Intervention de Ibrahim Aboubacar

Séance en hémicycle du 16 juillet 2015 à 9h30
Actualisation du droit des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée. En effet, il s’agit d’un texte utile qui vise l’efficacité de l’action des pouvoirs publics outre-mer. C’est un travail de fourmi qui permettra de combler bien des lacunes et d’appréhender la diversité des outre-mer. Il offre l’occasion de prendre en compte un certain nombre d’attentes restées en souffrance dans beaucoup de ces territoires et à l’égard desquelles, parfois, les plus hautes autorités de l’État s’étaient engagées. Ce texte a été enrichi lors de son examen en commission par la mobilisation de nombreux collègues – ce qui explique sa croissance en volume, ce dont personne, pour une fois, ne se plaindra – et grâce au travail remarquable de notre rapporteure, que je tiens à saluer. Pour toutes ces raisons, je le redis, c’est un projet de loi utile.

Le groupe socialiste, républicain et citoyen aborde cet examen en séance avec un esprit de responsabilité. Il faut souligner que ce texte est en passe de régler de nombreux chantiers. Je citerai en particulier les questions foncières en Martinique et en Guadeloupe, avec le transfert prévu aux collectivités régionales des espaces urbanisés dans les cinquante pas géométriques, qui constitue une évolution très importante dans la conception que l’État se fait de la gestion de son domaine public maritime, et qui trouvera, je n’en doute pas, à l’avenir, à s’étendre à d’autres collectivités d’outre-mer une fois les conditions locales réunies.

Je citerai également, à Mayotte, la création d’un établissement public foncier et le reprofilage de celui de Guyane – en ayant à l’esprit, chers collègues, qu’une approche appropriée pour le foncier agricole dans ce dernier territoire reste à trouver –, l’ajustement des dispositions de lutte contre l’habitat indigne, l’extension à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin des dispositions relatives à la lutte contre la vie chère, la transformation du statut de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité – LADOM –, pour un gain d’efficacité attendu de longue date, l’amélioration de la situation des agents publics en Polynésie et à Wallis-et-Futuna – sujet qui demeure préoccupant dans d’autres collectivités –, la transparence financière et budgétaire dans plusieurs collectivités, la sécurisation – mesure très importante – du passage en Martinique et en Guyane à la collectivité unique au 1er janvier 2016 et la sûreté aérienne dans plusieurs collectivités, pour ne citer que ces mesures.

Madame la ministre, les débats sur ce texte ont également été l’occasion de poursuivre la discussion sur d’autres chantiers sensibles inachevés, dont on rediscutera au cours de l’examen des articles. Citons notamment l’amélioration de l’efficacité des mesures de lutte contre la vie chère – préoccupation commune à tous les outre-mer –, le contenu de la politique de continuité territoriale et sa mise en oeuvre – sujet sur lequel nous avons porté l’accent – et les délais de paiement des TPE par les collectivités publiques, mal endémique qui fragilise le tissu économique local.

Au cours de ces travaux, deux préoccupations générales sont ressorties en filigrane : d’une part, l’applicabilité des lois dans les collectivités d’outre-mer, notamment dans celles qui font l’objet d’une procédure d’homologation spécifique, ainsi que dans le département de Mayotte, d’autre part, les délais excessifs accordés au Gouvernement dans les habilitations à légiférer par ordonnances et, parfois, la non-parution de ces ordonnances, qui conduisent à un empilement d’habilitations, retardant d’autant l’application des lois. Le président Urvoas a dit hier ce qu’il convenait d’en penser.

S’agissant du département de Mayotte, je voudrais souligner la nécessité, d’une part, de reconnaître à l’établissement public foncier – l’EPF – le statut d’opérateur foncier agricole, d’autre part, de trouver une solution pour la zone des cinquante pas géométriques, comme envisagé à l’article 3 de la loi dite Larcher du 17 octobre 2013. Il est désormais nécessaire de s’appuyer sur le document stratégique « Mayotte 2025 », dont les orientations ont fait l’objet d’arbitrages : tel est le sens de la signature du Premier ministre. C’est le cas des orientations à prendre pour l’habilitation relative au code du travail, qu’il convient désormais d’étendre en totalité dans un calendrier raisonnable. À ce sujet, madame la ministre, j’ai particulièrement apprécié votre engagement en faveur de l’extension, que j’ai défendue, des dispositions concernant les services à la personne : cela relève en effet de l’urgence.

Enfin, j’évoquerai les nouvelles missions à confier aux anciens cadis dans ce jeune département, question emblématique qui symbolise, aux yeux de la population, la prise en compte de notre identité mahoraise dans ce processus départemental. Cela fait quinze ans que cette question, il est vrai difficile, doit être tranchée. Le 2 juillet dernier, le conseil départemental a voté une demande d’habilitation, au titre des alinéas 2 et 3 de l’article 72 de la Constitution, solution que j’ai suggérée lors de l’atelier institutionnel que j’ai animé dans le cadre de « Mayotte 2025 ». Le cheminement administratif de cette demande n’étant pas parvenu à son terme, le Gouvernement n’a pas été mesure d’y donner suite dans ce projet de loi. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement d’appel pour faire écho au vote du 2 juillet et à l’attente qui s’en est suivie dans la population, auquel l’article 40 de la Constitution m’a été opposé à tort – c’est ainsi. J’attendrai donc encore la prochaine occasion pour m’exprimer sur le fond, convaincu que la solution qui est aujourd’hui sur la table est, au bout du compte, la meilleure porte de sortie pour solder cette question, car l’État n’a pas su, ne sait pas et ne saura pas le faire. Seul le conseil départemental pourra agir de manière appropriée et il conviendra que l’État l’y autorise.

Madame la ministre, le groupe socialiste, républicain et citoyen est résolu à améliorer encore ce texte et entend poursuivre le dialogue constructif établi avec le Gouvernement ces dernières semaines, afin de le voter in fine avec enthousiasme.

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