Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Droit des étrangers — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à la question de la générosité sociale posée par Guillaume Larrivé. Il est très clair qu’un étranger qui cotise doit avoir les mêmes droits qu’un Français ; en revanche la solidarité pourrait être conditionnée à une certaine durée de résidence sur notre sol.

Cela fait trois ans que je cherche en vain à savoir quel pourcentage d’étrangers bénéficie des prestations familiales en France, et combien cela coûte. J’ai multiplié les questions écrites sur ce sujet et on m’a répondu à chaque fois qu’il était totalement impossible de le savoir. Ce qui n’empêche pas un certain nombre de personnes dans cet hémicycle de répéter que cela ne coûte pas grand-chose et que le système ne dérape pas. En réalité, il est impossible d’en juger – à moins que vous nous cachiez les chiffres.

Cela a été dit, la France est depuis très longtemps une terre d’accueil. Elle a intégré plusieurs vagues de migrants. Il existe dans notre pays une réelle tradition d’accueil et nous avons joué en la matière un rôle de pionnier au sein de l’Europe. Mais la situation de la France en 2015 est-elle comparable à celle de l’Europe des années soixante ? La situation en 2015 est-elle seulement comparable à ce qui se passait en 2010 ? La pression migratoire n’est-elle pas totalement différente, ainsi que le contexte économique ?

S’il y a un seul chiffre à retenir de l’exposé brillant de Guillaume Larrivé, c’est celui des 43 % d’immigrés en âge actif qui sont sans emploi. Cela signifie qu’en France pratiquement un immigré sur deux est sans emploi. Ce chiffre contredit le mythe, colporté par une partie de mes amis politiques eux-mêmes, selon lequel la France a besoin d’une main-d’oeuvre immigrée. Si cela a été vrai à une époque, on voit que cela l’est beaucoup moins aujourd’hui.

Le premier point sur lequel je souhaite insister c’est sur l’absence totale de politique migratoire au niveau européen. Ayant la chance de présider depuis deux ans la commission des migrations, réfugiés et personnes déplacées de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, j’avoue que je suis consterné d’entendre s’exprimer à chacune des réunions de l’assemblée l’idéologie qui domine dans toutes nos institutions et selon laquelle nos frontières doivent s’ouvrir de plus en plus, et de constater que nous n’avons aujourd’hui absolument aucune réponse face à la pression migratoire aux portes de l’Europe.

Vous avez insisté sur la nécessité d’apporter une réponse humanitaire à la situation des personnes qui essaient de traverser la Méditerranée. Nous sommes bien sûr solidaires avec vous sur ce point, monsieur le ministre : la première des obligations est de sauver des vies humaines. Mais il faut en même temps un message politique fort. Quand on constate que le seul projet européen consiste à se répartir des quotas de réfugiés politiques, alors que l’on sait très bien que la procédure d’asile est détournée par tous ceux qui recherchent en réalité un asile économique, on mesure le vide sidéral de la politique européenne. Il n’y a aucune réponse politique à cette pression migratoire : on se contente d’une réponse humanitaire, certes nécessaire mais absolument insuffisante. En tout cas, elle n’est absolument pas de nature à freiner cette pression migratoire.

Pour répondre à la préoccupation de nos concitoyens, dont la réalité quotidienne est marquée par le chômage et l’insécurité, la priorité de notre pays devrait être de reprendre la maîtrise des flux migratoires et donc de repenser sa politique d’accueil des étrangers.

Bien entendu, il n’est pas question de nous refermer sur nous-même. La France dans la mondialisation doit rester une nation ouverte sur le monde et accueillir plus de talents, à condition d’en avoir besoin. Qu’ils soient investisseurs, entrepreneurs, travailleurs ou futurs diplômés, nous sommes tous d’accord sur le fait qu’ils constituent une véritable source de richesse pour la France. En ce sens, nous devons nous donner les moyens de développer l’immigration économique et d’accueillir ces talents dignement. Mais chacun sait dans cet hémicycle que l’immigration choisie, évoquée par Mme Mazetier, l’immigration des talents représente au plus 15 % de l’immigration globale. Nous sommes loin de l’objectif affiché par les différents gouvernements qui se sont succédé.

Aussi, pour continuer à accueillir des immigrés, et notamment les talents venus du monde entier, dans des conditions décentes, nous devons faire preuve de fermeté face à toute forme d’immigration qui laisse penser qu’il vaut mieux contourner la loi.

Ce texte était attendu. Il nous donne enfin l’occasion d’aborder la question de l’accueil et des droits des étrangers dans notre pays, question qui revêt une importance toute particulière compte tenu de la pression migratoire qui s’exerce à nos frontières.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui traduit une promesse de campagne de François Hollande. Je rappelle qu’il a été présenté en conseil des ministres le 23 juillet 2014 : il aura donc fallu un an pour inscrire à l’ordre du jour ce texte, pourtant annoncé comme prioritaire.

Ce projet de loi, nous l’attendions, mais un peu plus tôt dans nos travaux parlementaires. Or c’est seulement au terme de la session extraordinaire que nous débutons l’examen de ce texte : cela en dit long sur le sens des priorités de ce gouvernement.

Comble de l’ironie, le Gouvernement a engagé le 19 juin dernier une procédure accélérée. Ces conditions d’examen trahissent un profond mépris du débat parlementaire, alors même qu’il s’agit d’une question majeure pour l’avenir de notre pays. Vous avez dit vous-même en commission que la complexité du sujet appelait à un examen empreint de « sérénité et de rationalité », pour reprendre vos propres termes, monsieur le ministre. Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France est pourtant discuté dans la précipitation, malgré les enjeux majeurs qu’il représente. Ce calendrier et cette précipitation justifieraient à elle seule le renvoi en commission.

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