Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au terme du processus législatif de ce projet de loi dédié au dialogue social et à l’emploi. Ce texte, malheureusement, ne constituera pas une révolution, ce sera à peine une évolution.
En matière de dialogue social, hormis quelques rares avancées, comme la délégation unique du personnel – DUP –, le texte est bien frileux. Pour ce qui est de l’emploi, je cherche encore les mesures qui justifient son titre, puisqu’en aucun cas il n’en créera. À cela s’ajoutent des mesures qui n’ont rien à voir avec l’intitulé, et qui peuvent être considérées comme des cavaliers législatifs.
Permettez-moi de profiter de cette lecture définitive pour dresser un bilan. Ce texte, présenté par le Gouvernement le 22 avril, est soumis au vote un 23 juillet. Le Parlement a ainsi disposé de trois mois pour l’amender et le voter. Monsieur le ministre, cela convient-il au Président de la République, qui semble considérer que le travail parlementaire est inutile et trop long ? Mon opinion, largement partagée sur tous les bancs de cette assemblée – et le rapporteur s’est exprimé en ce sens – est que cela ne convient plus aux parlementaires. Le travail de dernière minute, sous pression, sans respect des délais convenables, ne leur permet plus de travailler de façon satisfaisante.
Par ailleurs, alors que l’examen des projets de loi par le Parlement est souvent soumis à une procédure accélérée, le Gouvernement, lui, prend son temps pour appliquer les textes. Ainsi, le ministre de l’époque avait assuré que les textes d’application de la loi sur la formation professionnelle, adoptée en mars 2014, seraient publiés avant l’été de la même année. Nous sommes à l’été 2015, et un quart d’entre eux ne le sont toujours pas.
Non seulement le Gouvernement ne laisse plus au Parlement le temps de faire son travail correctement, mais, de surcroît, il dépose des amendements hors délais, qui modifient sensiblement le texte en introduisant des articles non examinés en commission, et qui n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact. Et je constate sur la feuille jauneque le Gouvernement vient juste de déposer un nouvel amendement !
Lors de son dépôt sur le bureau du président de l’Assemblée, le texte du Gouvernement comportait 27 articles. Il en compte aujourd’hui 67. Sur 27 articles, le Gouvernement a présenté, durant la navette, 54 amendements, dont 37 ont été adoptés. Le Sénat a adopté 7 amendements gouvernementaux pour en rejeter 6, ce qui prouve, contrairement aux propos du Premier ministre, que notre opposition est constructive et responsable. Parmi les 37 amendements adoptés, 14 visaient à insérer un nouvel article et 5 complétaient des articles de façon importante. Preuve supplémentaire de son impréparation, le Gouvernement a été contraint de retirer 8 amendements.
Monsieur le ministre, ces chiffres ne vous font-ils pas réagir ? Ne voyez-vous pas le malaise d’un pouvoir législatif, pointé du doigt par le garant de nos institutions, et qui se plie de plus en plus aux décisions du Gouvernement ? Lorsque le pouvoir législatif n’est plus respecté, les lois sont mal rédigées et, surtout, la démocratie est en danger.
Le président de la commission des lois, qui a tiré la sonnette d’alarme à maintes reprises, a lancé à la ministre présente en commission, le 7 juillet dernier : « Eh bien, dorénavant, le Gouvernement devra réfléchir avant d’écrire ! ». Le président de l’Assemblée, dans un entretien au journal Le Monde, daté de demain, dénonce cette attitude : « Le Gouvernement, à l’origine de 70 % des lois, ne cesse de faire gonfler ses propres textes au cours de la procédure. »