Il convient donc, là encore, de tenir compte de la nécessaire tradition d’accueil de la France, par ailleurs indispensable à son attractivité économique, et du pragmatisme que nous imposent aussi bien la situation économique nationale et européenne que le contexte international. Ce projet de loi a pour objet de répondre à cette difficile équation entre la restauration de notre tradition d’accueil, la modernisation de notre cadre juridique et le contexte international que nous connaissons, en sécurisant l’immigration légale et en dotant le pays d’outils renforcés pour mieux lutter contre l’immigration illégale.
Sur le premier volet, il substitue une logique d’accompagnement à une logique de contrainte en matière d’accueil et d’intégration, avec la création d’un véritable parcours où la République doit être omniprésente. Il modernise le régime des visas en permettant au pays d’accueillir plus facilement les talents, notamment les étudiants, et en prévoyant l’adéquation des titres de séjour pluriannuels, dont la généralisation est proposée par ailleurs, avec le cursus d’enseignement suivi. Nous revenons ainsi pour de bon sur l’esprit qui avait inspiré la circulaire Guéant, dont chacun avait pu apprécier la nocivité du point de vue de notre attractivité, et c’est heureux.
En contrepartie des avancées obtenues pour la stabilisation et la facilitation des conditions de séjour, le système de contrôle est renforcé de manière à pouvoir intervenir dès que l’intérêt public est en jeu.
La commission des lois, ou du moins sa majorité, a grandement contribué à l’amélioration du texte sur toute une série d’aspects comme l’amélioration de la lisibilité des décisions administratives ou encore la meilleure prise en compte du droit au respect de la vie privée et familiale.
La commission a également avancé sur le sujet des immigrés âgés. En tant qu’ancienne membre de la mission d’information dont le rapport rédigé par Alexis Bachelay avait été adopté à l’unanimité en janvier 2013, je tiens à souligner qu’a déjà été intégrée dès le stade de la commission la proposition no 11 permettant aux personnes ayant effectué au moins deux renouvellements de leur carte de résident d’obtenir automatiquement une carte de résident permanent sous certaines conditions.
Le travail parlementaire apporte ainsi une contribution décisive. Il s’agit là d’une mesure pressante de justice sociale : alors que le sujet du vieillissement émerge comme une question sociale majeure, ce serait renier la promesse républicaine d’égalité que de ne pas assurer aux immigrés âgés, qui ont mis leur force de travail au service du pays, les moyens de vivre librement et dignement leur vieillesse.
D’autres propositions issues de ce rapport seront présentées en séance, notamment par le groupe socialiste dont je salue le travail à travers sa responsable, Marie-Anne Chapdelaine. Je souhaite bien évidemment que l’Assemblée nationale, dans sa grande sagesse, fasse siennes ces propositions, et ce sur l’ensemble des bancs, dans le même esprit qui avait présidé aux travaux de la mission d’information.
Ainsi, la France renouera avec ce qui a fait son identité pendant de longues années et qu’ont illustré de grands étrangers – qu’ils le soient restés ou qu’ils aient acquis la nationalité française – qui ont contribué à l’histoire nationale. L’immigration a fait notre pays : les millions de Français qui ont des ascendants d’origine étrangère à moins de trois ou quatre générations le savent mieux que quiconque. Il y a là quelque chose qui est dans l’ordre naturel des choses pour un grand pays comme le nôtre. La France a l’ambition de contribuer au monde, d’y porter haut son message et ses valeurs universelles.
C’est pour ces raisons que je vous invite à débattre de ce texte et à l’améliorer afin qu’il soit à la hauteur de notre ambition. Et si vous m’accordez, madame la présidente, quelques secondes supplémentaires, je vous invite tous, pour votre réflexion personnelle et notre réflexion collective, à lire ce beau texte de sociologie : la Digression sur l’étranger de Georg Simmel, écrit en 1908 et repris dans de très nombreux articles. L’auteur y explique que l’étranger est à la fois partie prenante à la société d’accueil, avec laquelle il entretient en même temps un rapport particulier. Cela peut sans doute nous amener à comprendre beaucoup de choses.