Au nombre de celles-ci, la question du statut et de l’accueil des étrangers. Elle a en effet été traitée avec négligence et facilité, en tournant le dos à notre histoire, mais aussi à une ambition politique pourtant longtemps partagée sur tous les bancs de cette assemblée : celle d’une France qui sait accueillir et rayonner. J’ose croire que nos débats montreront que ce temps n’est pas révolu.
L’étranger ne doit plus être un bouc émissaire, encore moins un individu stigmatisé, et surtout pas une cible politique. L’indélicatesse des mots précède toujours la rudesse, voire la violence, des gestes. J’invite donc chacun à mesurer, aujourd’hui comme demain, les risques qu’il fait prendre à notre société, car la négation de son voisin peut être le prélude à sa maltraitance. Or, plus que jamais en cette période délicate, ce dont nous avons besoin, c’est de fraternité et de cohésion, et surtout pas de division.
Cette triste page politique, nous avons fait le choix de la tourner dès notre arrivée aux responsabilités, en 2012. Par la voie législative ou réglementaire, nous avons pris nos responsabilités pour que le migrant et l’étranger soient traités comme il se doit, dans leurs droits et obligations – dans le respect des premiers comme dans la sanction des secondes, s’ils ne s’y plient pas. Je pense notamment à l’abrogation du délit de solidarité, à l’encadrement de la régularisation afin de la soustraire à l’arbitraire, ou encore à la récente réforme du droit d’asile.
Une fois de plus, nous sommes fidèles à l’engagement pris par le Président de la République de lutter contre l’immigration illégale tout en sécurisant l’immigration légale. Il n’y a pas de courage, mais seulement des preuves de courage : notre majorité peut être fière d’agir avec cohérence, détermination et constance.
Alors que nous allons débattre du droit des étrangers, il importe de le remettre en perspective. Notre ancien collègue Matthias Fekl s’était vu confier une mission consistant à définir les modalités de mise en oeuvre de ce double objectif de fermeté dans la lutte contre l’immigration illégale et l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour en France.
Cette mission faisait écho à un constat accablant : un dispositif d’accueil et d’intégration privilégiant la contrainte plutôt que l’accompagnement, des titres de séjour sans adéquation entre leur durée de validité et la durée de présence de l’étranger, des procédures de contrôle et d’éloignement lourdes, peu lisibles et peu efficaces. Elle s’est achevée par la rédaction d’un rapport, Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France, formulant des propositions de réformes.
Le projet de loi relatif au droit des étrangers est l’aboutissement des réflexions engagées. Je parlais, voici quelques instants, de cohérence et constance : en voici une démonstration. Il s’inscrit dans le souci de notre ministre de faire preuve de fermeté en matière de lutte contre la fraude et de débattre sur des données objectives. Voilà pour la détermination.
Les objectifs que nous poursuivons sont limpides : améliorer l’accueil, favoriser l’intégration des étrangers régulièrement admis, renforcer l’attractivité de la France et l’accueil des talents, réviser le droit au séjour des étrangers dont l’un des enfants, malade, doit être soigné en France et, bien évidemment, lutter contre l’immigration irrégulière.
Ces objectifs appellent donc de grands changements. En matière d’accueil et d’intégration, un nouveau contrat entre l’étranger et l’État détermine un parcours personnalisé, sur une durée qui inclut une formation civique et linguistique réaménagée. Le projet prévoit par ailleurs une carte de séjour pluriannuelle, si bien entendu l’étranger respecte ses obligations.
En contrepartie de la généralisation de la carte pluriannuelle, les modalités du contrôle sont adaptées, avec notamment un droit de communication des informations utiles à l’administration compétente. Un décret en Conseil d’État définira, pour chaque organisme concerné, les informations susceptibles d’être communiquées : il ne s’agit pas, par exemple, de connaître les notes d’un enfant scolarisé mais l’effectivité de sa scolarisation.
Pour améliorer notre attractivité, le séjour des étudiants est sécurisé et simplifié par l’adéquation entre la durée des études et la carte de séjour.
En matière d’effectivité de la lutte contre l’immigration irrégulière, le projet de loi prévoit la suppression de la mesure résiduelle de reconduite à la frontière, qui faisait doublon avec l’obligation de quitter le territoire français – OQTF – et affirme la priorité de l’assignation à résidence sur le placement en rétention. Il permet également l’accès des journalistes aux lieux de rétention et aux zones d’attente.
Les travaux en commission ont été de qualité et ont fait évoluer le texte sur de nombreux points, dont je ne citerai que quelques-uns. Il y a d’abord la nécessité de motiver le refus de visa de long séjour, ou la simplification des démarches pour les personnes travaillant en contrat à durée déterminée, afin que la durée du séjour s’adapte à celle du contrat au-delà du premier renouvellement.
Pour l’un des parents d’un enfant malade admis à être soigné en France, l’autorisation provisoire de séjour est renouvelée au long de la durée du traitement, en accompagnement d’un droit temporaire au travail.
Afin de sécuriser l’accès à une carte de résident pour les conjoints et enfants de Français ayant résidé en France durant trois ans sous couvert de cartes de séjour annuelles ou pluriannuelles, la délivrance de la carte se fait désormais de plein droit. Pour la carte de résident portant la mention « résident de longue durée - UE », elle est de plein droit pour les personnes qui ont résidé en France pendant cinq ans.
Est également introduit dans la loi le principe d’interdiction du placement en rétention d’un étranger accompagné d’un enfant mineur, à de rares exceptions près, énumérées dans la loi. Je citerai enfin l’encadrement du droit de communication reconnu à l’administration par l’article 25, afin de garantir le respect des libertés individuelles les plus fondamentales.
Vous le constatez vous-mêmes, mes chers collègues, un bon projet de loi se juge également à la qualité des évolutions qui lui sont apportées. Je tiens donc à remercier le rapporteur, Erwann Binet, avec qui les discussions furent toujours constructives et riches de sens.
Des points sont, nécessairement, encore en discussion. À ce stade, j’en signalerai quatre. Le premier a trait aux personnes victimes de la traite des êtres humains, pour lesquelles l’interdiction au retour doit être envisagée. Les dispositions du projet de loi relatives à l’interdiction de retour doivent en effet intégrer celles du droit européen.
Deuxièmement, la question du regroupement familial pour un étranger âgé vivant seul en France et ne disposant pas des ressources nécessaires pour que cette autorisation lui soit accordée doit être prise en considération : le compagnon ou la compagne de toute une vie doit pouvoir venir le retrouver.
Troisièmement, l’obligation de quitter le territoire français pour les déboutés du droit d’asile fera l’objet de discussions sur la réintroduction d’une procédure particulière. Enfin, l’intervention du juge des libertés et de la détention et les modalités de la mesure de rétention sont également à discuter.
Sur toutes ces questions, je ne doute pas que le bon équilibre sera trouvé.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce projet de loi est opportun, nécessaire et fondé. Il est régi par deux impératifs : celui de la fraternité et celui du respect de la règle. Nous allons maintenant débattre. Je souhaite que nos discussions soient de la qualité de celles qui ont été menées en commission et avec le Gouvernement. Je vous remercie de nouveau, monsieur le ministre, ainsi que vos excellents services, pour votre écoute et votre implication.
Le groupe socialiste est convaincu de la justesse de cette réforme et fier de voir que l’action publique est une nouvelle fois remise à sa place : celle d’une intervention efficace, juste et proportionnée. Il votera donc avec plaisir ce texte.