La séance est ouverte à 10 heures.
Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.
La Commission examine, sur le rapport de Mme Nathalie Nieson, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération (n° 420).
Chers collègues, nous allons d'abord procéder à l'examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération.
À l'unanimité, le Sénat a adopté le 20 novembre dernier une proposition de loi visant à améliorer la représentation des élus au sein des intercommunalités. Ce texte s'inscrit dans la continuité de la loi du 29 février 2012 –issue d'une initiative de M. Jean-Pierre Sueur, relayée à l'Assemblée par M. Jacques Pélissard–, laquelle, déjà, assouplissait certaines règles relatives à la refonte de la carte intercommunale.
La proposition de loi, soumise aujourd'hui à notre examen vise à amortir l'effet de la réforme des collectivités territoriales adoptée le 16 décembre 2010, dont l'application entraînerait une baisse drastique du nombre d'élus dans les conseils communautaires.
En effet, en raison des méthodes volontairement dirigistes choisies en 2010 pour organiser la fusion des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), de nombreux élus locaux craignent que les ensembles intercommunaux plus vastes ainsi créés ne soient moins représentatifs. Ces élus ont pourtant jusqu'au 30 juin 2013 pour trouver un accord sur la composition des organes délibérants des EPCI qui seront installés après les élections municipales de mars 2014.
L'intercommunalité est aujourd'hui un acteur majeur de la vie locale, qui concerne plus de 96 % des communes et plus de 90 % de la population française. Son développement a été véritablement encouragé à partir de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale – dite « loi Chevènement » –, qui a cherché à pallier l'émiettement des communes en les encourageant à se regrouper pour exercer certaines compétences.
Afin d'achever la carte intercommunale et d'en rationaliser l'organisation, la loi du 16 décembre 2010, quant à elle, a prévu la mise en place d'une procédure de concertation organisée en deux temps.
Au cours de l'année 2011, chaque préfet s'est vu chargé d'élaborer et d'arrêter, en concertation avec les élus locaux représentés au sein d'une commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), un schéma départemental de coopération intercommunale (SDCI) destiné à définir un périmètre cohérent pour tous les EPCI, existant ou à créer, afin que chaque commune puisse trouver sa place au sein d'un établissement.
Désormais, le préfet peut mettre en oeuvre jusqu'au 1er juin 2013 les deux dispositifs temporaires d'achèvement et de rationalisation de l'intercommunalité prévus par les articles 60 et 61 de la loi de 2010 afin que le schéma départemental puisse s'appliquer dans les territoires.
En ce qui concerne la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre, la loi du 16 décembre 2010 a édicté de nouvelles règles. Avant son entrée en vigueur, cette composition reposait principalement sur des accords amiables, obtenus à l'unanimité des communes membres et inscrits dans les statuts de la communauté. Toutefois, pour éviter que l'application de la règle proportionnelle ne conduise à léser les communes les plus faibles ou ne favorise excessivement la commune la plus peuplée, chaque commune devait disposer d'au moins un siège au sein de l'organe délibérant, et aucune commune ne pouvait se voir attribuer plus de la moitié du total des sièges. Dans les communautés urbaines, l'effectif du conseil était déterminé selon un tableau inscrit dans la loi. Ces dispositions restent applicables aux EPCI préexistants jusqu'au renouvellement de leurs organes délibérants qui aura lieu après les élections municipales de mars 2014.
À compter de cette date, cependant, l'effectif de l'organe délibérant de l'EPCI sera déterminé par défaut par un tableau en fonction de critères démographiques. Si un accord sur la composition de l'organe délibérant est conclu à la majorité qualifiée des conseils municipaux des communes membres, le nombre de sièges à répartir pourra être augmenté de 10 %. Dans le cas contraire, la répartition des sièges entre les communes sera effectuée selon une stricte règle proportionnelle.
Par ailleurs, la loi a prévu la limitation drastique du nombre de vice-présidences : s'il reste déterminé librement par l'organe délibérant, il ne pourra représenter plus de 20 % de l'effectif de l'organe délibérant, avec une limite inférieure fixée à quatre et une limite supérieure fixée à quinze.
Ces dispositions devraient entraîner une forte baisse du nombre de délégués communaux et de l'effectif des bureaux. La présente proposition de loi vise donc à introduire plus de souplesse dans leur application. Elle permettrait aux intercommunalités qui le souhaitent d'augmenter substantiellement le nombre de sièges de délégués à répartir et, le cas échéant, celui des vice-présidences, de façon à mieux tenir compte des contraintes liées aux compétences exercées.
De telles avancées seraient propices à une gouvernance apaisée des intercommunalités. En effet, en portant de 10 à 25 % le nombre de sièges supplémentaires susceptibles d'être répartis dans le cadre d'un accord à la majorité qualifiée des conseils municipaux, l'article 1er favorise la recherche d'un consensus sur la composition des organes délibérants.
Dans les faits, le « bonus » serait même porté à 37,5 %, car à cette augmentation de 25 % du nombre de sièges susceptibles d'être répartis dans le cadre d'un accord, l'article 1er ajoute un élargissement de la base de calcul, en y incluant la possibilité de créer 10 % de sièges supplémentaires lorsque les communes disposant d'un unique siège représentent plus de 30 % de l'effectif total, ou dans le cadre d'un accord partiel sur la répartition des sièges supplémentaires.
Par ailleurs, la proposition de loi permettrait aux organes délibérants des EPCI de se doter d'exécutifs étoffés et plus opérationnels. En effet, l'article 2 autorise une augmentation du nombre de vice-présidents pouvant représenter jusqu'à 30 % de l'effectif de l'organe délibérant, sous réserve d'un vote à la majorité des deux tiers et du respect du plafond de quinze vice-présidents.
La proposition donne également aux élus plus de liberté dans la détermination des indemnités liées à l'exercice de fonctions exécutives.
Si seuls certains délégués au sein des communautés d'agglomération et des communautés urbaines peuvent se voir attribuer des indemnités de fonction, les présidents et vice-présidents de l'ensemble des EPCI à fiscalité propre peuvent bénéficier d'une indemnité, dont le montant maximal est fixé par décret en Conseil d'État en fonction de la nature de l'EPCI et de sa strate démographique.
En introduisant une disposition spécifique, le Sénat a étendu aux vice-présidents des communautés de communes le bénéfice de la faculté de modulation de leurs indemnités existantes pour les autres catégories d'EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, cette nouvelle disposition supprime toute limite liée au montant maximal de l'indemnité pouvant être versée au président pour ne conserver qu'une seule limitation, celle du montant total des indemnités maximales susceptibles d'être accordées au président et aux vice-présidents.
Enfin, les sénateurs ont souhaité prendre en compte la problématique des « compétences orphelines », soulevée par certains élus en 2011, lors de l'élaboration de la première version des schémas départementaux de coopération intercommunale. La rationalisation de la carte intercommunale pourrait en effet conduire à devoir rendre certaines compétences auparavant transférées à un syndicat à des communes ne disposant pas des moyens techniques et humains nécessaires pour les exercer. C'est pourquoi l'article 4 subordonne la suppression de syndicats de communes ou de syndicat mixtes à la reprise de leurs compétences par un EPCI à fiscalité propre.
En adoptant à l'unanimité la présente proposition de loi, le Sénat a souhaité envoyer un message et rassurer les élus locaux sur les modalités de mise en oeuvre de la réforme territoriale.
Cependant, ce dispositif peut être amélioré, notamment dans le but de convaincre les citoyens du bien-fondé de l'intercommunalité, en garantissant par exemple que les modifications proposées n'entraîneront aucune dépense supplémentaire.
Il est ainsi nécessaire de préciser et de simplifier les modalités de détermination du nombre de sièges supplémentaires pouvant être répartis en cas d'accord local, car les spécialistes auditionnés – notamment les représentants de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des communautés de France et de la direction générale des collectivités locales – n'ont pas tous fait la même lecture de ces dispositions. Par ailleurs, le niveau réel du « bonus », porté à 37,5 % de sièges supplémentaires, en a laissé certains perplexes.
C'est pourquoi je vous proposerai d'instaurer un « bonus » strictement égal à 25 % du nombre de sièges que l'organe délibérant aurait comporté en l'absence d'accord local.
Dans le même temps, il importe de ne pas figer les possibilités d'évolution de la carte des syndicats mixtes et des syndicats de communes. C'est pourtant l'effet que risque d'avoir l'article 4 dans sa rédaction actuelle. En interdisant toute évolution des syndicats autre qu'une absorption par un EPCI à fiscalité propre – et notamment toute possibilité de fusion « horizontale » de plusieurs syndicats –, et en contraignant les schémas à définir les compétences devant obligatoirement être reprises par les EPCI, cet article réduit d'autant le libre choix des communes membres.
Enfin, il est essentiel que les nouvelles marges de manoeuvre proposées aux élus soient utilisées à coût strictement constant.
Certes, la proposition de loi initiale prévoyait que la faculté d'accroître les effectifs des délégués communautaires et ceux des vice-présidents s'accompagne d'une « réduction du même pourcentage » des indemnités versées. Cependant, le dispositif adopté par le Sénat cumule trois effets potentiellement « inflationnistes » qui n'ont pas tous été compensés : deux effets « base », liés au changement des références de calcul de l'effectif légal de l'organe délibérant et à l'augmentation du bonus à 25 % ; un effet « taux », le passage de 20 % à 30 % de l'effectif de l'organe délibérant aboutissant à une hausse de 50 % du nombre maximal de vice-présidents, qui seul a été neutralisé par le Sénat en précisant que la hausse devrait s'appliquer à budget constant.
Il n'en demeure pas moins que ces effets cumulés entraînent un doublement du nombre maximal de vice-présidents, dont toutes les conséquences en termes d'indemnités n'ont pas été compensées. Or, il serait incompréhensible pour les citoyens que l'assouplissement des règles, visant à favoriser une réforme réussie de l'intercommunalité, aboutisse à une augmentation nette des indemnités devant être versées à leurs représentants. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un dispositif précis et rigoureux afin de garantir que l'effet de la réforme proposée n'aura comme conséquence aucune augmentation des charges, grâce à la définition d'une « enveloppe indemnitaire globale » qui restera strictement égale à ce qu'elle était avant la réforme.
En conclusion, cette proposition de loi – dont le contenu, je le reconnais, est très technique – a pour but d'apporter plus de souplesse aux règles organisant la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération et de faciliter la conclusion d'accords en ce domaine, notamment dans le cas de l'arrivée d'une nouvelle commune au sein d'un EPCI. Le texte est ainsi un moyen de réconcilier, dans les territoires où cela s'avère nécessaire, les élus municipaux avec la réforme territoriale.
Le texte est en effet complexe, mais il n'a rien d'anodin. Et si son adoption a recueilli l'unanimité des sénateurs, je ne suis pas sûr qu'il en sera de même des amendements que nous allons examiner.
À l'origine, les communautés de communes et les communautés d'agglomération étaient plutôt envisagées comme des structures d'ordre technique. Depuis, elles sont devenues politiques, et cette évolution n'est pas sans conséquence.
Si je suis plutôt contre l'application de la proportionnelle aux élections législatives, un tel principe me semble relever du bon sens s'agissant de la représentation des communes au sein des communautés de communes et des communautés d'agglomération. On peut admettre une variable d'ajustement, mais celle-ci ne doit pas avoir un effet excessif. C'est pourtant ce qui arriverait si la proposition de loi était adoptée dans sa rédaction issue du Sénat. On peut comprendre que les sénateurs, dont l'électorat est composé en majorité de maires de petites communes, soient sensibles à la représentation de celles-ci. Mais au-delà de l'aspect affectif, le bien commun voudrait que la place des principaux payeurs ne soit pas trop minorée, au risque d'entraîner de graves dysfonctionnements.
Le texte qui nous est proposé va dans le bon sens, puisqu'il propose de mettre un peu de souplesse dans l'indispensable processus d'achèvement de la carte intercommunale et incite les élus à conclure, en bonne intelligence, des accords de gouvernance adaptés aux réalités territoriales. C'est un complément utile aux dispositions déjà introduites par la loi du 29 février 2012 pour remédier à certaines rigidités de la réforme territoriale adoptée en 2010. Celle-ci érigeait notamment en dogme la réduction du nombre d'élus, en dehors de toute considération locale. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui permet une transition entre les dispositions antérieures à la loi du 16 décembre 2010, relativement permissives, et le système plus strict devant entrer en vigueur lors du prochain renouvellement communal.
L'audition des représentants d'associations d'élus a confirmé le besoin de retrouver des marges de manoeuvre locales, notamment dans les départements n'ayant pas encore adopté de schéma départemental de coopération intercommunale. En effet, le principe d'une représentation de chaque commune, si petite soit-elle, au sein de l'organe délibérant des communautés de communes et des communautés d'agglomération risquait de mettre à mal la représentation des communes moyennes – je pense en particulier aux communes périurbaines – : il pouvait faire qu'une commune de quelques dizaines d'habitants dispose d'un ou deux délégués, au même titre qu'une commune en comptant plusieurs milliers. L'augmentation, jusqu'à 25 %, du nombre de délégués dans le cadre d'un accord local obtenu à la majorité qualifiée, permettra au contraire une représentation plus conforme au poids démographique.
Il subsiste toutefois certaines imprécisions dans la rédaction issue du Sénat, que le travail de notre rapporteure devrait permettre de lever. Les élus locaux, impliqués dans les discussions sur la carte intercommunale, ayant besoin d'une bonne visibilité sur ce sujet, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser trop de place aux interprétations. À cet égard, les amendements de clarification proposés sont bienvenus. C'est le cas notamment de l'amendement destiné à garantir la neutralité budgétaire de la proposition de loi, quand bien même celle-ci autorise un élargissement des assemblées délibérantes et une augmentation du nombre de vice-présidents. Dans un contexte de réduction des ressources publiques, une telle préoccupation est légitime.
Toutefois, en dépit des amendements dont il fait l'objet, l'article 4 de la proposition de loi continue à poser des difficultés. D'aucuns pourraient même être tentés de le qualifier de cavalier législatif. Sans aller jusqu'à exprimer un tel doute sur la qualité du travail sénatorial, il faut bien convenir que son contenu s'éloigne de l'objet initial de la proposition de loi.
Sur le fond, on comprend l'intention : éviter que la création d'un EPCI à fiscalité propre n'entraîne systématiquement la dissolution des syndicats intercommunaux si les compétences autrefois exercées par ces derniers ne sont pas reprises par le nouvel établissement. De fait, l'achèvement de la carte intercommunale ne fait pas obstacle à la persistance de syndicats chargés de compétences précises n'ayant pas vocation à être exercées par des EPCI. Pour autant, la rédaction de l'article 4 laisse penser que relèveraient des schémas départementaux de coopération intercommunale non seulement le périmètre des EPCI, ce qui est normal, mais aussi leurs compétences, en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités locales. Il me paraît donc nécessaire de revoir sérieusement la rédaction de l'article.
Les dispositions relatives à l'intercommunalité figurent parmi les plus consensuelles d'une loi de réforme des collectivités territoriales dont le contenu général était loin de faire l'unanimité. Il en est de même de cette proposition de loi, qui, en outre, rejoint, sur certains points, les conclusions des États généraux de la démocratie territoriale. Son adoption devrait permettre d'assurer une représentation plus équilibrée des petites communes au sein des ensembles intercommunaux, parfois très vastes.
Je souhaite pour ma part insister sur les effets que le futur « acte III de la décentralisation » aura sur la composition des organes délibérants des EPCI. Pour l'instant, l'hypothèse la plus crédible est celle d'une élection par fléchage des conseillers communautaires lors des élections municipales. Mais c'est sur les modalités de ce fléchage que nous devrons porter toute notre attention. Je m'interroge en particulier sur son éventuel caractère automatique : est-il nécessaire que les délégués communautaires s'identifient aux candidats figurant en tête de liste ?
Je regrette que nous soyons saisis de cette proposition de loi alors que le ministre de l'Intérieur a déposé le 28 novembre dernier, au Sénat, un projet de loi relatif aux élections cantonales et communautaires. L'intégration des dispositions que nous examinons au texte du projet de loi nous aurait donné une vision d'ensemble sur le sujet. Or une telle vision est nécessaire s'agissant de la coopération intercommunale.
Sur le fond, il n'est pas inutile d'assouplir le volet intercommunal de la réforme territoriale de 2010, en donnant aux EPCI la faculté d'augmenter jusqu'à 25 % le nombre de conseillers communautaires, sous réserve d'un accord local acquis à la majorité des deux tiers.
Toutefois, une telle augmentation ne peut s'envisager qu'à budget constant. À cet égard, la rédaction issue du Sénat me dérange beaucoup par son imprécision : elle risque d'altérer l'image déjà pas toujours flatteuse que la population a de ses élus. Je me réjouis donc de l'amendement proposé à ce sujet par notre rapporteure. Il va dans le bon sens, et s'il est adopté, rien ne s'oppose à ce que nous votions le texte dans son ensemble.
Je maintiens toutefois qu'à quinze mois des élections municipales, et compte tenu de l'examen prochain du texte présenté par le ministère de l'intérieur, nous aurions pu faire l'économie de cette proposition de loi.
Nous savons bien que l'intercommunalité a donné lieu à de multiples dérives – c'est un euphémisme –, notamment en termes d'indemnités. Ainsi, entre 2007 et 2009, c'est-à-dire à la suite des élections municipales de 2008, alors que le nombre des établissements intercommunaux est resté constant, le montant global des indemnités versées à leurs présidents et vice-présidents a augmenté de 20 %. Et si l'on observe la situation de plus près, on constate également une multiplication du nombre de vice-présidents, dont les responsabilités sont quelquefois bien légères.
Il était donc souhaitable de faire preuve d'une plus grande rigueur, et c'est ce à quoi s'est employée la loi de 2010, au risque, peut-être, d'aller un peu trop loin. Le Sénat nous propose en tout cas d'assouplir le dispositif. Mais, sur une question touchant à l'intercommunalité – et plus particulièrement, au nombre de conseillers communautaires et au montant de leurs indemnités –, le fait que la Haute assemblée ait adopté une proposition de loi à l'unanimité n'est pas pour me rassurer, bien au contraire !
Ce texte soulève plusieurs inquiétudes. Tout d'abord, son application risque de rompre l'égalité entre les collectivités, selon qu'elles se situent dans un département ayant adopté un schéma de coopération intercommunale ou, au contraire, dans un département où un tel schéma n'a pas été arrêté.
Ensuite, je reste sceptique sur la neutralité budgétaire de l'opération, en dépit des efforts fournis par notre rapporteure pour préciser les choses en ce domaine, et même dans l'hypothèse où ces efforts résisteraient à une deuxième lecture au Sénat, ce qui ne va pas de soi.
Enfin, cette « souplesse », cette liberté supplémentaire accordée aux intercommunalités rendrait possible toutes sortes de dérapages. Une règle de majorité, fût-elle renforcée, ne saurait constituer une limitation suffisante, dans la mesure où les décisions prises par les établissements intercommunaux le sont presque toujours à l'unanimité. On peut donc craindre des abus s'agissant du nombre de vice-présidences ou du montant des indemnités.
Plus généralement, je regrette que l'examen d'un tel texte ne s'accompagne pas d'un bilan global de l'intercommunalité. On ne peut pas s'attendre à ce que le fonctionnement de celle-ci fasse l'objet de grands changements, dès lors qu'il n'est pas prévu d'organiser en 2014, lors des prochaines élections municipales, une élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Je rappelle que ces élus, qui n'ont pas de comptes à rendre auprès de la population, prélèvent 22 milliards d'euros d'impôts locaux.
Compte tenu de tous ces risques, et en dépit des efforts fournis par la rapporteure – pour lesquels je la félicite sincèrement en souhaitant qu'elle tienne jusqu'au bout –, je ne voterai pas ce texte.
Cette proposition de loi apporte en effet de la souplesse aux règles portant sur le nombre de délégués communautaires au sein d'un EPCI. Elle rend possible l'augmentation du nombre de sièges et conserve la limitation à quinze du nombre maximal de vice-présidences, calculé à partir d'un pourcentage de celui des délégués. On peut regretter qu'il ne soit pas également tenu compte de l'importance des compétences exercées par la communauté de communes ou la communauté d'agglomération, dans la mesure où l'exercice de certaines compétences optionnelles peut justifier pleinement une augmentation du nombre de vice-présidents. Actuellement, la situation est très contrastée d'un territoire à l'autre : certains EPCI ne comptent que deux ou trois vice-présidents, dont les indemnités n'atteignent pas le maximum autorisé, tandis que d'autres, parfois plus petites ou qui n'exercent aucune compétence optionnelle, désignent un nombre élevé de vice-présidents et leur attribuent les indemnités maximales. Une réflexion politique est donc nécessaire sur ces questions. En matière d'indemnités comme de nombre de sièges, les règles doivent être appliquées avec tact et mesure, et il n'est nullement obligatoire d'atteindre systématiquement le maximum autorisé.
Comme Mme Appéré, j'exprimerai les plus grandes réserves sur l'article 4. Outre qu'il ne trouve pas sa place dans cette proposition de loi, sa rédaction est en effet incompréhensible.
À l'heure où nous examinons cette proposition de loi, le Sénat est saisi par le ministre de l'Intérieur d'un projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, qui prévoit notamment la désignation par fléchage de ces derniers. L'Assemblée devrait l'examiner au cours du premier trimestre de 2013. Dans le même temps circule un avant-projet de loi sur la décentralisation élaboré par la ministre de la Réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Même si je comprends la nécessité d'apporter plus de souplesse à la loi de 2010 afin de favoriser la conclusion, par les élus locaux, d'accords permettant d'achever la carte intercommunale, j'aurais souhaité que toutes ces questions fassent l'objet d'un débat général sur les nouvelles perspectives en matière de décentralisation. Par solidarité avec mon groupe, et par respect pour le travail fourni par la rapporteure, je voterai en faveur de cette proposition de loi, mais je m'interroge tout de même sur le caractère pertinent de son examen. En matière de décentralisation, nous aspirons en effet à une plus grande clarté.
La représentation des communes dans les communautés de communes, véritable mistigri de la vie politique locale, est le résultat de compromis complexes et de consensus où les sénateurs font merveille. Elle justifie d'ailleurs le cumul des mandats et l'on voit bien, si je puis me permettre un peu d'ironie, comment l'expérience de parlementaires qui sont aussi élus locaux leur permet d'enrichir le texte.
Les équilibres locaux qui ont été trouvés pour permettre la constitution des communautés de communes se sont toujours fondés sur le principe selon lequel la représentation des plus petites communes devait différer de la représentation proportionnelle qui prévaut pour les autres, car les communes de moins de 100 habitants sont fières d'être représentées dans l'intercommunalité. Je suis toutefois très sceptique quant à l'idée d'un bonus de sièges supplémentaires.
Le temps passé par les élus dans les intercommunalités, où ils sont souvent très présents, justifie les indemnités qui leur sont attribuées. Cependant, comme c'est le cas en Normandie, chaque commune, si petite soit-elle, a souvent le droit d'être représentée par un vice-président, lequel perçoit une indemnité.
Il aurait été souhaitable d'engager une réflexion sur les nombreux syndicats intercommunaux, qui n'ont pas été supprimés et qui donnent lieu à autant d'indemnités complémentaires. Est-il bien pertinent de nous prononcer sur un texte auquel manque une réflexion globale ?
La question de l'opportunité de ce texte se pose en effet. Il a cependant le double intérêt de provoquer une rupture avec le dogme selon lequel les élus seraient trop nombreux et de faire vivre la démocratie. Pour ces raisons, je le voterai.
Notre rapporteure a eu la sagesse de voir que la souplesse laissée aux intercommunalités quant au nombre des vice-présidents, certes justifiée par le besoin de représentation et de temps induit par la montée en puissance de l'intercommunalité, pouvait donner lieu à une augmentation des indemnités. Veiller à ce que l'indispensable souplesse ne gonfle pas l'enveloppe des indemnités versées est une bonne chose. Je tiens néanmoins à souligner que toutes les intercommunalités n'appliquent pas le montant maximum des indemnités. Ne stigmatisons pas les élus.
Par ailleurs, on observe parfois, dans les schémas de coopération intercommunale, des regroupements autoritaires. Une commune isolée susceptible d'adhérer à deux intercommunalités devrait pouvoir bénéficier d'une certaine souplesse pour faire son choix. Cette faculté, qui va dans le sens de la libre administration et de l'indépendance des communes, serait un progrès.
La première communauté de communes de l'histoire s'est constituée, avec quatre communes, dans la circonscription dont je suis élu. Celui qui était à l'origine de ce regroupement est toujours président de cette communauté, laquelle compte aujourd'hui quinze communes.
De nombreuses compétences des EPCI relevaient précédemment des communes, qui ne gèrent aujourd'hui plus grand-chose. Cette organisation souffre d'un déficit démocratique, les habitants ne sachant plus qui sont leurs représentants à l'intercommunalité, ni ce que fait cette dernière, et conservant un attachement atavique à la commune. Un premier pas consiste à identifier dès les élections municipales les personnes destinées à siéger dans l'exécutif de la communauté de communes. On aurait pu imaginer d'autres systèmes, comme l'élection d'une partie des délégués intercommunaux au suffrage universel.
L'augmentation de 25 % du nombre de sièges est une bonne chose, car elle permettra la représentation des petites communes, qui redoutent de ne plus participer à l'exécutif des EPCI. Le fait d'éviter une inflation des indemnités est également une bonne chose.
Je voterai donc pour cette proposition de loi.
Le texte qui nous est proposé possède quelques qualités : il permet de régler certaines situations, introduit de la souplesse, ne crée pas de nouvelles dépenses et garantit aux citoyens que les élus ne seront pas dépensiers pour eux-mêmes. Je m'interroge cependant sur la méthodologie consistant à modifier les règles du jeu à quinze jours d'échéances très concrètes pour les EPCI qui doivent fusionner au 1er janvier 2013. Ce n'est pas la meilleure manière de légiférer. Après avoir dû changer les règles relatives à l'incitation financière aux fusions, qui n'était pas financée, nous sommes en train de faire de même pour la gouvernance : gardons-nous d'une telle évolution.
Par ailleurs, l'article 4 n'est pas sans poser problème. De fait, alors qu'un accord avait été trouvé pour les fusions horizontales favorisant les syndicats de réseau, par exemple pour l'électricité ou l'eau, il semblerait que nous soyons en train d'introduire une nouvelle compétence dans les schémas départementaux de coopération intercommunale, qui sont chargés, sous l'autorité des préfets, pour définir des périmètres et non pas pour imposer des compétences à des EPCI qui fusionneraient. Si tel était le cas, il conviendrait d'examiner de très près cette question.
Eu égard au travail effectué par notre rapporteure, je voterai néanmoins ce texte.
Je ne sais pas encore, pour ma part, quelle position adopter. Le texte que nous examinons arrive à contre-courant. De fait, il existe déjà des situations où la loi n'a pas été appliquée. Ainsi, j'ai rarement vu les évaluations financières des conséquences des schémas de coopération intercommunale proposés, que l'on nous avait annoncées, ce qui m'incite à douter juridiquement de la conformité de toutes les organisations territoriales proposées – du reste, dans certains départements, dont celui dont je suis élu, nous en contestons le bien-fondé devant les tribunaux administratifs.
Tel qu'il est rédigé, l'article 4 n'est pas acceptable, car il fait fi de l'organisation territoriale décidée par des élus. Dans certaines régions, des syndicats ont été créés dans les années 20 pour électrifier certains villages, sous l'impulsion d'élus visionnaires, mais ces syndicats ont été dissous en leur temps pour faire place à des syndicats plus importants et il n'a pas été nécessaire de recourir, pour ce faire, au préfet ou à un schéma départemental. Face aux problématiques d'aujourd'hui, le recours au préfet ou à une CDCI dont la désignation est peu démocratique et la vision peu en phase avec la réalité, relevant d'une logique du chiffre et de l'incantation, est à l'inverse de l'effet recherché et conduit les élus à se demander à quoi ils servent.
Madame la rapporteure, je n'ai pas encore pris connaissance en détail de l'amendement que vous proposez à l'article 4, mais il me semble qu'il pourrait encore être complété pour donner à cette loi de la souplesse et une respiration démocratique.
Tiraillé entre la fidélité que je dois, d'une part, à mon groupe et au travail accompli par la rapporteure et celle que je dois, d'autre part, aux thèses défendues par M. Dosière, je me désolidariserai de mon groupe et voterai contre ce texte.
Je vous invite, cher collègue, avant d'arrêter une position définitive, à lire les amendements de la rapporteure.
Après la réforme de 2010 mettant en place les CDCI et leur faisant obligation d'adopter un schéma départemental de coopération intercommunale, les élus avaient jugé que les pouvoirs conférés aux préfets au sein de ces commissions étaient excessifs et disproportionnés par rapport à ceux dont ils disposaient eux-mêmes. Deux initiatives ont été prises au Sénat : l'une, lancée par Jean-Pierre Sueur et relayée à l'Assemblée par Jacques Pélissard, pour assouplir le délai d'approbation des schémas ; l'autre par Alain Richard afin d'assouplir le calcul du bonus applicable au nombre de délégués communautaires.
Un autre élément très positif est le travail de notre rapporteure. À vouloir trop bien faire, en effet, les sénateurs ont rendu cette proposition de loi très complexe et susceptible d'entraîner des conséquences difficiles à mesurer. Les amendements de la rapporteure permettront de préciser le texte, notamment pour fixer clairement le niveau du bonus à 25 %, et non plus à 37,5 %. Ils préciseront et sécuriseront aussi le montant des indemnités et le nombre de vice-présidents possibles dans le cadre de ces nouvelles modalités d'application. D'autres amendements de simplification interviendront certainement d'ici à l'examen du texte en séance publique, pour le limiter à la composition des conseils communautaires, sans aborder la question des compétences des intercommunalités.
Notre travail permettra d'ouvrir une discussion avec nos collègues du Sénat, à qui nous renverrons sans doute un texte profondément modifié. Il permettra aussi un débat sur le sens et la nature que nous voulons donner à l'intercommunalité, sur la démocratie au sein de celle-ci, ainsi que sur le niveau de compétence et le niveau démographique à partir duquel il faudrait envisager une élection directe des conseillers communautaires.
La question du calendrier soulève un problème de méthode. Cette proposition de loi vient en examen alors qu'a été adopté en Conseil des ministres un projet de loi portant notamment sur la réforme des modes de scrutin à l'échelon local et du calendrier électoral. Le texte qui nous est soumis gagnerait donc à être repris sous la forme d'une série d'amendements au projet de loi. Je rappelle à ce propos que nous venons de voter l'abrogation du conseiller territorial, qui figure précisément à l'article 25 de ce même projet de loi. La réforme de l'intercommunalité et de la démocratie locale appelle une réflexion d'ensemble et ce n'est pas faire bonne oeuvre législative que de procéder par touches impressionnistes.
Mon respect pour le travail de M. Alain Richard, mon estime pour Mmes Nieson et Appéré et mon sens de la discipline me feront formuler, à l'instar du vote contre « de soutien » récemment exprimé par certains, un vote pour « de contestation ».
Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont montré que le vote conforme que souhaitait M. Alain Richard serait impossible, compte tenu du flou et des interrogations qui apparaissaient dans les articles. Comme vous le constaterez, les amendements que je vous propose réécrivent totalement le texte sur les sujets que vous avez évoqués.
Pour ce qui est du calendrier, je rappelle d'abord que l'intercommunalité est une réalité assez récente, qui remonte à la loi Chevènement de 1999 et a fait l'objet des dispositions de la loi du 16 décembre 2010 relatives à la réorganisation de la carte intercommunale territoriale. Cependant, avant le 30 juin 2013, les collectivités devront avoir négocié et s'être organisées pour qu'un accord local sur la composition de l'organe délibérant soit applicable après les élections municipales de 2014. Certes, la proposition de loi qui nous est soumise aurait peut-être pu voir le jour plus tôt, mais, en tout cas, il n'était pas possible d'attendre davantage.
Les questions relatives à la démocratie et à l'élection des représentants dans les intercommunalités seront évoquées lors de l'examen du projet de loi n° 166, déposé au Sénat le 28 novembre dernier.
Cette loi est destinée à guider les élus. J'ai souhaité qu'elle soit aussi claire que possible, qu'elle donne aux collectivités qui le souhaitent une marge de manoeuvre et que son application ne soit pas troublée par les aspects financiers, provoquant de nouveaux anathèmes à l'encontre des intercommunalités et des élus locaux.
Les collectivités ne sont que ce que les élus en font : on peut compter sur les qualités, l'engagement, l'honnêteté et le bon sens de ceux-ci pour qu'elles apparaissent acceptables à nos concitoyens.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (art. L. 5211-6-1 et L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales) : Extension de la faculté de créer des sièges supplémentaires de délégués au sein des organes délibérants des communautés de communes et communautés d'agglomération :
La Commission est saisie des amendements CL 4 de la rapporteure et CL 2 de M. Gilles Bourdouleix, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Dans la rédaction adoptée par le Sénat, le nombre de sièges supplémentaires pouvant être répartis dans le cadre d'un accord local peut représenter 37,5 % de l'effectif du conseil, et non pas seulement 25 %. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré que ce chiffre apparaissait comme excessif et que les interprétations de l'article 1er présentaient en outre des divergences.
L'amendement CL 4 tend donc à une réécriture globale de l'article 1er, proposant aux intercommunalités la possibilité de répartir, dans le cadre d'un accord local, un nombre de sièges strictement égal à 125 % du nombre de délégués que l'organe délibérant aurait comporté en cas d'absence d'accord.
L'amendement CL 2 reprend un amendement déposé par le groupe de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) du Sénat. À titre personnel, je ne verrais aucun inconvénient à ce qu'il tombe si l'amendement de la rapporteure venait à être adopté.
La Commission adopte à l'unanimité l'amendement CL 4.
En conséquence, L'article 1er est ainsi rédigé, et l'amendement CL 2 n'a plus d'objet.
Article 2 (art. L. 5211-10 et L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales) : Augmentation du nombre de vice-présidents au sein des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale :
La Commission adopte successivement l'amendement rédactionnel CL 5 et l'amendement de coordination CL 6 de la rapporteure.
Puis elle est saisie de l'amendement CL 7 de la rapporteure.
Cet amendement tend à supprimer les dispositions introduites par le Sénat pour compenser partiellement les conséquences de l'augmentation du nombre de vice-présidents par une répartition corrélative des indemnités préexistantes. L'amendement CL 3 que je présenterai tout à l'heure précise les dispositions nécessaires à la suite de cette suppression.
Nos concitoyens ne comprendraient pas que la proposition de loi se traduise par une augmentation nette du total des indemnités des élus. Comme l'amendement CL 3, le CL 7 tend à garantir que l'adoption de la proposition de loi n'aura aucune conséquence sur l'enveloppe indemnitaire globale.
La Commission adopte cet amendement.
Elle adopte ensuite l'article 2 modifié.
Article 2 bis (art. L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales) : Faculté de verser au vice-président d'un EPCI à fiscalité propre une indemnité d'un montant supérieur au plafond réglementaire dans le cadre d'une enveloppe indemnitaire globale :
La Commission est saisie de l'amendement CL 3 de la rapporteure.
L'amendement vise à maintenir strictement le niveau des indemnités pouvant être accordées aux délégués communautaires dans le cadre de la réforme proposée, tout en conservant le choix fait par le Sénat d'accorder plus de liberté et de flexibilité aux élus locaux pour répartir ces indemnités pour l'exercice effectif de fonctions au sein de l'EPCI, selon les responsabilités et les contraintes liées aux fonctions exercées par les différents élus.
Cette réécriture de l'article 2 bis vise aussi à aligner le dispositif sur le droit municipal et à faire en sorte que l'indemnité personnelle d'un vice-président ou d'un conseiller communautaire avec délégation ne dépasse pas l'indemnité maximale pouvant être attribuée au président.
La Commission adopte cet amendement.
En conséquence, l'article 2 bis est ainsi rédigé.
Article 3
La Commission maintient la suppression de l'article 3.
Article 4 (art. L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales) : Modification des orientations à respecter par le schéma départemental de coopération intercommunale relatives à la suppression de syndicat mixte ou de syndicat de communes :
La Commission est saisie de l'amendement CL 8 de la rapporteure.
La rédaction de l'article 4 adoptée par le Sénat pose des questions de fond et de forme. L'objet de l'article, introduit par un amendement du Sénat, est assez éloigné de celui de la proposition de loi. Le texte qui nous est soumis laisse penser que les schémas départementaux de coopération intercommunale devraient prendre la responsabilité de définir les compétences des EPCI dont ils déterminent les périmètres, alors qu'il revient à chaque EPCI de fixer ses compétences et de décider comment appliquer l'intercommunalité sur son territoire et dans son fonctionnement. L'amendement CL 8 propose donc une rédaction de l'article propre à rassurer les élus sur le devenir des compétences orphelines.
Monsieur le président, pourriez-vous demander à la commission des Lois une étude sur les cavaliers législatifs dont elle a été saisie ?
Les cavaliers sont traités par le Conseil constitutionnel quand il a l'occasion de se prononcer à ce propos et sa jurisprudence est constante.
Madame la rapporteure, pourquoi la rédaction que vous proposez n'évoque-t-elle pas les syndicats de communes ?
Parce que les syndicats de communes appartiennent à la catégorie des EPCI, même s'ils ne sont pas des EPCI à fiscalité propre.
Compte tenu des interrogations qui persistent sur l'article 4, le groupe socialiste entend déposer avant l'examen en séance publique un amendement de suppression de cet article.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Après l'article 4
La Commission est saisie de l'amendement CL 9 de la rapporteure, portant article additionnel après l'article 4.
L'amendement tend appliquer à la Polynésie française les dispositions de la proposition de loi que nous examinons.
La Commission adopte cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL 1 de M. Hugues Fourage.
Compte tenu des décisions parfois imposées par les préfets, l'amendement vise à ce qu'aucune commune ne puisse être rattachée contre son gré à un EPCI, si un choix est possible. Le fait que les délibérations des communes sont parfois remises en cause par l'adoption du schéma départemental est contraire au principe démocratique de libre administration des collectivités locales.
J'entends votre préoccupation, mais j'émettrai un avis défavorable à votre amendement. En effet, dans le cadre de la mise en place des schémas départementaux de coopération intercommunale, toutes les communes concernées ont été consultées sur la solution proposée par le préfet, qu'il s'agisse du rattachement à un EPCI existant ou de la création d'un nouvel EPCI. Si elles n'étaient pas enclavées dans un EPCI existant, les communes ont pu exprimer un choix entre des rattachements envisageables et, dans la plupart des cas, les préfets ont respecté ce choix. Il faut, en tout état de cause, mettre en place des ensembles cohérents correspondant aux bassins de vie et à la réalité des territoires.
Cette question est, du reste, assez éloignée de l'objet de la proposition de loi.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte à l'unanimité le texte de la proposition de loi modifié par les amendements adoptés.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL1 présenté par M. Fourage :
Après l'article 4
Insérer l'article suivant :
Dans la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010, à l'article 60, après l'alinéa 15, insérer l'alinéa suivant :
« Aucune commune isolée ne peut être rattachée à un EPCI contre son gré si un autre choix de rattachement est possible et exprimé par celle-ci. »
Amendement CL2 présenté par M. Bourdouleix :
Article 1er
À l'alinéa 2, remplacer le taux : « 25 % » par le taux : « 20 % ».
Amendement CL3 présenté par Mmes Nieson, Appéré et les commissaires membres du groupe SRC :
Article 2 bis
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Après le premier alinéa de l'article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Le montant total des indemnités versées ne doit pas excéder celui de l'enveloppe indemnitaire globale, déterminée en additionnant l'indemnité maximale pour l'exercice effectif des fonctions de président et les indemnités maximales pour l'exercice effectif des fonctions de vice-présidents, correspondantes au nombre maximal de vice-présidents qui résulterait de l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 5211-10 à l'organe délibérant qui comporterait un nombre de délégués déterminés en application des III à VI de l'article L. 5211-6-1 ou au nombre existant de vice-présidences effectivement exercées, si celui-ci est inférieur.
« De manière dérogatoire, l'indemnité versée à un vice-président peut dépasser le montant de l'indemnité maximale prévue au premier alinéa, à condition qu'elle ne dépasse pas le montant de l'indemnité maximale susceptible d'être allouée au président et que le montant total des indemnités versées n'excède pas l'enveloppe indemnitaire globale définie au deuxième alinéa. »
« II. – L'article L. 5215-16 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les indemnités de fonction prévues pour les délégués communautaires dans les communautés urbaines, en application des II et III de l'article L. 2123-24-1, sont comprises dans l'enveloppe indemnitaire globale déterminée par le deuxième alinéa de l'article L. 5211-12. »
« III. – L'article L. 5216-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les indemnités de fonction prévues pour les délégués communautaires dans les communautés d'agglomération, en application des II et III de l'article L. 2123-24-1, sont comprises dans l'enveloppe indemnitaire globale déterminée par le deuxième alinéa de l'article L. 5211-12. »
« IV. – L'article L. 5216-4-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans les communautés d'agglomération dont la population est comprise entre 100 000 et 399 999 habitants, ces indemnités sont au maximum égales à 6 % du terme de référence mentionné au I de l'article L. 2123-20.
« Lorsque l'effectif de l'organe délibérant a été déterminé par application du deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-6-1, le montant total des indemnités versées en application des deux premiers alinéas ne peut être supérieur au montant total des indemnités qui auraient pu être attribuées si cet effectif avait été déterminé en application du troisième alinéa du I de l'article L. 5211-6-1 ».
Amendement CL4 présenté par Mme Nieson, rapporteure :
Article 1er
Rédiger ainsi l'article 1er :
« L'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
« 1° À la dernière phrase du deuxième alinéa du I, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 25 % » et le mot : « II, » est supprimé ;
« 2° Au premier alinéa du II, la référence : « VII » est remplacée par la référence : « VI » ;
« 3° au dernier alinéa du III, les mots : « ou au VI » sont supprimés. »
Amendement CL5 présenté par Mme Nieson, rapporteure :
Article 2
À l'alinéa 2, remplacer les mots :
« toutefois pouvoir dépasser 30 % de son propre effectif ni le nombre de quinze »
Par les mots :
« pouvoir dépasser 30 % de son propre effectif et le nombre de quinze ».
Amendement CL6 présenté par Mme Nieson, rapporteure :
Article 2
Rédiger ainsi la dernière phrase de l'alinéa 2 :
« Dans ce cas, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 5211-12 sont applicables ».
Amendement CL7 présenté par Mme Nieson, rapporteure :
Article 2
Supprimer les alinéas 3 et 4.
Amendement CL8 présenté par Mme Nieson, rapporteure :
Article 4
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Le 4° du III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots suivants :
« et de l'objectif de préservation de l'exercice en commun des compétences précédemment transférées à des établissements publics de coopération intercommunale ou à des syndicats mixtes ; »
« II. – Le présent article entre en vigueur après le prochain renouvellement général des conseils municipaux. »
Amendement CL9 présenté par Mme Nieson, rapporteure :
Après l'article 4
Insérer un article ainsi rédigé :
« I. – Les articles 1 et 2, ainsi que les I et III de l'article 2 bis de la présente loi, sont applicables en Polynésie française. »
« II. – Le II de l'article L. 5842-5 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le deuxième alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant total des indemnités versées ne doit pas excéder celui de l'enveloppe indemnitaire globale, déterminée en additionnant l'indemnité maximale pour l'exercice effectif des fonctions de président et les indemnités maximales pour l'exercice effectif des fonctions de vice-présidents. »
Puis, la Commission procède, sur le rapport de Mme Marietta Karamanli, à l'examen de la proposition de résolution européenne sur le régime d'asile européen commun (n° 431) (Mme Marietta Karamanli, rapporteure).
Nous en venons à l'examen de la proposition de résolution européenne sur le régime d'asile européen commun.
L'Union européenne s'est engagée dans un processus de réforme de l'ensemble des directives et règlements européens relatifs au droit d'asile, dont l'objectif est l'établissement d'un régime d'asile européen commun. Celui-ci a trois objectifs : assurer un niveau de protection élevé, permettre une réponse harmonisée au niveau communautaire, et lutter contre les détournements de procédure et les demandes abusives tendant à utiliser le statut de réfugié à des fins dilatoires. Il ne vise pas à créer une sorte d' « OFPRA européen », qui instruirait les demandes d'asile pour le compte de l'ensemble des États membres, mais à établir un « système européen commun d'asile », comportant un « statut uniforme » pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, ainsi que des « procédures communes ».
L'échéance fixée par le Conseil européen pour l'achèvement de ce processus de refonte était la fin de cette année. Elle ne sera pas respectée, mais de nombreux textes ont déjà été révisés ou sont en voie de l'être. La directive dite « qualification » de 2004, qui harmonise les conditions que doivent remplir les demandeurs pour pouvoir accéder au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire, a été remplacée par une nouvelle directive, adoptée le 13 décembre 2011 et devant être transposée avant le 21 décembre 2013. La refonte du règlement dit « Dublin », qui fixe les critères de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, est quasiment achevée. Il en va de même de la révision de la directive dite « accueil », qui harmonise les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Par ailleurs, j'ai présenté, il y a quelques semaines, l'état d'avancement des négociations sur la refonte du règlement « Eurodac ». De plus, un bureau d'appui européen en matière d'asile a été créé en mai 2010 ; opérationnel depuis juin 2011, il renforce la coopération pratique entre les États membres en matière d'asile et assiste ceux confrontés à une pression particulière, comme la Grèce.
Je n'insisterai pas sur les modifications prévues par ces textes – les négociations les concernant étant terminées ou en voie de l'être – et me concentrerai sur la réforme de la directive dite « procédures », qui harmonise les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire. C'est en effet le texte qui aura l'impact le plus important sur notre droit et dont la négociation est la moins avancée. Le Conseil et le Parlement européen cherchent actuellement à parvenir à un compromis, mais une adoption définitive ne devrait pas intervenir avant quelques mois.
Charles de La Verpillière et moi-même avons préparé une proposition de résolution européenne, au nom de la commission des Affaires européennes, afin que l'Assemblée nationale prenne position, en application de l'article 88-4 de la Constitution, sur les principaux enjeux soulevés par ce texte. Je vous propose une nouvelle rédaction globale de cette proposition, qui figure dans l'amendement que nous allons examiner, afin de tenir compte notamment des observations formulées lors des auditions que j'ai effectuées – des associations, de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et du secrétariat général de l'immigration et de l'intégration. C'est cette nouvelle version que je vais vous présenter.
Je passe sur les points 1. et 2., assez généraux, qui soulignent l'utilité de l'harmonisation et réaffirment notre attachement à ce que celle-ci confère un niveau élevé de protection aux réfugiés.
Le point 3. appelle à la recherche d'un équilibre entre les garanties nouvelles accordées aux demandeurs d'asile et la préservation de l'efficacité des procédures. Cette conciliation entre l'efficacité et le respect des droits me semble en effet devoir guider l'appréciation que nous portons sur les différents points en discussion.
Le point 4. de la résolution est consacré aux nouvelles modalités de l'entretien individuel du demandeur d'asile avec l'agent instructeur de l'OFPRA, qui constitue un moment crucial de l'examen d'une demande.
La Commission européenne a proposé de permettre à un demandeur d'asile de s'entretenir avec un agent instructeur du même sexe, et d'être assisté, le cas échéant, par un interprète également du même sexe. Le Gouvernement français s'est opposé, lors des discussions au Conseil sur ce point, à ce qu'il soit fait systématiquement droit à une telle demande. En effet, celle-ci peut se fonder sur des motifs discriminatoires, contraires à notre conception de l'égalité – que l'on songe, par exemple, à un homme qui refuserait que son dossier soit examiné par une femme uniquement du fait de son sexe ! C'est la raison pour laquelle il vous est proposé, au premier tiret du point 4., de n'admettre une telle demande que si elle repose sur des critères objectifs liés à la demande de protection internationale – une femme victime de violence sexuelle ou de mutilation génitale, par exemple – et non sur des motifs discriminatoires.
La proposition de directive prévoit aussi d'autoriser la présence d'un conseil lors de l'entretien et, plus généralement, à toutes les étapes de la procédure. C'est une avancée importante, que je vous propose de soutenir au deuxième tiret du point 4.
La Commission européenne propose enfin que les entretiens fassent l'objet d'un rapport détaillé, qu'ils soient enregistrés, et que le demandeur puisse faire des commentaires sur le rapport. Le cumul de ces garanties conduit à un formalisme jugé excessif, notamment par l'OFPRA. Une formule plus souple vous est proposée, qui consisterait à rendre alternatifs l'enregistrement et la possibilité de formuler des observations sur le rapport. Si l'entretien est enregistré, et si cet enregistrement peut être utilisé en cas de recours, il est inutile de prévoir en plus que des observations puissent être formulées sur le rapport.
Au point 5., il vous est proposé de vous féliciter de l'instauration d'un droit à l'information sur le droit d'asile, à la frontière et dans les centres de rétention, tout en appelant à ce que les modalités de cette information ne conduisent pas à une élévation des demandes infondées. Il conviendrait, notamment, que cette information ne soit pas adressée systématiquement à toutes les personnes se présentant à la frontière, mais sur demande.
Les points 6. et 7. portent sur les délais d'examen des demandes d'asile. La proposition de directive prévoit de limiter ce délai en premier ressort – c'est-à-dire, en France, devant l'OFPRA – à six mois. Le délai actuel d'instruction est légèrement inférieur. Je vous propose de soutenir ce principe d'une limitation, tout en soulignant que les nouvelles garanties accordées par la directive risqueront d'entraîner un allongement des délais.
Le point 8. soutient la mise en place d'un système permettant d'identifier les personnes en situation de vulnérabilité, afin d'offrir des garanties élevées à ces demandeurs. Il s'agit notamment des personnes ayant subi des actes de torture.
Au point 9., il vous est proposé de soutenir le principe d'un recours suspensif lorsque la décision de refus de la protection internationale a pour effet de mettre fin au séjour du demandeur. Il s'agit d'une garantie importante.
Au point 10., nous prenons acte de l'absence d'accord sur une liste européenne de pays d'origine sûrs, ce qui conduit à maintenir les listes nationales. Celles-ci devraient faire l'objet d'un réexamen régulier : cette proposition correspond d'ailleurs à l'une des recommandations formulées par les sénateurs Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte dans un rapport récent au nom de la Commission des lois du Sénat.
Enfin, au point 11., il est souhaité que l'enveloppe budgétaire proposée par la Commission européenne pour les nouveaux instruments financiers concernant la période 2014-2020 tient dûment compte des coûts induits par les nouvelles garanties prévues par la future directive « procédures ».
Je rappelle que ce texte a été adopté par la commission des Affaires européennes le 21 novembre dernier. Peut-être serait-il souhaitable à l'avenir, pour la clarté de nos travaux, que les rapporteurs ne soient d'ailleurs pas identiques dans les deux commissions : il peut paraître surprenant, en effet, que le rapporteur amende le texte qu'il a lui-même proposé trois semaines auparavant.
Cette proposition est tout à fait pertinente. Aborde-t-elle la question des apatrides, qui sont 9 millions en Europe, ou un autre texte est-il prévu à cet effet ?
Je n'ai pas connaissance de projet de texte spécifique en la matière. Mais la commission des Affaires européennes prépare un rapport global sur l'immigration.
Par ailleurs, je voudrais préciser qu'aujourd'hui, la liste des pays d'origine sûrs est révisée par le conseil d'administration de l'OFPRA lorsqu'il le juge utile. Nous proposons un examen plus régulier, tous les six mois si possible.
Il faudrait aller plus loin : un pays peut ne plus être sûr du jour au lendemain. Il conviendrait d'avoir une plus grande réactivité, en fonction de critères préétablis.
Par ailleurs, si la demande d'entretien avec un agent du même sexe est justifiée pour des raisons médicales ou pour des personnes victimes d'un viol par exemple, il ne faudrait pas qu'elle donne lieu à des discriminations.
Ce texte gagnerait néanmoins à être précisé : qui décidera des critères objectifs sur lesquels reposera cette demande ?
La définition des critères, qui est importante, n'a pas sa place dans la proposition de directive : en France, elle relève de l'OFPRA. Nous devrons travailler avec lui pour que ceux-ci donnent lieu à des procédures efficaces et qu'un financement adéquat soit prévu à cet effet.
En faisant reposer la demande d'entretien avec un agent du même sexe sur des critères objectifs, le texte que je propose tend à tenir compte des besoins réels des demandeurs d'asile et à éviter les discriminations.
La Commission adopte à l'unanimité l'amendement CL 1 de la rapporteure, tendant à proposer une nouvelle rédaction de l'article unique de la proposition de résolution. En conséquence, l'article unique de la proposition de résolution est ainsi rédigé.
Amendement examiné par la Commission
Amendement CL1 présenté par Mme Karamanli, rapporteure :
Article unique
Rédiger ainsi cet article :
L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'article 3, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne,
Vu les articles 67, 78 et 80 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu les conclusions du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 15 novembre 2011, portant création du Fonds « Asile et migration » (COM [2011] 751 final),
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er juin 2011, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale (refonte) (COM [2011] 319 final3),
1. Rappelle que l'Union européenne et les États membres doivent assurer un niveau élevé de protection aux demandeurs d'asile et considère qu'une plus grande harmonisation des procédures d'asile constitue un progrès indéniable répondant aux objectifs du programme de Stockholm qui vise à la mise en place d'un « espace commun de protection et de solidarité fondé sur une procédure d'asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d'une protection internationale », et permettra de garantir un niveau élevé de protection aux réfugiés ;
2. Rappelle également que le Conseil européen a adopté les 15 et 16 octobre 2008 un « Pacte européen sur l'immigration et l'asile » dans lequel il préconise d'instaurer une procédure d'asile unique comportant des garanties communes afin d'achever la mise en oeuvre progressive d'un régime d'asile européen commun. Celui-ci offrira tant la garantie d'une meilleure protection des demandeurs d'asile qu'un moyen de lutter contre les risques liés aux dépôts de demandes d'asile orientés en fonction des disparités entre les législations et les pratiques nationales des États membres ;
3. Précise néanmoins qu'en ce qui concerne la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, du 1er juin 2011, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait du statut conféré par la protection internationale (refonte) (COM [2011] 319 final3) (dite « directive procédures »), actuellement en cours de négociation, un équilibre doit être trouvé entre les garanties nouvelles accordées aux demandeurs d'asile et la préservation de l'efficacité des procédures ;
4. Demande, en ce qui concerne les nouvelles modalités de l'entretien individuel :
– que la possibilité pour le demandeur d'asile de s'entretenir avec un agent instructeur du même sexe ainsi que d'être assisté par un interprète du même sexe, qui ne peut être de principe, ne soit envisagée que si elle repose sur des critères objectifs liés à la demande de protection internationale et non sur des motifs discriminatoires ;
– que la présence d'un conseil à toutes les étapes de la procédure soit favorisée ;
– que l'enregistrement de l'entretien individuel supplée la possibilité pour le demandeur d'asile de faire des commentaires sur le rapport ou sur la transcription qui a été faite de son entretien dès lors que cet enregistrement pourra être utilisé en cas de recours contre la décision ;
5. Se félicite de l'instauration d'un droit à l'information sur le droit d'asile, à la frontière et dans les centres de rétention, dont l'organisation devra assurer l'effectivité et prévenir une augmentation du nombre des demandes infondées, laquelle serait préjudiciable aux demandes juridiquement fondées ;
6. Demande également que soit respecté un équilibre entre l'approfondissement des garanties procédurales et l'exigence d'une maîtrise des délais, qui constitue une garantie pour le demandeur d'asile, afin de ne pas alourdir la procédure notamment pour les États membres dont le système d'asile est déjà soumis à de fortes contraintes ;
7. Soutient le principe d'une limitation de la durée d'examen de la procédure d'octroi du statut de réfugié à un délai n'excédant pas six mois, qui pourrait cependant être difficile à atteindre compte tenu de certaines des nouvelles garanties proposées par la proposition de « directive procédures » ;
8. Soutient la mise en place d'un système permettant d'identifier les personnes en situation de vulnérabilité afin d'offrir des garanties élevées à ces demandeurs ;
9. Soutient le principe d'un recours suspensif lorsque la décision de refus de la protection internationale a pour effet de mettre fin au séjour du demandeur ;
10. Prend acte de l'absence d'accord au niveau européen sur l'établissement d'une liste commune minimale de pays d'origine sûrs, ce qui conduit au maintien de listes nationales, qui devront faire l'objet d'un réexamen régulier ;
11. Souhaite que l'enveloppe budgétaire proposée par la Commission européenne pour les nouveaux instruments financiers sur la période 2014-2020 soit votée et prenne en compte les coûts induits par les nouvelles garanties prévues par la proposition de « directive procédures ».
Enfin, la Commission entend la communication de M. Guy Geoffroy et Mme Marietta Karamanli chargés de la veille européenne au nom de la commission des Lois.
Mes chers collègues, dans le cadre d'une pratique désormais habituelle, nous allons entendre une communication sur l'actualité européenne par les deux membres de notre Commission en charge de la veille européenne, que sont Mme Marietta Karamanli et M. Guy Geoffroy.
Les communications que nous effectuons aujourd'hui avec M. Guy Geoffroy au titre de la veille européenne portent, d'une part, sur la protection des intérêts financiers de l'Union et, d'autre part, sur la création du Parquet européen. Il s'agit de deux sujets liés, puisque la protection des intérêts financiers de l'Union constitue, aux termes de l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le champ de compétence de plein droit du futur Parquet européen, même si ce même article prévoit la possibilité que la compétence de ce Parquet soit étendue à la criminalité grave ayant une dimension transfrontière.
L'importance de la protection des intérêts financiers de l'Union européenne ne doit pas être minimisée. En effet, dans la mesure où les politiques de l'Union sont financées grâce à ses ressources, toute fraude contre ses intérêts financiers constitue une atteinte à ses capacités d'action. La Commission européenne estime qu'une protection efficace de ces intérêts suppose la convergence des pratiques des États membres en la matière.
Par « intérêts financiers de l'Union », on entend l'ensemble des recettes perçues et des dépenses exposées relevant du budget de l'Union européenne et de ses institutions. Par extension, sont également concernés les actifs des États membres lorsqu'ils sont destinés à soutenir ou stabiliser leur économie ou leurs finances publiques dans une perspective pertinente pour les politiques de l'Union.
D'après son rapport annuel sur la lutte contre la fraude, la Commission dénombre pas moins de 1 230 « irrégularités budgétaires frauduleuses » commises en 2011. Certes, le phénomène est en recul par rapport à 2010, ce qui témoigne d'une certaine efficacité des politiques de lutte contre la fraude, mais des différences significatives persistent entre les approches des États membres dans leurs procédures d'analyse des irrégularités, certains d'entre eux continuant de notifier des taux très bas de fraude.
L'Union européenne dispose déjà d'un corpus juridique faisant obligation aux États membres de fixer des règles minimales de droit pénal pour protéger ses intérêts financiers, fondé sur la Convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes du 26 juillet 1995.
Au niveau européen, l'action s'appuie sur l'Office de lutte antifraude, l'OLAF, créé en 1999. Mais ces instruments sont encore insuffisants pour atteindre le haut niveau de protection attendu, ce qui nuit à la crédibilité de l'Union dans ses efforts de rigueur budgétaire et d'optimisation de l'utilisation des deniers publics. Le dispositif juridique de protection des intérêts financiers de l'Union en vigueur souffre de plusieurs déficiences : faiblesse des capacités de détection des activités criminelles, insuffisance des mesures de suivi, sanctions insuffisamment dissuasives, faiblesse du taux de recouvrement des sommes perdues.
En conséquence, la Commission propose de nouvelles mesures pour accentuer la répression pénale des fraudes, à travers une proposition de directive qu'elle a présentée le 11 juillet 2012.
Aux termes de cette proposition de directive, le champ des infractions pénales devrait désormais couvrir :
– la communication d'informations fausses, la non-communication d'informations requises ou le détournement de fonds en vue de percevoir indûment des fonds européens ou de se soustraire au versement de contributions participant aux ressources budgétaires européennes ;
– la communication ou la non-communication intentionnelle d'informations dans le but de fausser la passation d'un marché public ou l'instruction d'un octroi de subvention ;
– le blanchiment de capitaux ;
– la corruption passive ou active ainsi que le détournement de fonds par agent public ;
– le fait d'inciter à commettre de tels actes, de s'en rendre complice ou de tenter de les commettre.
Les États membres devraient veiller à ce que les personnes physiques reconnues coupables de l'une de ces infractions « soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives ».
Pour les faits de blanchiment de capitaux et de corruption ayant occasionné un préjudice de 30 000 euros ou plus et pour tous les autres faits ayant occasionné un préjudice de 100 000 euros ou plus, une fourchette de peines d'emprisonnement allant de six mois minimum à cinq ans minimum est prévue.
La prescription aux termes de laquelle l'enquête, les poursuites, le jugement et la décision judiciaire deviendraient impossibles ne pourra pas être fixée à moins de cinq ans à compter de la date de la commission de l'infraction. Pour contrecarrer les stratégies de soustraction à la justice, les États membres devraient veiller en outre :
– à ce qu'un nouveau délai, courant jusqu'à dix ans au moins à compter de la date de commission de l'infraction, soit enclenché à la suite de tout acte d'une autorité nationale compétente ;
– à ce que les peines infligées au titre de condamnation définitive puissent être exécutées pendant une période courant jusqu'à dix ans au moins à compter de la date de ladite condamnation.
Les autorités françaises soutiennent l'idée d'une action coordonnée conduite à l'échelon européen pour améliorer la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Toutefois, la transposition en droit français de la proposition de directive nécessiterait, en l'état, des mesures d'adaptation juridique extrêmement délicates.
Tout d'abord, on peut relever que la fixation de la sévérité des sanctions en fonction du niveau des préjudices financiers subis est inhabituelle dans la tradition pénale française. Or la proposition de directive prévoit une modulation des peines selon le préjudice financier subi par l'Union européenne. Il y aurait là une innovation dans le droit pénal français, dont l'impact juridique et l'applicabilité en droit français devra être bien évaluée par les négociateurs français.
Mais, surtout, deux autres dispositions de la proposition sont clairement incompatibles avec des principes du droit pénal français.
Premièrement, il conviendrait de réduire les délais de prescription prévus dans la proposition de directive : à trois ans, au lieu de cinq ou de dix ans selon les cas, pour ce qui concerne l'exercice de l'action publique ; et de dix à cinq ans, pour ce qui concerne l'exécution des peines.
Deuxièmement, la proposition de directive prévoit un système de fourchettes de durées d'emprisonnement. Or, en vertu des principes d'individualisation et de nécessité des peines, les peines minimales ont été abandonnées, dans notre pays, avec l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994. Cette règle supporte actuellement une unique exception : les personnes condamnées en situation de récidive légale, qui sont passibles de peines dites « planchers ».
Afin d'éviter toute mesure contraire au principe de la nécessité des peines, les négociateurs français devront donc obtenir l'assurance que le juge restera libre de s'affranchir du seuil minimal de peine théorique, en accordant le bénéfice de circonstances atténuantes, faute de quoi il importera qu'ils obtiennent la suppression pure et simple de la référence à un seuil de peines.
Ma communication relative au projet de création d'un Parquet européen s'articule très logiquement avec celle de Mme Karamanli sur la protection des intérêts financiers de l'Union, puisque c'est la protection de ces intérêts qui est à l'origine de l'idée de créer un tel Parquet.
Nous avons, en France, et en particulier au sein de l'Assemblée nationale, déjà beaucoup réfléchi à cette question et travaillé dessus depuis maintenant une douzaine d'années. En effet, elle est apparue au début des années 2000. Dès 1988, a été créée l'Unité de coordination de lutte anti-fraude, l'UCLAF, transformée en 1999 en Office européen de lutte anti-fraude, l'OLAF, indépendant de la Commission européenne et chargé de la lutte contre la fraude touchant les intérêts financiers de l'Union. Mais, en 2002, alors que le montant de cette fraude est évalué à un milliard d'euros par an, la Commission propose d'engager une réflexion en vue de créer, ex nihilo, un Parquet européen. À cette époque, la délégation à l'Union européenne de notre Assemblée avait globalement approuvé cette proposition, mais la commission des Lois, dont j'avais alors été le rapporteur, avait souhaité que le domaine de compétences de ce Parquet soit élargi afin qu'il ne lutte pas uniquement contre le milliard d'euros perdus par les institutions européennes, mais aussi contre les centaines de milliards d'euros que coûte la criminalité organisée transfrontière à l'échelle de l'Union européenne. L'Assemblée nationale avait adopté une résolution en ce sens. Les autorités françaises et allemandes ont soutenu l'idée de créer un Parquet européen doté d'un domaine de compétence incluant la lutte contre cette criminalité à partir d'Eurojust.
Dans notre rapport d'information du 29 juin 2011 relatif au Parquet européen, nous avions encore mis en évidence, avec Marietta Karamanli, la nécessité d'apporter à la grande criminalité transnationale une réponse forte et commune de l'Union européenne, qui permette de pallier les limites de la coopération judiciaire pénale et le morcellement de l'espace judiciaire européen. Une résolution en ce sens a été adoptée par notre Assemblée à l'été 2011.
Au cours de ces années, les positions des États de l'Union ont évolué. La création du Parquet européen dispose désormais d'une assise juridique incontestable dans le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et semble faire l'objet d'une réelle volonté politique de la Commission européenne appuyée par un nombre suffisant d'États membres.
Sur le plan du droit, la possibilité de sa création est désormais prévue par l'article 86 du TFUE, qui stipule dans son premier paragraphe que pour « combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à une procédure législative spéciale, peut instituer un Parquet européen à partir d'Eurojust ». Mais ce même article 86 prévoit dans son paragraphe 4 que « le Conseil européen peut, simultanément ou ultérieurement, adopter une décision modifiant le paragraphe 1 afin d'étendre les attributions du Parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière ». Cette stipulation a constitué un pas fondamental vers la réalisation du souhait de notre Assemblée.
Sur le plan politique, la volonté d'avancer est attestée par l'élaboration actuellement en cours au sein de la Commission européenne d'une proposition de règlement, dont la présentation est envisagée dans le courant de l'année 2013. Une délégation de l'OLAF et de la direction générale « Justice » de la Commission européenne, qui s'est déplacée il y a quelques jours à l'Assemblée nationale, nous a apporté des informations précises quant aux contours de cette future proposition de règlement. Nous avons ainsi découvert un point nouveau : ce Parquet ne serait finalement créé ni ex nihilo, ni à partir seulement d'Eurojust, mais engloberait l'OLAF.
Sur le plan organisationnel et statutaire tout d'abord, le texte tendrait à la création d'un Parquet européen décentralisé, construit autour d'un office central qui coordonnerait l'action d'un réseau de « parquetiers » nationaux des États membres participants, lesquels seraient investis de prérogatives en matière de conduite des enquêtes, d'engagement des poursuites et de déférement devant des tribunaux.
L'idée ne serait pas de bâtir un « monstre bureaucratique », qui pourrait être perçu comme un concurrent par chacun des systèmes nationaux de poursuites, mais au contraire et de façon pragmatique d'instituer une structure relativement légère, appuyée sur les moyens humains, matériels et financiers des juridictions des États membres, ainsi que sur les ressources administratives existantes et l'expertise de l'OLAF et d'Eurojust, et ce, pour trois motifs : premièrement, tenir compte de la contrainte budgétaire actuelle ; deuxièmement, favoriser l'acceptabilité du projet pour les citoyens de l'Union européenne ; troisièmement, assurer la meilleure efficacité possible de l'action publique.
Se fondant sur le fait qu'aucun Parquet au monde ne fonctionnerait sur un mode collégial, la Commission européenne proposerait de mettre en place une structure hiérarchique avec, à sa tête, un procureur européen unique. Elle estime que cette structure serait la mieux à même de garantir l'indépendance et l'intégrité des magistrats, qui, dans leur fonction de « parquetiers » européens, ne représenteront pas leur pays ou leur administration.
Chaque État membre désignerait parmi ses magistrats du Parquet un « parquetier européen », qui posséderait une double casquette nationale et européenne : sous sa casquette nationale, il continuerait à travailler au profit de son Parquet national ; sous sa casquette européenne, il agirait au titre du Parquet européen quand il aurait à traiter d'une affaire impactant les intérêts financiers de l'Union.
La procédure de nomination et le statut du procureur européen auraient pour objet de garantir son indépendance. Ils devraient s'inspirer de ceux des juges de la Cour de justice de l'Union européenne. Il nous a par ailleurs été indiqué qu'un règlement élaboré en parallèle devrait modifier les règles régissant le fonctionnement d'Eurojust depuis 2009, afin, notamment, de décharger le collège des fonctions administratives.
La structure hiérarchique proposée semble à première vue s'éloigner de la structure collégiale qu'avait appelée de ses voeux la résolution adoptée par notre Assemblée en août 2011, et qui aurait reposé sur Eurojust. Pour autant, elle n'est pas incompatible avec notre vision et me semble devoir être acceptée au nom du pragmatisme.
Sur le plan de la compétence matérielle, l'idée de la Commission européenne serait, dans un premier temps, de ne confier à ce Parquet européen que les questions relatives à la protection des intérêts financiers de l'Union. Par la suite, l'idée défendue par la délégation que nous avons reçue est que, une fois l'autorité du Parquet européen assise, son efficacité reconnue et sa valeur ajoutée démontrée, il deviendrait politiquement envisageable – voire aisé – d'élargir son champ de compétence à la lutte contre la grande criminalité transfrontalière, comme le permet le TFUE. La proposition de la Commission constituerait ainsi une première étape vers la réalisation de ce que nous souhaitons.
Si cette option peut apparaître quelque peu en retrait par rapport aux orientations de notre rapport d'information de juin 2011 et à la résolution d'août 2011, force est de reconnaître qu'elle obéit au réalisme et qu'elle est sans doute la meilleure voie pour aboutir rapidement à la création d'un Parquet européen opérationnel.
En conclusion, il me semble que nous ne pouvons que nous réjouir de la perspective de la création du Parquet européen à un horizon relativement proche, l'essentiel étant de parvenir à dépasser les notions de souveraineté nationale et de coopération internationale dans le domaine pénal, et ainsi éviter les conflits entre juridictions des États membres, quand ce n'est pas leur inaction.
Le contenu de cette communication devrait nous rendre optimiste pour l'avenir face aux déboires qu'a connus la mise en place d'un espace judiciaire européen ; certaines tentations du Royaume-Uni ont pu faire douter du sens de la construction européenne sur ce sujet.
Vous avez précisé qu'il y aurait un procureur général européen et des procureurs européens désignés dans chaque pays membre, qui auraient la double qualité de « parquetier » national et « parquetier » européen. Quelle sera la solution trouvée, s'agissant des pays comme la France où les procureurs n'ont actuellement pas la qualité d'autorité judiciaire indépendante ? Comment construire un Parquet européen avec des procureurs français dépendant du procureur général ?
La perspective tracée est passionnante. Je souhaiterais cependant poser quelques questions à M. Geoffroy. La notion de « criminalité grave » qu'il a évoquée recoupe-t-elle la notion de criminalité organisée ?
Qui pourra saisir le Parquet européen, et celui-ci disposera-t-il de possibilités d'auto-saisine ? Le Parquet européen disposera-t-il d'un pouvoir d'instruction, de poursuites et de coercition ? En ce qui concerne la compétence transfrontalière, sera-t-elle circonscrite à l'intérieur des frontières de l'Union européenne, ou étendue aux infractions qui pourraient être commises au dehors, mais qui auraient un effet à l'intérieur de l'Europe ?
Les éléments que vous nous présentez constituent-t-ils une position du Parlement européen face à un projet de directive déposé par la Commission européenne ?
En réponse à M. Dominique Raimbourg, je précise que notre communication a pour objet de présenter l'état de la question, à ce jour, sur l'élaboration d'un projet de règlement par la question. Celui-ci n'a pas encore été présenté par la Commission européenne. Il s'agit donc d'informer la commission des Lois en amont du dépôt de ce texte.
La question posée par M. Jean-Yves Le Bouillonnec au sujet du statut et de l'indépendance des futurs « parquetiers » européens est fondamentale. Le modèle décentralisé envisagé présente l'avantage de la souplesse. Il consisterait à s'appuyer sur des procureurs délégués, qui auraient une « double casquette », à la fois européenne et nationale. Dans l'exercice de leurs compétences de parquetiers européens, ces délégués nationaux seraient soumis au pouvoir hiérarchique du procureur européen, mais indépendants à l'égard des autorités nationales, dont ils ne pourraient recevoir d'instructions. Les statuts des autorités chargées d'engager les poursuites et d'exercer l'action publique diffèrent fortement d'un État membre à l'autre. Il faudra naturellement tenir compte de ces disparités.
En réponse à M. Alain Tourret, le Parquet européen serait compétent, à terme, pour la criminalité grave ayant une dimension transfrontière, à l'échelle de l'Union européenne. Cela n'exclurait pas de pouvoir démanteler des réseaux qui exercent leur trafic sur le territoire de l'Union européenne, mais dont la « tête » serait située dans un pays tiers.
Le Parquet européen aura pour missions de conduire des enquêtes, engager des poursuites, émettre des mandats d'arrêt européens et déférer les auteurs et complices des infractions relevant de ses compétences devant les juridictions compétentes des États membres.
La réponse de Mme Karamanli permet de bien préciser les choses : il s'agit bien de doter le Parquet européen de pouvoirs d'instruction et d'enquête. Cependant, se pose la question la question du rattachement de cet organe : sous l'autorité de qui ce Parquet européen fonctionnera-t-il ?
Le Parquet européen serait une structure hiérarchisée, les procureurs européens délégués étant placés sous l'autorité hiérarchique d'un procureur européen.
Tout ceci sous-entend que le régime prévu serait celui de la légalité des poursuites, et non de l'opportunité des poursuites du Parquet européen. Cette question se posera ultérieurement, notamment pour déterminer s'il détiendra un pouvoir d'appréciation de l'opportunité des poursuites en matière de criminalité organisée.
À ce stade, l'esprit du projet tel qu'il a été présenté par la délégation de la Commission européenne que nous avons reçue conduirait plutôt à retenir un principe de légalité des poursuites. Cela demandera à être confirmé lors du dépôt de la proposition de règlement. Au fur et à mesure de l'extension des compétences matérielles du Parquet européen à d'autres formes de criminalité grave ayant une dimension transfrontière, la question du choix entre un régime de légalité ou d'opportunité des poursuites se posera cependant avec davantage d'acuité.
Informations relatives à la Commission
La Commission désigne :
– M. Patrice Verchère, co-rapporteur sur la mise en application de la loi qui serait issue de l'adoption définitive de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, relative aux juridictions de proximité (n° 436) (M. Jean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur) ;
– M. Philippe Gosselin, co-rapporteur sur la mise en application de la loi qui serait issue de l'adoption définitive de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération (n° 420) (Mme Nathalie Nieson, rapporteur).
La séance est levée à 12 heures 30.