Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 15 juillet 2015 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Ollier :

Je souscris à une grande partie de vos propos, monsieur le rapporteur spécial. Vous avez fait un excellent travail, fouillé et précis ; cependant, comme vient de le dire Mme la présidente, trop de droit tue le droit. Votre vision n'est-elle pas trop technique ? L'idéal que vous cherchez à atteindre correspond-il vraiment à la réalité du fonctionnement des partis politiques ? Vous êtes dans le politiquement correct – ce que je comprends fort bien – et vos intentions sont bonnes, mais les mesures que vous proposez sont inégales, même si 80 % d'entre elles ne me posent aucun problème.

Pour avoir été maire d'une commune de 1 000 habitants, je sais combien il est difficile de trouver des mandataires financiers dans les territoires ruraux. La vision technique qui consiste à affirmer depuis son bureau : « Il faut un mandataire ! », se heurte à la réalité.

Sur le principe, je suis d'accord pour porter à six ans la peine d'inéligibilité qui peut être prononcée en cas d'infraction. Cependant, il arrive incontestablement que la justice fasse des interprétations abusives de la législation actuelle, ce qui pose un problème. En effet, certaines personnes de mauvaise foi passent à travers les mailles du filet, alors que d'autres, dont la bonne foi n'a pas été établie pour des raisons que j'ignore, sont sanctionnées pour des balivernes et exclues de la vie politique. C'est inacceptable ! Du fait de son imprécision, la loi ne laisse-t-elle pas une marge d'interprétation excessive aux tribunaux ? Pour le reste, je suis d'accord.

Quel est l'objectif de votre proposition n° 8 – assurer une publication plus détaillée des comptes de campagne et des comptes des partis politiques ? Dans le cadre des contrôles qu'elle réalise, la CNCCFP peut déjà exiger davantage de détails.

Concernant votre proposition n° 9, à qui souhaitez-vous ouvrir le droit à consultation de l'ensemble des documents reçus ou émis par le CNCCFP ? L'important est non pas de multiplier le nombre de personnes qui peuvent contrôler, mais de faire en sorte que la vigilance soit totale et que les contrôles soient sincères, ce qui peut très bien se faire en cercle fermé. Si l'on permet à des personnes extérieures de vérifier dans le détail, on risque des mauvaises interprétations. Il ne faudrait pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des candidats.

Votre proposition n° 13 – clarifier le champ des dépenses électorales en consacrant dans la loi les solutions dégagées par la jurisprudence – me pose également un problème. Je suis parlementaire depuis trente ans. Or, je constate une opposition permanente entre la loi que nous avons votée et la législation telle qu'elle est appliquée par les tribunaux. Ces derniers font la loi à notre place ! Loin de s'en tenir à une interprétation des textes que nous avons votés, ils arrivent bien souvent à des résultats inverses ! Le Parlement aura-t-il un jour le courage d'interdire que l'interprétation des tribunaux change la nature de la loi ? Il faut que le Parlement s'affirme et cesse de subir la jurisprudence !

Votre proposition n° 14 – inclure dans le champ d'application de la loi toute section locale ou structure, indépendamment de sa dénomination, faisant partie de l'organisation d'un parti politique – se heurte, elle aussi, à la réalité. N'oubliez pas que les partis politiques sont en grande partie composés de bénévoles. S'ils disposent, au niveau national, d'un personnel compétent et, le cas échéant, rémunéré, tel n'est pas le cas au niveau local. Ce serait d'ailleurs presque impossible. Avec des règles excessivement complexes, vous risquez de rendre les gens coupables pour des actes qu'ils n'ont pas commis ! Je préfère donc rester prudent en la matière.

S'agissant de votre proposition n° 15 – assurer la publication des comptes des partis politiques sous des formes adaptées –, que faites-vous de la confidentialité ? L'important est non pas de publier, mais d'être vigilant, de vérifier, et de condamner si des fautes sont commises.

Quant à votre proposition n° 16 – obliger les partis politiques à publier une liste annuelle de leurs principaux fournisseurs –, elle se heurte à la liberté d'organisation des partis : chacun d'eux a le droit de se fournir comme il l'entend, dès lors qu'il est en mesure de transmettre la liste de ses fournisseurs en cas de contrôle. N'interprétez pas mal mes propos, monsieur le rapporteur spécial : j'estime simplement que cette contrainte supplémentaire sera bien souvent considérée comme insupportable par les politiques. Nous sommes toujours suspectés d'avoir fait le mal. Pourrait-on penser au contraire que, dans 98 % des cas, les hommes politiques font le bien ?

Enfin, vous souhaitez – c'est votre proposition n° 18 – que la CNCCFP s'inspire des méthodes de la Cour des comptes pour le contrôle des comptes des partis politiques. Je suis tout à fait d'accord, mais les partis ne sont pas des services publics. Il faut donc veiller à ne pas leur imposer des normes trop complexes qui pourraient avoir un impact négatif.

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