Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, voici quarante ans que les premières obligations légales de mise en accessibilité des bâtiments et de la voirie ont vu le jour avec la loi dite « loi d’orientation » qu’a présentée Simone Veil le 30 juin 1975. Ces dispositions devaient être actées dans les six mois. Or, après trente ans de démissions successives de la gauche comme de la droite, la loi du 11 février 2005 prévoyait que l’accès normalisé aux établissements recevant du public, à la voirie et aux transports intervienne au 1er janvier 2015.

Prenant acte des promesses non tenues, le rapport de la sénatrice Claire-Lise Campion ne pouvait que constater en 2013 l’impossibilité de tenir les engagements des politiques datant tout de même de quarante ans. Bien entendu, il est impossible de rendre tous les établissements recevant du public accessibles, à moins de raser tous les bâtiments publics. De même, l’idée de rendre le métro et le RER parisiens totalement accessibles se heurte à d’insurmontables difficultés techniques.

En ces matières, il ne faut céder ni aux exigences d’accessibilité parfois jusqu’au-boutistes, voire intégristes et, de toute manière, contre-productives, ni aux pressions des lobbies de l’immobilier. S’il est souhaitable de trouver un consensus sur des solutions de bon sens qui puissent satisfaire tout le monde, on ne saurait accepter la mise en cause et les reculs en matière d’accessibilité des handicapés sous prétexte de faire des économies, alors que la gabegie se poursuit dans tant d’autres domaines. Les handicapés ne doivent pas faire les frais de la faillite des politiques économiques menées jusque-là, ce d’autant plus que la mise aux normes d’accessibilité est susceptible de créer des emplois en France.

Cédant à des pressions parfois excessives, les gouvernements successifs ont promis n’importe quoi aux personnes en situation de handicap, et ont dans le même temps cédé aux pressions de divers lobbies, notamment immobilier. Qu’une personne en situation de handicap ne puisse pas se rendre là où tout citoyen peut se rendre est une inégalité inadmissible et une discrimination qui constitue une véritable double peine, ajoutant à la difficulté ou l’impossibilité de se mouvoir l’humiliation d’un citoyen.

Pourtant, rappelons que les dispositions relatives à l’accessibilité de la voirie, des ERP et des transports ne bénéficient pas seulement aux personnes en situation de handicap, mais également à toutes les personnes dites « à mobilité réduite » comme, par exemple, les femmes enceintes ou avec poussettes ainsi que les personnes âgées.

Du coup, cette politique brouillonne et irresponsable conduit à des situations absurdes. L’obligation qui est faite aux collectivités territoriales de mettre leur patrimoine immobilier aux normes intervient à un moment où les dotations budgétaires de l’État sont en nette diminution, ce qui aboutira à une inévitable augmentation de la pression fiscale – taxe foncière et taxe d’habitation – dans des communes qui n’ont pas la chance d’avoir des ressources suffisantes.

Dès lors, on peut comprendre l’incompréhension de certains maires pour qui l’accessibilité est vécue comme une corvée, et non comme un devoir. À cause d’une politique d’information insuffisante, ils ne savent pas toujours que les directions départementales du territoire et les directions départementales des territoires et de la mer peuvent les aider, et que les demandes de dérogation sont très facilement acceptées pour des raisons de disproportion financière ou d’impossibilité technique, déjà prévues par les textes.

Les délais de réalisation des travaux prévus dans les agendas d’accessibilité programmée pour les collectivités ayant un patrimoine multiple peuvent atteindre neuf ans. Il serait souhaitable de moduler ce délai en fonction de la plus ou moins grande faisabilité des travaux. Il ne faudrait pas que cette possibilité laissée aux collectivités ou entités privées à la tête d’un patrimoine important – comme les petites boutiques appartenant à des grands groupes, par exemple – soit le prétexte pour retarder indûment des travaux qui peuvent être d’un coût raisonnable. Placer au plus tôt des nez de marche contrastés ou des mains courantes rendrait service à de nombreuses personnes à mobilité réduite, notamment les personnes âgées.

Le retard pris par certaines collectivités territoriales dans la mise en oeuvre des schémas directeurs et des agendas d’accessibilité programmée en matière de transports publics est regrettable, notamment dans les régions rurales. Si cette disposition n’est pas rendue obligatoire, cela risque fort de justifier l’inaction de certaines collectivités allant à l’encontre du principe de continuité de la chaîne de déplacement. Elle est pourtant utile à un public plus large, tel que les personnes âgées et les personnes qui sont dans l’impossibilité de conduire.

Le rapporteur justifie les délais de prorogation en expliquant plaisamment qu’on ne peut pas à la fois réduire les dotations aux collectivités locales tout en exigeant d’elles dans le même temps des dépenses urgentes supplémentaires. Certes, mais une telle difficulté ne serait pas aujourd’hui à surmonter si la volonté politique avait été plus affirmée hier.

De même, l’ordonnance du 26 septembre supprimait l’exigence d’accessibilité de la chaîne de déplacement dans sa totalité. Ce principe, énoncé dans la loi du 11 février 2005 comme un objectif à long terme, ne doit pas être abandonné, surtout quand on sait qu’il n’interdit pas des aménagements en matière de calendrier des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, et même des transports de substitution.

Tant que nous n’aurons pas recouvré notre souveraineté budgétaire et que nous n’aurons pas redéfini nos priorités – la politique des quartiers, par exemple, étant visiblement plus attractive que l’accès pour les handicapés –, tous ces beaux programmes ne resteront que des voeux pieux. Soyons réalistes : les délais sont devenus intenables et vous adaptez la loi à un état de fait, lequel ne doit pourtant pas nous résigner. Je voterai donc pour ce texte, mais c’est un vote vigilant et exigeant pour l’avenir à l’égard de nos concitoyens les plus vulnérables.

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