Pour ma part, je saluerai la mort d'une utopie. Nous avons bâti un système qui ne fonctionne pas, car un marchand de canons et un marchand d'olives ne peuvent coexister au sein d'une même union monétaire. Tout le reste est littérature ! L'esprit de système a poussé la communauté originelle des peuples dans le sens d'un intégrisme européen. Pourtant, l'Europe survivra à l'euro, qui n'est qu'une monnaie, qui n'est qu'un outil.
Nous avons entendu trop de contre-vérités. En réalité, le gouvernement grec était prêt à contribuer pour huit milliards d'euros supplémentaires si un rééchelonnement de sa dette lui était accordé. Devant le refus des Européens – l'Allemagne en tête – le Premier ministre Tsipras a estimé qu'il ne disposerait dès lors d'aucune capacité d'investissement, convoquant sur ces entrefaites un référendum. Nous ne pouvons pas nous livrer à un déni de démocratie, comme le souligne Joseph Stiglitz, qui évoque une « mort de la démocratie » en Europe. Mais il faudrait invoquer de préférence la doctrine bréjnévienne de la souveraineté limitée des États ! Tôt ou tard, la France se heurtera à ces mêmes limites. Ce n'est qu'une question de temps.
La Grèce est un pays exsangue ; sa population ne peut se serrer davantage la ceinture. Pourtant, depuis cinq mois, la troïka n'a changé ni de discours, ni de politique. Les meilleures économistes le disent : il serait fou de continuer sur cette voie. L'issue du référendum annoncé est incertaine. Mais, si le oui l'emporte, la Grèce sera revenue dans six mois au point de départ.
Le 21 février 2012, il lui a été consenti une remise de dettes de 107 milliards d'euros, davantage à l'Argentine pour laquelle 70 milliards d'euros seulement avaient été effacés. C'est pourtant insuffisant, car nous sommes en face d'une machine infernale. Si le non l'emporte, les conséquences ne seront pas forcément dramatiques. La Grèce devra sortir de la zone euro et dévaluer. Sa compétitivité s'en trouvera augmentée. Le FMI devra consentir un rééchelonnement de la dette, puis l'Union européenne. Ainsi, la Grèce pourra sortir de sa difficile situation et se conformer à une partie de ses engagements, sous forme de dette perpétuelle, en mettant l'idéologie de côté. Je vous rappelle qu'au cours du siècle passé, non moins de quarante-deux unions monétaires ont explosé.
Quant à instituer une union de transferts, la Diète fédérale, le Bundestag, n'en voudra pas, alors que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe impose sa consultation obligatoire. La France, elle encore, a déjà engagé 60 milliards d'euros sur la Grèce. Plus que jamais, nous devons donc faire cesser l'idéologie et faire prévaloir le principe de réalisme.