L'Union européenne s'est engagée dans un processus de réforme de l'ensemble des directives et règlements européens relatifs au droit d'asile, dont l'objectif est l'établissement d'un régime d'asile européen commun. Celui-ci a trois objectifs : assurer un niveau de protection élevé, permettre une réponse harmonisée au niveau communautaire, et lutter contre les détournements de procédure et les demandes abusives tendant à utiliser le statut de réfugié à des fins dilatoires. Il ne vise pas à créer une sorte d' « OFPRA européen », qui instruirait les demandes d'asile pour le compte de l'ensemble des États membres, mais à établir un « système européen commun d'asile », comportant un « statut uniforme » pour les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire, ainsi que des « procédures communes ».
L'échéance fixée par le Conseil européen pour l'achèvement de ce processus de refonte était la fin de cette année. Elle ne sera pas respectée, mais de nombreux textes ont déjà été révisés ou sont en voie de l'être. La directive dite « qualification » de 2004, qui harmonise les conditions que doivent remplir les demandeurs pour pouvoir accéder au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire, a été remplacée par une nouvelle directive, adoptée le 13 décembre 2011 et devant être transposée avant le 21 décembre 2013. La refonte du règlement dit « Dublin », qui fixe les critères de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, est quasiment achevée. Il en va de même de la révision de la directive dite « accueil », qui harmonise les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Par ailleurs, j'ai présenté, il y a quelques semaines, l'état d'avancement des négociations sur la refonte du règlement « Eurodac ». De plus, un bureau d'appui européen en matière d'asile a été créé en mai 2010 ; opérationnel depuis juin 2011, il renforce la coopération pratique entre les États membres en matière d'asile et assiste ceux confrontés à une pression particulière, comme la Grèce.
Je n'insisterai pas sur les modifications prévues par ces textes – les négociations les concernant étant terminées ou en voie de l'être – et me concentrerai sur la réforme de la directive dite « procédures », qui harmonise les procédures d'octroi et de retrait du statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire. C'est en effet le texte qui aura l'impact le plus important sur notre droit et dont la négociation est la moins avancée. Le Conseil et le Parlement européen cherchent actuellement à parvenir à un compromis, mais une adoption définitive ne devrait pas intervenir avant quelques mois.
Charles de La Verpillière et moi-même avons préparé une proposition de résolution européenne, au nom de la commission des Affaires européennes, afin que l'Assemblée nationale prenne position, en application de l'article 88-4 de la Constitution, sur les principaux enjeux soulevés par ce texte. Je vous propose une nouvelle rédaction globale de cette proposition, qui figure dans l'amendement que nous allons examiner, afin de tenir compte notamment des observations formulées lors des auditions que j'ai effectuées – des associations, de l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et du secrétariat général de l'immigration et de l'intégration. C'est cette nouvelle version que je vais vous présenter.
Je passe sur les points 1. et 2., assez généraux, qui soulignent l'utilité de l'harmonisation et réaffirment notre attachement à ce que celle-ci confère un niveau élevé de protection aux réfugiés.
Le point 3. appelle à la recherche d'un équilibre entre les garanties nouvelles accordées aux demandeurs d'asile et la préservation de l'efficacité des procédures. Cette conciliation entre l'efficacité et le respect des droits me semble en effet devoir guider l'appréciation que nous portons sur les différents points en discussion.
Le point 4. de la résolution est consacré aux nouvelles modalités de l'entretien individuel du demandeur d'asile avec l'agent instructeur de l'OFPRA, qui constitue un moment crucial de l'examen d'une demande.
La Commission européenne a proposé de permettre à un demandeur d'asile de s'entretenir avec un agent instructeur du même sexe, et d'être assisté, le cas échéant, par un interprète également du même sexe. Le Gouvernement français s'est opposé, lors des discussions au Conseil sur ce point, à ce qu'il soit fait systématiquement droit à une telle demande. En effet, celle-ci peut se fonder sur des motifs discriminatoires, contraires à notre conception de l'égalité – que l'on songe, par exemple, à un homme qui refuserait que son dossier soit examiné par une femme uniquement du fait de son sexe ! C'est la raison pour laquelle il vous est proposé, au premier tiret du point 4., de n'admettre une telle demande que si elle repose sur des critères objectifs liés à la demande de protection internationale – une femme victime de violence sexuelle ou de mutilation génitale, par exemple – et non sur des motifs discriminatoires.
La proposition de directive prévoit aussi d'autoriser la présence d'un conseil lors de l'entretien et, plus généralement, à toutes les étapes de la procédure. C'est une avancée importante, que je vous propose de soutenir au deuxième tiret du point 4.
La Commission européenne propose enfin que les entretiens fassent l'objet d'un rapport détaillé, qu'ils soient enregistrés, et que le demandeur puisse faire des commentaires sur le rapport. Le cumul de ces garanties conduit à un formalisme jugé excessif, notamment par l'OFPRA. Une formule plus souple vous est proposée, qui consisterait à rendre alternatifs l'enregistrement et la possibilité de formuler des observations sur le rapport. Si l'entretien est enregistré, et si cet enregistrement peut être utilisé en cas de recours, il est inutile de prévoir en plus que des observations puissent être formulées sur le rapport.
Au point 5., il vous est proposé de vous féliciter de l'instauration d'un droit à l'information sur le droit d'asile, à la frontière et dans les centres de rétention, tout en appelant à ce que les modalités de cette information ne conduisent pas à une élévation des demandes infondées. Il conviendrait, notamment, que cette information ne soit pas adressée systématiquement à toutes les personnes se présentant à la frontière, mais sur demande.
Les points 6. et 7. portent sur les délais d'examen des demandes d'asile. La proposition de directive prévoit de limiter ce délai en premier ressort – c'est-à-dire, en France, devant l'OFPRA – à six mois. Le délai actuel d'instruction est légèrement inférieur. Je vous propose de soutenir ce principe d'une limitation, tout en soulignant que les nouvelles garanties accordées par la directive risqueront d'entraîner un allongement des délais.
Le point 8. soutient la mise en place d'un système permettant d'identifier les personnes en situation de vulnérabilité, afin d'offrir des garanties élevées à ces demandeurs. Il s'agit notamment des personnes ayant subi des actes de torture.
Au point 9., il vous est proposé de soutenir le principe d'un recours suspensif lorsque la décision de refus de la protection internationale a pour effet de mettre fin au séjour du demandeur. Il s'agit d'une garantie importante.
Au point 10., nous prenons acte de l'absence d'accord sur une liste européenne de pays d'origine sûrs, ce qui conduit à maintenir les listes nationales. Celles-ci devraient faire l'objet d'un réexamen régulier : cette proposition correspond d'ailleurs à l'une des recommandations formulées par les sénateurs Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte dans un rapport récent au nom de la Commission des lois du Sénat.
Enfin, au point 11., il est souhaité que l'enveloppe budgétaire proposée par la Commission européenne pour les nouveaux instruments financiers concernant la période 2014-2020 tient dûment compte des coûts induits par les nouvelles garanties prévues par la future directive « procédures ».