Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 16 juillet 2015 à 9h30
Actualisation du droit des outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, derrière l’apparence d’un texte qui embrasse un grand nombre de sujets, il y a une idée à la fois simple et ambitieuse : rendre à l’outre-mer sa juste place dans la loi de la République, et c’est bien là que réside, au fond, toute l’importance de ce projet. En effet, les grands débats qui se nouent dans cet hémicycle ne font pas toujours droit à l’ensemble des spécificités qui façonnent nos territoires respectifs.

Sans pouvoir prétendre à l’exhaustivité, je consacrerai mon propos à trois sujets qui me tiennent particulièrement à coeur.

Tout d’abord, je me réjouis de deux dispositions contenues dans ce projet de loi, qui tendent à rapprocher le droit applicable en Nouvelle-Calédonie du droit commun métropolitain.

En premier lieu, le projet donne la possibilité aux villes de plus de 80 000 habitants, donc à Nouméa, de se doter d’adjoints au maire supplémentaires chargés des quartiers, comme cela se pratique en métropole depuis 2002 à la suite de l’adoption de la loi sur la démocratie de proximité. C’est, pour le maire que je suis, un réel progrès vers plus de démocratie locale.

En second lieu, figure dans ce texte une disposition habilitant le Gouvernement à adapter par ordonnance à la Nouvelle-Calédonie et aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution les règles permettant aux agents publics de verbaliser certaines infractions aux réglementations édictées localement en matière d’environnement, de chasse, de pêche, d’urbanisme, de santé ou de salubrité publique. Je tiens à vous en remercier, madame la ministre, car c’est le fruit de nombreuses interventions auprès de votre ministère qui se trouve concrétisé.

Mais cela traduit aussi, il faut le dire, la vigilance que nous devons exercer pour que nos territoires ne soient pas les oubliés des textes de loi.

Il y a sur ce deuxième point une attente forte en Nouvelle-Calédonie et je crois pouvoir dire, par ailleurs, qu’à l’heure où nombre de nos outre-mer font face à une montée inquiétante des incivilités et de la délinquance, il y a une véritable urgence à doter les polices municipales de rôles et de pouvoirs équivalents à ceux dont disposent leurs homologues métropolitains.

Ces deux réels motifs de satisfaction ne m’empêchent pas, madame la ministre, de vous renouveler mes réserves et, en réalité, mes craintes quant à l’article 17 relatif au contrôle des armes en Nouvelle-Calédonie. Les Calédoniens, dont beaucoup sont chasseurs, vivent d’autant plus mal l’instauration de quotas que l’État n’a pas véritablement pris la peine d’engager sur place une vraie concertation avec les acteurs des différentes filières, qu’elles soient de chasse ou de tir sportif.

L’État ne peut pas passer en force, madame la ministre : il doit privilégier le dialogue avec les parties concernées – les associations, les fédérations – afin de trouver avec elles le meilleur compromis puisque, selon toute vraisemblance, l’article 17 sera maintenu.

Comme je l’ai dit en commission, je demeure résolument opposée à cet article. Toutefois, à défaut d’une suppression, et en réponse à mon intervention en commission, vous avez proposé d’engager la concertation avant l’application du décret. J’en ai pris acte ; cependant, je souhaite que vous nous précisiez que le décret est aujourd’hui une page blanche et que celle-ci sera écrite après le dialogue et la concertation.

Madame la ministre, privilégier le dialogue et la concertation vaut toujours mieux que la rue, car il ne peut y avoir de législation efficace sans ces deux éléments. Il vous faut prendre la voie de la sagesse sur ce sujet.

D’autre part, je tiens à réaffirmer ici que les agressions et homicides commis par armes à feu en Nouvelle-Calédonie, en particulier envers les forces de l’ordre, ne sont en aucun cas l’oeuvre de chasseurs mais bien celle de petits délinquants dont les armes, loin d’être achetées légalement, proviennent le plus souvent de cambriolages. Ce point devait être précisé afin d’éviter tout amalgame : les chasseurs calédoniens sont des gens responsables et respectables, qui ne tirent pas sur les gendarmes.

Pour conclure, notre collègue Maina Sage a fait une excellente proposition en commission, qui consiste à adapter annuellement des textes de loi afin de rendre aux outre-mer, tant dans leur diversité que dans leurs spécificités, leur juste place dans la loi de la République. Je pense qu’elle a été entendue et je souhaite que cette proposition soit prise en compte.

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