À mon tour de vous dire, Monsieur le Ministre, combien je suis heureuse que nos deux commissions vous entendent régulièrement, de manière conjointe, pour faire le point sur ce qui s'est passé au Conseil européen. Je reprendrai les premières questions de la présidente Guigou sur l'avenir de la Grèce dans la zone euro. Beaucoup se posent la question de savoir à qui attribuer la rupture du dialogue. Pour ma part, je préfère me demander comment trouver encore une solution et quelles sont les initiatives à prendre pour retrouver le chemin des négociations et parvenir à un accord qui serve l'intérêt commun. Des propositions étaient sur la table la semaine dernière. Tant la Grèce que l'Union européenne en ont formulées, même si celles de cette dernière me semblent beaucoup plus floues. La situation était-elle plus claire au Conseil ?
Bien sûr, nos deux commissions sont très favorables au maintien de la Grèce dans la zone euro et dans l'Union européenne. Mais quelles seraient les conditions pour arriver à un accord ? Il semblait à portée de main. Sur quoi a-t-on achoppé ? Comme dans la chanson, les négociateurs paraissent avoir suivi une évolution où chaque partenaire, au premier pas de l'autre, soulève une nouvelle difficulté.
Force est cependant de constater qu'il est nécessaire pour la Grèce d'engager effectivement des réformes structurelles importantes. Je m'y suis rendue il y a une quinzaine de jours à peine, avec le bureau de notre commission, mais aussi des collègues du Sénat. Nous avons vu un besoin de révision profonde dans un pays gangréné depuis quarante ans par l'économie parallèle. Un certain nombre de structures échappent à tout contrôle, en particulier à l'impôt. Nous avons ainsi rencontré le responsable d'une fondation qui nous expliqué, certes avec beaucoup de coeur, venir en aide aux enfants en difficulté grâce à la distribution de repas. Mais, en l'interrogeant sur la manière dont la fondation s'acquitte de ses obligations fiscales, nous avons appris qu'elle avait son siège à … la Barbade. C'est toute cette logique qu'il faut remettre en cause. Les gouvernements grecs successifs n'en ont pas pris la mesure. Le gouvernement Tsipras est-il capable de faire mieux ? C'est toute la question.
Tant qu'on n'a pas dialogué sur la question du rééchelonnement de la dette, posée par la Grèce de manière récurrente dès le départ, on ne traite que la moitié des problèmes. Dans les commissions de surendettement, les particuliers reçoivent des propositions de rééchelonnement de leur dette, en même temps qu'ils s'engagent à prendre des mesures pour revenir à l'équilibre financier. Ainsi faut-il marcher sur ses deux jambes.
Le gouvernement grec organise un référendum le 5 juillet. C'est sa décision. Le peuple grec devra se prononcer sur son avenir. Nous espérons qu'il restera dans la zone euro. La France, comme l'a dit la présidente Guigou, ne faiblit pas dans sa volonté de faciliter la poursuite du dialogue. Elle est la plus audible pour cela. Peut-elle aller jusqu'à proposer un dernier sommet de la zone euro cette semaine ? Elle est la seule à continuer à faire oeuvre de médiation entre les partenaires les plus durs, comme la Finlande, et ceux qui redoutent une sortie de la Grèce de la zone euro. Dans un château de cartes, si l'une d'entre elles est retirée, personne ne sait ce qui se passe ensuite.
La question des migrants concerne aussi la Grèce, tant du fait de ses îles que de sa frontière intérieure, et l'Italie, qui se trouvent toutes deux en grande difficulté, car elles ne peuvent rester seules, ou presque, devant cet afflux. En face de cette situation, comment pouvons-nous dire à nos concitoyens, qui doutent de l'Europe qu'elle a encore a du sens, lorsque la réponse apportée paraît à ce point marquée par les égoïsmes nationaux ? La solidarité dicterait d'accepter la répartition de ces 40 000 personnes. Or, un grand nombre d'États se sont exprimés de manière négative sur la proposition initialement formulée par la Commission européenne, y compris ceux qui attendent – à juste titre – sur d'autres sujets, comme l'Ukraine, la manifestation d'une solidarité plus importante au sein de l'Union européenne. La position française contribuera-t-elle à un déblocage et à un dépassement des difficultés ? Comment le renforcement décidé des moyens de secours en Méditerranée sera-t-il mis en oeuvre ?
S'agissant de l'Europe de la défense, point également inscrit à l'ordre du jour, il ne semble pas que le Conseil européen ait permis de beaucoup progresser. Pourtant, il y a urgence ; au-delà de l'affirmation des principes, un effort commun est nécessaire, comme l'a montré le récent drame de l'Isère, sur notre territoire. Ne craignons pas de dire que nous sommes en guerre, au Mali, mais aussi, aux côtés des Américains, en Syrie. Nous nous engageons pour protéger l'Union européenne, qui ne répond pas aux besoins par une nouvelle stratégie européenne de sécurité.
Enfin, en matière d'emploi et de croissance, les résultats du Conseil européen semblent très limitées. Il a validé les recommandations-pays et appelé à leur bonne application, mais n'a fait que prendre note du rapport des cinq présidents, document plus que prudent, pragmatique plutôt qu'ambitieux. Comment s'articule-t-il avec les propositions conjointement formulées par la France et par l'Allemagne, qui me paraissent plus claires ? Je suis en particulier très déçue que ce rapport ne fasse pas état du nécessaire approfondissement démocratique de l'Union économique et monétaire, et du rôle que pourraient y jouer le Parlement européen et les parlements nationaux.