Dès lors, l’État doit mettre en place les moyens nécessaires pour accueillir les migrants qui veulent respecter la loi. Ainsi, le texte propose de pallier les deux difficultés majeures du dispositif actuel : un mauvais accueil des migrants et un parcours administratif trop long et trop complexe.
D’abord, il est question de substituer au contrat d’accueil et d’intégration un parcours d’intégration républicaine, plus individualisé. L’étranger sera ainsi mieux suivi dans ses premières années sur le territoire, ce qui paraît indispensable. C’est en effet durant cette période qu’il doit s’efforcer de construire, avec l’aide de l’État, les bases pour une installation durable.
Ce parcours personnalisé met l’accent sur deux points. Dans leur apprentissage de la langue, les migrants sont accompagnés vers le niveau Al dans un délai d’un an suivant leur entrée en France, et vers le niveau A2 au bout de cinq ans de résidence. Ces niveaux correspondent à des normes européennes et cela ne présente a priori pas de difficultés notables. D’autre part, une formation sur les devoirs et les droits de la République ainsi qu’une orientation des migrants vers les services de droit commun sont prévues. Cet aiguillage facilite l’accès aux outils nécessaires pour la recherche d’un emploi, ce qui leur permettra de subvenir à leurs besoins matériels et de s’intégrer plus aisément dans la société.
Le projet de loi propose également la création d’un nouveau titre de séjour, la carte de séjour pluriannuelle. Cette dernière sera délivrée à tous les migrants ayant obtenu un premier titre de séjour d’un an et ayant fait preuve d’assiduité aux formations proposées dans le cadre du dispositif d’accueil. En théorie, cette carte a une durée maximale de quatre ans et s’accompagne d’un contrôle, tout au long de sa durée de validité.
Cette innovation est une bonne chose, à plusieurs égards. Tout d’abord, le caractère pluriannuel de la carte simplifiera le parcours administratif que doit réaliser l’étranger souhaitant obtenir un titre de séjour. Souvent qualifié, à juste titre, de « parcours du combattant », il constitue un véritable frein à l’intégration du migrant. Comment voulez-vous chercher efficacement un emploi quand une grande partie de votre temps consiste à effectuer d’innombrables allers et venues en préfectures ? Ces formalités répétées peuvent s’avérer décourageantes pour l’étranger désireux, par-dessus tout, être en règle avec la loi française.
En outre, cette carte de séjour pluriannuelle est renouvelable, dans la mesure où l’étranger continue de satisfaire aux conditions de sa délivrance. Ainsi, elle serait un moyen efficace d’amener le migrant à obtenir une carte de résident valable dix ans.
La carte pluriannuelle permettra en outre de désengorger les préfectures. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 5 millions de passages en préfecture sont enregistrés chaque année, pour 2,5 millions d’étrangers extracommunautaires. L’idée est de faciliter le travail des agents et de réduire le contentieux subséquent. Qualifié de « contentieux de masse », celui-ci est traité à la chaîne par les magistrats, alors même qu’il concerne des personnes dont le sort est parfois dramatique. Il est nécessaire de faire évoluer notre mode de gestion de l’accueil de ces personnes, souvent confrontées à des situations difficilement acceptables.
Le contrôle qui accompagnera la délivrance de ce titre pluriannuel sera continu : l’étranger titulaire d’une carte de séjour, qu’elle soit temporaire ou pluriannuelle, devra pouvoir justifier à tout moment de la régularité de sa situation.
Le travail de la commission à ce sujet a été fructueux ; selon les termes de notre rapporteur, la rédaction de l’article 8 a été rendue « moins soupçonneuse et plus objective ». Nous souhaitons que les contrôles et les convocations nécessaires pour s’assurer du maintien de l’étranger dans son droit au séjour s’effectuent dans le respect des droits et libertés. Veiller scrupuleusement au respect du droit ne signifie pas que le scepticisme et le soupçon doivent l’emporter sur l’analyse objective de la situation.
J’ai évoqué l’enrichissement de nos sociétés par les étrangers. La recherche des meilleurs talents est nécessaire, d’autant que nous ne sommes pas les seuls, faut-il le rappeler, à souhaiter les attirer. L’arrivée de travailleurs qualifiés, la venue de chercheurs, d’artistes ou d’entrepreneurs sur notre territoire sont autant d’atouts pour notre croissance économique et pour notre rayonnement international.
Nous saluons donc la volonté de renforcer l’attractivité de la France et de simplifier les procédures. Le « passeport talent » permet de regrouper dans un seul et même document les différents titres de séjour existants. Il sera délivré aux personnes présentant un fort potentiel économique ou culturel, ainsi qu’à leur famille. D’une validité de quatre ans et délivré dès l’arrivée sur le territoire, le « passeport talent » sera un atout incontestable.
Dans le même sens, nous nous félicitons des dispositions concernant l’accueil des étudiants étrangers. Ils pourront se voir délivrer une carte pluriannuelle, dont la durée de validité sera égale à celle de la formation suivie. À l’issue de leurs études, les plus brillants d’entre eux bénéficieront d’une autorisation provisoire de séjour, afin de simplifier le passage du statut d’étudiant à celui de salarié, voire d’entrepreneur.
Par ailleurs, nous approuvons la volonté d’assouplir la législation et de poser le principe selon lequel un étranger malade, qui n’aurait pas accès à un traitement approprié dans son pays d’origine pour des raisons financières, de salubrité ou d’accessibilité, peut être autorisé à être soigné en France.
La décision de délivrer la carte de séjour sera désormais prise après avis d’un collège de médecins du service médical de l’OFII, et non plus sur le fondement d’un avis du médecin de l’agence régionale de santé. Nous ne partageons pas les arguments plaidant en faveur de ce transfert de compétence du ministère de la santé vers le ministère de l’intérieur, ainsi que s’en est ému, parmi d’autres, le Défenseur des droits. Ce traitement particulier place l’étranger malade avant tout comme un étranger. Vous avez précisé en commission, monsieur le ministre, que les médecins de l’OFII agiront sous le contrôle exclusif du ministère de la santé. Nous aimerions en savoir davantage.