Intervention de Bernadette Laclais

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernadette Laclais :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici réunis pour un dernier examen du texte relatif à l’accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées. Au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, je tiens à remercier tous les groupes qui, lors de la commission mixte paritaire de jeudi, se sont inscrits dans une logique constructive, sous l’égide des deux rapporteurs, Christophe Sirugue, dont chacun, ici a pu apprécier la détermination, et le sénateur Philippe Mouiller. Je n’oublie pas la sénatrice Claire-Lise Campion, très engagée sur ce sujet.

Une proposition, avancée par notre assemblée, restait en débat et concernait le tarif pratiqué pour les transports à la demande. Chacun a bien compris qu’il s’agit de ne pas pénaliser financièrement les personnes handicapées qui ne peuvent utiliser les transports en commun, soit parce que ces transports ne sont pas accessibles, soit parce qu’il n’y a pas continuité d’accessibilité sur l’ensemble de la chaîne de déplacement, soit parce que leur handicap ne leur permet pas d’avoir recours à un transport collectif « traditionnel », même avec aménagement.

Je remercie les parlementaires qui ont souscrit au principe selon lequel les personnes handicapées ne devaient pas subir une double peine, un principe de non-discrimination tarifaire dans un même périmètre de transport urbain pour le transport à la demande.

Comme nous sommes dans la dernière ligne droite et que beaucoup de choses ont déjà été dites, je serai brève. Mais comme vous, je sais que des mécontentements demeurent. Sans avoir aucunement la prétention d’y répondre, je voudrais rappeler quelques constats.

La loi du 11 février 2005 avait fixé des objectifs très ambitieux de mise en accessibilité universelle au 1er janvier 2015. Un an et demi avant cette échéance, le rapport de Claire-Lise Campion dressait malheureusement le constat que, malgré les progrès importants accomplis, grâce notamment à cette loi, une grande partie des maîtres d’ouvrage, publics ou privés, ne pouvaient plus prétendre être prêts en temps et en heure, puisque les deux tiers, voire les trois quarts, des gestionnaires des établissements concernés ne s’étaient pas encore engagés dans cette démarche.

Il importait donc de trouver des solutions pour débloquer la situation, puis d’engager la concertation sur ces solutions susceptibles d’être mises en place, et enfin de procéder aux évolutions législatives et réglementaires nécessaires.

C’est bien dans ce contexte que les documents de programmation pluriannuelle, les Ad’AP, ont été imaginés pour pallier l’absence de cadre juridique, calendaire et opérationnel. Sans doute peut-on penser raisonnablement que c’était l’un des éléments qui faisaient le plus défaut au dispositif prévu par la loi de 2005.

Mais pour garantir concrètement la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie, il est apparu nécessaire de simplifier et d’adapter les normes, dont certaines se sont révélées trop rigides, trop peu pragmatiques et ont donc été considérées comme insurmontables par beaucoup de maîtres d’ouvrage.

Bien évidemment, il n’était pas envisageable de renoncer aux principes de la loi de 2005. Mais il n’était pas davantage envisageable de rester dans une situation bloquée, propice à des contentieux et à des condamnations pénales qui, pour autant, n’auraient pas permis de faire avancer la cause sur l’ensemble du territoire français.

Nous savons tous, madame la secrétaire d’État, l’engagement qui a été le vôtre sur le terrain – je vous remercie de vous être rendue en Savoie ! – et avec les associations. Nous ne sous-estimons pas ce que cela peut signifier en temps, en disponibilité, en capacité de persuasion, dès lors que l’on s’inscrit dans le concret et le dialogue, plutôt que dans l’énoncé unilatéral de grands principes.

À l’issue de l’examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, puis de celui de ratification de ces ordonnances, nous sommes arrivés à un point d’équilibre, faisant de l’accessibilité, pour reprendre vos propos, un processus réellement irréversible tout en évitant que des contraintes insupportables ne pèsent sur les collectivités et les acteurs du monde économique.

Être parvenu à un tel équilibre ne signifie pas l’arrêt de toute avancée mais permet au contraire de mieux rebondir. Si nous approuvons la recherche d’un tel équilibre, nous tenons néanmoins à attirer votre attention sur plusieurs points.

La date du 27 juin, considérée comme butoir, a-t-elle été bien enregistrée pour demander une prorogation de délai du dépôt de l’agenda d’accessibilité programmée – Ad’AP ? La simultanéité de nos débats avec cette date pourrait troubler la lisibilité du calendrier imposé mais il n’y avait pas d’autre solution, malheureusement.

L’afflux de demandes de dérogation pour la réalisation des travaux à la date butoir du 26 septembre n’empêchera-il pas l’administration de répondre dans les délais qui lui sont impartis ? Beaucoup redoutent que des dérogations soient accordées tacitement, faute de réponse de l’administration.

D’ores et déjà, les maîtres d’ouvrage font de la circulaire du 27 avril une lecture aléatoire. Certains présentent des Ad’AP sans les détailler annuellement, en excluant tout ou partie du patrimoine considéré comme non prioritaire. Comment les administrations considéreront-elles ces documents ? Comment peut-on s’assurer que les lectures ne seront pas variables d’un territoire à l’autre ? Comment bien faire passer le message que l’allégement des normes n’est pas un recul mais au contraire l’opportunité de franchir enfin des étapes supplémentaires en faveur de l’accessibilité ?

Autant de questions qui militent pour que nous ne laissions pas passer une période triennale sans une évaluation et un retour rapide devant nos Assemblées, car nous ne pourrions nous satisfaire collectivement d’ordonnances qui présenteraient finalement les mêmes imperfections que la loi de 2005.

Les associations attendent aussi cela de nous : prévoir les étapes d’évaluation pour vérifier que les mesures se concrétisent et que les engagements pris collectivement sont tenus.

Enfin, mais chacun le sait ici, le débat que nous venons d’avoir au cours de cette année 2014-2015 ne doit pas nous faire oublier que des avancées sont encore attendues en matière d’emploi des personnes en situation de handicap, d’accès à l’école, au collège, au lycée, à l’université, d’accès aux soins tant les parcours, trop longs et complexes, peuvent manquer de fluidité, d’accès à une pratique culturelle ou sportive, et bien sûr d’accès à un logement adapté à la situation de chacun ou à une structure spécialisée, répondant aux besoins de la personne en situation de handicap.

Ce constat, vous le connaissez, je le sais, mais il me semble nécessaire, au moment où nous achevons ce débat, de rappeler que l’attente est grande. Si nous devons tous partager les efforts en matière de redressement de nos finances publiques, le secteur du handicap me semble celui où l’on pourrait le mieux comprendre qu’ils ne s’exercent pas de la même manière, afin de traduire la solidarité de l’ensemble de la nation à l’égard de ceux qui, fragilisés par leur parcours de vie, ont besoin de cette solidarité.

Vous pouvez compter sur nous, députés socialistes, pour accompagner votre détermination au moment même où s’ouvrent les discussions relatives à nos projets de loi de finance pour l’année 2016.

Le groupe socialiste votera ce texte. Il le votera avec humilité car nous savons combien l’attente est grande et la détermination des acteurs concernés nécessaire, pour changer d’abord les mentalités et les regards. Il le votera avec le volontarisme de parlementaires décidés, après avoir mieux encadré le calendrier et les actions, à mieux contrôler les résultats et à sanctionner si nécessaire, à présent que les normes ont été adoptées, ceux qui ne s’inscriraient pas dans le calendrier discuté au plan local avec l’État et la commission d’accessibilité.

Il le votera encore avec l’espoir que nous pourrons très rapidement constater les effets positifs et les avancées sur le terrain de cette nouvelle méthode, et atteindre les objectifs que vous avez fixés.

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