Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du 15 juillet 2015 à 11h30
Commission des affaires économiques

Jean-Bernard Lévy, président du groupe électricité de France :

Je suis heureux de me retrouver de nouveau devant vous. Ma première audition par votre Commission a eu lieu il y a quelque huit mois, avant même que je ne prenne mes fonctions, lorsque je m'étais porté candidat à la présidence d'EDF. À ce moment déjà, nous étions tous conscients de la nécessité de renforcer le pilotage stratégique de l'industrie nucléaire française, pour qu'elle soit plus compétitive sur nos marchés domestiques et réponde mieux aux opportunités d'exportation. Chacun se souvient de l'échec de la filière française à Abu Dhabi malgré un contexte apparemment favorable.

Depuis lors, nous avons tous découvert que la situation d'Areva était préoccupante, et cela pourrait avoir des conséquences pour toute la filière, et pour EDF en particulier puisqu'Areva est un fournisseur clé dans le parc de centrales nucléaires, et même le seul capable de répondre à certains de nos besoins.

Lors de notre arrivée en fonction, quasiment concomitante, M. Varin et moi-même avons demandé à nos équipes de travailler ensemble à un état des lieux transparent de nos relations et de proposer des pistes d'amélioration dans trois domaines : les nouveaux réacteurs, les opérations sur les projets existants – le grand carénage et la gestion de la nouvelle réglementation sur les composants nucléaires, en particulier la norme ESPN –, enfin la gestion du cycle de l'uranium et l'approvisionnement en combustible.

L'information, début mars, sur les comptes d'Areva pour 2014 nous a conduits à accélérer les choses. La sécurisation des activités les plus critiques du grand carénage étant un sujet majeur, EDF a proposé en mai un projet à Areva. Quelques jours plus tard, le 3 juin, un communiqué de presse de la Présidence de la République confirmait l'intérêt de ce projet pour la filière et demandait que des travaux d'approfondissement soient engagés.

Il s'agit de rapprocher les activités de conception et de réalisation des nouveaux réacteurs dans une société dédiée qui sera contrôlée majoritairement par EDF. Sont concernées des activités d'ingénierie et d'études – ce qu'on appelle les codes de sûreté – mais aussi la gestion de projets. Le projet Hinkley Point, par exemple, a vocation à être géré à l'intérieur de cette société.

Le second volet concerne les activités de service et de fabrication – autrement dit des activités industrielles – aujourd'hui logées dans la société Areva NP. EDF acquerra le contrôle majoritaire de cette société filiale d'Areva en charge des services pour les réacteurs en fonctionnement, de la fourniture des assemblages de combustible et de la fabrication des équipements de l'îlot nucléaire. Il est prévu qu'Areva reste actionnaire de cette nouvelle Areva NP, et il est par ailleurs clairement souhaité que d'autres partenaires industriels, français mais aussi étrangers, rejoignent le tour de table.

L'objectif est de rendre notre industrie plus compétitive, en premier lieu pour notre parc. Il s'agit d'améliorer la compétitivité de l'EPR par le rapprochement structurel entre le concepteur et l'exploitant de centrales, EDF, et le réalisateur, Areva. Il s'agit également d'élargir la gamme de réacteurs, c'est-à-dire de préparer la manière dont la France répondra aux besoins dans la catégorie des 1 000 mégawatts, c'est-à-dire de la moyenne puissance, domaine où nous ne sommes pas présents aujourd'hui. Il s'agit aussi de faciliter la formulation d'offres intégrées incluant la livraison des combustibles.

Le rapprochement, dans la société dédiée, des équipes d'ingénierie et de conduite des grands projets permettra également une gestion plus efficace des interfaces techniques, dont le nombre sera réduit. Cela permettra en outre une meilleure capitalisation du retour d'expérience sur les projets en cours.

Pour le parc existant, cela garantira une meilleure sécurisation des activités les plus critiques du grand carénage. Pour les services à la base installée à l'exportation, Areva NP pourra s'appuyer sur un exploitant internationalement reconnu, EDF, qui exploite soixante-treize réacteurs dans le monde. EDF dispose d'un retour d'expérience unique et d'une pratique éprouvée de la maintenance et de la gestion des arrêts de tranche, tout en respectant les meilleurs standards de sûreté.

Enfin, dans le domaine des assemblages de combustibles, Areva NP pourra s'appuyer sur l'expérience d'EDF en matière d'exploitation de centrales pour assurer la meilleure gestion dans le cycle d'exploitation des opérateurs électriques.

Cette évolution de la gouvernance doit s'inscrire, comme le souligne le communiqué de la Présidence, dans le cadre d'un partenariat stratégique, en cours de discussion entre EDF et Areva. Ce partenariat permettra d'identifier nos ambitions communes et de mettre en oeuvre les moyens d'y répondre de façon structurellement coordonnée, au-delà des relations commerciales normales d'un exploitant avec son fournisseur principal.

Cela présentera un intérêt évident dans le cas de constructions nouvelles de réacteurs, notamment à l'exportation. Il existe en effet un intérêt manifeste à proposer aux clients des offres intégrant, d'une part, la construction et la mise en service des réacteurs, et, d'autre part, la fourniture des assemblages de combustible, incluant l'uranium enrichi. De même, pour la base installée, les deux entreprises ont intérêt à coopérer pour proposer des offres combinant service aux réacteurs et opérations industrielles sur le cycle du combustible.

Enfin, il existe, chez EDF comme chez Areva, des savoir-faire et des outils pertinents en vue du futur démantèlement des installations nucléaires, et l'objectif du partenariat stratégique sera de les mettre en commun pour rendre plus performante la filière française du démantèlement.

Il est important pour EDF que l'acquisition se fasse à un prix de marché, c'est-à-dire au prix que paierait un investisseur avisé, le prix qui sera considéré comme juste par les partenaires industriels intéressés à entrer au tour de table. Par ailleurs, Areva NP gère un programme très difficile en Finlande, Olkiluoto, qui expose le groupe Areva à des risques de pertes auxquels EDF ne peut en aucune façon envisager d'être exposé.

Voilà, synthétiquement présenté, le projet qui a été avalisé par le Gouvernement. Il permettra la sécurisation pour EDF de son principal fournisseur stratégique et, en conséquence, la sécurisation des activités les plus importantes du grand carénage, celles qui relèvent de la sûreté – les améliorations post-Fukushima – comme celles qui touchent à l'allongement de la durée de vie des réacteurs. Il garantira une meilleure maîtrise des grands projets de nouveaux réacteurs, ainsi qu'une amélioration des offres de la filière française à l'exportation de façon que le marketing stratégique, l'harmonisation de la gamme de produits et le développement d'offres performantes à l'export apportent de nouveaux contrats à la filière française le plus rapidement possible.

Nous avons largement progressé dans les négociations ; je ne saurai vous en dire davantage, sachant que les conseils d'administration d'EDF et d'Areva doivent se prononcer sur les termes de la transaction dans la seconde quinzaine de juillet. Nous pourrons ainsi dès la fin du mois passer à la phase de mise en oeuvre de cette décision si importante non seulement pour Areva et EDF, mais aussi pour nos partenaires, fournisseurs et prestataires de services, ainsi que pour les salariés des deux groupes, en particulier ceux d'Areva, dont je comprends qu'ils soient impatients de savoir comment les choses vont évoluer.

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