Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, alors que notre pays est confronté à une vague migratoire sans précédent, ce texte, qui aurait dû nous être présenté conjointement avec celui qui porte sur l’asile – et à un autre moment, peut-être, qu’en plein été et en session extraordinaire – présente le double inconvénient, n’en déplaise à l’oratrice précédente, de renoncer à une politique migratoire cohérente et de renforcer l’attractivité migratoire de notre pays.
Ce texte se caractérise donc d’abord par le renoncement à une vraie politique d’immigration choisie. Le Gouvernement, après avoir mollement protesté contre les quotas européens, s’y est finalement résolu – très peu de pays européens acceptant d’ailleurs de faire de même – et a accepté d’accueillir 9 000 migrants, quand plus d’un million d’entre eux attendent de quitter les côtes libyennes et qu’aux portes de l’Europe, la Macédoine, par exemple, vient de les autoriser à transiter par son territoire.
Dois-je rappeler que la France, sixième pays d’asile au monde, figure au troisième rang des six pays européens qui reçoivent 75 % des demandeurs ? La situation, qui se dégrade à vue d’oeil, justifierait amplement le rétablissement des contrôles systématiques aux frontières, comme ce fut le cas durant les vagues d’immigration dues au Printemps arabe, et la renégociation des accords de Schengen autour d’un socle migratoire commun.
Paris est particulièrement touchée, même si elle n’est pas la seule, comme l’illustrent la multiplication des campements de fortune et l’ouverture imminente dans chaque arrondissement, selon le voeu de Mme Hidalgo, de centres d’hébergement – autant de mini-Sangatte, en contradiction flagrante avec la réponse du Premier ministre à ma question d’actualité du 16 juin, par laquelle il émettait une fin de non-recevoir à cette idée irresponsable de la maire de Paris.
L’appel d’air migratoire sans précédent ainsi créé aura des conséquences d’autant plus graves que l’exécution des mesures d’éloignement n’a jamais été aussi faible, concernant seulement 1 % des déboutés du droit d’asile et 5 % des clandestins. Faire de l’assignation à résidence la règle en matière d’éloignement est une aberration, car seul le placement en centre de rétention, pour une durée qu’il faudrait d’ailleurs allonger, permettrait de distinguer les demandeurs d’asile des immigrés clandestins et d’assurer l’éloignement, ainsi que le préconise la Cour des comptes.
Vous allez jusqu’à supprimer les procédures de reconduite administrative à la frontière, sans même revenir sur les délais d’éloignement. Vous avez rejeté aussi la seule mesure efficace, proposée par le Sénat, celle qui veut que la décision de rejet de la demande d’asile – 75 % des cas – vaille OQTF. En fait, par naïveté, vous renoncez à l’éloignement, car ces personnes voudront naturellement s’y soustraire.
Ce texte renforce ensuite l’attractivité migratoire de notre pays en facilitant le séjour en France et le regroupement familial et en diminuant les exigences d’intégration. Comme l’indique son titre, il se place uniquement dans une logique de droits des étrangers et renonce à leur imposer les devoirs associés.
Ainsi, bien que le dernier rapport de l’OCDE pointe leur taux record de chômage, votre texte non seulement ne favorise pas l’immigration choisie, professionnelle, qui représente le plus faible flux en France, mais il lève au contraire l’opposabilité de la situation de l’emploi, favorisant le regroupement familial alors que notre pays connaît un niveau de chômage extrême et dont, me semble-t-il, la courbe ne s’inverse toujours pas. Il faudrait au contraire définir des plafonds d’immigration et restreindre les prestations sociales non contributives pour les nouveaux entrants.
Vous ajoutez à cela un encouragement à l’immigration sanitaire et au regroupement familial, puisque même les simples stagiaires y auront droit et que le nouveau titre de séjour pluriannuel, valable deux à quatre ans, constituera le sésame attendu par tous les réseaux de traite. Et combien y aura-t-il de délinquants, combien de trafiquants et de terroristes infiltrés sans que l’on puisse les contrôler parmi les dizaines de milliers de personnes qui entreront désormais en toute légalité en France sous les prétextes les plus divers ?
La prise en charge des quelque 50 000 mineurs isolés étrangers – chiffre en augmentation exponentielle – dont Paris et les Alpes-Maritimes accueillent chacun un tiers se fait aujourd’hui aux frais des collectivités territoriales alors qu’il devrait revenir à l’État de financer ce coût. La capitale y consacre un quart de son budget d’aide sociale. Il conviendrait au moins, comme le préconise Éric Ciotti, d’appliquer les tests osseux, l’Italie refusant désormais de réadmettre ces personnes sur son territoire.
Vous refusez même d’améliorer la lutte contre les mariages frauduleux, source importante d’immigration clandestine, alors qu’il faudrait au moins rendre obligatoire la saisine du procureur en cas de doute et améliorer la formation des élus à la détection de ces fraudes.
Ce renoncement à faire du respect des exigences d’intégration une condition de renouvellement du titre de séjour matérialise votre clair refus de l’assimilation. Pour preuve, ce texte efface du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA – les notions de laïcité et d’égalité entre les hommes et les femmes, substitue aux valeurs de la République celles, à géométrie variable, de la société française, et supprime le test de français pour les candidats au regroupement familial et le contrat d’accueil et d’intégration familial.
En conclusion, ce texte examiné à tort en urgence, un an après sa présentation en conseil des ministres, conduira à ouvrir à fond les vannes de l’immigration. L’angélisme et la fausse bonne conscience qui l’inspirent satisferont sans doute, comme l’a dénoncé très justement Guillaume Larrivé, les passeurs qui exploitent la misère des 500 000 clandestins installés sur notre sol, tout en privant l’État à la fois des moyens d’éloigner les étrangers en situation irrégulière et des capacités à intégrer convenablement les nouveaux entrants, au détriment de l’assimilation républicaine, la seule qui soit de nature à préserver la cohésion sociale dans notre pays.