Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 16 juillet 2015 à 9h30
Actualisation du droit des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, du fait de son aspect multiforme, ce texte est une invitation à l’ajout de dispositions nouvelles et diverses. Pour ma part, dans une démarche inverse, je consacrerai mon intervention à la deuxième section, celle qui porte sur la continuité territoriale.

Plus de cinquante ans après sa création, après deux changements de dénomination et plusieurs redéfinitions de ses missions, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité s’apprête à changer de statut. Créé en 1961 sous la forme d’une société d’État, cet opérateur va devenir un établissement public administratif, ce qui le mettra en adéquation avec les missions de service public qu’il assure.

Au moment où cet organisme va connaître une évolution statutaire importante – j’y reviendrai de façon plus précise au moment de l’examen des articles –, il paraît important d’assortir cette transformation d’une réflexion sur les conditions dans lesquelles s’organisent les déplacements entre les outre-mer et l’hexagone. Ce sujet ne relève d’ailleurs pas des seuls outre-mer, ne serait-ce que parce qu’après New York et Montréal, ces liaisons font partie des cinq plus importants long-courriers français.

Depuis la révision à la baisse, il y a quelque mois, du dispositif d’aide à la continuité territoriale, la question de la mobilité et, plus généralement du désenclavement aérien, occupe le devant de la scène, particulièrement à La Réunion.

Dans aucune autre région d’outre-mer, le débat n’est aussi vif. L’absence d’étude d’impact préalable n’a permis ni d’évaluer avec précision toutes les conséquences de la réforme pour chacun des territoires, ni de mieux cibler les nouveaux critères.

À ce jour, moins de 2 % de la dotation de 5 millions allouée à La Réunion pour l’année 2015 a été utilisée et le nombre de bons délivrés par LADOM est passé de 16 000 l’an dernier à 252. En fait, depuis la réforme, l’aide à la continuité territoriale n’est quasiment plus financée par l’État mais par les Réunionnais eux-mêmes, par le biais d’un dispositif que la région Réunion a choisi de mettre en place au détriment d’autres actions qui, elles, relèvent de sa seule compétence.

La question du désenclavement aérien est sans aucun doute plus sensible à La Réunion. En raison, d’abord, non seulement de tarifs plus élevés, mais aussi d’une saisonnalité des prix encore plus marquée et que n’explique pas le seul critère de la distance. Selon les spécialistes, il faut aussi tenir compte de la moindre productivité des avions sur la desserte réunionnaise. La plupart des vols étant effectués la nuit, les appareils font un aller-retour tous les deux jours au lieu de repartir immédiatement, comme aux Antilles.

Il y a aussi le fait que les Réunionnais sont les plus nombreux à n’avoir jamais quitté leur île : 26 % contre 13 % pour les Martiniquais. Et vous êtes particulièrement bien placée, madame la ministre, pour confirmer que la réalité de la migration présente, elle aussi, des traits différents selon qu’il s’agit des Antilles ou de La Réunion ; que, par exemple, pour les migrants réunionnais, les retours périodiques sont encore plus difficiles car, moins présents dans la fonction publique, ils sont moins nombreux à bénéficier des congés bonifiés.

Pour bien prendre la mesure de la situation, il faudrait également mentionner le coefficient de périphéricité, certes calculé pour le transport maritime, mais qui révèle qu’en temps de trajet réel, La Réunion est cinq fois plus éloignée qu’elle ne l’est géographiquement de l’espace européen et que, de toutes les régions ultrapériphériques, elle est la moins bien desservie.

Loin de moi de méconnaître les arrière-pensées politiciennes qui prospèrent autour de la continuité territoriale. Mais il est évident que le désenclavement aérien de La Réunion demande, lui aussi, une approche modernisée et adaptée aux nouveaux enjeux dictés par la mondialisation. Un véritable désenclavement exige des solutions durables avec des tarifs accessibles à tous, à l’opposé des onéreux remèdes à court terme et en trompe-l’oeil aujourd’hui proposés.

Un grand travail de clarification et de transparence est devenu indispensable : sur la formation des prix, sur la surcharge transporteur, sur l’impact du carburant et sur l’influence des aides elles-mêmes sur les tarifs.

De même, il n’est plus possible de passer sous silence l’incompatibilité entre les règles commerciales internationales qui régissent cette desserte et son caractère éminemment social. Notre desserte aérienne ne doit plus être le lieu où le principe d’égalité se heurte au dogme de la concurrence libre et non faussée qui inspire les politiques européennes. L’égalité réelle est aussi à ce prix.

L’urgence d’une vraie réforme saute aux yeux. Elle devra permettre l’avènement d’une ligne « Réunion-Paris » qui concilie appartenance géographique et statut politique. Le principe de continuité territoriale, dont l’application la plus accomplie se rencontre en Corse, n’est ni une variable d’ajustement budgétaire ni le lieu de surenchères politiciennes. Puisse LADOM, dans sa nouvelle formule, participer au désenclavement, donc au développement, de La Réunion.

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