Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du 15 juillet 2015 à 11h30
Commission des affaires économiques

Jean-Bernard Lévy, président du groupe électricité de France :

En France également, sachant que cela prend du temps. Entre le démarrage d'un projet et la mise en service d'une installation d'éoliennes, par exemple, il se passe fréquemment six ou sept années, le temps d'obtenir les permis, puis de purger les recours… Le temps de construction proprement dit ne représente qu'une part très minoritaire du délai global. Nous ne pouvons aller plus vite que ce que nous permettent les réglementations en vigueur.

La somme que nous consacrerons à l'acquisition d'Areva NP est le résultat de la négociation avec Areva mais aussi d'une analyse financière conduite en vue de payer le juste prix, un prix que nous pouvons expliquer à nos administrateurs et actionnaires : c'est le prix d'une société qui gagne de l'argent, hors risque sur la Finlande, que nous ne prenons pas à notre charge.

Dans les semaines qui ont suivi mon arrivée, nous avons communiqué sur le fait que le conseil d'administration d'EDF, avec l'accord de l'État, avait retenu l'hypothèse du grand carénage. Celui-ci, dans ses grands principes, est une décision prise. Cela signifie l'extension de la durée de vie des centrales nucléaires de la génération actuelle, qui devaient durer quarante ans et qui feront l'objet de demandes d'EDF pour que cette durée de vie soit portée, dans une première étape, à cinquante ans. Il s'agira également de profiter de ces travaux pour améliorer la sûreté du parc dans une démarche dite « post-Fukushima » – même si le réseau français, d'une conception très différente, n'est pas exposé au risque d'une submersion par tsunami. Quoi qu'il en soit, nous avons devant nous un programme d'investissement important qui va commencer dès à présent mais se développera principalement à la fin de la décennie et au cours de la prochaine, puisqu'il faut encore plusieurs années avant que l'ASN donne un premier accord pour prolonger la durée de vie d'un réacteur au-delà de quarante ans.

Le renouvellement viendra ensuite, sur la base de l'EPR actuel mais aussi sur celle d'un produit que nous sommes en train de concevoir, l'EPR nouveau modèle, sur lequel Areva et EDF travaillent depuis déjà plusieurs trimestres et qui permettra de faire baisser les coûts. Flamanville, rappelons-le, est un prototype et il est normal que la première centrale de troisième génération soit plus chère que les précédentes.

Les relations commerciales entre Areva et EDF se sont, je le confirme, nettement améliorées. Nous avons, depuis mon arrivée, signé un accord sur l'enrichissement ainsi qu'un autre sur le retraitement pour la période 2013-2015, et nous avons beaucoup avancé pour un nouvel accord dans ce dernier domaine pour les années à venir, ainsi que dans le domaine de la conversion, concernant notamment la fin du chantier de l'usine Comurhex II dans la vallée du Rhône.

Le projet d'un réacteur construit à Hinkley Point a été autorisé par la Commission européenne à la fin de l'année dernière. L'Autriche a décidé de demander un réexamen du dossier, ce qui devrait vraisemblablement entraîner un contentieux. Nous regardons comment faire en sorte que cette affaire n'entrave pas l'avancement du dossier, sur lequel, comme cela a été rappelé lors de la visite du Premier ministre chinois en France il y a deux semaines, le tour de table rassemblera un actionnariat français et un actionnariat chinois. Nous avons bon espoir de prendre la décision finale d'investissement après la pause estivale.

Le Parlement, Monsieur Straumann, a voté – ce sera définitif dans peu de temps – un projet de loi de transition énergétique qui impose un plafonnement du parc nucléaire. Lorsque nous aurons à connecter l'EPR de Flamanville, il faudra retirer du parc français une capacité équivalente, et le Président de la République a fait savoir à plusieurs reprises que ce sont les deux réacteurs de Fessenheim qui arrêteraient de fonctionner. Nous appliquerons la loi le moment venu. La date dépendra de l'avancement de la connexion de Flamanville. La dernière fois qu'EDF s'est exprimée sur le sujet, dans les derniers jours où mon prédécesseur était en fonction, EDF a évoqué un démarrage en 2017. Nous travaillons de façon à affiner ce calendrier ; compte tenu des dernières nouvelles concernant Flamanville, il n'est pas certain que ce soit au début de 2017.

S'agissant de la cuve de Flamanville, nous avons été informés en fin d'année dernière de la présence « d'anomalies », à savoir d'une concentration d'atomes de carbone à certains endroits plus élevée que ce qui était souhaité. Après les propos tenus par les experts devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques il y a quelques jours, nous avons confiance que le programme d'essais qui sera conduit dans les mois à venir sous l'autorité de l'ASN montrera qu'il n'y a pas, malgré ces anomalies, de risque sur la cuve de Flamanville.

Je répondrai à présent aux questions qui ne touchent pas directement au nucléaire. La question de Saint-Laurent-des-Eaux touche au nucléaire, mais au nucléaire d'il y a trente-cinq ans : nous parlons de rejets intervenus en 1980. Une enquête ayant été ouverte, je ne ferai pas de commentaires, si ce n'est pour dire qu'à ma connaissance la totalité des actions d'EDF à l'époque respectaient les instructions préfectorales et la réglementation en vigueur, avec la transparence requise.

Nous avons lancé il y a quelques années la construction d'un terminal de regazéification à Dunkerque, et le chantier est en train de s'achever. Il est d'ailleurs assez original puisque, pour réchauffer le gaz, on utilise les eaux chaudes produites par la centrale de Gravelines, qui se trouve juste de l'autre côté d'une baie maritime et est reliée au terminal par un tunnel de cinq kilomètres. Cela évite le rejet de ces eaux chaudes en mer. Il existe certes un risque commercial résiduel : certains partenaires du projet se sont engagés à prendre des quantités déterminées de gaz, mais il faudra à la fois trouver des ressources en gaz liquéfié et répondre aux besoins des différents utilisateurs sur le réseau de transport de gaz. C'est notre métier d'entrepreneur que d'investir pour mieux servir ce marché du gaz qui, je le crois, continuera de croître, ne serait-ce qu'en raison des conséquences des engagements de réduction des émissions de dioxyde de carbone sur le marché allemand.

Le gaz, monsieur Jibrayel, fait partie de façon évidente de la stratégie d'EDF, électricien mais aussi énergéticien. Nous sommes un groupe multi-énergies, où le gaz a toute sa place. Nous sommes tout à fait déterminés à rester présents sur ce marché.

En ce qui concerne Nexcis, monsieur Baupin, nous aurions bien aimé poursuivre l'expérience ; malheureusement, les technologies développées par cette société n'ont pas trouvé leur marché, car leur prix est bien plus élevé que ceux des filières de l'énergie solaire. Toutes les innovations techniques ne rencontrent pas forcément leur marché… EDF a joué pendant de nombreuses années un rôle incitatif, apportant des capitaux pour aider ces filières à déboucher sur des réalisations commerciales, mais cela n'a pas été le cas. Nous cherchons aujourd'hui, depuis maintenant deux ans, un repreneur.

Nous sommes, madame Erhel, partie prenante pour bâtir avec des partenaires, notamment DCNS, société que je connais bien, une filière française d'hydroliennes afin de développer des énergies renouvelables innovantes qui contribueront à décarboner notre économie. Cette filière est encore en gestation ; nous sommes au stade des prototypes.

Nous avons confié la gestion du fonds Electranova à des professionnels du capital-risque. Le fonds se porte bien. Il investit majoritairement en France mais ne s'interdit pas de prendre des participations dans des innovations techniques présentes à l'étranger. Nous travaillons dans de nombreux domaines liés, en particulier, à la transition énergétique : batteries, efficacité énergétique… Electranova fait partie de l'écosystème que construit EDF pour être davantage présente dans l'innovation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion