein de l'organe délibérant, et aucune commune ne pouvait se voir attribuer plus de la moitié du total des sièges. Dans les communautés urbaines, l'effectif du conseil était déterminé selon un tableau inscrit dans la loi. Ces dispositions restent applicables aux EPCI préexistants jusqu'au renouvellement de leurs organes délibérants qui aura lieu après les élections municipales de mars 2014.

À compter de cette date, cependant, l'effectif de l'organe délibérant de l'EPCI sera déterminé par défaut par un tableau en fonction de critères démographiques. Si un accord sur la composition de l'organe délibérant est conclu à la majorité qualifiée des conseils municipaux des communes membres, le nombre de sièges à répartir pourra être augmenté de 10 %. Dans le cas contraire, la répartition des sièges entre les communes sera effectuée selon une stricte règle proportionnelle.

Par ailleurs, la loi a prévu la limitation drastique du nombre de vice-présidences : s'il reste déterminé librement par l'organe délibérant, il ne pourra représenter plus de 20 % de l'effectif de l'organe délibérant, avec une limite inférieure fixée à quatre et une limite supérieure fixée à quinze.

Ces dispositions devraient entraîner une forte baisse du nombre de délégués communaux et de l'effectif des bureaux. La présente proposition de loi vise donc à introduire plus de souplesse dans leur application. Elle permettrait aux intercommunalités qui le souhaitent d'augmenter substantiellement le nombre de sièges de délégués à répartir et, le cas échéant, celui des vice-présidences, de façon à mieux tenir compte des contraintes liées aux compétences exercées.

De telles avancées seraient propices à une gouvernance apaisée des intercommunalités. En effet, en portant de 10 à 25 % le nombre de sièges supplémentaires susceptibles d'être répartis dans le cadre d'un accord à la majorité qualifiée des conseils municipaux, l'article 1er favorise la recherche d'un consensus sur la composition des organes délibérants.

Dans les faits, le « bonus » serait même porté à 37,5 %, car à cette augmentation de 25 % du nombre de sièges susceptibles d'être répartis dans le cadre d'un accord, l'article 1er ajoute un élargissement de la base de calcul, en y incluant la possibilité de créer 10 % de sièges supplémentaires lorsque les communes disposant d'un unique siège représentent plus de 30 % de l'effectif total, ou dans le cadre d'un accord partiel sur la répartition des sièges supplémentaires.

Par ailleurs, la proposition de loi permettrait aux organes délibérants des EPCI de se doter d'exécutifs étoffés et plus opérationnels. En effet, l'article 2 autorise une augmentation du nombre de vice-présidents pouvant représenter jusqu'à 30 % de l'effectif de l'organe délibérant, sous réserve d'un vote à la majorité des deux tiers et du respect du plafond de quinze vice-présidents.

La proposition donne également aux élus plus de liberté dans la détermination des indemnités liées à l'exercice de fonctions exécutives.

Si seuls certains délégués au sein des communautés d'agglomération et des communautés urbaines peuvent se voir attribuer des indemnités de fonction, les présidents et vice-présidents de l'ensemble des EPCI à fiscalité propre peuvent bénéficier d'une indemnité, dont le montant maximal est fixé par décret en Conseil d'État en fonction de la nature de l'EPCI et de sa strate démographique.

En introduisant une disposition spécifique, le Sénat a étendu aux vice-présidents des communautés de communes le bénéfice de la faculté de modulation de leurs indemnités existantes pour les autres catégories d'EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, cette nouvelle disposition supprime toute limite liée au montant maximal de l'indemnité pouvant être versée au président pour ne conserver qu'une seule limitation, celle du montant total des indemnités maximales susceptibles d'être accordées au président et aux vice-présidents.

Enfin, les sénateurs ont souhaité prendre en compte la problématique des « compétences orphelines », soulevée par certains élus en 2011, lors de l'élaboration de la première version des schémas départementaux de coopération intercommunale. La rationalisation de la carte intercommunale pourrait en effet conduire à devoir rendre certaines compétences auparavant transférées à un syndicat à des communes ne disposant pas des moyens techniques et humains nécessaires pour les exercer. C'est pourquoi l'article 4 subordonne la suppression de syndicats de communes ou de syndicat mixtes à la reprise de leurs compétences par un EPCI à fiscalité propre.

En adoptant à l'unanimité la présente proposition de loi, le Sénat a souhaité envoyer un message et rassurer les élus locaux sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme territoriale.

Cependant, ce dispositif peut être amélioré, notamment dans le but de convaincre les citoyens du bien-fondé de l'intercommunalité, en garantissant par exemple que les modifications proposées n'entraîneront aucune dépense supplémentaire.

Il est ainsi nécessaire de préciser et de simplifier les modalités de détermination du nombre de sièges supplémentaires pouvant être répartis en cas d'accord local, car les spécialistes auditionnés – notamment les représentants de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des communautés de France et de la direction générale des collectivités locales – n'ont pas tous fait la même lecture de ces dispositions. Par ailleurs, le niveau réel du « bonus », porté à 37,5 % de sièges supplémentaires, en a laissé certains perplexes.

C'est pourquoi je vous proposerai d'instaurer un « bonus » strictement égal à 25 % du nombre de sièges que l'organe délibérant aurait comporté en l'absence d'accord local.

Dans le même temps, il importe de ne pas figer les possibilités d'évolution de la carte des syndicats mixtes et des syndicats de communes. C'est pourtant l'effet que risque d'avoir l'article 4 dans sa rédaction actuelle. En interdisant toute évolution des syndicats autre qu'une absorption par un EPCI à fiscalité propre – et notamment toute possibilité de fusion « horizontale » de plusieurs syndicats –, et en contraignant les schémas à définir les compétences devant obligatoirement être reprises par les EPCI, cet article réduit d'autant le libre choix des communes membres.

Enfin, il est essentiel que les nouvelles marges de manoeuvre proposées aux élus soient utilisées à coût strictement constant.

Certes, la proposition de loi initiale prévoyait que la faculté d'accroître les effectifs des délégués communautaires et ceux des vice-présidents s'accompagne d'une « réduction du même pourcentage » des indemnités versées. Cependant, le dispositif adopté par le Sénat cumule trois effets potentiellement « inflationnistes » qui n'ont pas tous été compensés : deux effets « base », liés au changement des références de calcul de l'effectif légal de l'organe délibérant et à l'augmentation du bonus à 25 % ; un effet « taux », le passage de 20 % à 30 % de l'effectif de l'organe délibérant aboutissant à une hausse de 50 % du nombre maximal de vice-présidents, qui seul a été neutralisé par le Sénat en précisant que la hausse devrait s'appliquer à budget constant.

Il n'en demeure pas moins que ces effets cumulés entraînent un doublement du nombre maximal de vice-présidents, dont toutes les conséquences en termes d'indemnités n'ont pas été compensées. Or, il serait incompréhensible pour les citoyens que l'assouplissement des règles, visant à favoriser une réforme réussie de l'intercommunalité, aboutisse à une augmentation nette des indemnités devant être versées à leurs représentants. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un dispositif précis et rigoureux afin de garantir que l'effet de la réforme proposée n'aura comme conséquence aucune augmentation des charges, grâce à la définition d'une « enveloppe indemnitaire globale » qui restera strictement égale à ce qu'elle était avant la réforme.

En conclusion, cette proposition de loi – dont le contenu, je le reconnais, est très technique – a pour but d'apporter plus de souplesse aux règles organisant la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération et de faciliter la conclusion d'accords en ce domaine, notamment dans le cas de l'arrivée d'une nouvelle commune au sein d'un EPCI. Le texte est ainsi un moyen de réconcilier, dans les territoires où cela s'avère nécessaire, les élus municipaux avec la réforme territoriale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion