Nous nous sommes battus pour réorienter les priorités de l'Union européenne dans le sens d'un soutien à la croissance et aux investissements. C'est pourquoi je me réjouissais tout à l'heure que le Conseil européen ait salué le fait que Parlement européen et le Conseil ont adopté le plan Juncker de 315 milliards d'euros d'investissements. Mais il y a aussi des règles communes, qu'il est nécessaire de respecter. Les mesures prises dans un pays peuvent avoir des répercussions dans d'autres pays de la zone euro. Tous ont intérêt à engager des réformes pour améliorer leur compétitivité, tout en défendant un certain modèle social.
Mme la présidente Guigou, la France prendra son tour d'alerte le 1er juillet, avec la Belgique, pour constituer le prochain groupement tactique qui, en vertu de la décision prise au Conseil « Affaires étrangères » du 18 mai, pourra être engagé en première entrée – ce qui n'a jamais été fait – si une crise internationale rendait nécessaire l'engagement de ce groupement fort de 2 500 hommes dans le cadre d'une mission militaire de la politique de sécurité et de défense commune. Nous sommes organisés pour qu'elle puisse se déployer. Si cela devait être le cas, ce serait le signe d'une avancée de l'Europe de la défense et de la mutualisation des réponses que nous devons apporter aux questions de sécurité.
Car chacun comprend que, même si les armées sont nationales, il est de plus en plus nécessaire d'agir en commun. La France est intervenue au Mali, mais une mission européenne, l'EUTM Mali (European Union training mission), s'emploie également à former l'armée malienne ; cette mission mobilise un général allemand et un général espagnol. L'Organisation des Nations unies (ONU) remplit également d'autres missions sur place. Par le biais du système Athéna, l'Union européenne prend par ailleurs en charge certains frais des opérations extérieures.
Monsieur Leroy, je souscris tout à fait à votre conviction que l'Union européenne doit avoir une politique de développement complémentaire de la politique migratoire que nous proposons.
Madame Duflot, je démens fortement toute résignation de la part des dirigeants européens ou des dirigeants français. Le président de la République a été le premier à recevoir Alexis Tsipras après son élection. Avec Michel Sapin, il a veillé à ce que des négociations aient lieu qui puissent aboutir à un accord durable avec la Grèce. Monsieur Lequiller, vous avez raison de souligner que la vérité doit être diffusée et que la transparence est nécessaire. Hier, le président Juncker a rendu public le document qui aurait dû être soumis à l'Eurogroupe samedi dernier, car nous n'avons rien à cacher. Ce document contient des réponses aux demandes du gouvernement grec, puisque nous disons nous-mêmes qu'il faut prendre en compte l'alternance politique en Grèce.
Les réformes envisagées portaient sur la fiscalité, sur l'administration, sur la lutte contre la corruption, sur l'institution d'un cadastre, et sur le prélèvement effectif de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l'ensemble des produits auxquels elle s'applique. Sur ces points, un accord était quasiment acquis. Le débat sur l'excédent budgétaire primaire, soit l'excédent avant remboursement de la dette, avait conduit à abaisser de 3 % à 1 % l'objectif fixé pour 2015. Une progression était ensuite prévue en 2016 et 2017. Ainsi, le gouvernement grec disposait d'une marge accrue pour mener des politiques publiques. L'Union européenne n'a d'ailleurs pas demandé de baisser les salaires ni les pensions de retraite, mais que la gestion budgétaire évite une aggravation de la dette.
La France avait en outre demandé que soit prise en compte la question, moins urgente, du poids de la dette grecque, qui a déjà fait l'objet de restructurations. Il est possible d'envisager de rééchelonner ou de poser différemment la question de la dette grecque. Encore faut-il pour cela trouver un accord avec les autres États membres. Madame Saugues, vous avez rappelé à juste titre que des parlements nationaux se sont déjà prononcés sur l'aide à la Grèce, dans six ou sept pays, par exemple en Finlande ou encore en Allemagne. Ce n'est pas le cas en France, où seules les aides bilatérales font l'objet d'un vote du parlement. L'institution du FESF et du MES ont également fait l'objet d'un vote, mais il n'est pas prévu que le Parlement se prononce sur chacune des étapes de mise en oeuvre de ces mécanismes.
Dans notre esprit, il n'était pas question d'infliger une quelconque humiliation à la Grèce, même si la mise en oeuvre des plans précédents a pu être perçue comme telle par le peuple grec. Cela a d'ailleurs conduit au rejet des plans précédents, dont il faut tirer les leçons. Nous voulons néanmoins travailler à un accord avec nos partenaires de la zone euro.
Monsieur Rochebloine, je ne veux pas écrire de scénario de sortie de la zone euro pour ce pays. Mais il est évident qu'elle aurait des conséquences graves pour la Grèce. Comme cela a été mentionné, les traités ne prévoient pas de procédure pour une sortie de la zone euro. Le règlement de la question ne serait donc pas facile. En tout état de cause, les autorités françaises ont pour position que la Grèce doit rester dans la zone euro, quoique la décision appartienne en dernier ressort aux Grecs eux-mêmes.
Monsieur Myard, l'appartenance à la zone euro ne signifie pas la soumission à des contraintes dont les peuples ne voudraient pas. Les Grecs ont toujours voté pour des gouvernements favorables au maintien de leur pays dans la zone euro. Car la Grèce estime, pour des raisons politiques, que sa place est au coeur de l'Europe, tandis que des raisons économiques entrent aussi en jeu.
Monsieur Bui, les conclusions du Conseil européen relatives à la stratégie numérique ne reflètent pas l'ensemble de cette dernière, telle qu'elle est exposée dans la communication de la Commission européenne publiée le 6 mai. Nous serons très attentifs à ce que tous les aspects soient pris en compte, à savoir l'investissement, en particulier dans les infrastructures, de façon à garantir le plus largement possible un accès au haut débit, mais aussi la régulation des plateformes et la protection des droits d'auteur. Ainsi, l'Union européenne permettra de dépasser la fracture numérique et de faire avancer l'innovation en ce domaine, favorisant la croissance d'acteurs qui paieront leurs impôts là où ils engrangent leurs bénéfices, et non là où le taux d'imposition est le moins élevé. Car l'accès à un marché de 500 millions de consommateurs ne va pas sans contrepartie, comme peut l'être également le respect des données personnelles. La diffusion du numérique en Europe est un enjeu essentiel pour la croissance et pour la compétitivité future du continent, mais aussi pour le bien-être et l'accès de tous les citoyens à ces services.
Monsieur Lequiller, vous sembliez porter un jugement sur le gouvernement grec. Nous devons quant à nous travailler avec les gouvernements successifs de ce pays, que nous respectons, car ils sont tous issus d'une élection démocratique. Mais nous ne les choisissons pas. Alexis Tsipras a lui-même déclaré qu'il veut que la Grèce reste dans la zone euro. Mais il était normal de vouloir tourner la page, en renonçant par exemple à l'appellation de « troïka ».
Pour sa part, le Gouvernement a toujours suivi deux principes sur cette question. D'une part, il estime qu'il faut prendre en compte la démocratie et les attentes légitimes du nouveau gouvernement grec. D'autre part, il souligne qu'il y a des règles à respecter et qu'il est nécessaire de trouver un accord avec l'ensemble des partenaires de la zone euro. Comme Christophe Caresche l'a rappelé, il faut reprendre les négociations en les élargissant à la question de la dette et du soutien à la croissance et à l'investissement.
Il faut sortir de la spirale de l'endettement, nourrie par une mauvaise perception de l'impôt et par une perte de compétitivité économique. Si l'Europe a un devoir de solidarité, la Grèce a aussi un devoir de transparence et de responsabilité vis-à-vis de ses partenaires de la zone euro. L'Europe peut surmonter cette crise si elle retrouve la conscience et que la volonté politique nécessaire est mise en oeuvre. À mon sens, il n'est pas dans l'intérêt collectif que la Grèce sorte de la zone euro faute d'un accord.
S'agissant de l'espionnage industriel, monsieur Mariani, c'est un sujet qui fait consensus côté français. Le président de la République a rappelé au président Obama les engagements pris fin 2013 à la suite des révélations d'Edward Snowden. L'espionnage n'est pas acceptable entre alliés. Tout au contraire, la nécessaire coopération internationale entre les services de renseignement contre le terrorisme requiert la confiance. Ce type de pratique ne peut qu'y nuire.
La question du commerce est un autre problème, même si l'espionnage ne favorise pas l'ouverture en ce domaine. Les pourparlers sur le PTCI permettraient cependant de garantir l'ouverture des marchés publics américains à nos entreprises, comme d'obtenir la reconnaissance d'indications géographiques protégées. Des lignes rouges sont à ne pas franchir cependant, à savoir l'exception culturelle ou la sauvegarde des préférences collectives en matière sanitaire, qui excluent la commercialisation de boeuf aux hormones ou de poulet chloré.
Quant à l'Ukraine, une aide de 12,8 milliards d'euros lui est allouée sur la période 2014-2020. Sur ce montant, 3,8 milliards d'euros relèvent de l'assistance macro-financière, 1,4 milliard d'euros est mobilisé au titre de l'instrument de politique de voisinage et 8,4 milliards d'euros sont constitués de prêts accordés par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et par la BEI. Le programme est débloqué par tranches. Nous conditionnons sa poursuite à des réformes en Ukraine visant à lutter contre la corruption et à améliorer l'administration. Chaque tranche nouvelle n'est versée qu'après l'aval du Conseil « Affaires étrangères », vérifiant à cette occasion l'avancement du programme qui va de pair avec le respect des accords de Minsk, pour la mise en oeuvre desquels la Russie a également un rôle à jouer.