Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je souhaite tout d’abord revenir sur le débat d’hier portant sur la Nouvelle-Calédonie : j’ai été extrêmement marqué par l’intervention de notre collègue Marion Maréchal-Le Pen, dont les propos montrent bien qu’une grande partie de la France demeure dans la nostalgie coloniale, de l’empire français, du non-droit à l’autodétermination des peuples et de l’incapacité des peuples à s’assumer, soulignant ainsi l’incapacité de la France à comprendre que les libertés et les particularités font partie d’un universel qu’il faut conjuguer ensemble – je tenais à le dire !
Pour en revenir au présent texte, celui-ci contient des points extrêmement intéressants, madame la ministre, car vous avez fait des avancées qu’il faut relever – c’est quasiment historique ! Ainsi, concernant la zone des cinquante pas géométriques, cela fait plusieurs centaines d’années que nous nous en occupons, plusieurs centaines d’années que la bande littorale est gérée d’abord dans le cadre colonial, puis, plus récemment, par l’État.
Après l’amendement de M. Larcher au Sénat, qui avait déjà enclenché le processus, nous avons décidé ensemble de prolonger de cinq ans – et non pas de trois ans – l’activité des agences de la zone des cinquante pas géométriques – je vous en remercie ! Il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle prolongation de trois ou de cinq ans, mais d’un véritable transfert aux collectivités. Vous avez accepté cette proposition, ce dont nous nous en réjouissons car, ainsi, toutes les zones urbaines seront traitées de manière cohérente.
Autre avancée considérable : l’habitat indigne. Des amendements ont permis aux communes d’intégrer, dans leur plan local de l’habitat, dit PLH, un plan local communal de résorption de l’habitat indigne.
L’autorité organisatrice de transport unique, dite AOTU, est historique puisque nous allons installer la première autorité unique du transport en outre-mer. Vous avez accepté de moderniser cette partie du texte, nous permettant de rendre beaucoup plus performante l’organisation locale du transport.
Nous avons tout fait pour que la collectivité territoriale de Martinique soit prête administrativement, techniquement, budgétairement et comptablement à assumer cette responsabilité, dès que le peuple aura choisi. Vous avez accepté d’être très attentive pour éviter un gap entre le vote et le fonctionnement de la collectivité.
Mais nous conservons quelques petits points de débat et de discussion. Je considère que c’est dans la différence de points de vue et de conceptions que l’on peut enrichir un texte. Ce texte est du reste fait pour être enrichi, ainsi que Mme Zanetti l’a affirmé à plusieurs reprises.
Concernant le gros dossier de l’octroi de mer – qui n’est pas dans le texte – et du règlement général d’exemption par catégorie, je présente un amendement dont vous imaginez bien qu’il n’est pas destiné à être approuvé, puisqu’il a pour objet la rédaction d’un rapport alors que le président de la commission des lois est opposé aux rapports. Mais il vise simplement à poser le problème : il faut absolument que le Gouvernement réponde et rassure tout le monde sur la fiabilité juridique du choix de placer l’octroi de mer sous le statut du RGEC configuré par Bruxelles.
Autre sujet important : l’aide au fret, utilisée aujourd’hui presque uniquement, dans le cadre des intrants, dans une relation hexagone-Martinique et hexagone-Guadeloupe. Nous considérons qu’il faut absolument, comme cela a été indiqué par nos collègues, qu’existe une relation extrêmement puissante de dynamique économique avec les pays tiers ou, à tout le moins, si l’on ne peut pas avoir de relations économiques et d’échanges commerciaux avec les pays tiers, autoriser que ces relations se fassent entre la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin, entre La Réunion et Mayotte ! Aujourd’hui, il n’est pas possible d’utiliser l’aide au fret.
Dernier sujet extrêmement important : l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. Dans les années 1960, nous avons créé – je dis « nous » pour ne pas stigmatiser qui que ce soit – le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer, ou BUMIDOM, qui a aspiré démographiquement les populations, conduisant à une catastrophe démographique dans plusieurs pays d’outre-mer, dont la Martinique et la Guadeloupe, peut-être plus encore qu’à La Réunion : entre 2007 et 2014, 16 000 personnes ont quitté la Martinique ! La population risque de tomber à 300 000 d’ici à 2030 si jamais nous ne réagissons pas.
Bien entendu, madame la ministre, concernant la question de son statut, il n’est pas dans mon intention d’alourdir LADOM par un dispositif nouveau ; mais je veux absolument que le Gouvernement réponde à la question de la migration retour !
LADOM doit-elle servir seulement dans un sens, concernant la formation ou l’organisation des déplacements ? Ou bien affirme-t-on clairement qu’il faut absolument que les deux jeunes sur trois qui partent à l’extérieur et ne reviennent pas en Martinique puissent bénéficier ici, en Angleterre ou ailleurs, de plateformes à Paris – LADOM ou autre –, nous permettant de les faire revenir dans leur pays pour accompagner le dispositif de mobilisation et de dynamique de développement ? Il s’agit d’un enjeu majeur : nous n’avons pas le droit de ne pas traiter ce problème ! Je demande au Gouvernement de se saisir de cette question.
Pour en revenir à l’octroi de mer et au RGEC, je considère que nous devons tous nous mobiliser, à vos côtés et avec certainement l’appui du Président de la République, car la négociation sera extrêmement compliquée avec Bruxelles qui ne veut pas entendre parler des articles 107 et 349 du Traité de Lisbonne. En effet, cette négociation, si elle n’est pas parfaite ni bien faite, risque de nous mettre en difficulté.
Je souhaite enfin répondre à mon collègue Alfred Marie-Jeanne, qui a voulu que l’on éclaire sa lanterne politique – je n’ose pas dire autre chose. L’INSEE est une structure d’État qui n’assume pas ses responsabilités sur le plan local, donnant des statistiques à l’outre-mer avec un décalage d’un à deux ans.
En tant qu’indépendantiste, M. Marie-Jeanne devrait se réjouir autant que moi, qui suis autonomiste, que la Martinique ait fait le choix de créer un outil nous permettant de mener des politiques publiques cohérentes sur place, avec des chiffres au jour le jour.
Je suis très content que M. Para, ancien directeur de l’INSEE, ait accepté de mener cette bataille : cela nous permettra de ne pas naviguer à vue en attendant systématiquement que les solutions viennent de Paris. Je n’ai pas compris l’intervention de M. Marie-Jeanne, mais je me permets de lui répondre très directement parce qu’il s’agit d’une création de la région Martinique, dont je suis extrêmement fier !