Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du 15 juillet 2015 à 10h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La Commission examine un rapport d'information sur l'évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques (M. Romain Colas, rapporteur spécial).

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Notre ordre du jour appelle l'examen d'un rapport d'information sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques, présenté par Romain Colas, rapporteur spécial pour les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État.

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Nous nous penchons aujourd'hui sur la législation qui encadre le financement des partis politiques et des campagnes électorales, laquelle relève de la mission Administration générale et territoriale de l'État, que vous m'avez chargé de suivre en tant que rapporteur spécial.

Il y a près de trente ans, le Parlement a fait le choix d'encadrer les modalités de financement de la vie publique. Ainsi, les deux lois publiées le 11 mars 1988 ont fixé non seulement aux partis politiques, mais aussi aux candidats, des règles pour recueillir des recettes et réaliser des dépenses dans le cadre des différents scrutins nationaux et locaux, ainsi que pour leur participation au débat démocratique.

Par-delà les alternances, ce choix n'a jamais été démenti. Il a même été réaffirmé et conforté au travers des nombreux textes adoptés par le législateur. Ceux-ci forment aujourd'hui l'ossature de la législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques et contribuent à donner à la France une place singulière parmi les démocraties du monde.

Pour autant, chacun peut mesurer combien le soupçon continue trop souvent de peser sur les relations qu'entretiennent nos compatriotes avec les élus, en particulier avec ceux qui exercent des mandats électifs nationaux. Cette défiance persistante s'explique sans doute par les difficultés de l'époque ; elle doit également beaucoup au poison des affaires qui, de manière ponctuelle ou récurrente, mettent en cause la réputation de la classe politique tout entière. En cet instant, beaucoup d'entre nous ont sans doute à l'esprit des exemples récents, dans lesquels des procédures judiciaires ont été ouvertes. Il appartiendra naturellement à la justice de faire toute la lumière sur ces faits et, éventuellement, de sanctionner ceux qui s'en seraient rendus coupables. L'expérience montre cependant que le caractère spectaculaire de sanctions pénales infligées a posteriori ne concourt, en soi, ni à laver l'honneur des élus et responsables politiques dans leur ensemble, ni à rétablir durablement leur crédibilité auprès de nos concitoyens.

C'est pourquoi j'ai jugé utile, au nom de notre Commission, de consacrer des travaux à l'évaluation de la pertinence de la législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques.

Dans cette démarche, j'ai souhaité poursuivre trois objectifs : déterminer dans quelle mesure les règles applicables assurent un encadrement adéquat des sources de financement et des dépenses, d'une part, des candidats aux élections et, d'autre part, des formations politiques en dehors des périodes électorales ; examiner les moyens à la disposition des pouvoirs publics et des juridictions – Conseil constitutionnel et Conseil d'État – pour cette mission et de l'autorité administrative compétente que constitue la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – CNCCFP. J'ai souhaité enfin envisager des axes de modernisation des dispositifs existants, afin de remédier à d'éventuelles insuffisances du droit, mais aussi de prendre en compte de nouvelles pratiques de notre vie démocratique.

À cette fin, j'ai auditionné l'ensemble des personnes susceptibles de fournir une expertise pertinente sur les questions qui se posent : le président de la CNCCFP, M. François Logerot, et ses équipes ; les représentants du bureau des élections du ministère de l'Intérieur ; les représentants de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ; le premier président de la Cour des comptes ; des élus, notamment des députés qui avaient été amenés à travailler sur les textes de loi qui encadrent les financements politiques ; des représentants d'associations de la société civile ; des juristes ; des responsables et trésoriers de partis politiques – les représentants du Front national n'ayant toutefois jamais donné suite à mon invitation.

Aux termes de ces travaux, plusieurs constats se font jour. D'abord, il faut dire que notre droit est relativement complet. Il ne s'agit pas pour moi de proposer des bouleversements mais uniquement des pistes d'amélioration. Je considère qu'avec les lois de 1988, de 1990, de 1995, de 2011 et de 2013, nous disposons désormais d'une ossature solide qui permet de faire échapper la sphère politique et le débat public aux influences financières, pour peu que les règles soient respectées.

Notre système favorise une certaine modération des ressources et des dépenses électorales. Lors de l'élection présidentielle de 2012, 75 millions d'euros de recettes ont été déclarés à la CNCCFP, et 74 millions d'euros ont été dépensés. Ce dernier chiffre est à comparer aux 4,4 milliards d'euros engagés à l'occasion de la dernière élection présidentielle aux États-Unis – primaires comprises – et du renouvellement du Congrès. Lors des élections législatives de 2012, 82 millions d'euros de recettes ont été déclarés à la CNCCFP, pour 79 millions d'euros de dépenses.

Notre droit repose sur un certain nombre de principes : l'interdiction de toute participation pécuniaire ou matérielle des personnes morales – à l'exception, bien évidemment, des partis politiques – au financement des campagnes électorales et des partis eux-mêmes ; la limitation du montant annuel des dons que peut verser une personne physique à 4 600 euros pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats et, depuis la loi du 11 octobre 2013, à 7 500 euros pour le financement d'un ou plusieurs partis politiques ; le plafonnement des dépenses que peuvent engager les candidats à l'occasion des différents scrutins, nationaux et locaux ; le plafonnement, en outre, du remboursement des dépenses électorales assuré par l'État, à hauteur de 47,5 % du plafond des dépenses fixé par le code électoral, à condition que le candidat ait recueilli plus de 5 % des suffrages exprimés.

Notre législation repose aussi sur des dotations publiques aux partis politiques. À cet égard, je tiens à souligner un point souvent méconnu du public : les partis politiques ont contribué à la résorption des déficits publics, l'ensemble des dotations que leur accorde l'État ayant été réduit de 10 % depuis le début de la présente législature. Dans mon rapport, j'appelle toutefois l'attention de la représentation nationale sur le seuil au-delà duquel nous ne devrions pas aller, car une trop grande réduction des financements publics nuirait aux vertus du système actuel : il ne faudrait pas que les partis en viennent à se financer en dehors du cadre légal.

Enfin, un certain nombre d'obligations procédurales permettent de vérifier l'application du droit. L'ensemble de ces règles forme un système cohérent qui me semble aujourd'hui compris, sinon accepté.

Néanmoins, au terme des auditions que j'ai menées et au regard du constat que je viens de dresser, j'ai élaboré quatre séries de propositions. La première concerne le renforcement des moyens de contrôle et la création de nouveaux outils favorisant l'émergence de ce que j'appelle un « écosystème vertueux », reposant essentiellement sur la responsabilité des acteurs. La deuxième série de mesures vise à améliorer la transparence des comptes de campagne électorale et des comptes des partis politiques, afin qu'une saine pression démocratique s'exerce sur les personnes qui assument des responsabilités en la matière. La troisième série comprend des mesures de simplification qui me paraissent utiles pour faciliter non seulement le contrôle, mais aussi la tâche des candidats aux élections et des trésoriers des partis. Enfin, la quatrième série de propositions tend à encadrer des pratiques politiques nouvelles. Je pense notamment à l'émergence des primaires, tant pour les élections nationales que locales.

S'agissant des modalités du contrôle de l'application de la loi, nous devrons veiller, lors de l'examen du projet de loi de finances, à renforcer les moyens qui sont dévolus à la CNCCFP compte tenu des missions toujours plus importantes qui lui sont confiées. Ces moyens sont sensiblement inférieurs à ceux dont disposent les organismes similaires dans d'autres pays européens.

Je suggère que nous nous penchions en outre sur la « zone grise » que constituent les scrutins municipaux organisés dans les communes de moins de 9 000 habitants en matière de financement des campagnes électorales. Actuellement, les candidats qui se présentent dans ces communes doivent respecter les règles en vigueur, mais ils ne fournissent pas de compte de campagne qui soit examiné par la CNCCFP. Je ne propose pas que la Commission, qui a déjà beaucoup de travail, soit chargée de l'examen de ces comptes de campagne dans les villes de moins de 9 000 habitants. Toutefois, dans la mesure où nous avons consacré, dans la loi de 2013, un droit à l'ouverture d'un compte bancaire ou postal pour les mandataires financiers des candidats – dispositif auquel il convient d'apporter des améliorations sur lesquelles je reviendrai –, nous pourrions au moins exiger que, dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants, où s'applique le scrutin de liste, chaque liste désigne obligatoirement un mandataire financier et ouvre un compte dédié au financement de la campagne électorale. D'une part, cela responsabilisera les acteurs ; d'autre part, cela permettra au juge de l'élection de retracer les recettes et les dépenses en cas de contentieux sur le financement de la campagne.

Je propose aussi de donner à la CNCCFP un accès à la comptabilité des partis politiques pendant la période d'examen des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle. Ce serait une innovation importante. Vous avez certainement tous en tête les expériences récentes auxquelles je fais référence. Actuellement, rien ne permet à la CNCCFP de vérifier si les dépenses engagées par un parti dans le cadre de l'élection présidentielle ont été intégrées ou non dans le compte de campagne du candidat concerné. Il s'agirait non pas d'interférer dans la vie des formations politiques, mais d'inscrire dans la loi le principe selon lequel les commissaires aux comptes des partis politiques transmettent à la CNCCFP, au cours de la période d'examen des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle, une attestation retraçant l'ensemble des recettes et des dépenses liées à l'élection. Cela permettrait à la CNCCFP de confronter le compte de campagne du candidat et la comptabilité du parti pendant la période électorale.

Afin de s'assurer de la parfaite indépendance des commissaires aux comptes, sur lesquels pèserait dès lors une responsabilité nouvelle en plus de celles qui leur incombent déjà, je propose de limiter à trois ans la durée pendant laquelle ils peuvent assurer la certification de la comptabilité d'un même parti. Selon moi, une telle rotation sera de nature à accroître la confiance que nous pouvons accorder à leur travail.

Enfin, à l'instar de M. Pierre Mazeaud, qui avait réfléchi sur ces questions à la demande du Président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer, je propose d'alourdir, en la portant de trois à six ans, la peine d'inéligibilité maximale qui peut être prononcée à l'égard de ceux qui contournent sciemment la législation relative au financement des campagnes électorales et des partis politiques. Pour reprendre les propos de M. Mazeaud, il s'agirait de les « sortir du circuit » pendant une période suffisamment étendue, six ans correspondant au mandat politique le plus long qui existe dans notre pays. Cette mesure ferait peser sur chacun une juste responsabilité.

S'agissant des mesures visant à renforcer la transparence, je propose d'enrichir le cadre comptable et les obligations déclaratives comptables qui s'imposent aux partis politiques, afin que la CNCCFP puisse faire utilement son travail. Par la voix de son Premier président, M. Didier Migaud, la Cour des comptes s'est dite tout à fait disposée à accompagner le législateur et, le cas échéant, l'ensemble des acteurs concernés dans cette démarche.

Je propose aussi que la CNCCFP publie, au terme de la période d'examen, des données plus détaillées sur les comptes de campagne des candidats aux différentes élections et sur la comptabilité des partis politiques.

Même si cela peut paraître anecdotique, il serait également utile que les mandataires financiers ne délivrent des reçus aux donateurs – ce qui permet notamment à ceux-ci de bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 66 % du montant qu'ils ont versé – que le jour du dépôt effectif de la candidature. Nous avons en effet observé que des reçus avaient parfois été délivrés en contrepartie de dons versés pour le financement d'une campagne alors que la candidature n'avait pas été finalement déposée. Cette proposition nous a été présentée par un représentant du Groupe des États contre la corruption du Conseil de l'Europe dans le cadre de ses travaux sur la lutte contre la corruption, a aussi son importance en termes de contrôle des finances publiques, auquel nous sommes tous attachés au sein de cette Commission.

En outre, je propose de clarifier dans notre droit la situation des personnes morales qui deviennent des partis politiques. Avec l'extension du phénomène des micropartis tel est notamment le cas aujourd'hui d'un certain nombre d'associations loi 1901, qui peuvent bénéficier, à ce titre, d'apports qui ne sont pas soumis à la législation encadrant les financements politiques. La question de la dévolution du patrimoine et de la trésorerie de ces associations se pose au moment précis où elles se transforment en partis politiques. La CNCCFP est vigilante sur ce point, mais il ne faudrait pas que ces associations contournent par ce biais l'interdiction faite aux personnes morales de financer un parti politique ou une campagne électorale, ni le plafonnement des dons que peuvent consentir les particuliers.

Enfin, je propose de consacrer dans la loi le droit à consultation de l'ensemble des documents reçus ou émis par la CNCCFP dans le cadre de ses travaux. Le juge administratif avait fait droit à la demande de Mediapart d'accéder à un certain nombre de documents que la CNCCFP avait refusé de lui transmettre. Néanmoins, à mon sens, il appartient, au législateur de déterminer quels sont les documents communicables, la jurisprudence ayant suscité certaines interrogations.

De même, sous réserve du respect du secret des affaires, nous pourrions exiger des partis politiques qu'ils publient une liste annuelle de leurs principaux fournisseurs, au-delà de seuils qui devraient être définis de manière consensuelle.

S'agissant des mesures de simplification, il faut, selon moi, que nous aidions la CNCCFP à disposer en temps utile d'informations exploitables – surtout si nous renforçons les obligations comptables des partis politiques – et que nous avancions, à cette fin, vers la généralisation de la dématérialisation de l'envoi des comptes de campagne et de la comptabilité des partis. Cela ferait gagner un temps considérable à la fois aux candidats, aux trésoriers des partis, aux experts-comptables et à la CNCCFP. À ce titre, nous pourrions réfléchir utilement à la création d'un statut de « tiers de confiance » pour les experts-comptables des candidats. L'expert-comptable deviendrait ainsi la personne par laquelle transite l'ensemble des échanges entre la CNCCFP et le candidat pendant la période d'examen des comptes de campagne.

D'autre part, je propose de permettre la certification de la comptabilité annuelle des partis et des groupements politiques par un seul commissaire aux comptes lorsque leurs ressources annuelles sont inférieures à un certain seuil. Nous pourrions nous inspirer du seuil applicable aux syndicats professionnels, à savoir 230 000 euros. Actuellement, beaucoup de petites structures politiques éprouvent de grandes difficultés à trouver, comme la loi l'exige, deux commissaires aux comptes disponibles pour traiter des volumes financiers souvent très faibles.

Il serait également utile de faciliter encore plus l'accès au compte bancaire pour les mandataires financiers des candidats : comme cela a pu être constaté lors des récentes élections départementales, le droit à l'ouverture d'un compte – pourtant consacré dans la loi –est appliqué de façon assez aléatoire, notamment du fait de la méconnaissance des textes en vigueur par les agences bancaires. Actuellement, un mandataire peut faire appel à la Banque de France pour contraindre une banque à lui ouvrir un compte, mais cela suppose qu'il fournisse une attestation de refus d'ouverture de compte délivrée par cette dernière. Or, beaucoup de candidats ont eu du mal à obtenir une telle attestation de la part des agences bancaires locales. Nous pourrions supprimer cette obligation afin de faciliter la saisine de la Banque de France et que le « droit au compte » soit une réalité.

Je vous renvoie à la lecture du rapport pour les autres mesures de simplification que je préconise.

Pour finir, il convient de prendre en compte de nouvelles pratiques politiques, en particulier celle des primaires, qui émerge non seulement pour les scrutins nationaux – nous l'avons vu lors de la dernière élection présidentielle et le verrons vraisemblablement lors de la prochaine –, mais aussi pour les scrutins locaux. L'assemblée générale du Conseil d'État elle-même a invité le législateur à clarifier le cadre dans lequel les dépenses engagées au cours d'une primaire devaient être intégrées dans le compte de campagne des candidats. À cet égard, je propose de consacrer dans la loi le principe établi de façon un peu empirique par la jurisprudence à l'occasion de la primaire organisée par le Parti socialiste en 2011 en vue de l'élection présidentielle : toute dépense ayant concouru à la promotion du projet et de la personne du candidat finalement investi doit être intégrée à son compte de campagne, puisqu'elle a permis à ce dernier de briguer les suffrages des électeurs. Ce principe est similaire aux règles générales qui s'appliquent aux dépenses électorales.

Par ailleurs, nous constatons – parfois pour la déplorer – une multiplication des micropartis. Certains d'entre eux ont une finalité strictement financière et contournent, à mon sens, l'esprit de la loi. Lorsqu'un parti agit comme une entreprise commerciale, il ne concourt pas – selon moi – à l'expression du suffrage, mission que lui assigne l'article 4 de la Constitution. Il est inadmissible qu'un parti ou un microparti réalise une marge bénéficiaire à la faveur du remboursement public des dépenses de campagne d'un candidat – je suppose que vous partagerez tous ce point de vue, mes chers collègues. Or, il semblerait que cette pratique ait déjà été observée, notamment de la part du microparti dénommé « Jeanne ».

Je propose donc une mesure très simple, dont le respect pourra être vérifié par la CNCCFP dès lors que les obligations comptables des partis politiques auront été enrichies : interdire aux partis de réaliser une marge commerciale. Ainsi, un parti ne pourra pas prêter à des candidats à un taux supérieur à celui auquel il a lui-même emprunté. S'il prête sur ses fonds propres, il ne pourra exiger aucun intérêt. S'il achète un kit de campagne à un prestataire, il est hors de question qu'il le surfacture aux candidats à qui il le vend. Car toute marge réalisée de la sorte est payée in fine par l'ensemble des contribuables.

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Merci, monsieur le rapporteur spécial, pour votre travail exhaustif. Ainsi que vous l'avez indiqué vous-même, notre droit est complet. Nous nous sommes penchés à cinq reprises sur la transparence de la vie politique et sur le financement des campagnes, et nous disposons donc déjà d'un arsenal législatif important. Pensez-vous sincèrement, comme vous l'avez laissé entendre dans votre propos liminaire, que nous allons modifier la perception que nos concitoyens ont de la classe politique par un nouveau texte ? Si tel était le cas, l'image de la classe politique se serait déjà améliorée ; au contraire, plus on légifère en la matière et plus elle se dégrade.

S'agissant de l'intégration du financement des primaires dans les comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle, il est bon de préciser les choses pour l'avenir, mais je regrette que la transparence n'ait pas été totale lors de la primaire de 2011, notamment en ce qui concerne les droits de retransmission télévisée.

Quant à la mesure préconisée par le Conseil de l'Europe au sujet des reçus de dons, je ne comprends pas comment des reçus ont pu être délivrés si les dons n'ont pas été effectivement versés. Si tel est le cas, il faut légiférer, mais je crains que l'on ne complexifie encore notre droit.

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Je souscris à une grande partie de vos propos, monsieur le rapporteur spécial. Vous avez fait un excellent travail, fouillé et précis ; cependant, comme vient de le dire Mme la présidente, trop de droit tue le droit. Votre vision n'est-elle pas trop technique ? L'idéal que vous cherchez à atteindre correspond-il vraiment à la réalité du fonctionnement des partis politiques ? Vous êtes dans le politiquement correct – ce que je comprends fort bien – et vos intentions sont bonnes, mais les mesures que vous proposez sont inégales, même si 80 % d'entre elles ne me posent aucun problème.

Pour avoir été maire d'une commune de 1 000 habitants, je sais combien il est difficile de trouver des mandataires financiers dans les territoires ruraux. La vision technique qui consiste à affirmer depuis son bureau : « Il faut un mandataire ! », se heurte à la réalité.

Sur le principe, je suis d'accord pour porter à six ans la peine d'inéligibilité qui peut être prononcée en cas d'infraction. Cependant, il arrive incontestablement que la justice fasse des interprétations abusives de la législation actuelle, ce qui pose un problème. En effet, certaines personnes de mauvaise foi passent à travers les mailles du filet, alors que d'autres, dont la bonne foi n'a pas été établie pour des raisons que j'ignore, sont sanctionnées pour des balivernes et exclues de la vie politique. C'est inacceptable ! Du fait de son imprécision, la loi ne laisse-t-elle pas une marge d'interprétation excessive aux tribunaux ? Pour le reste, je suis d'accord.

Quel est l'objectif de votre proposition n° 8 – assurer une publication plus détaillée des comptes de campagne et des comptes des partis politiques ? Dans le cadre des contrôles qu'elle réalise, la CNCCFP peut déjà exiger davantage de détails.

Concernant votre proposition n° 9, à qui souhaitez-vous ouvrir le droit à consultation de l'ensemble des documents reçus ou émis par le CNCCFP ? L'important est non pas de multiplier le nombre de personnes qui peuvent contrôler, mais de faire en sorte que la vigilance soit totale et que les contrôles soient sincères, ce qui peut très bien se faire en cercle fermé. Si l'on permet à des personnes extérieures de vérifier dans le détail, on risque des mauvaises interprétations. Il ne faudrait pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des candidats.

Votre proposition n° 13 – clarifier le champ des dépenses électorales en consacrant dans la loi les solutions dégagées par la jurisprudence – me pose également un problème. Je suis parlementaire depuis trente ans. Or, je constate une opposition permanente entre la loi que nous avons votée et la législation telle qu'elle est appliquée par les tribunaux. Ces derniers font la loi à notre place ! Loin de s'en tenir à une interprétation des textes que nous avons votés, ils arrivent bien souvent à des résultats inverses ! Le Parlement aura-t-il un jour le courage d'interdire que l'interprétation des tribunaux change la nature de la loi ? Il faut que le Parlement s'affirme et cesse de subir la jurisprudence !

Votre proposition n° 14 – inclure dans le champ d'application de la loi toute section locale ou structure, indépendamment de sa dénomination, faisant partie de l'organisation d'un parti politique – se heurte, elle aussi, à la réalité. N'oubliez pas que les partis politiques sont en grande partie composés de bénévoles. S'ils disposent, au niveau national, d'un personnel compétent et, le cas échéant, rémunéré, tel n'est pas le cas au niveau local. Ce serait d'ailleurs presque impossible. Avec des règles excessivement complexes, vous risquez de rendre les gens coupables pour des actes qu'ils n'ont pas commis ! Je préfère donc rester prudent en la matière.

S'agissant de votre proposition n° 15 – assurer la publication des comptes des partis politiques sous des formes adaptées –, que faites-vous de la confidentialité ? L'important est non pas de publier, mais d'être vigilant, de vérifier, et de condamner si des fautes sont commises.

Quant à votre proposition n° 16 – obliger les partis politiques à publier une liste annuelle de leurs principaux fournisseurs –, elle se heurte à la liberté d'organisation des partis : chacun d'eux a le droit de se fournir comme il l'entend, dès lors qu'il est en mesure de transmettre la liste de ses fournisseurs en cas de contrôle. N'interprétez pas mal mes propos, monsieur le rapporteur spécial : j'estime simplement que cette contrainte supplémentaire sera bien souvent considérée comme insupportable par les politiques. Nous sommes toujours suspectés d'avoir fait le mal. Pourrait-on penser au contraire que, dans 98 % des cas, les hommes politiques font le bien ?

Enfin, vous souhaitez – c'est votre proposition n° 18 – que la CNCCFP s'inspire des méthodes de la Cour des comptes pour le contrôle des comptes des partis politiques. Je suis tout à fait d'accord, mais les partis ne sont pas des services publics. Il faut donc veiller à ne pas leur imposer des normes trop complexes qui pourraient avoir un impact négatif.

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En ma qualité d'ancien trésorier national du Parti socialiste et de rapporteur d'une proposition de loi sur le renforcement de la transparence financière de la vie politique examinée en 2010, je pense, madame la présidente, que nous avons un bon système, mais que nous pouvons toujours l'améliorer, car nous constatons toujours des failles ou des contournements de l'esprit de la loi. La CNCCFP nous indique d'ailleurs chaque année un certain nombre d'avancées ou de compléments possibles.

Par touches successives – depuis une vingtaine d'années, nous avons adopté près de quinze textes législatifs –, la France s'est dotée d'une des législations les plus exigeantes en la matière. Et tous ceux qui ont été candidats à une élection, législative ou locale, peuvent témoigner que le contrôle exercé par le CNCCFP est très rigoureux.

Cela vaut d'ailleurs aussi pour l'élection présidentielle : il n'a échappé à personne que l'un des candidats, Nicolas Sarkozy, n'avait pas obtenu le remboursement par l'État de la moitié des sommes qu'il avait engagées pendant sa campagne, parce qu'il avait dépassé d'environ 400 000 euros le plafond des dépenses autorisé. La loi a été appliquée de façon très stricte. Je n'évoque bien sûr que le dépassement connu, et non celui que nous connaîtrons peut-être un jour et qui pourrait correspondre à un doublement des dépenses constatées, de 20 à 40 millions d'euros.

Notre système repose sur plusieurs principes : le financement public de la vie politique ; l'encadrement des financements privés, en particulier des dons consentis par les personnes physiques – que nous avons plafonnés à 7 500 euros par personne et par an dans la loi de 2013, en adoptant un amendement déposé par Éric Alauzet qui reprenait une disposition de ma proposition de loi de 2010 –, ce qui permet de lutter contre le contournement de la loi par un certain nombre de micropartis – certains collègues présents dans cette salle sont spécialistes de ces structures ; le plafonnement des dépenses électorales, qui contribue à la maîtrise des dépenses et instaure une certaine transparence à l'égard de nos concitoyens.

Je partage l'avis de Patrick Ollier sur un certain nombre de vos propositions, monsieur le rapporteur spécial.

S'agissant de la proposition n° 1, la CNCCFP doit déjà assurer le contrôle de près de 4 500 comptes de campagne pour les communes de plus de 9 000 habitants. Elle n'aura pas les moyens matériels – sauf si nous les augmentons considérablement – de contrôler les comptes des candidats dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants, qui sont les plus nombreuses. Il paraît donc plus raisonnable d'envisager la désignation d'un mandataire financier et l'ouverture d'un compte dédié.

J'émets une petite réserve sur la proposition n° 12 – limiter à trois ans la durée pendant laquelle les commissaires aux comptes peuvent assurer la certification de la comptabilité d'un même parti politique. Pour les sociétés privées, qui perçoivent certes moins d'argent public, mais dont les mouvements financiers sont souvent beaucoup plus importants, on exige une rotation des commissaires aux comptes tous les six ans. Pourquoi faire deux poids, deux mesures, en imposant des règles plus restrictives aux partis politiques ?

Je partage aussi le point de vue de Patrick Ollier en ce qui concerne la proposition n° 14. Il serait matériellement très difficile pour les partis de consolider les comptes de toutes leurs structures locales. Au Parti socialiste, il est déjà compliqué de le faire pour 100 fédérations départementales, et cela le serait encore plus si nous devions inclure les 3 600 sections locales dans le périmètre de consolidation des comptes ! Dès lors, nous appliquons une règle très simple : nous interdisons à ces sections de participer au financement des campagnes électorales. Pour revenir à la mesure proposée, une solution pourrait être de déterminer un seuil de ressources financières annuelles, par exemple 100 000 ou 200 000 euros, à partir duquel les comptes des structures locales seraient consolidés.

Pour l'application de la proposition n° 6 – permettre la certification de la comptabilité annuelle des partis par un seul commissaire aux comptes si le montant annuel des ressources n'excède pas un certain seuil –, le seuil de 153 000 euros applicable aux associations me semble plus adapté que celui de 230 000 euros qui a été retenu pour les syndicats. Dans ce cas, une quarantaine ou une cinquantaine de partis seraient concernés par la mesure.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, madame la présidente, des règles claires ont été appliquées lors de la primaire socialiste et de l'élection présidentielle de 2012. Elles avaient été rendues publiques par le CNCCFP via une circulaire aux candidats. Elles distinguaient les dépenses strictement liées à l'organisation des primaires et les dépenses électorales, lesquelles devaient être imputées sur le compte du candidat à l'élection présidentielle. De mémoire, entre 300 000 et 400 000 euros dépensés dans le cadre de la primaire socialiste ont ainsi été portés au compte du candidat François Hollande. Il faut désormais inscrire ces règles dans la loi.

Enfin, il faudrait effectivement aller plus loin en matière d'encadrement des micropartis. En vingt ans, leur nombre est passé d'une trentaine à près de trois cents. Il convient de s'interroger sur cette inflation considérable, qui s'est faite aux dépens des finances publiques : le total des réductions d'impôt sur le revenu dont bénéficient les personnes physiques qui versent des dons à ces micropartis se chiffre à plusieurs dizaines de millions d'euros. J'espère que vous pourrez inscrire dans la loi des dispositions qui amélioreront notre système sur ce point, monsieur le rapporteur spécial.

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Dans la lignée des interventions précédentes, j'incite notre Assemblée à beaucoup de prudence et de retenue dans ce domaine, qui connaît une inflation législative constante. Aujourd'hui, il me semble plus nécessaire de clarifier et d'appliquer les règles que de renforcer encore les contrôles.

Vous proposez, monsieur le rapporteur spécial, d'organiser une transparence accrue en obligeant les partis politiques à remettre un rapport semestriel sur leurs comptabilité. Au secours ! Pourquoi pas un rapport trimestriel ou mensuel ?

Dans les communes rurales de 1 000 à 9 000 habitants, il sera absolument impossible de trouver un mandataire financier pour chaque candidat. Votre proposition trahit une méconnaissance des réalités du monde local. Pourtant, vous êtes maire. D'autre part, je ne suis pas sûr que les problèmes de transparence et d'organisation de la vie politique se trouvent principalement dans ces communes.

En revanche, vous êtes passé très vite sur une question pourtant essentielle à mes yeux : la clarification de la jurisprudence, qui est devenue incompréhensible. Aujourd'hui, il est impossible de savoir ce qui relève ou non des dépenses de campagne, ce qui doit ou non être imputé sur les comptes. Par exemple, en cas de déplacement, les frais d'hébergement ne sont pas considérés comme des dépenses de campagne. Quelle est la justification de cette règle ? De même, certains frais de déplacement peuvent être pris en compte, d'autres non.

L'élection de certains de nos collègues du Sénat a été annulée, alors que leur intégrité n'a absolument pas été mise en cause et qu'il n'y a pas eu le moindre doute quant à l'usage de l'argent. Seulement, il est désormais impossible de s'approprier les règles d'une complexité sans nom établies par la jurisprudence !

En outre, les comptes de campagne de certains collègues ont été réformés. Ainsi, la CNCCFP a refusé de considérer comme une dépense électorale la location d'une voiture au motif que le candidat n'avait pas déclaré la totalité des kilomètres parcourus dans le cadre de sa campagne. Ce collègue va devoir prendre lui-même en charge 6 000 euros supplémentaires !

La jurisprudence est devenue folle ! Je souscris entièrement aux propos de Patrick Ollier : c'est la démocratie des juges ! C'est inacceptable ! Il faut clarifier les règles, car l'incertitude juridique actuelle est très forte et néfaste. Or, vous n'avez fait qu'une seule proposition en la matière, monsieur le rapporteur spécial.

Par ailleurs, vous ne vous êtes pas prononcé sur l'éventuelle évolution des plafonds applicables aux dons. Actuellement, en France, les plafonds sont bas, ce qui garantit que personne n'est en mesure de dominer un parti ou de lui dicter sa ligne. En contrepartie, une certaine confidentialité est assurée aux donateurs. Souhaitez-vous en rester à ce cadre – ce qui me semblerait le plus raisonnable ? Ou bien souhaitez-vous changer d'approche, en relevant substantiellement les plafonds et en imposant, en contrepartie, une transparence complète ?

Enfin, vous avez abordé la question des associations qui ne sont pas déclarées en tant que parti politique de manière un peu prude. Or, celles-ci posent en réalité beaucoup plus de problèmes que les micropartis en termes de transparence : elles peuvent recevoir des dons qui dépassent les plafonds – les donateurs ne demandant pas de réduction d'impôt –, elles ne publient aucune information sur leur activité et elles ne sont pas contrôlées. Un certain nombre de responsables politiques, y compris de premier plan – je ne citerai pas de noms, mais nous en avons tous en tête –, recourent à des structures de ce type. Or, ils peuvent ainsi se retrouver dans la main de grands donateurs qui les contrôlent totalement. Ces structures sont bien plus néfastes. À une époque, Manuel Valls avait d'ailleurs dénoncé ces dérives.

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Merci pour votre travail, monsieur le rapporteur spécial.

Lorsqu'il y a des points faibles dans la législation, il faut les combler et ajouter des garde-fous. Mais il faut alors répondre à un certain nombre de questions : la mesure envisagée est-elle efficace ? Est-elle réaliste ? Quel est son degré de faisabilité – je pense notamment à la nouvelle règle qui serait imposée dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants ? Quel est son impact financier ? Est-elle suffisamment simple ? Entraîne-t-elle ou non des lourdeurs pour les acteurs concernés ?

Il me paraît tout à fait légitime de porter à six ans la durée maximale de l'inéligibilité en cas d'infraction, sous réserve que les peines prononcées soient justes, ainsi que l'a signalé Patrick Ollier. Ainsi, un élu condamné ne pourra se représenter ni à une élection partielle, ni à un scrutin du même type. Vous vous demandiez, madame la présidente, si un nouveau texte serait de nature à réconcilier les Français avec la vie publique. Or, nous avons là un cas typique : nos concitoyens ne comprennent absolument pas qu'un élu qui a été condamné – pour peu que la peine prononcée soit juste, j'y insiste – puisse se représenter à une élection à bref délai.

S'agissant des recours en annulation d'élections, avez-vous entendu parler, monsieur le rapporteur spécial, d'éventuelles difficultés des parties défenderesses à se faire communiquer des informations ? Il existe notamment une « période grise » entre le moment où les listes d'émargement sont consultables à la préfecture et celui où elles sont transmises au juge de l'élection. Pendant cette période, la partie défenderesse ne peut pas travailler à sa défense. Avez-vous étudié ce problème ?

Dans le même esprit, avez-vous examiné la question des recours abusifs, qui représentent du temps, de l'énergie et de l'argent pour les collectivités ? Ces recours, de bonne ou de mauvaise foi, portent fréquemment sur les signatures et peuvent déboucher sur des annulations. Or, les divergences que l'on constate très souvent entre les signatures faites au premier et au deuxième tour sont la plupart du temps très simples à expliquer : un électeur qui s'est cassé le bras entre les deux tours a signé de la main gauche au lieu de le faire de la main droite ; un autre s'est trompé de colonne à l'un des deux tours, etc.

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Je vous félicite, monsieur le rapporteur spécial, pour votre travail. Il était nécessaire, même si les choses se passent un peu comme au Tour de France en matière de dopage : lorsque nous aurons légiféré, on trouvera toujours un autre produit qui permet de contourner les règles !

Le véritable problème, ce sont les micropartis. Il s'agit d'une pure hypocrisie : on sait qu'ils sont constitués par opportunisme, à des fins non pas de détournement, mais de manipulation, pour rendre un certain nombre de financements licites. Je serais intéressé de connaître les dates auxquelles ils sont créés puis dissous. Il conviendrait, à mon sens, d'interdire leur création au cours de la période pendant laquelle les comptes de campagne sont ouverts. Je suis bien conscient de la difficulté : cette disposition risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel au nom de la liberté d'organisation de partis. Mais, à certains moments, il faut écrire dans la loi des choses un peu fortes. Cela ne peut pas faire de mal.

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Lorsque l'on étudie de près la jurisprudence, on peut tirer deux enseignements.

Premièrement, il y a un besoin de clarification, car l'incertitude jurisprudentielle pose un véritable problème démocratique. Or, si vous abaissez les seuils qui conditionnent l'application de certaines formalités, vous allez amplifier ce problème et vous allez imposer un certain nombre de contraintes et de formalités à des organisations associatives qui, à la différence des partis organisés présents dans les grosses collectivités, n'ont souvent pas les moyens d'y faire face.

Deuxièmement, il existe des jurisprudences contraires en ce qui concerne la bonne foi lorsqu'un manquement a été commis. Il est donc très difficile de comprendre ce que veut le juge. Selon moi, il convient de préciser la notion de bonne foi dans la loi, soit en introduisant une distinction entre manquements intentionnels et manquements formels, soit en fixant un seuil en deçà duquel un manquement qui relève de la peccadille ne peut pas entraîner de conséquences lourdes. De cette manière, la jurisprudence sera encadrée et beaucoup plus claire.

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Je reviens sur votre proposition n° 8, monsieur le rapporteur spécial : assurer une publication plus détaillée des comptes de campagne et des comptes des partis politiques au Journal officiel. Étant donné le volume que représentent tous ces comptes, cela risque d'être un peu compliqué, même si c'est une bonne nouvelle pour l'activité de la direction de l'information légale et administrative – DILA !

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Plusieurs d'entre vous ont fait part de leur préoccupation de ne pas alourdir une législation qui peut déjà paraître lourde. En réalité, j'envisage assez peu de mesures nouvelles : je propose surtout des réaménagements qui visent soit à simplifier, soit à renforcer les dispositifs existants en matière de transparence et de moyens de contrôle.

Au titre des mesures nouvelles, je préconise de donner à la CNCCFP un accès aux comptes des partis politiques, par l'intermédiaire des commissaires aux comptes, au moment où elle examine les comptes des candidats à l'élection présidentielle. On peut discuter de cette proposition, mais on ne peut pas nier qu'un problème majeur s'est posé lors du dernier scrutin présidentiel. À mon sens, le législateur ne peut pas s'abstraire de ce contexte. Du reste, cette mesure ne sera pas difficile à mettre en oeuvre, pour peu que chaque formation politique se prépare et s'adapte aux outils de contrôle dès le début de la campagne présidentielle. Elle le sera d'ailleurs d'autant moins qu'elle m'a été suggérée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, les professionnels qui certifient les comptes des principaux partis politiques ayant pris l'habitude d'échanger entre eux.

Je m'inscris dans une démarche non pas de complexification, mais de clarification et de simplification du droit. En ce qui concerne le champ des dépenses électorales, je partage le point de vue de Patrice Ollier : il faut éviter les disparités dans la jurisprudence. À cette fin, le législateur peut prendre acte, dans la loi, des règles de bon sens qui ont émergé de la jurisprudence, mais aussi fixer un certain nombre de principes.

Plusieurs trésoriers de partis m'ont d'ailleurs fait observer que la jurisprudence avait évolué : dans les premiers temps de l'application de la législation sur le financement des campagnes électorales, la CNCCFP et le juge ont surtout été attentifs à l'exhaustivité des comptes ; dans un second temps – peut-être par souci de préserver les finances publiques – la Commission s'est mise à réformer les comptes de campagne en considérant que certaines dépenses n'étaient pas de nature électorale, pratique qui a été confirmée par le juge lorsqu'il a été saisi. À cet égard, Laurent Wauquiez a évoqué la question des frais de déplacement. Nous avons donc un certain nombre de précisions à apporter ce qui constitue le sens de la proposition que j'ai formulée.

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Ce qui s'est passé n'est pas acceptable !

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Nous avons sans doute des clarifications à opérer. Tel est le sens de ma proposition.

S'agissant des reçus de dons, Madame la présidente, le problème n'est pas que des reçus auraient été délivrés sans que le don ait existé. En fait, il arrive qu'un mandataire financier encaisse des dons et délivre des reçus au nom d'une personne qui, finalement, ne dépose pas sa candidature. Par ailleurs, il peut y avoir un certain nombre de tractations…

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Tel n'est pas le cas actuellement. Pour s'assurer que la personne est bien candidate, il suffirait d'imposer que le reçu de don ne soit délivré que le jour du dépôt effectif de la candidature. Cette règle ne me paraît guère complexe.

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Il serait plus simple d'obliger les personnes qui ne présentent pas leur candidature à restituer les dons.

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Pour répondre à une autre des questions de Patrick Ollier, la matière est en effet très technique. Nous avons identifié des failles que nous pourrions utilement combler. Je cherche non pas à créer la polémique ou à jeter l'opprobre sur tel ou tel, mais à responsabiliser l'ensemble des acteurs. Mes propositions s'inscrivent d'ailleurs dans le droit fil des travaux conduits dans le cadre de la présente législature – loi relative à la transparence de la vie publique et loi interdisant le cumul des fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur –, mais aussi des législatures précédentes.

Je partage l'avis de Régis Juanico : c'est sans doute seulement à partir d'un certain seuil qu'il faut imposer la consolidation des comptes des sections locales dans les comptes globaux des partis.

En France, nous avons effectivement une tendance naturelle à critiquer les hommes politiques, selon la vieille antienne : « Tous pourris ! ». L'objectif de mon travail s'inscrit précisément dans l'effort de création d'un écosystème vertueux afin d'éviter la multiplication des affaires. Celles-ci jettent l'opprobre sur tous ceux qui souhaitent exercer une responsabilité publique, alors qu'elles sont le fait de seulement 1 ou 2 % d'entre eux, qui ont choisi sciemment de contourner les règles.

Je ne propose pas de soumettre les communes de 1 000 à 9 000 habitants au même régime que celles de plus de 9 000 habitants, en obligeant les candidats à présenter un compte de campagne à la CNCCFP. Celle-ci n'aurait pas les moyens de les examiner, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont relevé.

Cela étant, j'ai été deux fois maire d'une commune de 6 500 habitants et j'ai toujours fait le choix, à titre personnel, de désigner un mandataire financier et d'ouvrir un compte unique retraçant l'ensemble des recettes et des dépenses électorales. De cette manière, j'aurais été tout à fait à l'aise pour fournir un compte de campagne en cas de contentieux.

Dans les villes de moins de 9 000 habitants, les candidats n'ont pas d'obligations déclaratives, mais ils n'en sont pas moins soumis au respect des règles. Une association ne peut en aucun cas engager des dépenses électorales, même dans une ville de moins de 9 000 habitants. Ce serait contraire à tous les principes de notre droit. L'obligation de désigner un mandataire financier et d'ouvrir un compte dédié vise précisément à éviter un certain nombre de dérives sur lesquelles mon attention a été appelée par les personnes que j'ai auditionnées, ainsi qu'à faciliter les contrôles a posteriori en cas de saisine du juge. Par exemple, j'ai eu connaissance du cas d'un commerçant qui utilisait son local commercial comme permanence de campagne et qui puisait dans les stocks de sa société pour offrir une tournée à ses militants. Dans certaines petites communes, on peut assister à de telles dérives. Les candidats qui disposent de moyens d'influence supérieurs à ceux des autres bénéficient alors d'une prime tout à fait contraire à l'esprit de notre démocratie.

Monsieur Vergnier, les mesures que je propose en matière de transparence sur les comptes des partis et d'enrichissement de leurs obligations comptables répondent à votre préoccupation concernant les micropartis. D'abord, il convient d'interdire purement et simplement aux partis de réaliser des marges à la faveur du remboursement public des dépenses électorales, ce qui est totalement contraire à l'esprit de la loi et à l'intérêt des finances publiques. De cette manière, nous commencerons à limiter le phénomène des micropartis. Ensuite, si nous contraignons les partis, y compris les micropartis, à publier – pas nécessairement au Journal officiel mais sur un site internet, ce qui coûte moins cher – l'ensemble des flux financiers qui existent, d'une part, entre eux et, d'autre part, avec les candidats aux différentes élections, nous aurons fait oeuvre utile. Peut-être les micropartis seront-ils alors moins utilisés pour de petites « combines » financières.

Quant à ma proposition d'obliger les partis à produire un rapport semestriel sur leurs comptes, elle reste très en deçà de ce qui se pratique dans d'autres pays européens, en particulier au Royaume-Uni, où les formations politiques doivent, pendant les périodes électorales, adresser chaque semaine l'ensemble de leurs recettes et de leurs dépenses à la commission chargée de veiller au respect des règles. Toutes ces informations sont publiées en temps réel sur le site internet de ladite commission.

Monsieur Alauzet, la durée d'inéligibilité de six ans que je propose d'instaurer pour ceux qui ont sciemment contourné les règles – j'ai pris le soin de préciser ce point, sachant que les règles doivent en effet être suffisamment claires pour que l'on puisse déterminer si elles ont été contournées sciemment ou non – correspond au mandat le plus long qui existe dans notre pays. Ainsi, un candidat dont l'élection a été invalidée ne pourra plus se représenter au scrutin suivant, même s'il s'agit d'un scrutin municipal ou sénatorial. Actuellement, c'est un phénomène auquel nous assistons trop souvent.

En application de l'article 146 du Règlement, la Commission autorise la publication du rapport d'information sur l'évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques.

Informations relatives à la Commission

La Commission a désigné M. Gaby Charroux rapporteur spécial sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances pour le projet de loi de finances pour 2016.

Membres présents ou excusés

Commission des Finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 15 juillet 2015 à 10 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Jean-Marie Beffara, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Romain Colas, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, M. Patrick Ollier, M. Michel Vergnier, M. Laurent Wauquiez

Excusés. - M. Dominique Baert, M. Gilles Carrez, M. Marc Francina, M. Jean-Claude Fruteau, M. David Habib, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Thierry Robert, M. Alain Rodet, M. Pascal Terrasse, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth