Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le Sénat a adopté à l’unanimité le projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer. Le texte soumis à notre examen aujourd’hui a pris un autre titre, qui correspond davantage à son véritable objet, et s’est étoffé de nombreux articles additionnels par rapport à la rédaction initiale, mais je ne doute pas, madame la ministre, que vous obtiendrez pour celui-ci le même succès qu’à la Haute assemblée dans notre hémicycle.
Le parlementaire de Saint-Barthélemy et Saint-Martin que je suis a quelques motifs de réelle satisfaction.
En premier lieu, bien entendu, l’article 1er de ce projet de loi vient corriger une douloureuse omission de la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer de 2012, en permettant enfin la création d’un observatoire des prix, des marges et des revenus à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin et en rendant applicable à Saint-Martin le fameux « bouclier qualité prix ».
La commission des lois de notre assemblée a en outre prévu, sur proposition du Gouvernement, d’offrir aux présidents de ces observatoires la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence pour avis sur toutes les questions de concurrence dont ils ont la charge. Sur un territoire comme Saint-Martin, perpétuellement exclu des dispositifs d’aides nationaux, pénalisé par sa double insularité et par la concurrence, autant rude qu’immédiate, de sa jumelle néerlandaise, toute mesure visant à lutter efficacement contre la cherté de la vie doit être, à mon sens, accueillie à sa juste valeur. Madame la ministre, soyez donc remerciée pour cette juste réparation.
En second lieu, permettez-moi de me réjouir de l’avancée significative que promet votre texte en matière d’application du code de la Sécurité sociale pour Saint-Barthélemy : l’organisme de la protection sociale et des allocations familiales de la collectivité devrait porter le nom de « caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy » et un conseil de suivi associant des représentants des institutions concernées devrait voir le jour.
La visite et l’engagement du chef de l’État lors de son déplacement sur le territoire de la collectivité en mai dernier et l’examen récent de la proposition de loi organique du sénateur de Saint-Barthélemy, Michel Magras, ont permis de mettre l’accent sur les attentes très fortes de cette jeune collectivité d’outre-mer, qui souhaitait être détachée de la Guadeloupe et disposer d’un régime plus adapté à ses spécificités.
L’article 26 bis A est également important, puisqu’il habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance visant à permettre aux agents publics des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution de rechercher et de constater par procès-verbal certaines infractions aux réglementations édictées localement, notamment en matière d’environnement, de chasse, de pêche, d’urbanisme, de stationnement payant ou de santé ou de salubrité publiques. Il en est de même de l’ordonnance no 2014-470 du 7 mai 2014 portant dispositions pénales et de procédure pénale pour l’application du code de l’environnement de Saint-Barthélemy.
Si ce texte comporte quelques avancées satisfaisantes, je regrette cependant qu’il manque d’ambition et que sa ligne directrice soit si épineuse à délimiter. Développement économique et social, transports, aménagement du territoire, fonction publique, collectivités territoriales, sécurité intérieure, sûreté aérienne, nécessaires mises à jour pour évolutions statutaires diverses : cet inventaire à la Prévert, que je choisis d’arrêter à ce point, s’allonge au gré des amendements.
Je m’interroge toutefois : pourquoi engager la procédure accélérée sur ce projet de loi « fourre-tout », selon vos propres termes, madame la ministre ? Pourquoi examiner ces dispositions disparates en urgence et ne pas se donner les moyens, comme cela a été un moment évoqué par le Gouvernement, d’un grand texte ambitieux pour nos outre-mer ? Vous me répondrez que l’urgence présente au moins l’intérêt de nous éviter, au fil de la navette, de déboucher sur un texte de la taille du petit Larousse, à l’envergure finale incertaine…
En déplacement aux Antilles ou dans l’Océan Indien, je ne doute pas que le Président de la République et son Premier ministre ont respectivement pris la mesure de l’envers du décor de carte postale que constituent nos territoires ultramarins. Je parle d’emplois, de développement économique, de cohésion sociale, d’éducation, de logement ou de santé. Je parle du nécessaire rattrapage social et économique à mettre en oeuvre sur des territoires qui participent de manière importante au rayonnement et à la richesse de notre pays.
Avec ce texte, vous prorogez, vous adaptez, vous prolongez, vous actualisez. Ne voyez aucune ironie dans mes propos : je ne sous-estime pas la portée de certaines mesures de votre projet de loi, en faveur duquel, encore une fois, je voterai. Je regrette simplement, madame la ministre, que nos outre-mer ne fassent pas l’objet d’un grand texte ambitieux et de nature à inverser radicalement la donne dans des territoires profondément enlisés dans la crise et qui méritent tellement plus que des mesurettes et une politique d’ajustements.