Intervention de Jean-Paul Tuaiva

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Tuaiva :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la politique publique en faveur des personnes souffrant de handicap, qui est au coeur de l’exigence de cohésion sociale et de solidarité nationale chère au groupe UDI, a été engagée par la loi d’orientation du 30 juin 1975. Traduction de cette exigence, le principe d’une mise en oeuvre progressive de l’accessibilité du cadre bâti et des transports a été consacré par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Pour la première fois, une loi définissait de manière précise des objectifs et des délais pour faire de l’obligation de mise en accessibilité une réalité. L’année 2005 a ainsi constitué le point de départ d’une véritable dynamique permettant de mobiliser notre société tout entière autour d’une exigence de cohésion sociale : éliminer l’intégralité des barrières susceptibles d’entraver l’accomplissement personnel et professionnel des personnes handicapées.

Elle a également permis de faire évoluer les mentalités, car l’accessibilité ne constitue pas seulement une réponse aux difficultés de déplacement des personnes handicapées. Elle doit maintenant permettre de préparer la France au défi du vieillissement de sa population et de la perte d’autonomie.

Pour autant, force est aujourd’hui de constater que malgré l’engagement de l’ensemble des acteurs publics ou privés, les délais fixés par la loi du 11 février 2005 ne pourront être respectés et la France n’est pas au rendez-vous du 1er janvier 2015 prévu par la loi. En effet, en dépit d’une véritable dynamique, de nombreux retards ont été constatés.

Pour le groupe UDI, il serait inutile et improductif de pointer du doigt les défaillances des uns et des autres. Un temps précieux a été perdu depuis la loi de 2005 et la seule exigence à laquelle nous devons désormais répondre est la poursuite des efforts engagés.

Telle était la vocation de la loi du 10 juillet 2014 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, que notre groupe a soutenue. Cette loi prévoit la création d’un nouvel outil de pilotage : l’agenda d’accessibilité programmée, qui permettra à un propriétaire ou à un exploitant d’obtenir un délai supplémentaire pour la mise en accessibilité dès lors qu’il s’engage sur un plan de travaux pluriannuels de mise en accessibilité ainsi que sur leur programmation financière.

La mise en place de cet outil ne signifie pas, à notre sens, l’abandon des objectifs fixés par la loi de 2005. Au contraire, il permet de définir rapidement les nouvelles modalités de mise en oeuvre de la loi de 2005 afin de donner des perspectives réalisables au chantier de la mise en accessibilité, tout en prenant mieux en compte les difficultés qui ont pu être rencontrées.

À cet égard, n’oublions pas que cet outil doit permettre de décrire précisément les travaux pluriannuels de mise en accessibilité pour un ou plusieurs établissements ou installations.

Il précise également la programmation des financements associés et la durée de réalisation des travaux, qui pourra varier selon la catégorie de l’établissement, sa fréquentation, ainsi que les caractéristiques du patrimoine que le propriétaire ou le gestionnaire d’établissements ou d’installations prévoira de mettre en accessibilité.

N’oublions pas non plus que sans dépôt d’un agenda d’accessibilité programmée, le non-respect de l’échéance du 1er janvier 2015 sera validé – sauf dérogation – et toujours passible des sanctions pénales prévues par la loi de 2005. En outre, des sanctions financières graduées sont prévues en cas de non-respect des engagements pris dans le cadre de l’agenda.

Pour autant, comment se satisfaire que les échéances fixées par la loi n’aient pu être respectées ? Comment ne pas regretter d’avoir été amenés à légiférer de nouveau ? Cet écueil n’aurait-il pas pu être évité en adoptant une méthode différente, avec des rendez-vous réguliers impliquant l’ensemble des acteurs engagés au service de la mise en accessibilité ? Ne pouvait-on pas anticiper les difficultés qui sont survenues et définir des solutions consensuelles pour y répondre plus rapidement ? Nous devons être conscients qu’en repoussant les délais de mise en accessibilité, nous donnons l’impression aux personnes handicapées, à leurs proches et aux associations qui les soutiennent que la dynamique engagée en 2005 subit un coup d’arrêt.

Parce qu’elle précise les modalités concrètes du report de l’objectif de 2005, l’ordonnance que ce projet de loi vise à ratifier n’a malheureusement fait qu’amplifier ce malaise, et ce d’autant plus que la rédaction de l’ordonnance aurait, je le crois, pu retranscrire fidèlement l’esprit de la loi du 10 juillet 2014.

Je pense notamment aux délais supplémentaires pour le dépôt des agendas d’accessibilité programmée et des schémas directeurs d’accessibilité. Je pense également aux dérogations pour les copropriétés et celles dont bénéficieront de facto l’immense majorité des établissements recevant du public de cinquième catégorie, du fait de l’impossibilité pour l’administration de traiter toutes les demandes.

Nous avons néanmoins conscience du fait que parvenir à un point d’équilibre parfait entre les inquiétudes des personnes handicapées et la prise en compte des difficultés relatives à la mise en oeuvre de l’accessibilité constituait une tâche difficile. Je pense en particulier aux contraintes qui seront imposées aux petits commerces et aux collectivités territoriales, dont les dotations ont pourtant subi une baisse sans précédent.

En définitive, je crois que la méthode définie par la loi du 10 juillet 2014 et la rédaction de cette ordonnance constituent sans doute un moindre mal pour éviter deux écueils majeurs : le statu quo, tout d’abord, qui aurait inévitablement entraîné une judiciarisation à outrance et, d’autre part, l’abandon pur et simple de l’objectif de mise en accessibilité.

L’accord trouvé par la commission mixte paritaire témoigne de cette volonté de préserver la dynamique et de poursuivre les efforts engagés autour de l’objectif de mise en accessibilité tout en adoptant une approche pragmatique.

Le législateur avait fixé des objectifs ambitieux en 2005. Nous ne devons pas y renoncer, même si l’échec collectif que nous devons assumer aujourd’hui nous force à légiférer de manière nécessairement insatisfaisante. Tel est, je crois, l’esprit de cette ordonnance qui, en dépit de ses imperfections regrettables, vise bel et bien à poursuivre l’effort de mise en accessibilité universelle, qui est l’objectif que nous partageons toutes et tous.

Aussi, notre groupe soutiendra ce projet de loi car nous estimons que quarante années après la loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, il est plus que temps de mettre en oeuvre des solutions concrètes et réalistes pour faire de l’accessibilité une réalité.

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