Intervention de Régis Juanico

Réunion du 15 juillet 2015 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

En ma qualité d'ancien trésorier national du Parti socialiste et de rapporteur d'une proposition de loi sur le renforcement de la transparence financière de la vie politique examinée en 2010, je pense, madame la présidente, que nous avons un bon système, mais que nous pouvons toujours l'améliorer, car nous constatons toujours des failles ou des contournements de l'esprit de la loi. La CNCCFP nous indique d'ailleurs chaque année un certain nombre d'avancées ou de compléments possibles.

Par touches successives – depuis une vingtaine d'années, nous avons adopté près de quinze textes législatifs –, la France s'est dotée d'une des législations les plus exigeantes en la matière. Et tous ceux qui ont été candidats à une élection, législative ou locale, peuvent témoigner que le contrôle exercé par le CNCCFP est très rigoureux.

Cela vaut d'ailleurs aussi pour l'élection présidentielle : il n'a échappé à personne que l'un des candidats, Nicolas Sarkozy, n'avait pas obtenu le remboursement par l'État de la moitié des sommes qu'il avait engagées pendant sa campagne, parce qu'il avait dépassé d'environ 400 000 euros le plafond des dépenses autorisé. La loi a été appliquée de façon très stricte. Je n'évoque bien sûr que le dépassement connu, et non celui que nous connaîtrons peut-être un jour et qui pourrait correspondre à un doublement des dépenses constatées, de 20 à 40 millions d'euros.

Notre système repose sur plusieurs principes : le financement public de la vie politique ; l'encadrement des financements privés, en particulier des dons consentis par les personnes physiques – que nous avons plafonnés à 7 500 euros par personne et par an dans la loi de 2013, en adoptant un amendement déposé par Éric Alauzet qui reprenait une disposition de ma proposition de loi de 2010 –, ce qui permet de lutter contre le contournement de la loi par un certain nombre de micropartis – certains collègues présents dans cette salle sont spécialistes de ces structures ; le plafonnement des dépenses électorales, qui contribue à la maîtrise des dépenses et instaure une certaine transparence à l'égard de nos concitoyens.

Je partage l'avis de Patrick Ollier sur un certain nombre de vos propositions, monsieur le rapporteur spécial.

S'agissant de la proposition n° 1, la CNCCFP doit déjà assurer le contrôle de près de 4 500 comptes de campagne pour les communes de plus de 9 000 habitants. Elle n'aura pas les moyens matériels – sauf si nous les augmentons considérablement – de contrôler les comptes des candidats dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants, qui sont les plus nombreuses. Il paraît donc plus raisonnable d'envisager la désignation d'un mandataire financier et l'ouverture d'un compte dédié.

J'émets une petite réserve sur la proposition n° 12 – limiter à trois ans la durée pendant laquelle les commissaires aux comptes peuvent assurer la certification de la comptabilité d'un même parti politique. Pour les sociétés privées, qui perçoivent certes moins d'argent public, mais dont les mouvements financiers sont souvent beaucoup plus importants, on exige une rotation des commissaires aux comptes tous les six ans. Pourquoi faire deux poids, deux mesures, en imposant des règles plus restrictives aux partis politiques ?

Je partage aussi le point de vue de Patrick Ollier en ce qui concerne la proposition n° 14. Il serait matériellement très difficile pour les partis de consolider les comptes de toutes leurs structures locales. Au Parti socialiste, il est déjà compliqué de le faire pour 100 fédérations départementales, et cela le serait encore plus si nous devions inclure les 3 600 sections locales dans le périmètre de consolidation des comptes ! Dès lors, nous appliquons une règle très simple : nous interdisons à ces sections de participer au financement des campagnes électorales. Pour revenir à la mesure proposée, une solution pourrait être de déterminer un seuil de ressources financières annuelles, par exemple 100 000 ou 200 000 euros, à partir duquel les comptes des structures locales seraient consolidés.

Pour l'application de la proposition n° 6 – permettre la certification de la comptabilité annuelle des partis par un seul commissaire aux comptes si le montant annuel des ressources n'excède pas un certain seuil –, le seuil de 153 000 euros applicable aux associations me semble plus adapté que celui de 230 000 euros qui a été retenu pour les syndicats. Dans ce cas, une quarantaine ou une cinquantaine de partis seraient concernés par la mesure.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, madame la présidente, des règles claires ont été appliquées lors de la primaire socialiste et de l'élection présidentielle de 2012. Elles avaient été rendues publiques par le CNCCFP via une circulaire aux candidats. Elles distinguaient les dépenses strictement liées à l'organisation des primaires et les dépenses électorales, lesquelles devaient être imputées sur le compte du candidat à l'élection présidentielle. De mémoire, entre 300 000 et 400 000 euros dépensés dans le cadre de la primaire socialiste ont ainsi été portés au compte du candidat François Hollande. Il faut désormais inscrire ces règles dans la loi.

Enfin, il faudrait effectivement aller plus loin en matière d'encadrement des micropartis. En vingt ans, leur nombre est passé d'une trentaine à près de trois cents. Il convient de s'interroger sur cette inflation considérable, qui s'est faite aux dépens des finances publiques : le total des réductions d'impôt sur le revenu dont bénéficient les personnes physiques qui versent des dons à ces micropartis se chiffre à plusieurs dizaines de millions d'euros. J'espère que vous pourrez inscrire dans la loi des dispositions qui amélioreront notre système sur ce point, monsieur le rapporteur spécial.

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