Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Il était primordial de revenir à l’objectif fixé par le législateur en 2005 ainsi que par la convention internationale des droits des personnes handicapées, que la France a ratifiée. Là aussi, même si notre amendement a été déclaré irrecevable lors de l’examen en commission des affaires sociales, il eût été essentiel de trouver des solutions afin de concilier les questions de coûts et le principe – que nous devons toujours garder à l’esprit – selon lequel chacun doit être traité de façon équitable, dans l’utilisation des transports entre autres.

Comment ne pas regretter ce constat, alors que ce texte est la réponse tant attendue que l’État est censé apporter aux nombreuses problématiques relatives au handicap ? Une grande attente, nous le savons, entourait le projet de loi de juillet 2014, puis celui qui nous intéresse aujourd’hui. Il faut pour mettre fin à la situation accablante qui veut que de nombreuses personnes handicapées doivent chaque jour affronter des problèmes d’accessibilité indignes de notre pays. Je sais que vous connaissez ces chiffres, madame la secrétaire d’État, mais les citer ne fera pas de mal. Selon les sources de l’Association des paralysés de France, seuls 15 % des établissements accueillant du public étaient aux normes légales ou conventionnelles en 2014, et 38 % des villes de plus de 50 000 habitants. Ayons toutefois l’honnêteté de souligner l’implication des collectivités territoriales depuis plusieurs années dans l’amélioration de mesures relatives à l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.

Dès lors, si le droit positif a nettement progressé depuis des décennies, avec, entre autres, les lois de 1975 et de 2005, qui fixent le cadre juridique de l’action étatique face au handicap et garantissent le principe d’une meilleure accessibilité pour l’ensemble des personnes en situation de handicap dans les limites du territoire national, il convenait à travers ces textes de corriger les différents manquements concrets des pouvoirs publics dans ce domaine, que je viens de dénoncer.

Il était donc primordial d’agir, de réformer plus radicalement, plus profondément, au nom de l’égalité républicaine qui nous est si chère, à nous, radicaux de gauche. Le handicap ne doit plus être assimilé à un facteur d’exclusion !

La prise en charge des différentes problématiques qui en résultent ne doit pas être considérée comme une dépense supplémentaire, mais comme une action juste et nécessaire. Par une politique pleine et achevée dans ce domaine, le législateur doit montrer qu’il sert l’intérêt général, non pas le seul intérêt de la majorité des citoyens qui ne souffrent pas directement ou indirectement du handicap, mais aussi l’intérêt d’une minorité, celle des personnes en situation de handicap et de leurs proches.

Pour être exhaustive, la politique du handicap doit être la plus large possible ! Il convient, comme l’avait souligné Dominique Orliac, « de nous consacrer aux "personnes en situation de handicap" sans, par un abus de langage, nous limiter aux "handicapés" ». Cette expression doit être consacrée, non pour défendre le politiquement correct, mais pour permettre la protection d’un public beaucoup plus large, comme les femmes enceintes ou les personnes blessées, en situation de handicap temporaire.

Vous l’aurez compris, nous déplorons que ce texte n’aboutisse pas aux avancées escomptées. Alors que des progrès autour de ces problématiques sont attendus depuis des décennies, il est temps que nous nous donnions les moyens de nos responsabilités.

Madame la secrétaire d’État, nous connaissons l’intérêt que vous portez à ce dossier, et nous ne dirigeons pas nos critiques contre votre personne ou contre l’initiative de la réforme, tout à fait souhaitable. Mais l’essentiel du travail reste à faire ; pour reprendre le mot de Winston Churchill, il ne s’agit pas « du commencement de la fin » de nos efforts, mais bien de « la fin du commencement » !

Ce projet de loi représente une avancée non négligeable, mais insuffisante, surtout dans un pays où l’aide spontanée n’est pas la règle commune, et où la prise en charge par les opérateurs de transports, notamment ferroviaires, est une abomination.

Jusqu’à très récemment, je faisais partie de ces anonymes qui assistent, jour après jour, nuit après nuit, une personne handicapée. Avec elle, je ne voyageais plus qu’en Italie, où 80 % des personnes vous apportent spontanément leur aide et où il suffit, lorsque votre correspondance est ratée, d’appeler, quels que soient l’heure ou le jour, un numéro vert pour qu’en quelques minutes, une solution soit trouvée. C’est un autre regard, plus tourné vers les autres, signe d’une société qui sait où sont ses repères, même dans la tourmente.

Madame la secrétaire d’État, je sais que vous ne pouvez, pas plus que moi, changer les mentalités, et que l’exercice qui est le vôtre, dans ce contexte, est compliqué. Nous sommes face au paradoxe d’une société qui, d’un côté, rejette la surréglementation, et, de l’autre, oblige le législateur à édicter des règles car elle a perdu le sens commun des solidarités, des équilibres et, parfois, le sens commun tout court. Ainsi, on peut laisser une personne dans son fauteuil roulant, en plein froid, sur un quai de gare, face à un souterrain inaccessible, et exiger d’une commune un dossier de dérogation pour l’accès des personnes à mobilité réduite à un refuge de haute montagne.

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