COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 30 juin 2015
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission, et de Mme Elisabeth Guigou, Présidente de la Commission des affaires étrangères
La séance est ouverte à 16 h 30
I. Audition de M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux Affaires européennes, sur le Conseil européen des 25 et 26 juin, conjointe avec la commission des Affaires étrangères
Je tiens à vous remercier, Monsieur le Ministre, d'être à nouveau présent devant nos deux commissions. Initialement, vous deviez nous parler des conclusions adoptées par le Conseil européen qui s'est tenu jeudi dernier. Vous pourrez nous dire ce que vous retenez de ce sommet qui fut, selon la presse, assez mouvementé. Mais une question d'actualité plus spéciale retiendra notre attention, à savoir la question grecque. Je voudrais entendre votre analyse des raisons qui ont poussé à la rupture des négociations intervenue à l'initiative du gouvernement hellénique, comme l'a rappelé tout à l'heure le Premier ministre. Quelles sont les suites envisagées au référendum organisé dimanche prochain ? Nous avons le sentiment que les négociateurs étaient près d'arriver à un accord, du moins selon le texte publié par la Commission européenne, en anglais et en grec, et qui récapitule l'ensemble des éléments sur la table.
Nous souhaitons que la Grèce reste dans l'union monétaire. Vous ne ferez part des dernières propositions des créanciers. À quoi faut-il imputer l'échec des négociations, aux exigences du Fonds monétaire international (FMI) ou au refus des créanciers de rééchelonner à nouveau la dette ? Ils l'avaient pourtant déjà fait à trois reprises, car le poids de cette dette est insoutenable. Aussi la France a-t-elle constamment proposé, comme l'ont rappelé tout à l'heure tant le Premier ministre que le ministre des Finances, que la négociation soit rouverte sur la dette, ou du moins sur le reprofilage des échéances. Ou l'échec est-il dû à des facteurs internes à la Grèce ? La population grecque paie un lourd tribut, au terme de plus six années de récession particulièrement difficiles à vivre. Le gouvernement grec a exercé un droit souverain en recourant au référendum. Mais n'y a-t-il pas des initiatives à prendre avant dimanche ? Ou faut-il attendre les résultats pour renouer le dialogue ? Il appartient au gouvernement grec de revenir ou non à la table des négociations.
Nous voudrions examiner avec vous ce que pourraient être les conséquences du référendum. Selon certains sondages et les prises de position de certains partis, la victoire du oui ne semble pas exclue, ce qui permettrait d'éviter une sortie de la Grèce de l'union monétaire, ce que je souhaite vivement. Mais le gouvernement grec resterait-il alors en place ? Il prône en effet le non. Inversement, une victoire du non entraînerait-elle une sortie de la Grèce de la zone euro ? Elle serait certainement interprétée comme une volonté en ce sens. Pourtant, personne ne peut expulser la Grèce de la zone euro ; ce n'est pas prévu par les traités, elle ne saurait y être contrainte. Quant à moi, je pense que la Grèce a sa place dans l'union monétaire et qu'une sortie serait un échec politique sérieux. La question implicitement posée par le référendum est de savoir si le peuple grec veut y rester. Voilà pour la crise immédiate.
Malgré les efforts remarquables pour renforcer l'Union économique et monétaire, ayant produit des résultats qui n'auraient pas semblé possibles au moment de la crise financière, l'union économique n'existe toujours pas. J'ai lu avec attention le rapport des quatre présidents au Conseil européen ; ses propositions me semblent intéressantes. Parmi les propositions qu'il formule, lesquelles pourraient aboutir et dans quel délai ? S'il n'est pas prématuré de vous poser la question, quelle est la position française à ce sujet ? Certes, leur réflexion se place dans une perspective de moyen et long terme, certains éléments pouvant sembler parfois utopiques. Mais, l'Europe n'étant pas quelque chose de naturel, il faut une volonté et une vision politique pour espérer pouvoir aboutir. N'a-t-il pas fallu plus de trente ans pour créer la monnaie unique, alors qu'elle était envisagée dès le commencement des communautés européennes ? En tout état de cause, il ne saurait y avoir d'union monétaire durablement consolidée sans union économique.
Vous nous parlerez également de la question migratoire. À la suite de discussions longues, vives et tendues, le Conseil européen a abandonné toute référence à un mécanisme contraignant de répartition des personnes ayant un besoin clair de protection internationale et dont le nombre est estimé à 40 000. Mais les États se sont néanmoins engagés à organiser une répartition plus équitable. Car il est vrai que nous ne pouvons laisser la Grèce et l'Italie seules devant cet afflux de réfugiés. Quelle est votre analyse ? Quelles suites pourront-elles être données à ces engagements volontaires ?
Enfin, le Conseil européen a traité des questions de sécurité et de défense. Vous nous ferez part de ses apports sur le sujet.
À mon tour de vous dire, Monsieur le Ministre, combien je suis heureuse que nos deux commissions vous entendent régulièrement, de manière conjointe, pour faire le point sur ce qui s'est passé au Conseil européen. Je reprendrai les premières questions de la présidente Guigou sur l'avenir de la Grèce dans la zone euro. Beaucoup se posent la question de savoir à qui attribuer la rupture du dialogue. Pour ma part, je préfère me demander comment trouver encore une solution et quelles sont les initiatives à prendre pour retrouver le chemin des négociations et parvenir à un accord qui serve l'intérêt commun. Des propositions étaient sur la table la semaine dernière. Tant la Grèce que l'Union européenne en ont formulées, même si celles de cette dernière me semblent beaucoup plus floues. La situation était-elle plus claire au Conseil ?
Bien sûr, nos deux commissions sont très favorables au maintien de la Grèce dans la zone euro et dans l'Union européenne. Mais quelles seraient les conditions pour arriver à un accord ? Il semblait à portée de main. Sur quoi a-t-on achoppé ? Comme dans la chanson, les négociateurs paraissent avoir suivi une évolution où chaque partenaire, au premier pas de l'autre, soulève une nouvelle difficulté.
Force est cependant de constater qu'il est nécessaire pour la Grèce d'engager effectivement des réformes structurelles importantes. Je m'y suis rendue il y a une quinzaine de jours à peine, avec le bureau de notre commission, mais aussi des collègues du Sénat. Nous avons vu un besoin de révision profonde dans un pays gangréné depuis quarante ans par l'économie parallèle. Un certain nombre de structures échappent à tout contrôle, en particulier à l'impôt. Nous avons ainsi rencontré le responsable d'une fondation qui nous expliqué, certes avec beaucoup de coeur, venir en aide aux enfants en difficulté grâce à la distribution de repas. Mais, en l'interrogeant sur la manière dont la fondation s'acquitte de ses obligations fiscales, nous avons appris qu'elle avait son siège à … la Barbade. C'est toute cette logique qu'il faut remettre en cause. Les gouvernements grecs successifs n'en ont pas pris la mesure. Le gouvernement Tsipras est-il capable de faire mieux ? C'est toute la question.
Tant qu'on n'a pas dialogué sur la question du rééchelonnement de la dette, posée par la Grèce de manière récurrente dès le départ, on ne traite que la moitié des problèmes. Dans les commissions de surendettement, les particuliers reçoivent des propositions de rééchelonnement de leur dette, en même temps qu'ils s'engagent à prendre des mesures pour revenir à l'équilibre financier. Ainsi faut-il marcher sur ses deux jambes.
Le gouvernement grec organise un référendum le 5 juillet. C'est sa décision. Le peuple grec devra se prononcer sur son avenir. Nous espérons qu'il restera dans la zone euro. La France, comme l'a dit la présidente Guigou, ne faiblit pas dans sa volonté de faciliter la poursuite du dialogue. Elle est la plus audible pour cela. Peut-elle aller jusqu'à proposer un dernier sommet de la zone euro cette semaine ? Elle est la seule à continuer à faire oeuvre de médiation entre les partenaires les plus durs, comme la Finlande, et ceux qui redoutent une sortie de la Grèce de la zone euro. Dans un château de cartes, si l'une d'entre elles est retirée, personne ne sait ce qui se passe ensuite.
La question des migrants concerne aussi la Grèce, tant du fait de ses îles que de sa frontière intérieure, et l'Italie, qui se trouvent toutes deux en grande difficulté, car elles ne peuvent rester seules, ou presque, devant cet afflux. En face de cette situation, comment pouvons-nous dire à nos concitoyens, qui doutent de l'Europe qu'elle a encore a du sens, lorsque la réponse apportée paraît à ce point marquée par les égoïsmes nationaux ? La solidarité dicterait d'accepter la répartition de ces 40 000 personnes. Or, un grand nombre d'États se sont exprimés de manière négative sur la proposition initialement formulée par la Commission européenne, y compris ceux qui attendent – à juste titre – sur d'autres sujets, comme l'Ukraine, la manifestation d'une solidarité plus importante au sein de l'Union européenne. La position française contribuera-t-elle à un déblocage et à un dépassement des difficultés ? Comment le renforcement décidé des moyens de secours en Méditerranée sera-t-il mis en oeuvre ?
S'agissant de l'Europe de la défense, point également inscrit à l'ordre du jour, il ne semble pas que le Conseil européen ait permis de beaucoup progresser. Pourtant, il y a urgence ; au-delà de l'affirmation des principes, un effort commun est nécessaire, comme l'a montré le récent drame de l'Isère, sur notre territoire. Ne craignons pas de dire que nous sommes en guerre, au Mali, mais aussi, aux côtés des Américains, en Syrie. Nous nous engageons pour protéger l'Union européenne, qui ne répond pas aux besoins par une nouvelle stratégie européenne de sécurité.
Enfin, en matière d'emploi et de croissance, les résultats du Conseil européen semblent très limitées. Il a validé les recommandations-pays et appelé à leur bonne application, mais n'a fait que prendre note du rapport des cinq présidents, document plus que prudent, pragmatique plutôt qu'ambitieux. Comment s'articule-t-il avec les propositions conjointement formulées par la France et par l'Allemagne, qui me paraissent plus claires ? Je suis en particulier très déçue que ce rapport ne fasse pas état du nécessaire approfondissement démocratique de l'Union économique et monétaire, et du rôle que pourraient y jouer le Parlement européen et les parlements nationaux.
Je vous remercie de votre invitation conjointe. L'ordre du jour du dernier Conseil européen de jeudi et vendredi derniers était particulièrement chargé. Il devait traiter de la question migratoire, sujet d'actualité en lien avec la crise en Méditerranée, mais aussi de la politique de sécurité et de défense commune, devant faire suite, sur ce point, au Conseil européen de décembre 2013. Il fallait également faire le point sur l'Union économique et monétaire sur la base du rapport des quatre, ou plutôt des cinq, présidents – car le président du Parlement européen, M. Martin Schulz, s'y est associé. L'ordre du jour incluait aussi la question de l'emploi, du numérique, ainsi qu'une communication du Premier ministre britannique, qui participait au Conseil européen pour la première fois depuis sa réélection et depuis l'adoption par la Chambre des communes d'une loi prévoyant un référendum sur le maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne.
Mais les débats ont porté essentiellement sur la question migratoire et sur la Grèce. Bien que ce dernier sujet n'ait pas fait l'objet de conclusions rédigées, il a été abordé au cours de rencontres entre Alexis Tsipras, Angela Merkel et François Hollande et a concentré l'attention du président de la Commission européenne et du président de la Banque centrale européenne (BCE), puisque la phase qui s'engageait semblait devoir être une phase conclusive. Le Premier ministre et le ministre des Finances sont largement revenus sur ce point devant vous cet après-midi au cours de la séance des questions au Gouvernement.
À dix-neuf heures aujourd'hui, une conférence téléphonique de l'Eurogroupe est prévue, qui est précédée, à l'heure où nous parlons, d'une conférence préparatoire du groupe de travail réunissant les directeurs du Trésor. Un processus de discussion est donc encore en cours.
Vendredi, le gouvernement grec a interrompu unilatéralement les discussions, avant que l'Eurogroupe ne se réunisse le samedi. Il entend aujourd'hui faire voter sur un accord qui n'a pas été conclu. Certes, nous respectons le droit du gouvernement grec à organiser un tel référendum, puisque cela relève de sa souveraineté. Le peuple grec a le droit de s'exprimer sur ce qu'il veut concernant ses relations avec l'Eurogroupe ; nous n'avons pas à interférer. Mais l'enjeu doit être clair dans son esprit : il en ira de la place de la Grèce dans la zone euro. Le gouvernement grec a, depuis lundi, temporairement fermé les banques et mis en place un contrôle temporaire des capitaux. De son côté, la Banque centrale européenne n'a pas interrompu la mise à disposition de liquidités auprès des banques grecques. Cela va dans le sens de ce que la France avait souhaité, même si la Banque centrale européenne s'est évidemment prononcée en toute indépendance.
Hier, après un conseil restreint regroupant le Premier ministre et quelques ministres, le président de la République a déclaré que la France était disponible pour reprendre le dialogue et aider à ce que celui-ci se noue et débouche sur un accord, celui qui était sur le point d'aboutir entre la Grèce et les institutions – le FMI, la BCE et les membres de l'Eurogroupe. Le Premier ministre l'a confirmé devant vous au cours de la séance publique de cet après-midi. Le président de la République l'a indiqué ce matin à l'Élysée, devant les présidents des assemblées parlementaires et devant les présidents de commission, rencontre à laquelle vous preniez part, mesdames les présidentes. Le président de la Commission européenne, M. Juncker, a lui-même transmis hier cette proposition au Premier ministre grec, M. Alexis Tsipras. Son porte-parole a rendu cette démarche publique aujourd'hui.
Si aucun accord n'intervient aujourd'hui, le gouvernement grec a indiqué qu'il n'honorerait pas un remboursement important au FMI arrivant à échéance ce soir ; ce serait la fin du programme d'aide et un probable défaut. Tout dépend maintenant de la réponse du peuple grec au référendum de dimanche, qui a pour enjeu réel le maintien de la Grèce dans la zone euro. La France y est favorable. Comme vous l'avez dit, Mme Guigou, il en va du projet européen. Aussi la France est-elle disponible pour oeuvrer à la réunion des conditions rendant possible ce maintien. Nous souhaitons que la discussion puisse reprendre, même s'il revient aux Grecs d'en décider.
Quant à ce qui était l'objet d'un accord possible et aux propositions qui auraient pu être adoptées par l'Eurogroupe de samedi dernier, je parlerai d'un ensemble de dispositions relatives au financement nécessaire à la Grèce pour faire face à ses échéances de remboursement, mais aussi aux besoins de fonctionnement de son État, de son administration ou de ses systèmes sociaux. Il y était aussi question d'un ensemble de réformes discutées depuis cinq mois avec le gouvernement grec et dont la Grèce a besoin en matière de fiscalité, de bonne administration, de transparence et de lutte contre la corruption. Ce plan portait aussi sur un soutien aux investissements, le président Juncker ayant rendu public que 35 milliards d'euros devraient servir d'ici 2020 aux infrastructures, à l'innovation et à la formation en Grèce. Notre conviction est que la sortie de crise ne pourra avoir lieu que par la croissance, et non par le seul canal de l'assainissement budgétaire et des finances publiques. Il faut que l'économie elle-même redémarre.
Enfin, la possibilité s'ouvrait d'engager une discussion sur le poids de la dette grecque et sur sa soutenabilité, afin d'arriver à ce que le président de la République a appelé un « accord global et durable ». Nous pensons que c'est toujours ce à quoi il faut travailler.
Vous m'avez interrogé sur les conséquences pour l'Europe et pour la France d'un échec du processus de négociations et sur les répercussions économiques d'une sortie de la Grèce de la zone euro. La zone euro n'a pas été et ne sera pas entraînée dans une crise financière en raison d'une sortie de la Grèce, parce qu'elle est plus solide qu'il y a quatre ans et que des outils ont été mis en place pour assurer cette stabilité et empêcher une propagation de la crise financière aux autres pays. Il en va d'abord ainsi de l'union bancaire. Ayant déjà été restructurée, la dette grecque se trouve essentiellement portée par des acteurs publics ; peu d'acteurs privés y sont exposés. Mais, en tout état de cause, l'union bancaire empêcherait aujourd'hui qu'une crise bancaire se propage pour ouvrir une crise des dettes souveraines. Il en va ensuite ainsi du Mécanisme européen de stabilité (MES) et d'autres mécanismes qui n'existaient pas il y a quatre ans, comme les opérations monétaires sur titres (OMT), qui permettent à la Banque centrale européenne d'intervenir en achetant désormais, si nécessaire, de la dette souveraine. En outre, elle utilise déjà le quantitative easing.
L'économie française est elle aussi robuste. Même s'il y a eu hier des mouvements sur les marchés financiers, en raison de la surprise causée par la décision du gouvernement grec, l'euro s'est finalement stabilisé. Il n'y a pas eu de hausse des taux d'intérêt sur la dette française ou sur celle des pays qui constituent le coeur de la zone euro, ce qui traduit la confiance dans la solidité de notre économie ainsi que dans le sérieux des réformes que nous avons engagées.
Pour la Grèce, les conséquences seraient sérieuses sur le plan économique, en raison de la fragilité de son appareil productif, du poids de la dette et des effets d'une dévaluation si le pays adoptait à nouveau une monnaie nationale. En ce cas, les matières premières et les biens importés connaîtraient une forte hausse de leur prix, tandis que l'épargne, qui ne serait plus libellée en euros, s'en trouverait dévalorisée. S'y ajouteraient les conséquences politiques pour le projet européen. Aussi notre objectif est-il le maintien de la Grèce dans la zone euro ; nous mettrons tout en oeuvre pour l'atteindre. Depuis l'élection d'Alexis Tsipras, le président de la République souligne qu'il faut respecter d'une part le choix démocratique d'un changement de politique et d'autre part les règles européennes et les engagements pris vis-à-vis des partenaires de l'Union européenne.
La France a un rôle à jouer pour favoriser le dialogue entre la Grèce et ses créanciers. Ce dialogue devra se poursuivre y compris au lendemain du référendum. Cela sera certes plus facile s'il peut reprendre sur la base des propositions formulées par les institutions. Souhaitons que le peuple grec fasse preuve de lucidité et qu'il soit bien éclairé sur son enjeu. La situation est difficile en raison de l'état où se trouvent la Grèce et le peuple grec à la suite d'une longue crise de cinq années et de l'échec des plans de sauvetage, tandis que les réformes n'ont pas été mises en oeuvre. Ailleurs en Europe, des politiques d'ajustement dures, parfois trop dures, ont été menées, que ce soit en Espagne, en Irlande ou au Portugal. Elles ont produit leurs effets, même si cela a demandé du temps et que des problèmes sociaux n'y sont pas encore réglés. En Grèce, le redémarrage économique n'a pas eu lieu. En outre, en particulier depuis l'arrivée de son nouveau gouvernement, la Grèce a perdu la confiance de nombreux pays de la zone euro. C'est une difficulté supplémentaire.
Au Conseil européen, la question des migrations a cependant donné lieu aux échanges les plus difficiles, en particulier s'agissant de la solidarité dont il faut faire preuve à l'égard des pays de première arrivée, que sont la Grèce, l'Italie, mais aussi, depuis quelques semaines, la Hongrie, où les migrants arrivent en traversant les Balkans, comme l'agence Frontex l'a identifié. À l'issue de ces discussions difficiles, des conclusions ont été adoptées qui correspondent à l'approche définie par la France depuis le Conseil européen extraordinaire du 23 avril 2015, consécutif aux drames en Méditerranée.
Il s'agit de promouvoir une réponse européenne fondée sur un principe de responsabilité partagée, de répondre aux demandes légitimes de solidarité formulées par les pays de première ligne et d'accepter un mécanisme de relocalisation exceptionnelle et temporaire des migrants en besoin manifeste de protection internationale, si leur identification et leur enregistrement ont été dûment mis en oeuvre à leur arrivée dans le pays de premier accueil, grâce à la base Eurodac et conformément aux engagements de Dublin, et que les procédures de retour et de réadmission sont suivies lorsque ces migrants ne relèvent pas du droit d'asile, c'est-à-dire ne sont pas des réfugiés politiques.
Il convient en effet de distinguer entre les personnes qui fuient les dictatures et les zones de guerre, par exemple la Syrie, relevant ainsi des conventions de Genève, et l'immigration économique, qui ne peut se faire que dans un cadre légal. Il faut lutter contre l'immigration irrégulière. Une opération navale est décidée contre les filières de passeurs et contre les trafiquants. Une coopération est engagée avec les pays d'origine et de transit pour démanteler ces filières. L'agence Frontex prendra en charge à l'avenir le soutien aux pays de première arrivée pour organiser le retour quand des accords de réadmission ont été signés avec des pays où la sécurité des personnes n'est pas menacée. Au contraire, il n'est pas normal que des gens, à cause de filières illégales, continuent de risquer leur vie en traversant le désert ou la Méditerranée.
Ces conclusions ont été difficiles à adopter, car elles convenaient aux pays de première arrivée, qui voulaient même qu'elles fussent plus précises encore sur la répartition de l'accueil, mais elles suscitaient la réticence des pays baltes et de ceux du groupe de Višegrad. Ils estiment ne pas pouvoir accueillir les migrants venus de la Méditerranée, au risque de ne pouvoir faire face à d'éventuels afflux en provenance d'Ukraine. Dans ces pays, il n'y a pas non plus forcément de tradition d'accueil et d'intégration des migrants.
Les discussions ont néanmoins confirmé l'objectif, proposé par la Commission européenne, d'accueillir sur deux ans 60 000 personnes en besoin de protection, dont 40 000 parmi celles qui arrivent dans les pays du sud de l'Europe. Au début de juillet, les ministres de l'Intérieur adopteront les critères fixant la répartition entre les États membres, en rediscutant les critères proposés par la Commission dont nous considérions nous-mêmes qu'ils ne prenaient pas suffisamment en compte l'effort déjà fourni. La France est l'un des cinq pays qui contribuent à l'accueil de 75 % des migrants. Pour ceux qui relèvent de l'asile politique, c'est à l'ensemble des Vingt-Huit de partager l'effort d'accueil. En même temps, les procédures doivent être mises en oeuvre pour contrôler les frontières. Le Conseil de l'Union devra donc dégager un consensus pour ancrer l'engagement des États membres. Le principe d'un mécanisme obligatoire de répartition sur une base juridique claire est écarté.
Sur le volet sécurité et défense, les conclusions sont conformes à ce que nous souhaitions. Trois points devaient être traités : l'élaboration d'une nouvelle stratégie européenne de sécurité, sur laquelle les travaux vont se poursuivre ; l'élaboration d'une nouvelle stratégie de politique étrangère et de sécurité commune, que la Haute représentante devrait soumettre d'ici juin 2016 ; la politique européenne de sécurité et de défense commune, sur laquelle le Conseil européen a repris les conclusions du Conseil « Affaires étrangères » du 18 mai, relativement au soutien à l'industrie européenne de défense, notamment par le financement de programmes communs concernant le ravitaillement en vol, les drones, la cyberdéfense et les télécommunications par satellite.
Sur les enjeux de croissance et de compétitivité, le Conseil européen s'est félicité de l'adoption du règlement relatif au plan Juncker sur les investissements, en demandant qu'il soit rapidement mis en oeuvre et que la Banque européenne d'investissement (BEI) puisse financer les premiers projets, comme elle a commencé de le faire. En matière de stratégie numérique, nous avons été particulièrement attentifs. Nous sommes naturellement favorables à la création d'un marché numérique européen, mais nous voulons que le droit d'auteur soit protégé et que la propriété intellectuelle et le financement de la création soient garantis dans le cadre de cette future Europe du numérique.
Le rapport sur l'Union économique et monétaire a été présenté par les quatre, ou plutôt cinq, présidents, M. Schulz s'étant associé au président de la BCE, au président de l'Eurogroupe, au président du Conseil européen et au président de la Commission européenne, qui était chargé de coordonner les travaux. Ce document reprend une partie de la contribution franco-allemande, notamment sur la nécessité de mieux coordonner les politiques économiques et de faire avancer, au sein de l'Union économique et monétaire, la convergence sociale et fiscale, ainsi que la convergence des capacités d'investissement. D'autres propositions nous semblent moins abouties et moins convaincantes, telle celle qui concerne la création d'autorités de compétitivité indépendantes traitant de questions salariales. À mon sens, les questions de marché du travail ne peuvent être traitées ainsi. La convergence doit dépendre de la bonne réglementation sur le détachement des travailleurs, de la garantie d'un salaire minimum dans tous les pays et des droits à la formation professionnelle, qui doivent être la contrepartie des éléments de flexibilité. Nous ne voulons pas que le niveau des salaires soit fixé par des instances ne disposant d'aucune légitimité particulière. Le rapport fournit des éléments pour une discussion qui va donc se poursuivre.
Enfin, David Cameron a présenté son projet de référendum. Sa communication n'a fait l'objet d'aucun débat. Le président du Conseil européen Donald Tusk va engager des consultations dont il rendra compte au Conseil européen de décembre, un point d'étape étant prévu au Conseil européen d'octobre. Nous pensons qu'il est dans l'intérêt du Royaume-Uni de rester dans l'Union européenne, comme c'est l'intérêt de l'Europe elle-même. Les demandes britanniques nous paraissent devoir être prises en compte dans la mesure où elles correspondent à l'intérêt général européen, mais elles ne sauraient conduire à une remise en cause des traités fondateurs ou de principes fondamentaux comme la libre circulation.
Je me réjouis enfin que le Conseil européen ait élevé Jacques Delors au rang de citoyen d'honneur de l'Europe. Il est le deuxième Français et le troisième homme à recevoir une telle distinction, qui était déjà allée à Jean Monnet et à Helmut Kohl, après la réunification. Nous saluons cette reconnaissance d'un grand Européen, qui est aussi un grand Français, ayant dédié son oeuvre politique à la construction européenne.
Je vous remercie, Monsieur le Ministre, de cet exposé très exhaustif. S'agissant de la défense européenne, les conclusions du Conseil européen ont du moins le mérite de donner un mandat daté à la Haute représentante pour faire un rapport et réviser une stratégie européenne de sécurité vieille de dix ans. Ce point de l'ordre du jour est cependant passé à l'arrière-plan à cause de l'actualité.
À ce propos, la France doit bientôt prendre la responsabilité d'un groupement tactique européen. Cet instrument fait partie des actes concrets et pragmatiques par lesquels nous espérons faire avancer l'Europe de la défense. Pourtant, la rumeur court dans Bruxelles, qu'après avoir beaucoup poussé, sur le plan politique, à la relance des groupements tactiques, la France pourrait ne pas y être prête sur un plan opérationnel. Qu'en est-il de son état de préparation ?
Je n'évoquerai pas la situation de la Grèce, tant le sujet est rebattu. Je ne voudrais cependant pas faire de pari sur l'issue du référendum de dimanche, qui pourrait faire entrer dans la France dans une zone de turbulences. Tant mieux, Monsieur le Ministre, si vous pouvez nous assurer que l'économie française ne sera pas touchée ; je suis néanmoins préoccupé. Vous nous avez fait un compte de la réunion du Conseil européen ; mais nous devons aussi faire de la politique européenne.
Les hommes de ma génération s'inquiètent en effet de voir détricoter un édifice qui s'est construit en cinquante années. Nous ne voulons pas, pour nos enfants et petits-enfants, repasser par l'épreuve d'une guerre en Europe. Il est plutôt urgent de retrouver un projet fédérateur européen.
Ainsi, la politique migratoire doit aller de pair avec une politique d'aide au développement faisant l'objet d'échanges avec nos voisins de la rive sud de la Méditerranée, par exemple dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée, mais englobant aussi une réflexion sur les régions subsahariennes, la Syrie ou la Turquie. Quand prendra-t-on une grande initiative pour redéfinir ces problématiques majeures pour les siècles à venir ?
Et je vous épargne, bien que président du groupe d'études sur le changement climatique, la question des 200 millions de migrants que ce changement devrait, selon certaines prévisions, pousser vers l'Europe d'ici 2050.
Oui, je rejoindrai Arnaud Leroy en disant qu'un risque pèse sur l'Europe. Car, quand les dirigeants sont résignés et ne prennent pas la mesure des enjeux, les choses peuvent déraper très vite. Pouvez-vous, Monsieur le Ministre, nous confirmer que des contacts ont lieu en ce moment entre, d'une part, Jean-Claude Juncker, Mario Draghi et Martin Schulz et, d'autre part, Alexis Tsipras ? Les discussions ont-elles repris ?
Deux prix Nobel d'économie, Paul Krugman et Joseph Stiglitz affirment que les mesures proposées par les créanciers ont un effet récessif et aggraveraient la situation en Grèce. Selon l'ancien directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, le plan proposé contiendrait en effet des erreurs. Le gouvernement français pense-t-il que ces mesures n'ont pas d'effet récessif et, si c'est le cas, pourquoi ne prône-t-il pas plus franchement des réformes structurelles plutôt qu'un nouvel épisode d'austérité, même en partie atténué ?
Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a demandé par courrier un nouveau prêt à ses partenaires européens. Sans lui, il ne pourra honorer le remboursement dû au FMI. Quelle est la position française sur sa demande visant à éviter un défaut de paiement ?
Vous nous avez dit, Monsieur le Ministre, que la Grèce a perdu la confiance de nombreux pays de la zone euro. Vous avez ensuite fait référence à l'Espagne et à l'Irlande. Mais vous abordez la situation sur un plan relationnel et même, pour ainsi dire, psychologique. Il s'agit en réalité de scénariser le renoncement de Tsipras à ses engagements de campagne pour montrer, de manière assez brutale, qu'une démocratie qui ne suit pas la ligne directrice imprimée par les dirigeants européens est non seulement contestable, mais risque d'être effectivement contestée.
Quelle est la position de la France sur le rapport entre les démocraties nationales et la politique européenne dominante ? Je vous rappelle l'humiliation infligée à Georges Papandréou quand il a voulu organiser un référendum. Nous en voyons les conséquences aujourd'hui. En Espagne, les choses commencent à bouger, car le chômage des jeunes prend des proportions incroyables, malgré un budget excédentaire. Les problèmes nés de l'éclatement de la bulle immobilière n'y sont pas non plus réglés. Quant à la France, elle a vécu une alternance politique en 2012. Cela aurait dû la conduire à remettre en cause certains choix portés par la majorité précédente. Quelle est aujourd'hui sa position ?
Je me joins d'abord à l'hommage rendu à Jacques Delors, car je suis un Européen convaincu. Nous avions particulièrement apprécié sa venue devant nous l'an dernier.
Au cours de la séance de questions au Gouvernement, notre collègue Charles de Courson a posé tout à l'heure une question brève et claire, pour obtenir une réponse qui le fut beaucoup moins. Sachant que la victoire du non n'est pas exclue, il demandait au Gouvernement quelle serait la position française en ce cas. Nous entendons que, de toute façon, le remboursement au FMI n'aura pas été honoré. La sortie de la Grèce de la zone euro emporterait pourtant d'autres conséquences. Si on lui cède, l'Espagne pourrait s'engouffrer aussi dans cette brèche. Les mairies de Barcelone et de Madrid sont déjà passées à un nouveau parti d'opposition.
Certes, il faut tendre la main aux Grecs. Mais force est de constater que les engagements pris n'ont jamais été respectés. Pourquoi le seraient-ils demain ? J'ai été choqué de voir l'un de nos collègues faire tout à l'heure dans l'hémicycle un procès implicite à l'Allemagne, qui a pourtant le mérite d'avoir pris des positions très claires. Si nous étions nous-mêmes plus fermes, nous n'en serions peut-être pas rendus au point où nous sommes aujourd'hui. Cette intervention en séance publique n'était en tout état de cause vraiment pas très intelligente.
Je ne poserai pas de question sur la Grèce, car je crois que nous devons désormais attendre de connaître les résultats du référendum.
Sur le volet migratoire, les conclusions du Conseil européen font état de la nécessité de renforcer la coopération avec les pays d'origine et de transit. C'est une vérité d'évidence. Les mouvements migratoires ne sont si massifs que parce que les conditions d'existence sur le continent africain sont souvent indignes et insupportables. Comment les autorités françaises, qui abaissent pourtant constamment leur aide publique au développement depuis trois ans, peuvent-elles en même temps se joindre à de telles conclusions ?
Alors que le gouvernement grec organise un référendum sur les conclusions des tractations de Bruxelles, que pensez-vous de l'attitude d'un Premier ministre qui appelle à voter non à vos propositions ? Il me semble faire ainsi peu de cas –c'est un euphémisme– de ses partenaires européens et de l'Union européenne. Quelle crédibilité conservera l'Europe si le non l'emporte ?
Je suis étonné que les pourparlers continuent avec les États-Unis sur le partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement (PTCI), alors que nous apprenons qu'ils ont espionné nos grandes entreprises et collecté ainsi des informations sur elles. Que compte-t-on faire ? Je souligne que l'espionnage industriel débouche tant sur la perte de secrets industriels que sur des pertes d'emploi.
Au bord de la faillite, l'Ukraine est maintenue sous perfusion financière par l'Union européenne. Le bilan financier risque d'être lourd, car l'Ukraine se repose beaucoup sur elle. Quelle forme prend cette aide ? Je ne voudrais pas que ce pays devienne une seconde Grèce pour le contribuable européen.
Comme président de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je suis moi aussi consterné par un débat qui ne porte que sur la répartition des clandestins, sans s'attaquer à l'immigration illégale. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dont nous avons entendu des représentants au Conseil de l'Europe, ce sont par centaines de milliers que les migrants attendent les bateaux. Je ne sais trop si la métaphore employée par un ancien président de la République, qui a évoqué une fuite d'eau, est une bonne métaphore. Mais il faudra traiter en tout état de cause le problème à la source.
S'agissant de la Grèce, j'ai lu avec plaisir un Tweet de Jean-Michel Apathie où il déclare qu'il ne voit pas « pourquoi nous devrions culpabiliser sur la situation de la Grèce. Nous avons aidé les Grecs et ils semblent las de l'Europe ». Je suis entièrement d'accord avec ma collègue Odile Saugues, dont les propos tombent sous le sens. Monsieur le Ministre, vous avez affirmé vouloir tout faire pour éviter la sortie de la Grèce ou du Royaume-Uni. Je suis d'opinion contraire : qu'il s'agisse du Royaume-Uni ou de la Grèce, ils n'ont qu'à partir, si telle est leur volonté.
Jacques Delors était un grand Européen, mais Charles Pasqua l'était tout autant, car il y a plusieurs conceptions de l'Europe. Aujourd'hui, le projet d'une Europe politique paraît abandonné. Si des concessions sont faites au moindre chantage, le risque existe, comme l'a souligné notre collègue Rochebloine, que l'Espagne soit entraînée elle aussi. L'Europe a fonctionné avec six membres. Nous ne descendrons jamais à nouveau à ce niveau, mais il ne serait pas mauvais qu'elle ne regroupe que ceux qui sont vraiment associés dans un projet commun.
La volonté de maintenir la Grèce dans la zone euro est partagée par tout le monde, à part Thierry Mariani. La France a fait le maximum pour parvenir à cet accord durable et global qui restaure la soutenabilité de la dette grecque. Sur ce point, les dernières propositions des créanciers étaient en progrès par rapport à ce qu'elles étaient il y a plusieurs années, car elles comportaient un volet de soutien aux investissements.
À la place de réductions des pensions et des salaires, la partie grecque n'a-t-elle pas avancé des propositions en matière de taxation des armateurs, de l'Église orthodoxe et des îles, qui profitent aujourd'hui de certains avantages ? Les créanciers n'ont-ils pas mis tout leur poids dans la balance pour que le gouvernement grec accomplisse son propre programme électoral ?
Enfin, je voudrais croire qu'un accord soit tout de même possible d'ici à dimanche. Le maintien de la Grèce dans la zone euro est dicté avant tout par des raisons politiques. Cela mérite à mon sens un effort supplémentaire de chacun.
Je suis d'accord avec Arnaud Leroy pour dire que ce Conseil européen donne à nos concitoyens une image désastreuse de l'Europe, que ce soit du fait de l'égoïsme des États membres sur la question migratoire ou en raison d'une politique de défense qui paraît pavée de bonnes intentions, mais peine à montrer des actes concrets, alors que les pays d'Europe de l'Est tirent la sonnette d'alarme au sujet de leur voisin russe. Pourtant, ils préfèrent importer des armes lourdes américaines que recevoir des migrants.
En Grèce, depuis cinq ans, les purges financières se sont enchaînées. Un quart de la jeunesse du pays part à l'étranger pour y trouver du travail ! C'est une honte collective. Dans le même temps, le Royaume-Uni annonce vouloir remodeler à sa main l'Union européenne, et les électeurs danois s'y disent favorables.
L'Europe est devenue un complexe de contraintes techniques et financières. Il n'y a plus de projet commun. L'argument de la paix garantie grâce aux institutions ne convainc pourtant plus les hommes de ma génération. Il faut donc retrouver un projet. Le dogme de l'Union européenne à 28 pour exister à 28 n'est pas viable.
Les conclusions relatives à la stratégie numérique sont assez symptomatiques de ce point de vue. Il n'y est question que d'innovation, d'entreprises et de concurrence. Certes, la stratégique numérique permettra la croissance de demain. Mais qu'adviendra-t-il des zones qui ne disposent pas des infrastructures nécessaires ? Seules les plus riches, marquées par la métropolisation, pourront profiter de cette société inclusive. Ces conclusions vont à l'encontre des annonces de la Commission relatives aux grands projets d'infrastructure qui doivent rendre l'Europe concrète. Sur le volet du numérique, d'énormes progrès restent donc à faire.
Je rejoins les propos de notre collègue Odile Saugues. Certes, il faut rester diplomate, mais j'ai fait partie de notre mission en Grèce ; je peux seulement constater que le gouvernement grec pratique l'irresponsabilité et la provocation. Tandis que le Premier ministre Alexis Tsipras se disait favorable à un accord à Bruxelles, son ministre des Finances Yanis Varoufakis s'exprimait en sens contraire devant le Parlement à Athènes.
Je déplore le manque de transparence sur ces négociations. Certes, elle est difficile à assurer lorsqu'un État s'emploie à faire de la politique intérieure plutôt qu'à résoudre vraiment les problèmes. Mais il me semble que l'Europe aurait gagné à mettre sur la table les propositions qu'elles a faites. Quelles réformes ont été demandées ? Lesquelles ont été refusées ? Il serait bon de pouvoir le montrer noir sur blanc.
Je redoute – je suis même très inquiet – au sujet du référendum prévu dimanche. Certes, le gouvernement grec était en droit de l'organiser. Mais sur quoi les électeurs se prononceront-ils, sur quel accord ? Personne n'en connaît encore les termes. Le gouvernement grec trompe donc son propre peuple. Le dirigeant de l'opposition grecque, M. Samaras, a dit à juste titre que la question posée aurait dû porter sur le maintien de la Grèce dans l'Union européenne. Une majorité de 75 % de voix favorables était alors assurée.
Nous devons des comptes au contribuable européen. En entendant l'exaspération de nos collègues plus jeunes, je me dis qu'il faudrait, de ce mal, tirer un bien. Le mécanisme européen de solidarité est sorti de la crise financière. Nous avons encore besoin d'avancées fortes, comme l'institution d'un président stable de la zone euro. Pourquoi ne pas transformer aussi le MES en FMI européen, qui se consacre spécifiquement à cette zone ? Je partage la volonté d'un nouvel élan de nos jeunes collègues. Car, en matière européenne, le piétinement sur place est souvent synonyme de recul.
La France s'est prononcée en faveur d'un accord global et durable qui porte aussi sur la soutenabilité de la dette grecque. Depuis cinq ans, la Grèce a perdu 25 % de son produit intérieur brut (PIB). La semaine que nous vivons s'annonce cruciale.
Nous sommes en face d'un double risque. D'abord, nous pouvons craindre pour la solidité de la zone euro. Espérons qu'il sera possible de ramener un peu de solidarité au sein de notre Europe. Mais, si les négociations aboutissent – comme je l'espère –, certains parlements nationaux devront ensuite se prononcer sur leur résultat. Je redoute alors le positionnement de quelques-uns d'entre eux. Avez-vous des pistes à ce sujet ?
Enfin, je voudrais être vraiment persuadée que la situation ne comporte pas de risque d'une crise financière. Certes, nous n'en sommes pas au point où nous étions il y a cinq ans, mais la dette de l'Espagne et du Portugal, et, dans une moindre mesure, de l'Italie fait déjà l'objet d'attaques financières. N'assiste-t-on pas, malgré la mise en place du Fonds européen de stabilisation financière (FESF), à une renationalisation de la dette des États ?
Pour ma part, je saluerai la mort d'une utopie. Nous avons bâti un système qui ne fonctionne pas, car un marchand de canons et un marchand d'olives ne peuvent coexister au sein d'une même union monétaire. Tout le reste est littérature ! L'esprit de système a poussé la communauté originelle des peuples dans le sens d'un intégrisme européen. Pourtant, l'Europe survivra à l'euro, qui n'est qu'une monnaie, qui n'est qu'un outil.
Nous avons entendu trop de contre-vérités. En réalité, le gouvernement grec était prêt à contribuer pour huit milliards d'euros supplémentaires si un rééchelonnement de sa dette lui était accordé. Devant le refus des Européens – l'Allemagne en tête – le Premier ministre Tsipras a estimé qu'il ne disposerait dès lors d'aucune capacité d'investissement, convoquant sur ces entrefaites un référendum. Nous ne pouvons pas nous livrer à un déni de démocratie, comme le souligne Joseph Stiglitz, qui évoque une « mort de la démocratie » en Europe. Mais il faudrait invoquer de préférence la doctrine bréjnévienne de la souveraineté limitée des États ! Tôt ou tard, la France se heurtera à ces mêmes limites. Ce n'est qu'une question de temps.
La Grèce est un pays exsangue ; sa population ne peut se serrer davantage la ceinture. Pourtant, depuis cinq mois, la troïka n'a changé ni de discours, ni de politique. Les meilleures économistes le disent : il serait fou de continuer sur cette voie. L'issue du référendum annoncé est incertaine. Mais, si le oui l'emporte, la Grèce sera revenue dans six mois au point de départ.
Le 21 février 2012, il lui a été consenti une remise de dettes de 107 milliards d'euros, davantage à l'Argentine pour laquelle 70 milliards d'euros seulement avaient été effacés. C'est pourtant insuffisant, car nous sommes en face d'une machine infernale. Si le non l'emporte, les conséquences ne seront pas forcément dramatiques. La Grèce devra sortir de la zone euro et dévaluer. Sa compétitivité s'en trouvera augmentée. Le FMI devra consentir un rééchelonnement de la dette, puis l'Union européenne. Ainsi, la Grèce pourra sortir de sa difficile situation et se conformer à une partie de ses engagements, sous forme de dette perpétuelle, en mettant l'idéologie de côté. Je vous rappelle qu'au cours du siècle passé, non moins de quarante-deux unions monétaires ont explosé.
Quant à instituer une union de transferts, la Diète fédérale, le Bundestag, n'en voudra pas, alors que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe impose sa consultation obligatoire. La France, elle encore, a déjà engagé 60 milliards d'euros sur la Grèce. Plus que jamais, nous devons donc faire cesser l'idéologie et faire prévaloir le principe de réalisme.
Nous sommes dans une situation d'urgence. Pour la dénouer, il faut prendre des initiatives. Les autorités françaises envoient à juste titre un double message favorable tant à la reprise de négociations qu'à une approche globale tournée vers un compromis ou un accord qui permette à la Grèce de sortir de sa situation, en lui garantissant un rééchelonnement de sa dette.
La Commission européenne a publié le projet d'accord qui était sur la table vendredi soir. Or des progrès peuvent y être constatés, y compris, en filigrane, sur le rééchelonnement de la dette. Il ne contient donc pas seulement des éléments d'austérité, même si des efforts étaient demandés, épargnant toutefois les petites retraites et la TVA réduite sur l'électricité. Peut-on, Monsieur le Ministre, réengager des négociations à partir de ces propositions ?
S'y ajoute un problème de souveraineté. Je regrette certes l'égoïsme de certains États membres. Mais un référendum national ne saurait pas non plus être considéré comme un sommet de la démocratie européenne. Car le référendum organisé devrait concerner toute la zone euro, car les Allemands et les Français sont aussi largement concernés par la question que les Grecs eux-mêmes. Le référendum annoncé n'est-il pas aussi contestable dans les termes prévus ? La question posée renvoie à des documents en anglais assortis de graphiques… Comment les Grecs peuvent-ils se déterminer ainsi ?
Sans s'ingérer ni s'immiscer dans les affaires intérieures d'un autre État membre, vous suggérez, Monsieur le Ministre, que la question posée revient à un oui ou un non sur le maintien de la Grèce dans l'union monétaire. Ce n'est cependant pas la question posée par le gouvernement de M. Tsipras. Pour ma part, je doute que ce référendum clarifie les choses. Aussi souhaiterais-je que soit privilégiée la voie de la négociation européenne. La France doit s'y employer de manière active.
J'ajoute que les traités européens ne prévoient nulle part la sortie d'un État membre de la zone euro. La déclaration Schuman du 9 mai 1950 prédisait que « l'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ». De cette solidarité de fait, je ne vois aucune trace. C'est ainsi que l'Europe se rend détestable.
Nous voyons bien que l'Europe est prise entre le besoin d'une coopération plus forte, nécessaire à la réalisation d'un projet de société et de civilisation qui se fonde sur la paix, sur la démocratie, sur le respect de la vie humaine, sur la coopération entre les continents et sur la sécurité, et des mouvements qui poussent à sa fragmentation et à la recherche de solutions purement nationales ou au refus de la solidarité qu'impliquent des politiques menées en commun.
Qu'il s'agisse de l'Ukraine et de la Russie, de la menace terroriste en Irak ou en Syrie ou de la situation en Libye, nous constatons ce besoin d'agir ensemble. Il ne saurait en effet y avoir de réponse au défi migratoire sans réponse au défi du développement et sans grande politique africaine et méditerranéenne. Les citoyens attendent au demeurant de l'Europe qu'elle soit source de croissance, d'innovation et de cohésion territoriale. L'exemple du numérique est parlant : il ne saurait être traité que par la loi du marché, tandis que les États membres ne peuvent pas non plus agir en ce domaine de vingt-huit manières disjointes.
Il en va de même de l'énergie : la sécurité d'approvisionnement ne saurait être assurée de cette façon, non plus que la transition énergétique. Je pourrais citer aussi la fiscalité des multinationales qui s'acquittent de leurs impôts dans l'État membre où les taux de prélèvement sont les plus bas, alors qu'elles opèrent dans toute l'Union européenne. Sur chacun de ces sujets, nous butons néanmoins sur des États membres qui veulent bénéficier des avantages de l'Europe sans devoir témoigner de solidarité. La Commission européenne, qui s'est qualifiée elle-même de Commission de la dernière chance, se trouve en face de grands défis. Les Conseils européens deviennent difficiles, car nous devons prendre des décisions conduisant à la mise en oeuvre de politiques communes.
En matière d'immigration, elles sont indispensables pour protéger nos frontières, pour sauver des vies humaines ou pour répondre aux besoins de la transition démocratique, comme en Tunisie. Les ministres de l'Intérieur allemand, britannique et français s'y sont rendus ensemble pour que la solidarité qui est manifestée à ce pays ne soit pas seulement ponctuelle, alors que l'organisation étatique de son voisin libyen s'est effondrée. Sans le tourisme et la stabilité économique, la transition démocratique tunisienne ne pourra aboutir, alors qu'une constitution laïque est déjà adoptée, qui y garantit l'égalité entre les hommes et les femmes tout comme la liberté de conscience. Mais je pourrais également parler du Niger, pays de transit de ces filières de trafic d'êtres humains.
À tous ces problèmes, nous devons apporter des réponses communes. Tel est le sens de l'action internationale de la France. Aussi puis-je vous dire, monsieur Myard, que l'absence d'Europe serait un cauchemar. En France, l'union monétaire nous a épargné la spéculation sur les changes, comme en 1993, la dévaluation compétitive, source de distorsions de concurrence, car la monnaie unique apporte une protection. Elle est au demeurant la deuxième monnaie de réserve mondiale et permet aux entreprises d'opérer sur un marché intégré.
Nous nous sommes battus pour réorienter les priorités de l'Union européenne dans le sens d'un soutien à la croissance et aux investissements. C'est pourquoi je me réjouissais tout à l'heure que le Conseil européen ait salué le fait que Parlement européen et le Conseil ont adopté le plan Juncker de 315 milliards d'euros d'investissements. Mais il y a aussi des règles communes, qu'il est nécessaire de respecter. Les mesures prises dans un pays peuvent avoir des répercussions dans d'autres pays de la zone euro. Tous ont intérêt à engager des réformes pour améliorer leur compétitivité, tout en défendant un certain modèle social.
Mme la présidente Guigou, la France prendra son tour d'alerte le 1er juillet, avec la Belgique, pour constituer le prochain groupement tactique qui, en vertu de la décision prise au Conseil « Affaires étrangères » du 18 mai, pourra être engagé en première entrée – ce qui n'a jamais été fait – si une crise internationale rendait nécessaire l'engagement de ce groupement fort de 2 500 hommes dans le cadre d'une mission militaire de la politique de sécurité et de défense commune. Nous sommes organisés pour qu'elle puisse se déployer. Si cela devait être le cas, ce serait le signe d'une avancée de l'Europe de la défense et de la mutualisation des réponses que nous devons apporter aux questions de sécurité.
Car chacun comprend que, même si les armées sont nationales, il est de plus en plus nécessaire d'agir en commun. La France est intervenue au Mali, mais une mission européenne, l'EUTM Mali (European Union training mission), s'emploie également à former l'armée malienne ; cette mission mobilise un général allemand et un général espagnol. L'Organisation des Nations unies (ONU) remplit également d'autres missions sur place. Par le biais du système Athéna, l'Union européenne prend par ailleurs en charge certains frais des opérations extérieures.
Monsieur Leroy, je souscris tout à fait à votre conviction que l'Union européenne doit avoir une politique de développement complémentaire de la politique migratoire que nous proposons.
Madame Duflot, je démens fortement toute résignation de la part des dirigeants européens ou des dirigeants français. Le président de la République a été le premier à recevoir Alexis Tsipras après son élection. Avec Michel Sapin, il a veillé à ce que des négociations aient lieu qui puissent aboutir à un accord durable avec la Grèce. Monsieur Lequiller, vous avez raison de souligner que la vérité doit être diffusée et que la transparence est nécessaire. Hier, le président Juncker a rendu public le document qui aurait dû être soumis à l'Eurogroupe samedi dernier, car nous n'avons rien à cacher. Ce document contient des réponses aux demandes du gouvernement grec, puisque nous disons nous-mêmes qu'il faut prendre en compte l'alternance politique en Grèce.
Les réformes envisagées portaient sur la fiscalité, sur l'administration, sur la lutte contre la corruption, sur l'institution d'un cadastre, et sur le prélèvement effectif de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l'ensemble des produits auxquels elle s'applique. Sur ces points, un accord était quasiment acquis. Le débat sur l'excédent budgétaire primaire, soit l'excédent avant remboursement de la dette, avait conduit à abaisser de 3 % à 1 % l'objectif fixé pour 2015. Une progression était ensuite prévue en 2016 et 2017. Ainsi, le gouvernement grec disposait d'une marge accrue pour mener des politiques publiques. L'Union européenne n'a d'ailleurs pas demandé de baisser les salaires ni les pensions de retraite, mais que la gestion budgétaire évite une aggravation de la dette.
La France avait en outre demandé que soit prise en compte la question, moins urgente, du poids de la dette grecque, qui a déjà fait l'objet de restructurations. Il est possible d'envisager de rééchelonner ou de poser différemment la question de la dette grecque. Encore faut-il pour cela trouver un accord avec les autres États membres. Madame Saugues, vous avez rappelé à juste titre que des parlements nationaux se sont déjà prononcés sur l'aide à la Grèce, dans six ou sept pays, par exemple en Finlande ou encore en Allemagne. Ce n'est pas le cas en France, où seules les aides bilatérales font l'objet d'un vote du parlement. L'institution du FESF et du MES ont également fait l'objet d'un vote, mais il n'est pas prévu que le Parlement se prononce sur chacune des étapes de mise en oeuvre de ces mécanismes.
Dans notre esprit, il n'était pas question d'infliger une quelconque humiliation à la Grèce, même si la mise en oeuvre des plans précédents a pu être perçue comme telle par le peuple grec. Cela a d'ailleurs conduit au rejet des plans précédents, dont il faut tirer les leçons. Nous voulons néanmoins travailler à un accord avec nos partenaires de la zone euro.
Monsieur Rochebloine, je ne veux pas écrire de scénario de sortie de la zone euro pour ce pays. Mais il est évident qu'elle aurait des conséquences graves pour la Grèce. Comme cela a été mentionné, les traités ne prévoient pas de procédure pour une sortie de la zone euro. Le règlement de la question ne serait donc pas facile. En tout état de cause, les autorités françaises ont pour position que la Grèce doit rester dans la zone euro, quoique la décision appartienne en dernier ressort aux Grecs eux-mêmes.
Monsieur Myard, l'appartenance à la zone euro ne signifie pas la soumission à des contraintes dont les peuples ne voudraient pas. Les Grecs ont toujours voté pour des gouvernements favorables au maintien de leur pays dans la zone euro. Car la Grèce estime, pour des raisons politiques, que sa place est au coeur de l'Europe, tandis que des raisons économiques entrent aussi en jeu.
Monsieur Bui, les conclusions du Conseil européen relatives à la stratégie numérique ne reflètent pas l'ensemble de cette dernière, telle qu'elle est exposée dans la communication de la Commission européenne publiée le 6 mai. Nous serons très attentifs à ce que tous les aspects soient pris en compte, à savoir l'investissement, en particulier dans les infrastructures, de façon à garantir le plus largement possible un accès au haut débit, mais aussi la régulation des plateformes et la protection des droits d'auteur. Ainsi, l'Union européenne permettra de dépasser la fracture numérique et de faire avancer l'innovation en ce domaine, favorisant la croissance d'acteurs qui paieront leurs impôts là où ils engrangent leurs bénéfices, et non là où le taux d'imposition est le moins élevé. Car l'accès à un marché de 500 millions de consommateurs ne va pas sans contrepartie, comme peut l'être également le respect des données personnelles. La diffusion du numérique en Europe est un enjeu essentiel pour la croissance et pour la compétitivité future du continent, mais aussi pour le bien-être et l'accès de tous les citoyens à ces services.
Monsieur Lequiller, vous sembliez porter un jugement sur le gouvernement grec. Nous devons quant à nous travailler avec les gouvernements successifs de ce pays, que nous respectons, car ils sont tous issus d'une élection démocratique. Mais nous ne les choisissons pas. Alexis Tsipras a lui-même déclaré qu'il veut que la Grèce reste dans la zone euro. Mais il était normal de vouloir tourner la page, en renonçant par exemple à l'appellation de « troïka ».
Pour sa part, le Gouvernement a toujours suivi deux principes sur cette question. D'une part, il estime qu'il faut prendre en compte la démocratie et les attentes légitimes du nouveau gouvernement grec. D'autre part, il souligne qu'il y a des règles à respecter et qu'il est nécessaire de trouver un accord avec l'ensemble des partenaires de la zone euro. Comme Christophe Caresche l'a rappelé, il faut reprendre les négociations en les élargissant à la question de la dette et du soutien à la croissance et à l'investissement.
Il faut sortir de la spirale de l'endettement, nourrie par une mauvaise perception de l'impôt et par une perte de compétitivité économique. Si l'Europe a un devoir de solidarité, la Grèce a aussi un devoir de transparence et de responsabilité vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro. L'Europe peut surmonter cette crise si elle retrouve la conscience et que la volonté politique nécessaire est mise en oeuvre. À mon sens, il n'est pas dans l'intérêt collectif que la Grèce sorte de la zone euro faute d'un accord.
S'agissant de l'espionnage industriel, monsieur Mariani, c'est un sujet qui fait consensus côté français. Le président de la République a rappelé au président Obama les engagements pris fin 2013 à la suite des révélations d'Edward Snowden. L'espionnage n'est pas acceptable entre alliés. Tout au contraire, la nécessaire coopération internationale entre les services de renseignement contre le terrorisme requiert la confiance. Ce type de pratique ne peut qu'y nuire.
La question du commerce est un autre problème, même si l'espionnage ne favorise pas l'ouverture en ce domaine. Les pourparlers sur le PTCI permettraient cependant de garantir l'ouverture des marchés publics américains à nos entreprises, comme d'obtenir la reconnaissance d'indications géographiques protégées. Des lignes rouges sont à ne pas franchir cependant, à savoir l'exception culturelle ou la sauvegarde des préférences collectives en matière sanitaire, qui excluent la commercialisation de boeuf aux hormones ou de poulet chloré.
Quant à l'Ukraine, une aide de 12,8 milliards d'euros lui est allouée sur la période 2014-2020. Sur ce montant, 3,8 milliards d'euros relèvent de l'assistance macro-financière, 1,4 milliard d'euros est mobilisé au titre de l'instrument de politique de voisinage et 8,4 milliards d'euros sont constitués de prêts accordés par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et par la BEI. Le programme est débloqué par tranches. Nous conditionnons sa poursuite à des réformes en Ukraine visant à lutter contre la corruption et à améliorer l'administration. Chaque tranche nouvelle n'est versée qu'après l'aval du Conseil « Affaires étrangères », vérifiant à cette occasion l'avancement du programme qui va de pair avec le respect des accords de Minsk, pour la mise en oeuvre desquels la Russie a également un rôle à jouer.
La séance est levée à 18 h 20