La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi (no 3002).
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, après l’adoption par le Sénat d’un texte assez largement modifié en nouvelle lecture il y a trois jours.
Je tiens tout d’abord à dire un mot de la méthode, à la suite du débat que nous avons eu en commission. Je rappelle que la commission des affaires sociales a débuté la discussion de ce texte en première lecture les 19 et 20 mai derniers. Deux mois plus tard, nous en achevons définitivement l’examen. Je me permets de dire à ceux de nos collègues qui se sont émus de la longueur des débats sur ce texte que deux mois ne me semblent pas une durée excessive pour permettre aux deux chambres de jouer leur rôle et de débattre d’une réforme majeure, dont les objectifs sont la lutte contre le chômage, la protection des travailleurs et l’insertion par l’activité de nos concitoyens les plus modestes.
En l’espèce, mettre en cause la longueur du travail parlementaire revient – et je le regrette – à méconnaître purement et simplement les règles du jeu institutionnel fixées par la Constitution dans le cadre de la « navette parlementaire », à refuser d’accepter le fait, pourtant têtu, que nos deux chambres ne sont pas de la même majorité, et à faire mine d’ignorer que le bicamérisme est inégalitaire et que le dernier mot revient à l’Assemblée nationale car c’est elle qui est élue au suffrage universel et c’est devant elle qu’est responsable le Gouvernement. Mais, plus grave encore, cela revient à estimer qu’une réforme aussi importante ne mérite pas deux mois d’examen au Parlement, autrement dit, à nous désavouer en tant que législateur !
Cela dit, j’en reviens au fond. Lors de son examen du projet de loi en nouvelle lecture, le Sénat est revenu une nouvelle fois sur l’équilibre fondamental du texte en supprimant notamment l’article 1er relatif aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles et en ouvrant la possibilité aux entreprises, dès 50 salariés, de procéder à une fusion des instances représentatives du personnel par accord majoritaire, alors que l’Assemblée avait réitéré son souhait d’en rester au point d’équilibre du projet de loi initial sur le sujet, avec la référence aux 300 salariés.
Il a fait de même sur la question de la place laissée en réunion aux suppléants qui, je le rappelle, siègent aujourd’hui à toutes les réunions des instances concernées avec voix consultative. L’Assemblée nationale a souhaité maintenir ce rôle et avait réitéré ce souhait en nouvelle lecture.
S’agissant des autres thématiques abordées par le projet de loi, le Sénat est revenu également sur des mesures que nous jugeons essentielles et que notre assemblée avait déjà rétablies en nouvelle lecture, telles que la création du compte personnel d’activité ou la procédure de négociation des règles d’assurance chômage des intermittents du spectacle.
Les profondes divergences que nous avons constatées en commission mixte paritaire et qui caractérisent nos deux chambres conduisent à donner le dernier mot à notre assemblée, comme le permet la Constitution. Le Gouvernement a ainsi demandé à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.
À ce stade de la procédure, l’Assemblée nationale ne peut, en vertu du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, que reprendre le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat. C’est d’ailleurs ce que je vous proposerai tout à l’heure lors de l’examen des amendements pour préciser notamment les délais d’entrée en vigueur des nouvelles modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise et de négociation en entreprise, précision qui a été apportée par le Sénat et qui est en effet bienvenue ; pour clarifier les conditions du maintien de la rémunération du salarié en congé de formation, en cas d’existence d’un accord collectif ; pour décrire plus clairement les modalités de calcul de la prime d’activité, sans en changer le fond ; enfin, pour reprendre certains des ajustements rédactionnels et de coordination proposés par le Sénat. Si nous adoptons ces amendements pertinents adoptés par le Sénat, ce texte répondra aux ambitions que nous avons voulues pour le dialogue social, pour les personnes en recherche d’emploi et pour celles qui ont besoin de notre solidarité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi touche à sa fin. Tout au long des débats, vous avez pu vous approprier les ambitions que porte le projet de loi et les différentes mesures qu’il prévoit. Ce texte, je l’ai dit plusieurs fois, est un texte de progrès social parce qu’il traduit une exigence démocratique et une exigence d’efficacité économique. Il donne en effet corps au principe constitutionnel de représentation de tous les salariés de notre pays en assurant une représentation pour les 4,6 millions de salariés des TPE. Il réforme ensuite en profondeur le dialogue social dans les entreprises. Je suis convaincu qu’en changeant la forme du dialogue social, en le rendant plus vivant et plus efficace, c’est le fond des échanges et la nature même des rapports sociaux en entreprise que nous ferons évoluer.
Moins de conflits et plus d’écoute permettront, en définitive, aux salariés, aux entreprises, et à toute une économie d’aller mieux.
Ce texte prolonge l’effort engagé par le Gouvernement pour sécuriser les parcours professionnels, à travers la création du compte personnel d’activité, la refondation de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA –, la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité, la mise en place du contrat « nouvelle chance » et l’expérimentation du CDI intérimaire. Ce sont autant d’armes nouvelles dans la bataille pour l’emploi et pour la sécurisation des parcours des salariés de notre pays. Ce volet a été renforcé en cours d’examen, et je m’en félicite, par deux mesures concernant l’apprentissage et le renouvellement des contrats à durée déterminée, issues du plan « Tout pour l’emploi » présenté par le Premier ministre le 9 juin dernier pour favoriser l’emploi dans les TPE et PME.
En pérennisant le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle, ce texte consolide l’exception culturelle française, fondée sur le statut exceptionnel de ceux qui la font vivre. Enfin, ce texte est un texte de progrès social parce qu’il fait avancer l’égalité entre les femmes et les hommes. Les obligations qui existent aujourd’hui en matière d’informations sur la situation comparée des femmes et des hommes et les obligations de consultation et de négociation sont réaffirmées dans le projet de loi. Pour la première fois dans notre droit est créée l’obligation d’une représentation équilibrée des femmes et des hommes aux élections professionnelles – ce n’est pas rien – et l’obligation de parité dans les commissions régionales.
Parmi tous ces apports, je voudrais saluer ici tout particulièrement ceux que nous devons à votre assemblée. L’élargissement des missions des commissions paritaires régionales, tout d’abord : je pense à la médiation, en cas d’accord des deux parties – je l’ai expliqué hier à l’Union professionnelle artisanale, qui en a très bien compris le sens puisqu’elle l’a déjà pratiquée dans deux grandes régions – ou à la possibilité pour ces commissions de gérer des oeuvres sociales et culturelles. Nous avons fait là, grâce à vous, un progrès majeur dans la représentation des salariés et des employeurs des TPE, qui aura un impact réel sur la vie de nos concitoyens.
La présence de salariés dans les conseils d’administration des grandes entreprises a été réaffirmée et renforcée, dans le prolongement de l’accord national interprofessionnel – ANI – du 11 janvier 2013. Des mesures ont été prises pour empêcher le contournement de cette obligation, notamment via les holdings, conformément à ce qu’avaient voulu les signataires de l’ANI de janvier 2013.
L’exemple de nos voisins européens, de l’Allemagne notamment – pays souvent cité en exemple, parfois à juste titre –, montre que l’association des salariés aux décisions stratégiques de l’entreprise est un facteur de performance économique et sociale. C’est aussi un pas de plus de franchi dans la construction de la citoyenneté en entreprise. Le renforcement des obligations en matière de parité doit être salué. Je salue le travail que vous avez mené pour que les femmes soient en position éligible sur les listes aux élections professionnelles afin de renforcer leur présence au sein des institutions représentatives du personnel – IRP – ou les mesures instituant la parité dans les conseils de prud’hommes, appréciée au niveau de chaque conseil et chaque collège, dans les commissions régionales paritaires ou encore parmi les administrateurs salariés.
L’introduction dans la loi d’une forme de reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel, ou burn-out, marque aussi un progrès important dans la prise en compte de ce véritable phénomène de nos sociétés modernes. Là encore, le projet de loi rejoindra les préoccupations concrètes de beaucoup de salariés, mais il faudra d’abord renforcer la prévention et réfléchir à des questions importantes en matière d’organisation du travail. Reste également à poursuivre le chantier de la réforme de la médecine du travail, que j’appelle de mes voeux.
Toutes ces avancées, que vous avez défendues au cours des débats, vont incontestablement dans le sens du progrès social et renforcent l’ambition initiale du projet de loi. Cette ambition, c’est permettre que les salariés soient mieux associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui touchent à leur emploi, à leurs conditions de travail, à leur formation, à la qualité de leur travail, à leur santé au travail et à leur avenir. C’est également renforcer le dialogue social qui, lorsqu’il est efficace et vivant, est aussi un facteur de performance pour les employeurs et les entreprises elles-mêmes. Enfin, c’est se donner des armes pour gagner la bataille essentielle de l’emploi. Vous l’aurez compris, ce texte est un bon texte et les quelques amendements qui seront présentés par le rapporteur permettront d’en parfaire la rédaction.
Le progrès social n’est pas seulement fait de révolutions. Il est également fait de patience, de dialogue, d’échanges. La construction de la démocratie sociale a son temps propre, que nous avons respecté. Nous avons avancé ensemble pour que notre démocratie et notre économie fonctionnent et s’en portent mieux.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici en lecture définitive du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Force est de constater que le texte que nous avons sous les yeux n’est pas très différent du projet de loi initial contre lequel nous nous sommes exprimés en première lecture.
Sur la forme, il convient de noter que le débat a été entravé au prétexte de respecter des équilibres trouvés par les organisations d’employeurs et les syndicats de salariés dans un projet d’accord qui n’a jamais été signé ! Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette position est intenable. En tant que députés, nous sommes dépositaires de l’intérêt général : que ces accords soient signés ou non, nous devons légiférer comme nous l’entendons.
En ce qui concerne le fond du texte, il aurait fallu trouver un équilibre entre l’octroi de droits nouveaux aux salariés et une clarification du rôle et des moyens de chaque institution représentative du personnel, afin de faciliter l’organisation des entreprises. L’enjeu du dialogue social est de permettre à la démocratie de gagner l’entreprise et l’ensemble de la vie économique. Pour ce faire, il faut renforcer le droit à la participation des salariés, droit qui vient compenser le rapport de subordination entre salariés et employeur.
Or, jusqu’à la dernière lecture de ce texte, vous avez réduit les prérogatives des représentants des salariés. Vous avez osé nous soumettre en séance, et à la dernière minute, plusieurs amendements marquant un net recul : vous avez baissé le nombre des administrateurs salariés ; vous leur avez interdit l’accès au sein des conseils d’administration des holdings de gestion patrimoniale, alors que c’est là que se font et défont les décisions structurantes pour l’entreprise…
Vous n’êtes jamais content !
J’ai été administrateur de la compagnie Saint-Gobain, monsieur ! Je sais de quoi je parle, et d’ailleurs je suis sans doute le seul ici !
Vous avez également retardé l’entrée des administrateurs salariés dans les conseils d’administration de leurs entreprises.
Nous avons entendu les arguments les plus farfelus lors de ce débat, le ministre affirmant que « le fait de prévoir systématiquement deux administrateurs salariés présenterait en effet un risque profond de déstabilisation des conseils d’administration », dont l’effectif est pourtant de quinze ou vingt personnes. Comme si les salariés n’oeuvraient pas pour l’intérêt de leur entreprise, comme s’ils souhaitaient mettre à mal leur outil de travail, leur moyen de vivre !
Vous avez aussi introduit en catimini un nouvel article qui impose, sauf accord collectif contraire, aux personnels navigants exerçant une fonction syndicale de regrouper en journée complète les heures de délégation prévues par la loi, alors que la Cour de la Cassation a jugé cette pratique illicite et a condamné Air France pour avoir contraint au regroupement des heures de délégation.
Ces incartades sont à l’image de ce texte : vous avez choisi d’aménager la représentation collective au détriment des salariés et pour satisfaire un patronat qui a refusé, de tout temps, de laisser ne serait-ce qu’une once de pouvoir aux salariés.
Toutefois, le texte comprend quelques mesures positives, à l’image des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les petites entreprises de moins de onze salariés. Vous permettez ainsi la représentation de 4,6 millions salariés qui jusqu’ici en étaient privés. Néanmoins, ces salariés sont loin d’accéder à un droit favorisant leur participation à la détermination de leurs conditions de travail et à la gestion de leur entreprise. Pour cela, il faudrait donner d’autres missions, d’autres moyens aux membres des commissions régionales, par exemple un droit d’entrer dans les entreprises pour y rencontrer les salariés et les employeurs. Pour refuser cette disposition, vous vous abritez derrière un droit de propriété bien fragile s’agissant d’une entité, l’entreprise, qui est tout de même le fruit du travail de ses salariés.
D’autres avancées positives sont à noter, comme celles qui portent sur le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle, la mise en oeuvre du compte personnel d’activité ou la nouvelle prime d’activité.
Toutefois, même sur ces points, nous restons préoccupés par plusieurs aspects. Concernant le compte personnel d’activité, vous ne nous garantissez pas qu’il inclura l’ensemble des droits des salariés susceptibles d’être « portables », comme l’ancienneté par exemple.
S’agissant de la nouvelle prime d’activité, qui est une fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi, nous sommes préoccupés par l’insuffisance de l’enveloppe financière. En effet, vous restez à moyens constants alors que vous envisagez d’élargir le nombre de bénéficiaires, puisque les étudiants, les apprentis et les jeunes actifs âgés de dix-huit à vingt-quatre ans pourront, sous certaines conditions, prétendre à cette prime alors qu’ils étaient exclus du RSA activité.
Ces dispositifs ne suffisent pas à contrebalancer un texte qui, dans sa logique et dans ses modalités, contrevient aux droits d’une grande majorité de salariés. Ainsi, l’extension des délégations uniques du personnel aux entreprises de moins de 300 salariés, et au-delà lorsqu’un accord collectif le prévoit, entraîne une baisse des moyens, donc une restriction des droits des représentants des salariés.
La DUP, en effet, c’est moins d’élus et moins d’heures de délégation pour traiter davantage de missions, puisque les différentes instances représentatives du personnel y sont regroupées, à savoir : le comité d’entreprise, les délégués du personnel, et désormais le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Cela signifie que les représentants des salariés, moins nombreux et avec moins de moyens, devront traiter davantage de sujets dans des domaines aussi divers que la législation du travail, la santé ou les questions économiques.
L’intégration du CHSCT à la DUP est encore plus inquiétante s’agissant des entreprises de plus de 300 salariés. Vous l’avez reconnu lors de nos débats, dans ces grandes entreprises, vous proposez une fusion des instances. Or vous savez que le CHSCT n’a pas de budget propre. Actuellement, lorsqu’il décide d’entamer une procédure en justice ou de faire réaliser une expertise, c’est l’entreprise qui prend en charge les frais. Qu’en sera-t-il demain lorsque, dans le cadre de son intégration à une DUP, il prendra la forme d’une commission ? Partagera-t-il son budget avec le comité d’entreprise ? Nous pouvons le craindre, et les conséquences seront terribles. Le budget d’un comité d’entreprise étant limité, il est facile d’en conclure que les actions des CHSCT le seront tout autant. En d’autres termes, vous condamnez l’action du CHSCT !
J’ajoute que siègent souvent au CHSCT des personnes qui ne sont pas forcément des syndicalistes mais qui ont une fibre pour les sujets de la compétence du comité, et qui accomplissent un travail continu tout au long de l’année. Aujourd’hui, vous faites basculer tout le monde dans le cercle syndicaliste organisé !
Le danger de ces « nouvelles » DUP c’est aussi que l’on risque de contraindre les élus à cumuler leurs mandats et à devenir des sortes de « permanents syndicaux » tenus éloignés de leurs collègues et du terrain, et de priver certains établissements d’une représentation en la centralisant au niveau de l’entreprise. En effet, les DUP seront uniquement mises en place dans les établissements de plus de cinquante salariés. Autrement dit, dans les autres établissements de l’entreprise, y compris ceux de plus de onze salariés, il n’y aura aucun représentant du personnel !
Cette perte de proximité est une des grandes faiblesses de la DUP. Malgré nos propositions, vous n’avez pas voulu y remédier en faisant en sorte que des représentants des salariés soient présents dans tous les établissements de l’entreprise. Il s’agit de régressions importantes qui affaibliront les droits des représentants du personnel, et par là même des salariés. Nous regrettons qu’au prétexte de « moderniser » et de « simplifier » les modalités du dialogue social, vous réduisiez globalement, en réalité, les droits des représentants des salariés. D’ailleurs, le patronat ne s’y est pas trompé. Vous imposez, finalement par la loi, des dispositions que les représentants des salariés ont repoussées lors des négociations.
Pensez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que la France et le monde industriel souffrent de trop de droits pour les salariés ? Je pense que c’est l’inverse. Le nom de Continental, dans ma circonscription,…
Que je connais !
…devrait résonner à vos oreilles ! Ce qui s’est passé, c’est que des patrons voyous ont licencié et ont fermé une usine, en bénéficiant de tous les droits que l’on sait !
Je sais bien qu’il y a aussi des patrons voyous.
C’est dommage !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, gouverner c’est choisir, et c’est le point où nous en sommes au moment de cette lecture définitive. Entre ceux qui, dans le seul but de faire plaisir aux entreprises les plus excessives, veulent supprimer purement et simplement le droit du travail, et ceux qui voudraient gagner le paradis par la révolution,…
…je choisis l’efficacité et je crois qu’avec ce gouvernement, nous tendons à une amélioration constante, sans excès ni pour les uns ni pour les autres. Nous agissons en effet pour satisfaire des hommes et des femmes qui, ne l’oublions pas, n’ont pas réussi à se mettre d’accord.
Très juste !
Nous devons prendre nos responsabilités. Il est trop facile de voter systématiquement contre, comme il est trop facile de proposer la disparition pure et simple de ce très lourd code du travail, ainsi que j’ai pu le lire ici et là.
Vous citiez Nicolas Boileau, monsieur le ministre : « Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » Dès demain, bien entendu, le Gouvernement continuera de discuter avec les syndicats, car telle est sa marque de fabrique.
Rappelons qu’en 2014, 951 accords ont été passés. Cela ne veut pas dire qu’il faut cesser d’améliorer le dialogue. Il ne faut pas non plus qu’un excès de formalisme, qui freine aujourd’hui et le dialogue et les entreprises – je rejoins ici le point de vue de certains collègues de l’opposition –, le rende inopérant.
Permettez-moi de rappeler les dispositions que nous nous apprêtons à voter pour fluidifier les conditions d’exercice du dialogue social : meilleur agencement des consultations et des négociations, recentrées sur trois temps forts ; meilleure configuration des instances représentatives du personnel en fonction de la taille des entreprises ; délégation du personnel, plébiscitée par 60 % des PME de 50 à 200 salariés où elle fonctionne déjà, étendue aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés, avec un champ de compétence élargi au CHSCT – sans perte de moyens, je le rappelle –, car il est important de ne pas déconnecter les discussions sur les conditions de travail des débats sur la situation économique de l’entreprise – qui pourrait soutenir le contraire ?
Par ailleurs, le texte ouvre le dialogue social à de nouveaux acteurs, les 4,6 millions de salariés des TPE de moins de onze salariés. Cela pourra paraître inapplicable pour certains, excessif pour d’autres. En tout cas, ces salariés pourront désormais être représentés au sein des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, les CPRI, et conseillés sur leurs droits et obligations. Qui dira que c’est un recul ?
Enfin, le texte prévoit des mesures de lutte contre la discrimination syndicale et soutient l’engagement syndical, en panne dans notre pays. M. le ministre a dit tout à l’heure tout le bien que l’on pouvait penser de certains aspects du système allemand, et force est de constater que moins de 10 % de salariés sont syndiqués en France contre environ 20 % en Allemagne.
Il ne vous aura pas échappé que notre majorité n’a pas été totalement inactive, c’est pourquoi elle a étoffé ce volet de mesures concernant la place des suppléants, maintenue, si j’ose dire, envers et contre tout, et qui est à nos yeux une amélioration considérable, concernant l’extension des missions des CPRI à la médiation, ou encore la place des administrateurs salariés dans les grands groupes. Sur tous ces points, nous avons progressé par rapport au texte initial. Il faut encore citer la question du burn-out,qui a donné lieu à un large débat, et pour laquelle s’engage peut-être un processus de reconnaissance.
Le deuxième axe du projet de loi, non moins important, établit des dispositifs d’insertion pour les travailleurs les plus en difficulté tout en leur apportant du pouvoir d’achat. Signalons la création du contrat « nouvelle chance », la consolidation du rôle de l’AFP, et, dès le 1er janvier 2016, la mise en place de la prime d’activité pour soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres, ceux qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier des minima sociaux et pas assez riches pour bénéficier des allégements d’impôts que nous avons votés – et que nos concitoyens, qui commencent à recevoir leurs feuilles d’impôts, peuvent constater – pour les premières tranches de revenus en décembre 2015. Cette prime sera servie mensuellement, à partir d’une déclaration trimestrielle dès le premier euro d’activité, elle sera individualisée et concernera potentiellement 5,6 millions d’actifs, dont 1,2 million de jeunes, salariés ou indépendants. C’est donc une disposition très concrète, en monnaie sonnante et trébuchante.
Toujours dans un esprit de dialogue avec les entreprises et les salariés, la loi met enfin en chantier le compte personnel d’activité, qui rassemblera les principaux droits sociaux des salariés – compte pénibilité, compte personnel de formation, etc – et qui les suivra tout au long de leur vie active. Nous donnons ainsi corps à une notion bien connue dans les pays nordiques, la sécurité sociale professionnelle. Un rapport est d’ores et déjà attendu à l’automne prochain pour définir ses contours et son utilisation, et une négociation aura lieu avec les partenaires sociaux en 2016.
Je m’en tiendrai, pour conclure, à ce mot de « négociation » qui caractérise bien nos débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous arrivons au terme du processus législatif de ce projet de loi dédié au dialogue social et à l’emploi. Ce texte, malheureusement, ne constituera pas une révolution, ce sera à peine une évolution.
En matière de dialogue social, hormis quelques rares avancées, comme la délégation unique du personnel – DUP –, le texte est bien frileux. Pour ce qui est de l’emploi, je cherche encore les mesures qui justifient son titre, puisqu’en aucun cas il n’en créera. À cela s’ajoutent des mesures qui n’ont rien à voir avec l’intitulé, et qui peuvent être considérées comme des cavaliers législatifs.
Permettez-moi de profiter de cette lecture définitive pour dresser un bilan. Ce texte, présenté par le Gouvernement le 22 avril, est soumis au vote un 23 juillet. Le Parlement a ainsi disposé de trois mois pour l’amender et le voter. Monsieur le ministre, cela convient-il au Président de la République, qui semble considérer que le travail parlementaire est inutile et trop long ? Mon opinion, largement partagée sur tous les bancs de cette assemblée – et le rapporteur s’est exprimé en ce sens – est que cela ne convient plus aux parlementaires. Le travail de dernière minute, sous pression, sans respect des délais convenables, ne leur permet plus de travailler de façon satisfaisante.
Par ailleurs, alors que l’examen des projets de loi par le Parlement est souvent soumis à une procédure accélérée, le Gouvernement, lui, prend son temps pour appliquer les textes. Ainsi, le ministre de l’époque avait assuré que les textes d’application de la loi sur la formation professionnelle, adoptée en mars 2014, seraient publiés avant l’été de la même année. Nous sommes à l’été 2015, et un quart d’entre eux ne le sont toujours pas.
Non seulement le Gouvernement ne laisse plus au Parlement le temps de faire son travail correctement, mais, de surcroît, il dépose des amendements hors délais, qui modifient sensiblement le texte en introduisant des articles non examinés en commission, et qui n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact. Et je constate sur la feuille jauneque le Gouvernement vient juste de déposer un nouvel amendement !
Lors de son dépôt sur le bureau du président de l’Assemblée, le texte du Gouvernement comportait 27 articles. Il en compte aujourd’hui 67. Sur 27 articles, le Gouvernement a présenté, durant la navette, 54 amendements, dont 37 ont été adoptés. Le Sénat a adopté 7 amendements gouvernementaux pour en rejeter 6, ce qui prouve, contrairement aux propos du Premier ministre, que notre opposition est constructive et responsable. Parmi les 37 amendements adoptés, 14 visaient à insérer un nouvel article et 5 complétaient des articles de façon importante. Preuve supplémentaire de son impréparation, le Gouvernement a été contraint de retirer 8 amendements.
Monsieur le ministre, ces chiffres ne vous font-ils pas réagir ? Ne voyez-vous pas le malaise d’un pouvoir législatif, pointé du doigt par le garant de nos institutions, et qui se plie de plus en plus aux décisions du Gouvernement ? Lorsque le pouvoir législatif n’est plus respecté, les lois sont mal rédigées et, surtout, la démocratie est en danger.
Le président de la commission des lois, qui a tiré la sonnette d’alarme à maintes reprises, a lancé à la ministre présente en commission, le 7 juillet dernier : « Eh bien, dorénavant, le Gouvernement devra réfléchir avant d’écrire ! ». Le président de l’Assemblée, dans un entretien au journal Le Monde, daté de demain, dénonce cette attitude : « Le Gouvernement, à l’origine de 70 % des lois, ne cesse de faire gonfler ses propres textes au cours de la procédure. »
Ce n’est pas mon cas !
Monsieur le ministre, si vous n’écoutez pas l’opposition – nous y sommes habitués dorénavant –, entendrez-vous au moins l’appel du président de l’Assemblée nationale et du président de la commission des lois ?
Sur le fond, ce projet de loi ne créera ni dialogue social ni emplois. Alors que vous étiez parti d’une bonne intention – aborder la question des seuils et s’attaquer à la complexité du code du travail – vous avez présenté un projet de loi bien timide.
Ce que vous donnez d’une main, comme la DUP ou la possibilité de regrouper les instances représentatives du personnel, vous le reprenez de l’autre, en créant par exemple les secrétaires adjoints des comités d’entreprise, dont la fonction, si l’on se réfère aux débats, est de représenter tout à la fois le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHCST. Quel progrès !
De même, les suppléants seront amenés à siéger ; ils deviennent donc des cotitulaires, un terme que vous avez vous-même utilisé en commission et en séance. Cela ne correspond pas à l’objectif de la loi.
De la même manière, sans évaluation de la loi de 2014 sur la présence des délégués des salariés dans les conseils d’administration, vous avez baissé le seuil de leur présence, passant des entreprises de 5 000 salariés aux entreprises de 1 000 salariés, en augmentant leur représentation.
Monsieur le ministre, je vous ai apporté mon soutien lorsque vous avez présenté la mesure favorisant la représentation des salariés des petites entreprises. Il est en effet souhaitable que ces salariés, qui sont plus de 4 millions, puissent être représentés, même si le dialogue social dans les petites entreprises existe naturellement.
Toutefois, comme souvent, vous vous êtes laissé déborder par votre majorité qui a complexifié le système, au désavantage de l’entreprise, pointant du doigt le chef d’entreprise. Faut-il rappeler, en 2015, que c’est bien l’entreprise qui crée de l’emploi ? Faut-il rappeler que notre pays souffre d’un chômage de masse ? Ces mesures, que vous laissez adopter dans cet hémicycle, vont à l’encontre de votre volonté de faire baisser le chômage ! En effet, la multiplication de mesures anti-entreprises crée de la complexité et une instabilité juridique, peu propices à la création d’entreprises et d’emplois.
Pour conclure, permettez-moi de revenir sur la question des seuils. Vous aviez affirmé qu’ils constituaient un frein à la création d’emploi. Je ne peux que regretter que vous n’ayez pas fait preuve de la même clairvoyance dans ce texte.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que le vote du groupe Les Républicains sera identique aux précédents. Nous ne pouvons que voter contre ce texte, trop timide en matière de dialogue social et totalement inefficace, voire néfaste, en matière d’emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le ministre, nous abordons la dernière phase de l’examen de ce projet de loi, censé encourager le dialogue social et l’emploi.
Nous n’avons plus d’illusion quant à la volonté du Gouvernement et de la majorité d’aboutir à un texte à la fois fédérateur et mobilisateur, à la hauteur des enjeux posés à notre démocratie sociale.
Nous partageons au moins un constat : le dialogue social doit être modernisé. Oui, il doit devenir un élément incontournable de l’élaboration des réformes. Oui, il est un outil de responsabilisation et de participation à la décision, quel que soit l’échelon auquel il est mis en oeuvre – niveau national et interprofessionnel, branche professionnelle, entreprise. Oui, il est un levier d’innovations et de changement. Oui, il est un vecteur de conciliation : dans une société qui, en dépit des promesses, est tout sauf apaisée, la confrontation des points de vue, la capacité de comprendre la logique de son contradicteur et la faculté de dégager des chemins de convergence sont, plus que jamais, une nécessité.
Certains de nos collègues se sont interrogés en commission, non sans quelques raisons, sur l’intérêt de cette dernière lecture. Il est vrai que le caractère répétitif des arguments développés de part et d’autre de l’hémicycle, l’adoption à deux reprises au Sénat d’une version différente du texte ensuite rejetée par l’Assemblée, peut donner à nos débats un tour convenu. Je dois dire, monsieur le rapporteur, qu’à défaut de dialogue social, on assiste plutôt à un dialogue de sourds.
On peut craindre que nos débats ne finissent par avoir, pour le grand public, l’intérêt des échanges de fond de court… Comme vous, monsieur le rapporteur, certains peuvent estimer que le bicamérisme permet, à l’occasion de l’examen d’un texte par deux chambres politiquement opposées, de fixer les désaccords entre majorité et opposition. Mais le bicamérisme peut être aussi un outil efficace pour tenter, sur des sujets aussi importants que celui de l’emploi, de construire des compromis qui survivent aux alternances.
Encore faut-il que les différents acteurs du débat – majorité, opposition, et surtout Gouvernement – en manifestent la volonté. Or sur des sujets pourtant aussi essentiels que le dialogue social et l’emploi, il ne nous a pas semblé que le Gouvernement ait recherché le consensus !
Alors que les lectures successives n’ont fait que souligner, chaque fois davantage, les insuffisances de vos propositions, à quoi aurait pu ressembler un projet de loi modernisant le dialogue social et en faveur de l’emploi ?
Il aurait pris en compte la crise de légitimité qui frappe aujourd’hui les syndicats de salariés et les organisations patronales, à l’instar de l’ensemble des corps intermédiaires.
Il aurait visé à renforcer l’attractivité de ces organisations syndicales et professionnelles, en tissant de nouveaux liens de confiance avec l’opinion publique.
Il aurait permis de poser les bases d’un dialogue social moins conflictuel que ne le veut la tradition de notre pays, davantage fondé sur la coresponsabilité et la coproduction de règles nouvelles de droit du travail.
Il aurait encouragé l’évolution du syndicalisme vers un syndicalisme de services, tourné vers le parcours du salarié au sein de l’entreprise, mais également au-delà, lors de périodes de formation ou de transition professionnelles.
Une véritable loi de modernisation du dialogue social aurait redonné du souffle au paritarisme en confortant, par exemple, les missions et le rôle des conseils des prud’hommes dans le règlement des conflits du travail.
Elle aurait facilité un dialogue social autonome et permanent, doté des moyens nécessaires pour susciter le débat public et élaborer, sur les grandes questions sociales, des diagnostics partagés, ainsi que des préconisations.
Une réelle loi en faveur de l’emploi aurait posé clairement la question de l’impact du temps de travail sur la compétitivité de l’entreprise. Elle aurait confié aux partenaires sociaux, dans le cadre de la négociation collective, la responsabilité de définir la durée du temps de travail adaptée à l’entreprise et à son activité, dans la limite du maximum légal.
Elle aurait placé une telle confiance dans le dialogue social qu’elle aurait permis à la négociation collective la possibilité de déroger aux règles légales du droit du travail, dans le respect des règles d’ordre public social.
Elle aurait également créé un contrat de travail unique à droits progressifs, pour faciliter l’embauche et sécuriser l’entreprise et le salarié.
Enfin, elle aurait abordé l’effet des seuils sociaux ; en relevant les seuils de 11 et 50 salariés, elle aurait permis d’évaluer l’impact d’une telle mesure sur la création d’emplois.
Vous le voyez, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne manque pas de propositions pour moderniser un dialogue social dans lequel nous croyons autant que vous, monsieur le ministre. Nous ne manquons pas de propositions pour créer un environnement favorable aux entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles, qui seules peuvent créer des emplois durables.
Nous avons participé aux débats autour de ce projet de loi en avançant ces mesures, dont certaines auraient pu être expérimentées si le Gouvernement avait fait preuve d’une réelle volonté de dialogue.
La persistance, ces dernières années, d’un chômage de masse a profondément dégradé la situation sociale de notre pays. Cette situation mine la confiance, déjà faible, de nos compatriotes dans la capacité des pouvoirs publics à apporter des réponses efficaces aux difficultés qui les concernent.
Dans ce contexte, la responsabilité du Gouvernement était de dessiner les axes d’un grand plan de cohésion économique et sociale de notre pays, dont le dialogue social aurait pu être un moteur. Nous constatons, pour le regretter, que nous sommes très loin d’un tel schéma.
Si certaines mesures de ce texte vont dans le bon sens, ce projet de loi ne répond pas à la nécessité de moderniser notre législation sociale et notre droit du travail.
La législation relative au travail est le fruit de notre histoire. Elle est doublement protectrice : elle met les salariés à l’écart d’abus ou de situations de travail dangereuses et protège les employeurs de la concurrence déloyale.
Mais lorsque la règle juridique atteint un tel niveau de complexité, lorsque ce droit qui protège finit par être perçu, notamment dans les très petites entreprises, comme un droit qui piège, alors le législateur manque à sa mission.
On évoque souvent la nécessité de simplifier le droit du travail. Mais le défi qui est posé au législateur est moins de simplifier que d’adapter les règles. Dans un monde où les évolutions, notamment technologiques, bousculent les rapports sociaux et la façon même de travailler, le législateur doit élaborer une règle de droit qui soit à la fois compréhensible par tous, employeurs et salariés, applicable quelle que soit la configuration de l’entreprise, et adaptée à son activité.
Force est de constater que ce projet de loi n’atteint pas cet objectif. Au contraire, il donne l’impression d’ajouter de la contrainte à la complexité.
Ainsi, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles auraient pu être utiles aux salariés comme aux employeurs des TPE, en apportant informations et conseils. Mais vous avez choisi de développer leurs missions, d’autoriser leurs représentants à pénétrer au sein des petites entreprises, de s’ingérer dans les relations de travail entre salariés et employeur. D’un outil de dialogue social, vous avez fait une contrainte qui inquiète les TPE, déjà largement fragilisées ces dernières années.
Avec le compte personnel d’activité, vous ajoutez, là encore, de la contrainte à la complexité. Vous en posez le principe, alors que les partenaires sociaux n’ont pas été consultés sur le sujet. Vous offrez aux entreprises la perspective de nouvelles obligations, alors même que la mise en oeuvre du compte pénibilité a été repoussée en raison de sa complexité et que le compte personnel de formation semble connaître de sérieuses difficultés d’application, tant pour les entreprises que pour les salariés et les organismes de formation.
Sécuriser les parcours professionnels des salariés est un objectif essentiel. C’est pourquoi il faut d’abord stabiliser l’environnement juridique existant des entreprises et les nouveaux dispositifs adoptés au cours de cette législature, avant de franchir d’éventuelles nouvelles étapes.
Indéniablement, monsieur le ministre, ce projet de loi souffre d’un défaut de méthode, qui rejaillit sur son contenu. En fait de modernisation, vous ajoutez de la complexité à notre législation. Parce que ce projet de loi ne permet pas au dialogue social d’être le moteur de l’adaptation du droit du travail aux réalités vécues par les employeurs et les salariés, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera contre.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voilà à nouveau réunis en séance afin d’examiner, en lecture définitive, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, adopté en nouvelle lecture le 8 juillet 2015 par notre assemblée.
Nous regrettons bien entendu le désaccord en commission mixte paritaire, mais il n’est pas singulier de constater qu’il était difficilement possible de trouver un consensus avec l’actuelle majorité sénatoriale sur des dispositions législatives portant un réel message social, qui forment l’une des mesures phare de l’action gouvernementale actuelle, et qui symbolisent une large part de sa politique, axée sur le dialogue avec les acteurs sociaux pour parvenir aux meilleurs résultats possibles en matière de représentation.
Concernant le texte en lui-même, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est pleinement satisfait de l’adoption par cette assemblée, en nouvelle lecture, de plusieurs points qui lui semblaient majeurs.
La consécration, à titre d’exemple, des mesures relatives aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles – CPRI – nous semble bien évidemment appropriée. La défense des salariés des plus petites entreprises nous est chère et ces dispositions permettant leur représentativité symbolisent l’objectif de ce projet de loi, dans la volonté d’introduire le meilleur dialogue possible avec l’ensemble des acteurs sociaux.
À ce titre, nous nous réjouissons que les dispositions remplaçant, dans le cas spécifique de Saint-Pierre et Miquelon, et s’agissant des commissions paritaires interprofessionnelles, le terme « régionale » par celui de « territoriale », aient été réintroduites lors de la nouvelle lecture. Cette évolution opportune, qui prévoit également que le Gouvernement fixe par décret la composition de cette CPTI, permet d’élargir avec souplesse le champ d’application de ces commissions au cas si particulier de cet archipel. L’ensemble des salariés des petites entreprises sera ainsi représenté sur tout le territoire national. Nous remercions à ce sujet le rapporteur Christophe Sirugue pour avoir réintroduit ces dispositions à l’occasion de la nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale.
Je tiens par ailleurs à souligner l’avancée majeure du dispositif de la « prime d’activité », innovation de ce projet de loi. Le champ des bénéficiaires de la future prime a en effet été élargi, en nouvelle lecture à l’Assemblée, grâce à un amendement du groupe RRDP, aux foyers comprenant d’une part un conjoint bénéficiaire de la prime, et d’autre part un conjoint en congé parental mais qui exerce parallèlement une fonction d’assistance maternelle. Grâce à cet amendement, il a de surcroît été étendu aux foyers comprenant une seule personne, elle-même en congé parental d’éducation et qui exerce l’activité salariée d’assistance maternelle.
En effet, le projet de loi initial prévoyait d’exclure ces deux catégories de foyers. Rappelons toutefois que le congé parental d’éducation concerne à 96,5 % des femmes, d’ailleurs principalement salariées modestes. Il est logique de voir une telle disposition corrigée, puisqu’elle était défavorable à ces foyers qui ne déméritent pas au regard de leur activité professionnelle. II ne s’agit pas non plus d’une « trappe à pauvreté » puisque le congé parental est temporaire et que la salariée doit nécessairement reprendre son emploi au bout de deux années. Il s’agit uniquement d’un complément financier fort utile pour une activité professionnelle exercée dans le cadre d’un congé parental pris à 40 % du temps de manière contrainte, par des parents qui n’ont pas trouvé de mode de garde qu’ils puissent assumer financièrement. Cela nous semble bien plus adéquat aux valeurs qui nous sont chères, au centre desquelles l’égalité, qui illustre l’esprit même de la République.
De surcroît, nous sommes satisfaits des dispositions adoptées conjointement par notre assemblée et par le Sénat pour simplifier le statut des salariés embauchés en CDD saisonniers. En effet, leurs employeurs ne sont plus, dès lors, soumis aux nombreuses obligations administratives complexes qui s’imposaient dès que le contrat s’arrêtait. Ces mesures devenaient non seulement inutiles dès lors que le renouvellement du contrat était déjà prévu entre les parties, mais aussi dangereuses à l’égard de l’employeur lui-même qui pouvait se voir opposer un risque juridique grave en se soustrayant à une obligation devenue superflue. Un consensus sur ce sujet était donc souhaitable, et nous nous félicitons de son aboutissement.
Enfin, un dernier sujet relatif à ce texte me semble essentiel, et je souhaite l’aborder devant vous, mais autour d’une réflexion plus achevée. Le groupe des radicaux de gauche et apparentés s’est en effet déjà exprimé au sujet du régime d’assurance chômage de l’intermittence, et nous nous réjouissons des avancées consacrées par ce texte.
Il serait tout de même heureux de rappeler qu’en ces temps de crise, les intermittents du spectacle sont en première ligne pour jouer le rôle de boucs émissaires. Accusés de tous les maux, ils profiteraient du système, se tourneraient les pouces au soleil, creuseraient le trou de l’assurance chômage pendant que les autres travaillent durement.
Bref, en l’état actuel, rappelons que si la France se targue de rayonner culturellement, elle doit s’en donner les moyens.
Le débat autour du chômage des intermittents pèse presque chaque année sur les festivals estivaux, mais pas uniquement. Si les uns avancent que ce régime creuserait le déficit de l’assurance chômage à hauteur de 1 milliard d’euros, d’autres experts et spécialistes de la branche ont avancé des chiffres différents, mettant ainsi en exergue le fait qu’en appliquant le principe retenu par la Cour des comptes dans son rapport sur les intermittents, le régime le plus problématique creusant le déficit le plus large de l’assurance chômage ne serait pas celui des intermittents mais bel et bien les personnes employées en CDD.
Bref, il ne viendrait à l’esprit de personne de crier à l’abus quand son voisin a recours à son assurance après avoir eu un accident de voiture. Le régime de l’assurance chômage fonctionne de la même manière. Il est fondé sur un système de solidarité et il est utile de rappeler que quiconque touche le chômage a cotisé auparavant. Rappelons également que d’après l’UNEDIC, le déficit à « 1 milliard » d’euros comme on peut l’entendre régulièrement serait un chiffre faux. En effet, même si les intermittents revenaient au sein du régime général, il faudrait continuer à les indemniser. L’économie potentielle serait évaluée à 320 millions d’euros par an, c’est-à-dire trois fois moins que ce qu’avance la Cour des comptes. Sans compter que les intermittents qui n’auraient plus droit au chômage pourraient prétendre au revenu de solidarité active.
Les radicaux de gauche et apparentés estiment qu’il s’agit notamment, en temps de crise économique, de considérer la culture non pas comme un luxe, mais bien comme une échappatoire brève et opportune dans une vie économique morose et difficile. C’est aussi dans ces moments difficiles qu’émergent des projets remarquables, des histoires extraordinaires qui stimulent la création culturelle.
Les intermittents du spectacle ont une mauvaise image dans l’esprit de certains de nos concitoyens, ainsi que pour une partie conséquente de l’opposition actuelle à l’Assemblée nationale. II est temps de changer de paradigme et de rappeler les chiffres : le « droit d’entrée » actuel afin de toucher une allocation de retour à l’emploi est assez élevé en ce qui les concerne. En effet, les intermittents doivent justifier de 507 heures rémunérées sur dix mois pour les techniciens et sur dix mois et demi pour les artistes, contre 610 heures sur vingt-huit mois pour les salariés du régime général. En outre, la création artistique ne s’apparente pas au travail que la majorité d’entre nous connaît. Les heures passées à écrire un scénario ou monter une pièce de théâtre ont beau être cruciales, elles ne sont que rarement comptabilisées.
Les politiques publiques culturelles sont manifestement imbriquées avec l’économie. Ayons le courage de le dire : un régime spécial peut tout à fait être acceptable, surtout lorsqu’il concerne un domaine qui fait la fierté de notre pays. Il suffit pour cela de l’assumer clairement, comme certains le font avec les différentes niches fiscales que nous connaissons. Cessons de dire aux intermittents qu’ils « n’ont qu’à » choisir un autre métier, formule que personne ici n’oserait utiliser avec les agriculteurs, par exemple. Le tissu économique de notre pays est divers, varié, riche de différences. La culture peut être agricole ou intellectuelle. Dans les deux cas, cultivons-la !
Pour conclure, et vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient ce texte qu’il a déjà voté en nouvelle lecture et qu’il votera à nouveau.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je poursuivrai le propos de M. Maggi en posant le point final législatif du problème des intermittents dont il a rappelé les termes. Point final qui est le fruit d’un long processus, d’une mission de concertation commencée il y a un an, en pleine crise des festivals, et qui débouche aujourd’hui sur une claire et nette amélioration de la gouvernance du régime, fondée sur la responsabilisation des acteurs et les avancées majeures prévues par l’article 20 de ce texte.
Je pense à la sanctuarisation du régime des intermittents du spectacle, c’est-à-dire la reconnaissance de règles spécifiques au sein de la solidarité interprofessionnelle dans la loi et la fin du chantage à la suppression des annexes VIII et X.
Notons aussi la création du comité d’expertise indépendant, qui pérennise l’outil issu de la mission que j’animais avec Hortense Archambault et Jean-Denis Combrexelle, avec deux lignes directrices : fournir un appui technique aux organisations patronales et surtout salariales dans la négociation et évaluer le respect du cadrage financier proposé par le niveau interprofessionnel.
Enfin, le contrat à durée déterminée d’usage – CDDU – a été renégocié pour réexaminer les listes d’emplois et les conditions de recours à ce contrat avant le 31 mars prochain, date commune que nous avons adoptée en deuxième lecture.
Ces trois points ont fait l’objet de votes quasi conformes entre les deux assemblées. Les divergences entre le Sénat et nous ont porté sur le dernier point, la subsidiarité de la négociation qui passe du niveau interprofessionnel au niveau professionnel avec un encadrement par le niveau interprofessionnel et l’obligation pour celui-ci de reprendre les termes de l’accord.
Nous vous proposons un vrai changement de gouvernance qui répond au sentiment partagé par beaucoup d’acteurs du milieu culturel d’être « concernés sans être autour de la table ».
Alors que le Sénat s’en est tenu à une simple concertation, nous proposons une véritable négociation.
Pour autant, la Haute assemblée a proposé une nouvelle rédaction de l’alinéa 8 de l’article 20, qui a son intérêt et que l’on aurait pu reprendre en partie aujourd’hui, même si vous l’avez rejetée en deuxième lecture.
L’objectif était de clarifier la rédaction de l’alinéa pour qu’il indique clairement que le document de cadrage fourni au niveau professionnel par le niveau interprofessionnel mentionne bien les objectifs concernant la trajectoire des dépenses de l’ensemble du régime d’assurance chômage, et non pas seulement des annexes VIII et X.
En effet, il ne s’agit en aucun cas, comme le Premier ministre l’a affirmé ce week-end en Avignon, de faire peser la réduction des déficits sur les annexes VIII et X. Le Premier ministre a également dit clairement à cette occasion que les intermittents ne seraient pas la variable d’ajustement de l’assurance chômage.
Cette rédaction doit reprendre l’énoncé des principes généraux, supprimé par le Sénat, au premier rang desquels celui de la solidarité interprofessionnelle.
L’esprit du texte est sans ambiguïté : garantir des règles spécifiques dans le cadre de cette solidarité interprofessionnelle.
Cet amendement du Sénat aurait pu être repris – je crois que Mme Massonneau l’a déposé à nouveau – s’il n’avait pas fait mention de « concertation » alors que nous souhaitons que soit inscrit le terme « négociation ». Mais, vous le savez, on ne peut plus, à ce stade de l’examen du texte, ne retenir qu’une partie d’un amendement, ou le sous-amender.
Le déplacement, ce week-end, du Premier ministre en Avignon fut l’occasion de rencontrer à nouveau l’ensemble des partenaires et de confirmer ce climat de confiance.
Je regrette que la CIP n’ait pas répondu favorablement à la proposition de rencontre avec le Premier ministre pour une question de forme.
Les échanges successifs que nous avons eus avec les organisations syndicales – Force ouvrière, la CFDT, la CGT Spectacle – et avec les syndicats d’employeurs comme la FESAC ou le SYNDEAC ont montré qu’un dialogue social constructif était désormais noué et qu’il était envisageable que le secteur continue de se structurer pour, peut-être, devenir, comme le souhaitaient les employeurs, le quatrième pilier du secteur multiprofessionnel.
D’ores et déjà, plusieurs rendez-vous sont prévus à la rentrée : la conférence pour l’emploi dans les métiers du spectacle les 15 et 16 octobre, animée par Jean-Paul Guillot avec le ministère de la culture ; la mise en place d’un fonds de développement de l’emploi culturel, qui sera financé par les sommes mobilisées aujourd’hui pour la prise en charge du différé ; le début des négociations sur les listes ; l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la liberté de création et le vote du budget du ministère de la culture dont le Premier ministre a de nouveau confirmé qu’il serait en augmentation.
Il y a un an, en pleine crise, nous avons choisi de développer l’emploi artistique et de lutter contre la précarité grâce au dialogue social. Celui-ci est engagé et porte déjà ses fruits. Avec votre vote, dans quelques instants, vous lui fournirez le cadre légal qui assurera sa stabilité et la pérennisation du régime de l’intermittence du spectacle.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
J’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.
Cet amendement vise à supprimer les commissions paritaires régionales interprofessionnelles telles qu’elles sont mises en place. Lors du débat initial sur ce texte, j’y avais donné un avis favorable, comme je viens de le rappeler lors de la discussion générale. Or, les modifications importantes qui ont été introduites, y compris pour attribuer à ces commissions de nouvelles missions comme la médiation ainsi que la prérogative d’entrer dans l’entreprise, ne se justifient pas.
Je vous demande donc de supprimer l’article 1er, car nul ne sait à ce stade comment évoluera le rôle de ces commissions paritaires.
L’un des points importants, voire déterminants de ce projet de loi consiste justement à doter les salariés des TPE de représentants. Nul ne fait la confusion – et dans le cas contraire, je clarifie les choses tout de suite – entre le dialogue social à l’intérieur de l’entreprise et la question de la représentation de l’ensemble des salariés des TPE. L’avis de la commission est donc naturellement défavorable.
Puisqu’il s’agit du premier amendement, j’y réponds, par respect pour ses auteurs, mais je regrette profondément que vous souhaitiez supprimer la disposition instaurant une représentation des salariés dans les TPE, qui constitue pourtant une grande avancée sociale : 4,6 millions de salariés sont concernés.
Vous avez indiqué que vous auriez pu y être favorable : qu’est-ce qui vous empêche donc de l’être ? Cette grande avancée sociale placera notre pays à la pointe de l’Europe en matière de représentation des salariés. Jusqu’à présent, l’Allemagne occupait cette place, puisque toutes les entreprises de plus de cinq salariés y sont dotées de représentants. Nous étendons cette représentation à tous les salariés de toutes les entreprises françaises, y compris les plus petites : c’est une grande avancée sociale qu’il faut considérer comme telle. Avis défavorable.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement de précision, en quelque sorte, que j’ai déposé en raison du réflexe quasi pavlovien que j’ai dès lors qu’il s’agit de défendre l’égalité entre les femmes et les hommes et d’éviter tout contournement – en l’occurrence, l’annulation d’une élection qui donnerait lieu à une nouvelle élection à l’issue de laquelle l’égalité entre les femmes et les hommes ne serait plus assurée.
Cet amendement vise donc à ce que l’annulation par le juge de l’élection d’un représentant pour cause de non-respect de la parité ne vaille pas annulation de l’élection de l’ensemble de la liste, ce qui entraînerait l’obligation d’organiser in fine une élection partielle, mais qu’elle ne porte que sur le siège en question qui redeviendrait vacant – ce qui constitue déjà une sanction importante. J’ai tenu à préciser ce point.
Avis favorable : il me semble en effet que de telles intentions pourraient induire un risque de blocage.
Nous voici à la cinquième lecture de ce projet de loi, monsieur le ministre : trois lectures à l’Assemblée et deux au Sénat. Pourtant, lors de cette ultime lecture, le Gouvernement présente une nouvelle fois un amendement visant à modifier le texte – un texte mal construit et mal rédigé dès l’origine, que vous êtes contraint de corriger et qui, surtout, n’atteint pas ses objectifs.
Malgré cela, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera cet amendement, car il ne s’agit pas non plus de remettre systématiquement en cause tout amendement gouvernemental. Celui-ci est intelligent, eu égard à la faible teneur du texte. Nous le voterons donc, même si nous sommes contre le projet de loi !
Je comprends votre préoccupation sur ce point, monsieur le ministre, mais sur quel siège l’annulation de l’élection d’un délégué portera-t-elle ? Comment les choses se passeront-elles concrètement ? L’annulation ne concernera qu’un seul siège en cas de non-respect de la parité, et non la liste tout entière. Quel siège annulera-t-on donc ?
Cet amendement n’est pas une nouvelle invention du Gouvernement.
Écoutez donc la suite : vos collègues sénateurs ont eux aussi examiné le texte, et l’amendement que je présente reprend en réalité une proposition de Mme Procaccia, rapporteure au Sénat. Et pour cause : le texte que nous examinons aujourd’hui est celui que l’Assemblée a adopté en nouvelle lecture. Je ne suis donc pas en mesure de réintroduire autrement que par amendement une proposition du Sénat qui ne figure plus dans le texte.
Ainsi, je ne veux pas laisser penser qu’il s’agirait d’un amendement déposé en dernière minute par le Gouvernement ; c’est au contraire un amendement constructif qui reprend une partie de l’intervention de Mme Procaccia.
En effet, je ne comprendrais pas que vous le rejetiez alors que le Sénat l’a adopté !
L’amendement no 26 est adopté.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour soutenir l’amendement no 22 .
Voici un exemple concret de texte qui ne devrait pas remettre en cause les droits syndicaux.
L’article 7 ter impose, sauf accord collectif contraire, au membre du personnel navigant exerçant une fonction syndicale de regrouper en journées complètes les heures de délégation prévues par la loi, et ce alors que la totalité des syndicats du personnel navigant commercial – je dispose du document qui en atteste – est opposée à cette disposition qui porte atteinte au libre exercice des mandats. Vous avez d’ailleurs dû recevoir une lettre à cet égard.
En effet, les heures de délégation ne constituent en aucun cas un forfait devant être utilisé sous forme de journée, voire de demi-journée. Le 16 avril dernier, la Cour de cassation a même jugé cette pratique illicite, et j’ai le regret de constater que vous remettez une nouvelle fois en cause une jurisprudence favorable aux salariés.
Cet article constitue une atteinte à la liberté d’organisation des syndicats. Lorsque M. le rapporteur s’en défend en prétendant que cette disposition est le résultat d’une coproduction, à qui fait-il référence ? Il faudrait nous le dire ! Il ne s’agit pas des syndicats des salariés concernés, puisque tous sont signataires de la lettre qu’ils nous ont adressée pour exprimer leur opposition à cette mesure. Peut-être y a-t-il eu une entente entre Air France et le Gouvernement ? Ce n’est pas ce que je qualifierais de coproduction ; c’est plutôt de la cogestion.
Nous avons demandé la suppression de cette disposition en deuxième lecture ; hélas, à ce stade, nous ne pouvons plus le faire. C’est pourquoi nous déposons une nouvelle fois cet amendement déjà présenté au Sénat, qui avait au moins le mérite de restreindre quelque peu la portée de cette mesure qui entrave la liberté syndicale. Avec cette disposition, le regroupement des heures de délégation ne devient possible que si un accord le prévoit. C’est un minimum car, en l’état du texte, les employeurs peuvent imposer unilatéralement ce regroupement, alors qu’il s’agit d’une question d’organisation interne des syndicats.
Mon amendement est identique à celui de M. Carvalho, mais je le défendrai de manière un peu différente.
Les membres du personnel navigant qui doivent exercer une heure de délégation ne sauraient tout à la fois exercer leurs fonctions en l’air et leur délégation au sol. Il existe donc bien un problème d’adaptation du droit du travail et du mode de calcul des heures de délégation.
Comment faut-il donc faire ? La proposition que nous avions adoptée résolvait le problème technique tout en empêchant de rechercher un accord collectif. En effet, c’est dans le cadre de l’entreprise qu’il faut trouver les modalités spécifiques qui tiennent compte de la particularité de l’entreprise en question.
Le Sénat a donc permis – intelligemment, selon moi – l’accord alors qu’il n’est pas possible actuellement, puisque l’arrêt de la Cour de cassation semble l’interdire. Le Sénat permet l’accord sans l’imposer, et oblige les parties à négocier.
C’est pourquoi cet amendement vise à remplacer la mention « Sauf accord collectif contraire » par les mots « Un accord collectif peut prévoir » et, de surcroît, ne précise pas quel doit être le contenu de l’accord, en prévoyant simplement que les heures de délégation peuvent être regroupées en journées et que les nécessaires contreparties sont l’objet de la négociation. Par conséquent, l’alinéa 3 doit être supprimé de sorte que les parties puissent négocier.
C’est donc une mesure de souplesse qui doit permettre aux entreprises de transport aérien d’être régies par un droit adapté à leurs particularités tout en permettant aux partenaires sociaux de négocier les modalités nécessaires.
Il ne s’agit pas d’un amendement de souplesse ; il renverse la logique retenue par l’Assemblée nationale. Je rappelle qu’à ce jour, aucune loi n’interdit que soit conclu un accord concernant le regroupement des heures de délégation.
Au contraire, l’adoption de cet amendement aurait pour effet de soumettre le regroupement à un accord. Vous nous suggérez donc bien d’inverser le dispositif. Comme je l’ai dit précédemment, cela ne me semble pas pertinent : avis défavorable.
Je partage l’analyse de M. le rapporteur. La formule « Sauf accord collectif contraire » est assez fréquente en droit social. La formule « Un accord collectif peut prévoir » n’est pas celle que nous avons souhaitée. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement, sauf accord collectif contraire, est défavorable.
Sourires.
Je serai bref, monsieur le président, car je partage l’argumentation de M. le rapporteur et de M. le ministre concernant l’évolution de cet amendement au cours de sa vie parlementaire.
Je note simplement qu’il s’agit d’un secteur en proie à de très grandes difficultés. Le coeur du sujet, c’est la discussion, qui ne peut être qu’au centre de toutes les restructurations qui s’annoncent – car, dans ce secteur, elles sont devant nous, et non derrière. D’importantes restructurations seront en effet nécessaires pour préserver l’activité du pavillon français, et nous sommes encore loin du compte.
Cela devra naturellement se faire avec les organisations syndicales. Cela étant, contrairement à ce qu’a indiqué M. Carvalho, toutes les organisations représentatives ont été consultées sur ce sujet. Certains argumentaires doivent donc être mis à jour en fonction de ce qui s’est produit ces dernières semaines.
L’Assemblée donne ici un signe concernant la manière dont on peut exercer ce qu’il n’est pas question de mettre en cause : les responsabilités et les mandats syndicaux. Pour autant, comme l’indiquait M. Robiliard, le secteur aérien possède une particularité justifiant que certaines pratiques de syndicats qui ne sont pas actuellement représentatifs ne puissent plus aller à l’encontre de son fonctionnement normal. Voilà qui explique le contenu de l’article 7 ter et de l’amendement qui a connu la vie parlementaire que vous savez.
Je ne comprends plus très bien : le 9 juin 2015, les syndicalistes ont exprimé leur opposition quasi totale sur cette question. Autrement dit, nous faisons marche arrière et le droit syndical n’est plus respecté ! Un délégué – car c’est son rôle – souhaitant soutenir un membre du personnel qui connaît des problèmes ou qui est mis en cause par sa hiérarchie ne pourra donc plus le faire s’il ne prend pas huit heures. Il me semble difficile d’estimer qu’il s’agit là de bonne gestion !
Sans doute suis-je le seul ici à avoir passé ma vie entière dans l’entreprise, et je sais ce qu’est un délégué syndical dans un grand groupe.
Dans les usines, ils sont peu nombreux ! Que ceux qui ont travaillé en usine lèvent la main, vous verrez qu’ils sont rares ! Et encore, combien de temps l’ont-ils fait ? Une semaine ? Un mois ?
Le temps n’est pas aux biographies, je vous invite à revenir à l’amendement !
Beaucoup de gens connaissent cette pratique !
Le droit syndical est un droit. Revenir en arrière et imposer une obligation de bloquer huit heures, c’est n’importe quoi ! Je vais vous expliquer comment les choses se passaient dans l’entreprise où je travaillais. C’était une usine importante où les choses étaient aussi compliquées que chez Air France. Il y avait un grand four à feu continu destiné à fonctionner pendant quinze ans sans s’arrêter. Quand survenait un accident, une réunion était organisée et les délégués qui se trouvaient sur la ligne partaient immédiatement, sans attendre d’être réquisitionnés, sur simple appel téléphonique de leurs collègues. C’est une question de bon sens.
Cessez de croire que les syndicalistes sont de parfaits abrutis qui ne savent pas prendre leurs responsabilités et les bonnes décisions !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous en avons assez d’entendre que les syndicalistes tirent sur la corde, qu’ils profitent du système.
Ce que disent les syndicalistes d’Air France, c’est qu’il n’est pas utile de leur demander de bloquer huit heures pour une demi-heure ou une heure de syndicalisme, alors qu’il leur est parfaitement possible d’organiser leur travail d’une façon différente. Pourquoi vouloir à tout prix bloquer huit heures, si ce n’est pour entraver le droit syndical ?
Ce débat est symptomatique de ce texte. Si la loi sur le dialogue social avait permis d’inverser la hiérarchie des normes pour que les accords d’entreprise puissent déroger au droit du travail et éventuellement aux accords de branche et aux accords interprofessionnels, nous n’aurions pas ce débat. Le droit, ou tout au moins la norme, pourrait être adapté à l’intérieur de l’entreprise en fonction de la réalité.
En faisant commencer l’article par les mots « Sauf accord collectif contraire », vous autorisez à déroger au droit du travail. Tout au long des lectures précédentes, vous nous avez dit qu’il n’était pas question d’inverser la hiérarchie des normes, monsieur le rapporteur. Or c’est pourtant bien ce que vous faites en l’espèce. Pour ma part, je n’y suis pas opposé et je pense que si nous avions autorisé l’entreprise, en cas de problème, à déroger au droit du travail ou aux accords collectifs, nous aurions réglé le problème une fois pour toutes et nous ne serions pas obligés de nous battre ainsi sur un amendement.
Cet amendement vise à mettre en oeuvre une proposition de M. le ministre du travail qui avait envisagé d’expérimenter un gel de l’application des seuils. Je lui offre ainsi la dernière possibilité de donner une suite favorable à cette idée très intéressante qui, à mon sens, l’honore.
Cet amendement prévoit, dans cette perspective, un mécanisme de lissage sur trois ans des nouvelles obligations en matière de représentation du personnel liées aux franchissements des seuils de onze et cinquante salariés.
Il s’agit de déterminer, à l’issue de cette expérimentation, l’incidence des seuils en matière d’emploi. En effet, de nombreuses études soulignent le rôle des seuils sociaux dans la concentration des entreprises au-dessous de cinquante salariés.
C’est un amendement dont on a déjà beaucoup discuté. Comme je l’ai dit tout à l’heure à la tribune, nous avons fixé dans le texte la référence à 300 salariés. Les éléments de seuils que vous mentionnez ne nous paraissent pas pertinents.
Par ailleurs, aucune étude robuste n’a fait la démonstration que l’obligation de mettre en place des instances représentatives du personnel – IRP – constituait un frein à l’emploi. Vous connaissez comme moi les chiffres : 86 % des entreprises de onze à quarante-neuf salariés n’ont aucune IRP et 74 % des entreprises de cinquante à quatre-vingt dix-neuf salariés sont dans le même cas. Par conséquent, pour la majorité des entreprises, le gel des effets de seuil n’aura aucun impact. Compte tenu de ces éléments, déjà largement débattus, avis défavorable.
Je reprendrai une argumentation que j’ai déjà développée. Nous avons en France, c’est vrai, deux fois et demie plus d’entreprises de quarante-neuf salariés que d’entreprises de cinquante et un salariés. C’est bien la preuve que le seuil de cinquante salariés a un effet psychologique bloquant. C’est pourquoi nous avons voulu traiter la représentation à l’échelle de l’ensemble des salariés. Nous avons étendu la possibilité pour l’employeur de mettre en place une DUP élargie dans les entreprises entre 50 et 300 salariés pour permettre au dialogue social de s’organiser dans ces entreprises. C’est une avancée et vous le savez bien.
Ma proposition de suspendre l’application des seuils a été rejetée par l’ensemble des partenaires sociaux. Dès lors, nous proposons une sorte de lissage, dans un objectif d’amélioration du dialogue social. Je pense que cette démarche va dans le bon sens et que vous devriez la soutenir. Avis défavorable.
À la fin de l’examen de ce texte, on voit bien quelle est votre démarche, monsieur le ministre. Vous avez eu la velléité, dans des déclarations destinées à l’opinion publique, de faire un pas dans la direction de la suspension des effets de seuil. C’était une solution pragmatique, à l’écoute des besoins du terrain. Vous venez d’indiquer que ces seuils ont « un effet psychologique bloquant », mais en réalité vous renoncez, vous reculez, alors même que notre pays connaît le triste record de l’explosion du chômage et que les mesures les plus pragmatiques devraient être tentées pour essayer de libérer les énergies des petites entreprises.
Monsieur le ministre, à l’instar du rapporteur et d’un certain nombre d’entre nous, vous êtes un élu de la Bourgogne. Vous y avez rencontré des chefs de petites entreprises et, comme nous, vous les avez entendus se plaindre des seuils. Ils vous ont sans doute expliqué qu’ils ne peuvent pas embaucher une ou deux personnes supplémentaires parce qu’ils sont bloqués par la sur-réglementation du code du travail.
Nous vous avez proposé quelque chose de simple, à savoir une expérimentation, mais au fil du temps vous vous êtes obstiné à la refuser. Vous avez tort car la situation dramatique de notre économie et du chômage nécessite que des mesures d’urgence et de bon sens soient prises.
Le groupe UDI votera cet amendement car il correspond à celui que nous avions déposé lors des lectures précédentes mais qui, malheureusement, avait été rejeté. Nous ne l’avons pas déposé à nouveau en lecture définitive, considérant qu’il avait peu de chances d’être adopté.
Vous-même, monsieur le ministre, ainsi que le Premier ministre et le ministre de l’économie, aviez indiqué que les effets de seuil étaient négatifs pour l’emploi.
C’est pourquoi nous les lissons aujourd’hui !
Pourquoi ne revenez-vous pas sur ces seuils ? Certes, le Premier ministre a annoncé qu’il allait revenir sur les seuils en matière fiscale et sociale, mais pas en matière du droit du travail. C’est quasiment l’inverse qu’il fallait faire, car le blocage psychologique provoqué par les seuils se trouve dans le droit du travail, pas dans les domaines fiscal et social.
Non seulement vous ne levez pas le frein, mais vous allez en plus faire perdre des recettes à la protection sociale et à l’État !
Il aurait été préférable de changer totalement les seuils. Mettre en oeuvre une expérimentation, comme le propose Gérard Cherpion, est une initiative intéressante puisqu’elle permettrait, au moins pendant un certain temps, de vérifier que la suppression de l’effet de seuil crée de l’emploi en France ; en outre, elle aiderait les entreprises dans leur gestion et diminuerait un peu la complexité de notre droit du travail et de la gestion des entreprises.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je veux saluer l’arrivée du député Larrivé, mais j’ai du mal à entendre que nous serions responsables de l’explosion du chômage ! Vous êtes un jeune député bourguignon, monsieur Larrivé, et c’est sans doute ce qui est le plus positif,…
Vous n’avez pas remarqué que le chômage augmentait, monsieur le ministre ?
…parce que pour ce qui est de votre connaissance des faits, vous êtes un peu en retard ! En effet, pendant la crise, le taux de chômage est passé de 7 % à 10 %.
Un million vingt-sept mille chômeurs de plus, depuis trois ans que vous êtes aux affaires !
Vous dites que la France connaît la plus forte explosion du chômage en Europe, mais je rappelle que lorsque Nicolas Sarkozy était au pouvoir, nous sommes passés de 7 % à 9,6 % ! Vous avez la mémoire courte des jeunes députés qui n’ont pas encore affronté vraiment ces réalités-là.
Cela me plaît assez, finalement, d’être critiqué à la fois par L’Humanité et par Le Figaro car cela veut dire que notre ligne, celle du dialogue social, est juste.
Quant au droit du travail, le véritable problème vient d’un certain nombre d’obligations, mais pas de la représentation des salariés que nous traitons, dans le dialogue social, avec les partenaires sociaux. C’est ce que nous avons voulu faire en créant la DUP élargie et c’est ce que nous proposons aujourd’hui.
Vous avez tort de vous opposer ainsi en avançant des arguments primaires, qui sont faux. Tout le monde sait bien que la France n’a pas le taux de chômage le plus élevé d’Europe.
Cessez de dire n’importe quoi ! Vous savez que le taux moyen du chômage en Europe est de 11,7 % !
En France, il est de 10 %, ce qui est beaucoup trop, mais vous l’avez laissé à 9,6 % lorsque vous avez quitté le pouvoir. Faites donc preuve d’un peu de modestie et essayez d’avancer dans le débat au lieu de proférer des contre-vérités !
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 16 .
Cet amendement reprend un amendement pertinent adopté en nouvelle lecture au Sénat. Il concerne l’instance de coordination des CHSCT et notamment la question du recours à l’expertise unique, qui n’est jamais obligatoire mais constitue une simple faculté.
Avis favorable. Comme l’a dit le rapporteur, cet amendement clarifie le fait que le recours à l’expertise unique concerne les projets d’aménagement importants et non tous les projets qui peuvent faire l’objet d’une consultation de l’instance. C’est donc le droit actuel qui s’applique pour les CHSCT. Il doit en être de même pour l’instance de coordination des comités. Il est préférable d’éviter toute ambiguïté.
Je vous remercie pour vos propos, monsieur le ministre, que je vais résumer en une phrase. Après un million vingt-sept mille chômeurs de plus enregistrés depuis mai 2012, date de l’accession de François Hollande à la Présidence de la République, le ministre du chômage que vous êtes vient de faire son dépôt de bilan.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’amendement no 16 est adopté.
Il s’agit d’amendements qui ont été adoptés en nouvelle lecture par le Sénat et que nous avons repris.
Je suis saisi de l’amendement de précision, no 11, de M. Christophe Sirugue, rapporteur.
L’amendement no 11 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 23 .
Cet amendement porte sur les conditions du remboursement à l’employeur du maintien de la rémunération d’un de ses salariés bénéficiant du congé de formation économique, sociale et syndicale.
Il précise qu’à défaut d’une convention entre l’employeur et l’organisation syndicale fixant le montant dû à l’employeur, l’organisation doit rembourser à ce dernier la totalité du montant de la rémunération maintenue, c’est-à-dire non seulement le montant de la demande de l’organisation syndicale, mais aussi, le cas échéant, le montant de la rémunération prévue par un accord collectif, sauf si l’accord en dispose autrement. Il s’agit d’éviter que l’employeur ayant conclu un accord collectif soit moins bien protégé qu’en employeur qui n’en conclut pas.
Avis favorable.
L’amendement no 23 est adopté.
Je suis saisi de l’amendement de coordination no 14 de M. Christophe Sirugue, rapporteur.
L’amendement no 14 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Défavorable.
L’amendement no 19 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à compléter une avancée que nous avons obtenue dans ce texte. Les écoles techniques privées, parmi lesquelles les écoles de production, sont des centres de formation technique qui permettent à des jeunes en situation de décrochage scolaire, âgés de quatorze à dix-huit ans, de se former à un métier. Le présent amendement tend à permettre à ces écoles à but non lucratif de bénéficier de fonds attribués par les organismes paritaires collecteurs agréés – OPCA.
Il me semble qu’il y a confusion entre les écoles techniques privées et les écoles de production. Si les écoles de production s’adressent en priorité aux jeunes en situation de décrochage scolaire, les écoles techniques privées mentionnées à l’article L.443-2 du code de l’éducation répondent à une définition bien plus imprécise. Il s’agit simplement d’établissements privés délivrant un enseignement technique, dont la formation, voire l’existence, ne sont pas toujours reconnues par l’État. Contrairement aux écoles de production, elles ne s’adressent pas forcément aux jeunes en situation de décrochage scolaire. Il me paraît donc hasardeux de permettre aux OPCA de financer une partie des dépenses de fonctionnement de ces établissements alors même qu’un certain nombre d’entre eux ne sont pas reconnus par l’État. Avis défavorable.
Nous avons déjà eu ce débat, et il mérite clarification ; le rapporteur vient de s’y employer. Nous sommes bien entendu favorables aux écoles de production. Mais ce qui est ici visé, au sens de l’article L.443-2 du code de l’éducation, ce sont les écoles techniques privées.
Or nous ne voulons pas que les écoles techniques privées puissent bénéficier de subventions des OPCA : nous voulons que les écoles de production puissent le faire. J’ignore comment résoudre le problème, mais quoi qu’il en soit, l’amendement vise les écoles techniques privées. J’avais l’intention d’émettre un avis de sagesse sur cet amendement, mais compte tenu de ce que vient de dire le rapporteur, mon avis est défavorable.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 15 .
Le Sénat avait tenté, en première lecture, une première clarification des modalités de calcul de la prime d’activité, mais elle était imparfaite sur le plan juridique. La formulation que nous vous proposons semble de bon aloi.
L’amendement no 15 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je mets aux voix le projet de loi, dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.
Le projet de loi est adopté.–Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 377 après l’article 19.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 377 , 302 , 407 , 360 , 299 , 361 , 22 , 362 et 103 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir l’amendement no 377 .
Cet amendement s’inscrit dans la ligne de ceux que nous avons déjà examinés sur la réintroduction de l’avis du juge des libertés et de la détention – JLD – à partir de 48 heures de rétention administrative ; il est une conséquence de l’amendement no 374 que nous avons adopté à l’article 19, qui ramène à 48 heures le délai d’examen des conditions de rétention.
L’amendement prévoit aussi un nouveau séquençage de la rétention. Aujourd’hui, celle-ci est constituée de trois périodes : cinq jours à l’initiative du préfet, puis vingt jours décidés par le JLD, et vingt nouveaux jours à la suite d’un nouveau passage devant le JLD. Cela donne à l’administration quarante-cinq jours au total pour procéder à l’éloignement. Comme beaucoup d’associations et de professionnels que j’ai reçus, je suis dubitatif sur l’opportunité d’une rétention aussi longue. Nous savons bien que la plupart des éloignements ont lieu dans les dix premiers jours, et que l’administration ne reconduit plus grand monde après un mois de rétention – cela ne représente que 4 % des éloignements.
Le Gouvernement et les personnes que j’ai rencontrées, notamment dans les services des préfectures, m’ont expliqué les nécessités du dialogue avec les autorités consulaires des États tiers, dont certains coopèrent parfois difficilement, et le mauvais signal diplomatique que nous adresserions en réduisant la durée maximale de rétention. Je prends acte de ces arguments et m’y rallie. Toutefois, afin de mieux garantir les droits des étrangers placés en rétention, je vous propose de définir un nouveau séquençage des périodes. Nous avons rappelé le délai de 48 heures par le vote de l’amendement no 374 . Avec celui-ci, le JLD autoriserait une première rétention de vingt-huit jours ; la seconde et dernière période serait de quinze jours.
J’ai idée que cette évolution aura deux conséquences. En premier lieu, le JLD sera plus sourcilleux si sa décision vaut rétention pendant quatre semaines plutôt que pendant vingt jours. En second lieu, on peut raisonnablement penser que le second passage du JLD, après trente jours, donc, ne permettra une ultime prolongation que si le dossier de l’administration est solidement fondé, et surtout si l’éloignement est une perspective réellement imminente. Nous protégerons ainsi mieux les droits des personnes. Je remercie M. le ministre de bien vouloir prêter une oreille attentive à cet amendement auquel la commission est favorable et qui permet le maintien des quarante-cinq jours de rétention tout en améliorant le sort des étrangers retenus.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 302 .
L’adoption de l’amendement du rapporteur fera tomber cet amendement, monsieur le président, de même que l’amendement no 299 . Ils sont défendus.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 407 .
Il est défendu, sachant qu’il tombera si celui du rapporteur est adopté.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 360 .
Je serais évidemment prête à retirer cet amendement au profit de celui du rapporteur. Le groupe socialiste tient cependant à souligner cet engagement, car le respect des libertés publiques doit servir autant les droits que les obligations des étrangers. Nulle obligation ou contrainte ne peut être comprise et efficace si elle n’est pas assortie de droits, parmi lesquels le respect des libertés individuelles. Tel est précisément l’objet de cet amendement. L’intervention du JLD au terme de 48 heures de rétention est une assurance d’efficacité ; il n’est plus acceptable que le délai actuel de cinq jours s’accompagne de manquements aux droits dévolus aux étrangers. Nous sommes liés par notre droit national comme par le droit communautaire et international. L’intervention du JLD au terme de 48 heures – et non plus de cinq jours – de rétention garantit aux étrangers un traitement juste et équitable de leur situation. La loi dite Besson a trouvé ses limites pratiques et juridiques. Elle est intervenue dans un contexte aussi sensible que celui dans lequel nous évoluons ; nous nous refusons à y apporter une réponse aussi démagogique que celle de l’époque. Aussi défendons-nous cet amendement au nom de l’efficacité et au nom de nos valeurs. Une intervention plus rapide du JLD sera gage d’efficacité et permettra aux étrangers de défendre leurs droits et de comprendre les obligations auxquelles nous les soumettons. Le groupe socialiste se félicite donc de cet amendement.
Puis-je considérer que l’amendement no 361 a été défendu, madame Chapdelaine ?
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 103 .
Le droit actuel fixe à quarante-cinq jours la durée maximale de la rétention administrative. Celle-ci est articulée en trois périodes de cinq, vingt et vingt jours. Si j’ai bien compris, la solution proposée par le rapporteur consisterait à articuler cette durée différemment – deux, vingt-huit et quinze jours – sans modifier le total de quarante-cinq jours.
Je voudrais rappeler un élément juridique et un élément pratique. Un élément juridique d’abord : dans son article 15, paragraphes 5 et 6, la directive « retour » de 2008 permet une durée maximale de rétention allant jusqu’à dix-huit mois – six mois prolongeables, le cas échéant, de douze mois lorsqu’il apparaît que les conditions pratiques de l’éloignement ne sont pas réunies.
En France, cette durée est de quarante-cinq jours. Ce fut le choix du législateur en 2011, étant entendu que le choix lui était laissé d’aller au-delà, puisque la directive de 2008 était déjà en vigueur. Nous nous sommes beaucoup interrogés. Regardons donc ce qui se fait dans les pays voisins : cette durée s’établit à soixante jours en Espagne, à deux mois au Portugal et en Italie, six mois en Autriche, huit mois en Belgique, dix-huit mois en Allemagne, en Finlande ou au Royaume-Uni ; aux Pays-Bas, elle est illimitée.
Cet amendement et le suivant, l’amendement no 104 , visent à ce que la durée de la rétention administrative dans notre pays puisse être portée jusqu’à six mois, soit 180 jours. Non pour le plaisir d’allonger une durée ni pour celui de dire que tous les éloignements devraient nécessairement se faire au bout de 180 jours – ce n’est pas ce que nous cherchons.
Ce que nous voulons, c’est donner aux préfets et aux policiers la durée qui permette, dans certains cas, de négocier les laissez-passer consulaires avec des pays d’origine récalcitrants. On le sait, l’allongement de la durée de la rétention administrative peut, dans certains cas, offrir cette possibilité et celle de préparer les conditions pratiques du retour dans le pays d’origine. Alors qu’il y a entre 400 000 et 500 000 étrangers en situation irrégulière en France, il nous paraît nécessaire d’améliorer le dispositif opérationnel permettant de faciliter les reconduites à la frontière.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements.
Vous proposez d’allonger la durée maximale de la rétention administrative, monsieur Larrivé. En ce qui me concerne, ma démarche sur cette question est extrêmement pragmatique. Ce qui compte pour le Gouvernement, c’est que les délais permettent l’éloignement lorsqu’il doit être procédé à celui-ci. Or dans le cadre actuel, on constate que la plupart des éloignements forcés se font au début de la rétention, et très peu à la fin, mais que ce sont ces derniers qui sont les plus difficiles ; néanmoins, lorsqu’ils doivent – et peuvent – être faits, ils se font dans le délai de quarante-cinq jours.
Ce qui m’importe est de savoir si l’on dispose du délai suffisant pour procéder aux éloignements forcés les plus difficiles qui, j’y insiste, concernent les ressortissants des pays hors Union européenne, puisqu’il faut obtenir, en particulier, des laissez-passer consulaires. Or, nous y arrivons.
Allonger le délai peut faire courir un risque : les personnes chargées de procéder à l’éloignement pourraient prendre davantage de temps pour le faire. Or, cela, je n’y tiens pas. Comme les éloignements les plus difficiles ont lieu à la fin, je ne voudrais pas que les personnes concernées « prennent leur temps » pour les réaliser. Je souhaite qu’on les effectue dans le délai le plus court possible. J’aurais volontiers allongé les délais si ceux qui nous sont impartis étaient insuffisants pour procéder à ces éloignements, mais ce n’est pas le cas. Si je les allonge, je risque d’allonger le délai de retour : pour connaître les habitudes de l’administration, je sais que, s’agissant des tâches les plus difficiles, elle peut parfois, bien qu’étant toujours soucieuse de bien faire, prendre davantage son temps. Comme j’ai une position extrêmement claire, extrêmement ferme, je ne souhaite pas lui donner ce temps supplémentaire. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à ce que l’on allonge la durée.
Je suis favorable à l’amendement du rapporteur, qui me paraît intelligent à maints égards,
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
pour toutes les raisons qu’il a lui-même développées et qui suffisent à me convaincre. C’est pourquoi j’y donne un avis favorable.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre,. Mais puis-je vous demander quel est le taux actuel d’exécution des décisions d’éloignement des ressortissants de pays tiers ? En posant cette question, je ne prétends pas qu’il se serait détérioré depuis cinq ans. Dans quelle mesure pourrait-on augmenter ce taux pour certaines nationalités, compte tenu de la difficulté de délivrance des laissez-passer consulaires ? J’entends votre argumentation, qui est d’ailleurs empreinte d’une forme de défiance assez surprenante à l’endroit de l’administration préfectorale. Je ne doute pas, pour ma part, de la capacité que vous auriez, si vous le souhaitiez, de piloter tout cela en fixant des objectifs extrêmement fermes, en inspectant l’exécution de ces décisions d’éloignement. Pour le dire plus directement, compte tenu des difficultés extrêmes que rencontre l’administration, compte tenu des règles procédurales très complexes, des interventions des autorités juridictionnelles et de la mauvaise volonté de certains pays d’origine, il nous semble qu’il aurait été raisonnable d’allonger la durée de rétention, sans nécessairement atteindre 180 jours – c’est à vous, qui êtes aux affaires, qu’il appartiendrait de déterminer la durée la mieux adaptée.
Vous indiquez passer un certain temps au sein du conseil européen « Justice et affaires intérieures » pour rapprocher les pratiques et les politiques de lutte contre l’immigration irrégulière. On pourrait prendre exemple sur ce qui se passe dans les pays voisins : cela faciliterait aussi, peut-être – dernier argument, d’importance – la possibilité d’organiser des vols groupés dans le cadre de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne – FRONTEX. De fait, on voit bien que si l’on veut, d’un point de vue opérationnel, organiser des retours groupés avec plusieurs pays européens vers les pays d’origine, l’harmonisation de nos procédures et de nos délais serait sans doute de nature à faciliter le travail de l’administration.
Premier point, c’est précisément parce que je passe beaucoup de temps dans les instances européennes à travailler sur ces sujets que je ne suis pas enclin à augmenter la durée de la rétention administrative. Pourquoi ? Parce que même dans les pays où la durée est plus longue, le niveau de reconduite est le même, il n’est pas plus élevé. Je ne dispose pas des éléments à l’instant présent, je vous prie de m’en excuser, mais je m’engage à vous les communiquer. Vous constaterez que ce n’est pas la durée de rétention qui fait le taux de reconduite.
Deuxième point, je n’éprouve pas de défiance à l’égard de l’administration préfectorale, pas même une petite méfiance, j’ai au contraire une grande confiance en elle. Je constate simplement qu’en présence de tâches très difficiles, il faut de toute façon que les ministres – c’est leur rôle – exercent une pression très forte. Ce n’est pas un problème de confiance ou de défiance. C’est précisément parce qu’en présence d’un travail difficile, la pression aide à l’avènement du résultat que le ministre doit créer toutes les conditions de la pression. À cet égard, je pense que le délai doit être suffisant pour pouvoir reconduire, sans être excessif, afin que cette pression s’exerce. De ce point de vue, le délai de quarante-cinq jours est le bon. En effet, là où il est plus long, le taux de reconduites n’est pas plus significatif
Troisième point, ce qui fait un niveau de reconduite important, c’est non seulement la durée de la rétention, mais aussi l’ensemble du dispositif que l’on met en place pour faciliter les reconduites. Je pense au volontarisme dont on fait preuve pour l’obtention de laissez-passer consulaires, aux vols groupés dans le cadre de FRONTEX – nous en faisons beaucoup – ou avec d’autres pays de l’Union européenne sur un certain nombre de sites – Calais par exemple, où nous organisons des vols avec les Britanniques. C’est la juxtaposition de l’ensemble de ces mesures qui permet, à un moment donné, d’atteindre le résultat. Le délai de quarante-cinq jours ne nous empêche pas d’y parvenir.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 104 .
L’amendement no 104 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 303 .
Il est défendu. C’est un amendement que j’ai présenté sur un autre article ce matin et sur lequel on m’a déjà répondu.
L’amendement no 303 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement no 102 , tendant à supprimer l’article 19 bis.
Cet amendement est important mais on en a déjà tant parlé qu’il n’est pas besoin, je pense, d’y revenir dans le détail. Par cet amendement, nous voulons exprimer notre désaccord avec votre choix de changer la règle et l’exception à la règle. Aujourd’hui, la règle, c’est le placement en rétention. J’anticipe immédiatement ce que vous allez dire, à savoir que c’est nous qui avons institué l’assignation à résidence.
Tout cela, on le sait et on ne va pas revenir dessus. Vous faites le choix de faire de l’assignation à résidence la règle et de la rétention l’exception. Nous ne sommes pas d’accord, nous nous en sommes expliqués à de multiples reprises. L’objet de l’amendement no 102 est donc de supprimer l’article 19 bis.
Monsieur Geoffroy, je me félicite que vous fassiez les questions et les réponses ! J’indiquerai simplement que la rétention continue à exister même si l’assignation à résidence devient le principe, évolution notable à laquelle nous tenons fortement.
La rétention n’est pas une peine. Il n’y a pas toujours lieu de priver de liberté un étranger alors que la seule restriction de liberté pourrait permettre son éloignement. Avis évidemment défavorable de la commission.
Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur le nid à contentieux que cela va créer. Vous avez en effet décidé par les amendements précédents de faire intervenir le juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures sur le plein contentieux, si j’ose dire, de la rétention, c’est-à-dire non seulement sur les conditions de l’interpellation, mais aussi sur la mesure elle-même, c’est-à-dire la décision administrative de placement. C’est donc le juge des libertés et de la détention qui, de manière prétorienne, va définir les conditions, les critères au vu desquels il estimera, lui, juge de première instance, sans aucune indication du législateur, ce que signifie la priorité donnée à l’assignation sur la rétention. Il est sûr que vous allez nourrir de très nombreux commentaires sur le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – CESEDA –, ainsi qu’une jurisprudence très créative des divers juges des libertés et de la détention. Je le dis avec beaucoup de sérieux et un peu de tristesse : je souhaite beaucoup de courage aux agents de préfecture placés sous votre autorité pour faire face aux difficultés administratives incommensurables que cette réforme funeste va malheureusement créer.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, vous faites comme si vous ignoriez la jurisprudence de la Cour de cassation. Je veux tout de même rappeler que le principe de la priorité donnée à l’assignation à résidence est une exigence juridique qui résulte de la transposition de la directive « Retour ». Ce n’est pas une invention, un caprice du Gouvernement ou de la majorité : c’est une exigence posée par la transposition de la directive « Retour », qui a été parfaitement intégrée par les juridictions nationales, puisque la Cour de cassation a relevé, dans un arrêt du 24 octobre 2012, que l’assignation à résidence ne peut jamais revêtir un caractère exceptionnel. Par conséquent, l’amendement de la commission des lois clarifie le texte pour le mettre en accord avec les principes qui s’imposent à lui. Vous présentez ce qui n’est rien d’autre qu’une mise en conformité avec la directive, à la jurisprudence de la Cour de cassation, comme une espèce de lubie gouvernementale, comme un caprice qui viendrait de je ne sais où. Ce n’est pas le cas : nous mettons en place un dispositif conforme au droit.
Le législateur n’est jamais tenu par la jurisprudence de la Cour de cassation. Autrement, nous serions une juridiction qui lui serait subordonnée. Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne, à ma connaissance, n’a jamais condamné la France pour manquement à raison de la transposition faite en 2011 de la directive de 2008.
L’amendement no 102 n’est pas adopté.
L’article 19 bis est adopté.
L’article 20 est adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 105 .
L’amendement no 105 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 21 est adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 378 .
L’amendement no 378 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 249 .
La rédaction de l’article 22 continue de m’inquiéter. En effet, je ne suis pas véritablement rassurée par les garanties apportées dans le cadre de la procédure d’interpellation au domicile des étrangers. Je crains que le contrôle du juge des libertés et de la détention ne se limite à une simple validation de la demande du préfet, dans la mesure où la personne ne pourra pas présenter ses observations contradictoires et où la possibilité d’appel qui est instituée n’est pas suspensive. Par ailleurs, on sait que les personnes concernées sont le plus souvent hébergées chez des tiers ou dans des centres d’hébergement. Ces tiers n’auraient pas non plus la possibilité de s’opposer, notamment auprès du juge des libertés et de la détention, à l’intrusion de la police chez eux. Aussi, dans la mesure où la procédure ne me semble pas mettre en place une véritable procédure contradictoire, j’ai déposé cet amendement tendant à supprimer les alinéas 12 à 16.
Madame Carrey-Conte, la commission n’a pas considéré que l’inviolabilité du domicile doive être absolue dans le cadre d’une assignation à résidence. Du reste, les droits de l’étranger nous semblent respectés, dans la mesure où l’administration n’intervient pas sans l’autorisation du juge. J’ai acquis, pour ma part, la conviction que la seule façon de permettre à l’administration d’assigner à résidence plutôt que de placer en rétention est de rendre l’assignation à résidence opérante. Aujourd’hui, manifestement, elle ne l’est pas : il est extrêmement difficile d’éloigner des étrangers qui n’ont pas vocation, par définition, à rester sur notre territoire, lorsqu’ils sont assignés à résidence et ne mettent aucune bonne volonté à effectuer les démarches administratives préalables à leur éloignement, notamment la demande du laissez-passer auprès du consulat de leur pays d’origine. Effectivement, cela peut paraître intrusif – je ne vais pas reprendre ce que vous avez dit – mais je suis néanmoins convaincu que si nous n’encadrons pas davantage les démarches auxquelles doivent se soumettre les assignés à résidence pour pouvoir être éloignés, les préfectures ne recourront pas davantage demain à l’assignation à résidence. De mémoire, je crois qu’il y a aujourd’hui douze fois plus de rétentions administratives que d’assignations à résidence. Nous voulons inverser la proportion. Avis défavorable à votre amendement.
L’amendement no 249 n’est pas adopté.
L’article 22, amendé, est adopté.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 64 , portant article additionnel après l’article 22.
L’amendement no 64 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 242 .
Il s’agit d’un amendement de coordination avec un autre qui n’a pas été adopté. Il n’a donc plus d’objet par définition. L’avis est défavorable.
L’amendement no 242 n’est pas adopté.
L’article 23 est adopté.
L’article L 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit la possibilité du relevé et de la mémorisation des empreintes digitales ainsi que d’une photographie des ressortissants de pays tiers qui sollicitent un titre de séjour ou dont l’irrégularité au séjour est constatée. Il s’agit de permettre la sanction du refus de se conformer à cette opération.
J’aimerais dire quelques mots sur la méthode. Dans un entretien extrêmement intéressant donné à un grand quotidien du soir, le président Bartolone regrette la pratique gouvernementale de multiplication des articles additionnels sans examen réel par les commissions ni étude d’impact. Je veux souligner que ce texte ne fait malheureusement pas exception à cette règle. La manière dont la loi a été préparée par le Gouvernement durant les dernières sessions, notamment au cours de cette session extraordinaire, est tout de même regrettable, d’autant plus que le recours à la procédure accélérée est de plus en plus fréquent.
L’amendement no 397 est adopté.
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 56 , tendant à supprimer l’article 24.
L’article 24 introduit des dérogations au droit commun en Martinique. Il permet en effet de procéder à la visite sommaire de véhicules circulant sur la voie publique et, dans certaines zones, de procéder à des contrôles d’identité sans réquisition du procureur de la République.
La Martinique est pourtant une région peu concernée par l’immigration. Les étrangers en situation irrégulière représentent seulement 1,4 % de la population locale. Le Gouvernement justifie cet article par la nécessité d’harmoniser la situation avec d’autres départements français de l’Atlantique, ce qui nous paraît très curieux. Il serait plus juste de procéder à une harmonisation avec la loi commune. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Monsieur Coronado, je suis désolé de ne donner un avis favorable que sur les amendements que vous ne défendez pas.
Sourires.
L’avis de la commission est ici défavorable : il n’y a pas lieu de supprimer l’article 24, dans la mesure où l’extension à la Martinique de tels moyens de contrôle est cohérente avec le projet de déployer localement des radars pour améliorer la surveillance des approches maritimes, notamment pour lutter contre les trafics illicites, en particulier le narcotrafic.
L’article 24 permet également l’harmonisation des dispositifs de contrôle dans l’ensemble des départements et des collectivités françaises d’Amérique, ce qui permettra de lutter plus efficacement contre les entrées irrégulières de ressortissants étrangers sur le territoire français.
L’amendement no 56 n’est pas adopté.
L’article 24 est adopté.
L’article 25 contient des dispositions pour le moins problématiques, voire polémiques. Il crée pour les préfets un droit de communication d’informations privées de la part d’une longue liste d’administrations ou d’entreprises publiques, à l’exception de celles qui sont couvertes par le secret médical.
Une partie de ces dispositions est attentatoire aux libertés individuelles et à la protection des données personnelles. Cela inquiète fortement les associations et la Commission nationale consultative des droits de l’homme – la CNCDH – qui, dans son avis sur le présent texte, y voit « une atteinte disproportionnée aux droits garantis à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’autant que l’article 25 du projet de loi n’organise aucune procédure contradictoire.
Il est d’ailleurs regrettable que l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – la CNIL – sur cet article n’ait pas été publié et que l’étude d’impact soit lacunaire à son sujet, les moyens de lutte contre la fraude étant déjà très importants et, à mon sens, suffisants. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 250 .
Pour compléter les propos de mon collègue Sergio Coronado, l’article 25, dont nous avons beaucoup débattu en commission, obéit à une logique d’intrusion dans la vie privée et professionnelle qui me semble encore une fois incompatible avec la protection de la vie privée et la législation relative à l’informatique et aux libertés.
Cette mesure comporte le risque d’une intrusion excessive dans la vie privée des étrangers pouvant prétendre à un droit de séjour et l’ensemble des données personnelles susceptibles d’être demandées aux différentes autorités administratives, aux entreprises, aux établissements scolaires dépassent largement les besoins de contrôle de la sincérité et de l’exactitude des déclarations faites par les étrangers.
Pour toutes ces raisons, l’amendement vise donc à supprimer l’article.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 304 .
L’article 25 organise un droit de communication extrêmement large au bénéfice de l’administration.
Les occurrences permettant d’y recourir sont tout d’abord nombreuses, puisqu’une demande peut être formulée dans le cadre de l’instruction d’une première demande de titre, d’une demande de renouvellement de titre ou dans le cadre des contrôles prévus à l’article L 313-5-1 du CESEDA. Cela signifie que le droit de communication pourra presque toujours être exercé.
Ensuite, ce droit en lui-même est extrêmement large.
Je voudrais confronter cette analyse à deux exigences qui me paraissent supérieures à la loi. La première est celle du droit international, au travers de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La jurisprudence sur cet article peut être résumée comme suit : il faut rétablir un juste équilibre entre les intérêts publics et privés – je ne nie pas l’intérêt public, qui s’attache à détecter la fraude – ou entre les intérêts en jeu et la gravité de l’ingérence. Or, cet équilibre n’est pas respecté : il est demandé de la part de l’étranger une transparence tout le temps et sur tout.
Cette jurisprudence doit être rapprochée de celle du Conseil constitutionnel sur l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En particulier, le concept de liberté, tel qu’il est interprété depuis une décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1995, les droits naturels et imprescriptibles sont à l’évidence, même si je ne suis pas jus naturaliste, au coeur de la défense des droits de l’homme qui caractérise notre pays. La jurisprudence affirme notamment depuis une décision du 22 mars 2012 qu’il doit y avoir un motif d’intérêt général – il y est, je ne le conteste pas – mis en oeuvre de manière adéquate – sur ce point, aucune garantie n’est fixée – et proportionnée – or il n’y a aucune proportionnalité. Je me pose donc très clairement la question de la constitutionnalité de l’article 25.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas envisager de voter cet article.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements de suppression ?
L’article 25 du projet de loi ouvre la possibilité pour l’autorité administrative d’obtenir, de la part des autorités publiques et de certaines personnes privées précisément énumérées par la loi, toute information strictement nécessaire, sous réserve du secret médical, pour procéder au contrôle du respect par l’étranger des conditions fixées pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle dont il est titulaire.
Le principe du contrôle a posteriori par les services de la préfecture sur toute la durée du titre, dont nous avons déjà parlé à l’article 8, s’impose du fait de la création du titre pluriannuel, dont la durée de validité peut aller jusqu’à quatre ans. Durant ces années, l’étranger doit toujours répondre, évidemment, aux exigences qui ont été posées au moment de la délivrance du titre ; c’est le sens de l’article 8.
Cette question a beaucoup été débattue durant les travaux préparatoires de ce texte. J’ai partagé les inquiétudes que vous avez exprimées mais, du fait de la modification qui a été opérée en commission, je ne les partage plus, car l’adoption d’un amendement que j’avais déposé a introduit une nouvelle rédaction, que je souhaiterais présenter de manière exhaustive.
Nous avons fait le choix de ne pas supprimer le droit de communication, notamment parce qu’il existe déjà pour d’autres administrations – les administrations fiscale et douanière, par exemple –, et avons réécrit complètement l’article 25.
Cette nouvelle rédaction précise tout d’abord les situations dans lesquelles l’administration peut avoir recours au droit de communication. Celles-ci sont limitées à l’instruction d’une première demande de titre de séjour, à une demande de renouvellement du titre ou au contrôle du maintien du droit au séjour. Il est ainsi explicitement exclu tout recours au droit de communication pour un motif autre que le droit au séjour de l’étranger concerné.
L’article 25 ainsi réécrit affirme ensuite le caractère ponctuel de ce recours au droit de communication, excluant ainsi un usage massif non lié à une situation individuelle.
Il limite les organismes susceptibles d’être interrogés au strict nécessaire pour l’obtention des informations pertinentes en vue de la vérification des critères d’attribution du droit du séjour. Nous y reviendrons à l’occasion de l’examen d’amendements qui viendront en discussion ensuite.
Il supprime la possibilité d’accéder directement aux informations détenues par les organismes listés.
Il définit également une durée de conservation des données personnelles contenues dans les informations et documents transmis, cette durée ne pouvant excéder la durée cumulée du titre de séjour dont l’étranger est titulaire et, le cas échéant, de la procédure de renouvellement dudit titre. Nous y reviendrons également, le Gouvernement souhaitant amender cette partie de l’article.
Cette nouvelle rédaction prévoit aussi la possibilité, sur la demande de l’étranger, de rectifier, de compléter, de mettre à jour ou d’effacer les données à caractère personnel le concernant si ces données sont inexactes, incomplètes, périmées ou si leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation n’est pas compatible avec les finalités assignées par le législateur au droit de communication, des dispositions qui n’étaient pas prévues dans le projet de loi initial.
Enfin, la commission a souhaité renvoyer à un décret en Conseil d’État pris après avis de la CNIL le soin de déterminer les modalités d’application du droit de communication, notamment de définir précisément et de manière différenciée pour chaque administration, organisme, établissement ou entreprise concernés, la nature des informations et des documents susceptibles d’être communiqués à l’autorité administrative.
Avec un tel encadrement des services des préfectures, dont je dois dire que le
s intentions, quand je les ai rencontrés, n’ont jamais dépassé les limites que la commission a voulu poser à leur capacité de communication, nous arrivons à un équilibre entre vos préoccupations, qui sont aussi les miennes, de ne pas voir l’administration s’immiscer de façon excessive, disproportionnée, avez-vous dit, monsieur Robiliard, dans la vie privée des étrangers, et le souhait légitime, nécessaire, que nous avons entériné à l’article 8, d’un contrôle a posteriori sur la réalité de la situation des étrangers au regard du titre qu’ils ont reçus, qu’ils détiennent, et qui leur permet de rester sur notre territoire.
Je demande donc aux auteurs des amendements de suppression de bien vouloir les retirer. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Le rapporteur a été très complet ; je souhaiterais donc simplement faire quelques remarques complémentaires.
Tout d’abord, nous mettons en place le titre pluriannuel de séjour, de façon que l’étranger ne soit plus obligé de se présenter en préfecture à l’issue de la première année et tous les ans pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour jusqu’à l’obtention de la carte de résident.
Je rappelle que la carte de résident est maintenue et que le titre pluriannuel de séjour ne s’y substitue pas.
En contrepartie du fait que nous simplifions considérablement les démarches de l’étranger pour l’obtention de son titre de séjour, il est normal que nous puissions nous doter des moyens nous permettant de vérifier la conformité des informations communiquées à la réalité de sa situation. En effet, il existe des cas de fraude, notamment documentaire.
Bien entendu, les éléments communiqués doivent uniquement permettre de vérifier cette conformité, sans aller au-delà. Le dispositif prévu par la commission donne des garanties suffisantes quant à l’adéquation entre les moyens mobilisés et l’objectif recherché. Je le répète : le dispositif conçu par le Gouvernement, proposé au Parlement et intelligemment modifié par la commission, garantit parfaitement le respect de la proportionnalité. Comme l’a dit le rapporteur, cette affaire est parfaitement maîtrisée et encadrée. L’intervention de la CNIL, qui donne un avis sur la nature des informations communiquées, constitue d’ailleurs une garantie supplémentaire.
Je voudrais aller au-delà, en me plaçant d’un point de vue différent de celui de l’administration. Parfois, en effet, lorsque l’administration, notamment la mienne, propose des dispositifs de progrès, qui reposent sur la communication d’éléments d’information, on la soupçonne d’arrière-pensées mauvaises – peut-être à cause de quelques images d’Épinal associées au ministère de l’intérieur dans l’esprit de certaines personnes. Ce n’est absolument pas le cas, et je souhaite terminer mon intervention en le prouvant.
Pour obtenir un titre de séjour, un étranger doit accomplir certaines démarches et apporter un certain nombre d’éléments à l’administration préfectorale, qui peut demander des vérifications, parfois à plusieurs reprises. Ces démarches constantes des étrangers auprès des services administratifs de l’État pour témoigner de leur bonne foi sont bien entendu nécessaires dans le cadre de procédures contrôlées, mais sont vécues par les étrangers comme une contrainte insupportable et par l’administration comme un facteur de complexité considérable.
En mettant en place ce nouveau dispositif très encadré, nous dispensons l’étranger d’avoir à accomplir ces formalités et ces démarches lui-même, puisque c’est l’administration qui s’en chargera en communiquant directement les documents à la préfecture, en vue du seul établissement du titre de séjour. Ce sera tout de même très confortable pour les étrangers : beaucoup d’entre eux en seront satisfaits ! En même temps, cela simplifiera considérablement le fonctionnement de l’administration, ce qui est aussi plutôt opportun.
Avis défavorable.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 148 .
L’amendement no 148 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 267 .
Il s’agit d’un amendement de repli. Je conçois que l’administration doive avoir accès à certaines informations en cas de suspicion de fraude : je me suis donc efforcé de rédiger l’article 25 d’une façon qui me paraissait compatible avec la jurisprudence tant de la Cour européenne des droits de l’homme que du Conseil constitutionnel. J’ai soumis l’application de ces dispositions à deux conditions : d’une part, la suspicion de fraude, afin de limiter les cas dans lesquels l’administration peut demander une communication des informations ; d’autre part, le recours au juge, dans la mesure où l’administration va obtenir des renseignements relatifs à l’étranger sans que ce dernier en soit informé.
Défavorable. Le juge des libertés et de la détention n’a pas pour vocation d’intervenir en matière administrative, en particulier dans le cadre de ces procédures de communication de documents. Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège chargé, entre autres, de statuer sur la mise en détention provisoire d’une personne mise en examen et sur les éventuelles demandes de mise en liberté. C’est le juge des libertés ! En tout cas, son rôle n’est pas de contrôler ces procédures de communication de documents.
Monsieur le rapporteur, vous avez une interprétation restrictive du rôle du juge des libertés et de la détention. Pourtant, c’est lui qui autorise les perquisitions fiscales. Dans ce cadre, c’est l’administration qui lui adresse une demande, et il autorise l’atteinte portée au domicile de la personne perquisitionnée – il agit donc bien pour protéger les libertés. La procédure mise en place par l’article 25 concerne les libertés individuelles : il me semble donc que le juge des libertés y a pleinement sa place, et qu’il nous revient de la déterminer.
L’amendement no 267 n’est pas adopté.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 268 .
Il s’agit du même débat. Cet amendement ne prévoit plus le recours au juge mais se borne à ajouter la condition relative à la suspicion de fraude. En d’autres termes, la communication de documents ne pourrait pas être demandée dans toutes les situations pour tous les étrangers, mais uniquement en cas de suspicion de fraude.
L’amendement no 268 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 11, qui prévoit la communication de documents de la part des établissements de santé. Cette possibilité présente un risque important d’atteinte au secret médical. Il s’agit donc également d’un amendement de repli par rapport aux exigences de suppression que nous avions, avec certains de mes collègues, mais qui ont été rejetées.
L’article 25 est très clair en matière de protection du secret médical. En l’occurrence, la possibilité accordée aux préfectures de réclamer des documents aux établissements de santé ne vise que des documents permettant d’authentifier ceux qui sont éventuellement délivrés dans le cadre de dossiers concernant des étrangers malades – la plupart de ces documents sont certes couverts par le secret médical, mais ce ne sont pas ceux-là qui sont visés –, mais également de justifier la fréquentation d’un établissement de soins – dans ce cas, le secret médical ne s’applique pas. Avis défavorable.
L’amendement no 57 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à prolonger la durée de conservation des données recueillies dans le cadre du droit de communication conféré au préfet dans le cadre de sa mission de délivrance des titres de séjour. Ainsi, l’administration sera beaucoup plus efficace dans l’exercice de ses prérogatives de contrôle et de lutte contre la fraude.
L’amendement no 224 est adopté.
L’article 25, amendé, est adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 165 portant article additionnel après l’article 25.
Le groupe Les Républicains souhaite ouvrir ou rouvrir le débat sur les statistiques de la diversité,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
communément appelées « statistiques ethniques ».
Sur ce sujet très délicat, nous croyons profondément qu’il faut regarder la réalité en face, qu’il faut regarder la France telle qu’elle est. Si l’on veut réussir l’intégration, si l’on veut lutter contre les discriminations, il faut connaître la réalité.
Pour progresser dans le débat, nous proposons d’adopter un dispositif qui mériterait d’être amélioré lors de la navette. Nous vous suggérons d’adopter in extenso, sans y changer un mot, le dispositif d’une proposition de loi extrêmement intéressante déposée en 2008 et cosignée, notamment, par les députés de l’époque François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve – vous, monsieur le ministre –, Christiane Taubira et George Pau-Langevin. Cette proposition de loi intéressante n’avait pas fait l’objet de débats extrêmement approfondis dans cet hémicycle, puisqu’une motion de renvoi en commission avait malheureusement été adoptée, mettant fin à tout débat avant qu’il ne soit réellement engagé.
Ce dispositif que vous suggériez, monsieur le ministre, avec le Président Hollande, le Premier ministre Manuel Valls et la garde des sceaux Mme Taubira, modifierait la loi de 1978 pour permettre la réalisation d’études statistiques ayant pour finalité la lutte contre les discriminations et pour modus operandi un système auto-déclaratif facultatif. Bien évidemment, il ne s’agit en rien de je ne sais quel référentiel ethno-racial parfois évoqué dans le débat public, mais bien d’un système d’auto-déclaration facultatif permettant la réalisation d’études statistiques, en vue de lutter contre les discriminations et d’assurer la réussite de l’intégration.
En termes de procédure, la création des fichiers serait soumise à un régime d’autorisation par la CNIL, et non à un simple régime de déclaration.
Il s’agit donc d’un dispositif très bordé, que vous avez proposé en 2008. Sept ans plus tard, il nous paraîtrait tout à fait intéressant de faire un premier pas dans cette direction, dès aujourd’hui, en adoptant cet amendement. La rédaction de cet article additionnel pourrait être améliorée au cours de la navette, mais peut-être pourrions-nous commencer, mes chers collègues, à faire un bout de chemin ensemble vers une meilleure connaissance de la réalité.
Monsieur Larrivé, vous avez raison d’engager ce débat, mais vous avez tort de le faire ici et maintenant.
Il s’agit manifestement d’un cavalier. Nous ne discutons pas d’un texte dans lequel peuvent s’insérer des dispositions relatives aux statistiques ethniques pour lutter contre les discriminations.
Non, monsieur Larrivé, ce projet de loi concerne les étrangers. Or les statistiques ethniques concernent non seulement les étrangers, mais aussi les personnes de nationalité française, de deuxième ou de troisième génération.
Vous comprendrez donc que ce sujet, qui ne peut être réduit à la seule question du séjour des étrangers, doit faire l’objet d’un débat serein, comme vous le dites vous-même, et peut-être même d’une proposition ou d’un projet de loi ad hoc. Avis défavorable.
Je sais que nos débats durent et que nous devons encore examiner un autre texte, mais je veux faire une proposition très honnête à notre rapporteur. Qu’il reste une petite heure après la fin de la discussion de ce projet de loi : il aura alors l’occasion de participer à la lecture définitive d’un projet de loi du Gouvernement comportant pas moins de vingt-quatre cavaliers législatifs. C’est donc le Gouvernement qui montre l’exemple : le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que nous allons examiner en lecture définitive dans deux ou trois heures, illustrera très bien un phénomène que vous refusez avec une belle constance pour notre amendement. Ce dernier est d’ailleurs nourri aux meilleures sources possibles, puisque les personnes qui en sont à l’origine occupent actuellement les plus hautes fonctions de notre République.
Sur la forme, je veux que chacun entende bien ce qu’a dit le rapporteur : selon lui, ce texte ne doit concerner que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
C’est une déclaration intéressante, dont nous pourrons constater l’actualité dans quelques instants.
Sur le fond, monsieur le ministre, il est vraiment regrettable que la majorité considère aujourd’hui, pour des raisons de pure politique, qu’il n’est pas opportun d’adopter un texte cosigné en son temps par François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Christiane Taubira et George Pau-Langevin. Pourquoi considérez-vous que ce texte doit être rejeté aujourd’hui ? Parce qu’il est proposé par le groupe Les Républicains. Voilà la vérité : vous adoptez une posture partisane et politicienne.
Car sur le fond, comment expliquerez-vous, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, que le sujet des statistiques de la diversité n’a aucun rapport avec les questions d’immigration et d’intégration dont nous débattons depuis lundi ? Comment justifierez-vous, ici et face à l’opinion publique, que les statistiques de la diversité n’ont aucun lien avec la politique d’accès à l’emploi des personnes immigrées ?
Comment expliquerez-vous que le sujet des statistiques de la diversité est totalement étranger – c’est le cas de le dire ! – au droit des étrangers et des personnes immigrées ? La vérité est que vous êtes d’une singulière mauvaise foi et que la main tendue qui était la nôtre…
J’aurais pu être assez d’accord, pour ne pas dire totalement d’accord avec la première intervention de mon collègue Larrivé portant sur la nécessité de poser calmement le débat sur l’utilité de statistiques pour lutter contre les discriminations car elles permettent d’avoir une vision claire des mécanismes d’exclusion qui sont à l’oeuvre dans notre pays.
Il y a non seulement eu une proposition de loi sur le sujet, cosignée en son temps par d’éminents membres de l’actuel gouvernement, mais aussi, récemment, un rapport sénatorial cosigné par la sénatrice Esther Benbassa et un sénateur du groupe Les Républicains, qui faisait de cette question un des leviers de la lutte contre les discriminations.
En revanche, lorsque vous utilisez cette question qui divise toutes les familles politiques – y compris la majorité – car force est de constater que ce point n’a pas été tranché même dans votre famille politique…
… lorsque vous voulez réduire la question des statistiques ethniques et l’associer uniquement à celle du séjour et de l’entrée des étrangers en France, vous avez grand tort.
L’utilisation permanente de la question de l’immigration sous forme ethnique, comme vous venez de le faire dans votre seconde intervention, ne sert pas votre propos. Alors que votre approche était plutôt intéressante, et qu’il est des chiffres et un argumentaire que l’on peut entendre, je regrette que vous n’ayez pas résisté à la tentation politicienne, très polémique, qui a d’ailleurs été la vôtre en permanence depuis le début de ce débat. Hélas, une telle position ne sert pas le débat.
L’amendement de notre collègue est un cavalier législatif, assez pernicieux par sa référence à une proposition loi de 2008 que l’ex-UMP a refusé de voter à l’époque, dans un contexte tout à fait différent.
Aujourd’hui, vous détournez et instrumentalisez ce texte pour essayer d’en introduire certains articles dans le projet de loi relatif au droit des étrangers alors que cela n’a rien à voir. Vous enrobez cela dans un bel emballage et parlez même de « main tendue ».
Pour ma part, je lis avec attention vos amendements, je vous écoute et je vous ai donc entendu, monsieur Larrivé, évoquer des différences de traitement entre nationalités. Alors que vous vous appelez Les Républicains, vous ne pratiquez pas l’égalité ! Pour vous, il y a des nationalités qui mériteraient un certain traitement en matière de droit des étrangers et d’autres, peut-être originaires du sud de la Méditerranée, qui en mériteraient un autre.
C’est ce que vous avez dit il y a quelques minutes, monsieur Larrivé. Les enregistrements feront foi. Vos mains sont très fermées en matière de droit des étrangers, monsieur Larrivé.
Ensuite, s’agissant du texte relatif à l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, j’invite nos collègues à le lire. Il s’agit d’un texte de transposition de directives européennes et d’accords-cadres que vous n’avez pas intégrés dans notre droit pénal ni notre procédure pénale alors que vous auriez dû le faire depuis 2008, 2009 et 2011. Ce texte qui revient tout à l’heure en lecture définitive dans l’hémicycle concerne la procédure pénale et rien d’autre, contrairement à ce que vient d’affirmer M. Geoffroy. Comparaison n’est pas raison.
Vingt-quatre cavaliers législatifs ! Le Gouvernement lui-même l’a reconnu.
Il s’agit de deux textes différents et le second concerne exclusivement la procédure pénale.
Si je n’avais pas entendu certains propos, j’aurais pu souscrire à la main tendue de M. Larrivé et saisir la balle au bond. Pourquoi pas ? La question que vous posez, mon cher collègue, est en effet d’importance et n’est tranchée par personne. Mais l’introduire au détour d’un texte relatif au droit des étrangers, qui plus est en fin de débat, n’est pas de bonne méthode.
La bonne méthode eût été d’en parler au moment de la discussion de la proposition de loi de notre collègue Razzy Hammadi visant à instaurer une action de groupe en matière de discriminations. Nous aurions pu avoir alors un débat de qualité. Mais, là, avec quelque mauvaise foi – laissez-moi reprendre votre argument – un 23 juillet…
…à dix-sept heures trente, cela n’est pas le moment opportun. Soit vous êtes de bonne foi et on aura calmement le débat parce que la question n’est tranchée sur aucun des bancs.
Elle a été tranchée par François Hollande, Manuel Valls, Christiane Taubira !
Soit vous tentez un coup supplémentaire et dans ce cas, le groupe socialiste repoussera votre amendement.
Je ne vais pas m’étendre longuement sur ce débat, mais je veux apporter quelques éléments de réponse à M. Larrivé.
Je reprends votre raisonnement : un bon texte préparé dans un contexte particulier par des personnalités honorables – dont vous avez cité le nom – peut, dans un autre contexte, arriver comme un jaune d’oeuf sur une toile cirée,
Sourires
présenté par des personnalités certes honorables mais non dépourvues d’arrière-pensées, à l’occasion d’un texte qui n’a rien à voir avec le sujet.
Dès lors que ce très bon texte élaboré dans un contexte particulier par des personnalités honorables n’est pas accepté parce qu’il est présenté par des personnalités non dépourvues d’arrière-pensées sur un texte qui n’a rien à voir avec son contenu, là, nous serions de mauvaise foi ! Et nous ne voudrions pas prendre la main que vous nous tendez, monsieur Larrivé !
Sourires.
Pardonnez-moi, mais pour reprendre une expression de Michel Audiard, votre main tendue ressemble à un « bourre-pif ».
Rires sur tous les bancs.
Un bourre-pif qui n’a pas l’élégance du propos que vous avez tenu !
On peut être aimable, je le suis volontiers. On peut faire en sorte de vous faire plaisir lorsque c’est possible parce qu’il n’est pas interdit de faire plaisir à l’opposition lorsqu’elle présente de bons textes que nous avons nous-mêmes inspirés. Mais nous ne sommes pas totalement naïfs non plus.
Je ne pense pas, monsieur le ministre, qu’il s’agisse d’un bourre-pif. Mais ce que je constate, c’est que votre nez s’allonge.
Sourires.
La proposition de loi qui était la vôtre, cosignée en effet par des personnalités éminentes de l’opposition de l’époque, cette proposition de loi merveilleuse perd tout attrait, tout intérêt dès lors que c’est le groupe Les Républicains qui, sept années après, la reprend.
L’amendement no 165 n’est pas adopté.
Les articles 26 et 27 sont successivement adoptés.
Monsieur Larrivé, il n’y a pas de nez qui s’allonge. Le seul nez qui s’est allongé ce matin est celui de M. Geoffroy…
…lorsqu’il a dit avoir voté en faveur du texte relatif à l’asile…
…alors qu’il a voté contre. C’est un petit mensonge, monsieur Geoffroy.
J’en viens à l’amendement no 398 . Il vise à compléter l’article 28 relatif aux cas de méconnaissance de leurs obligations par les transporteurs en prévoyant une amende d’un montant maximal de 30 000 euros pour les entreprises de transport aérien ou maritime qui ne respecteraient pas leurs obligations de prise en charge du réacheminement et les frais de séjour des ressortissants de pays tiers qui ne sont pas admis sur le territoire français.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir le sous-amendement no 429 .
Il s’agit de préciser le texte du Gouvernement en indiquant que lorsque l’étranger est admis sur le territoire français au titre d’une demande d’asile qui n’est manifestement pas infondée, l’amende ne peut pas être due. C’est un raisonnement par homothétie avec l’article L. 625-5 pour les débarquements d’étrangers dépourvus de documents de voyage et, le cas échéant, de visa.
Quand ils sont admis au titre d’une demande d’asile qui n’est manifestement pas infondée, l’amende, laquelle n’est que de 5 000 euros, n’est pas prononcée.
Le sous-amendement no 429 est adopté.
L’amendement no 398 , sous-amendé, est adopté.
L’article 28, amendé, est adopté.
Le présent amendement vise à insérer dans le code pénal une infraction spécifique permettant de sanctionner tout usage frauduleux d’un document appartenant à un tiers, avec ou sans le consentement de celui-ci, aux fins d’entrer ou de se maintenir sur le territoire de l’espace Schengen ou d’obtenir un titre, une qualité, un statut ou un avantage. Le titulaire légitime du document d’identité ou de voisinage serait passible de la même peine s’il a sciemment facilité la commission de l’infraction.
L’amendement no 399 est adopté.
L’article 28 bis est adopté.
Article 28
La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement no 58 , tendant à supprimer l’article 28 ter.
Cet article, issu de l’adoption d’un amendement en commission, restreint l’office du juge des libertés et de la détention en ce qui concerne le maintien en zone d’attente. Présenté par M. le rapporteur comme un alignement avec les dispositions existantes pour la rétention, cela ne semble cependant pas être tout à fait le cas.
En effet, il ne vise pas simplement à limiter le rejet pour des motifs formels aux cas qui ont eu une conséquence concrète sur les droits des étrangers, mais de réduire l’office du juge des libertés et de la détention aux simples questions procédurales. L’article L. 552-13 du CESEDA précise que seules les erreurs procédurales qui ont eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger peuvent entraîner la mainlevée de la rétention.
L’article 28 ter empêchera le juge de statuer sur le fond du dossier, notamment sur les garanties de représentation. Il précise en effet que le juge des libertés et de la détention ne statue que sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, si bien qu’il ne pourra donc plus statuer sur les garanties de représentation.
Actuellement, le juge des libertés et de la détention peut refuser de prolonger le maintien en zone d’attente si l’intéressé présente des garanties de représentation suffisantes – par exemple un billet de retour, une réservation hôtelière, une somme d’argent en espèces ou simplement de la famille en France.
L’article 28 ter ne fait donc pas qu’aligner les dispositions sur celles relatives à la rétention. Pour ces raisons, nous proposons de le supprimer.
L’article 28 ter est issu d’un amendement du Gouvernement adopté en commission qui vise à préciser à l’article L. 222-1 du CESEDA l’office du juge des libertés et de la détention en ce qui concerne le maintien en zone d’attente par analogie aux dispositions relatives à la prolongation de la rétention administrative.
En l’état actuel, l’article L. 222-1 dispose que « le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours. »
L’article 28 ter précise que dans le cadre de son office, le juge des libertés et de la détention statue sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger sur le modèle des dispositions applicables en cas de placement en rétention. Il n’y a aucune volonté cachée de restreindre l’office du juge. Il s’agit bien au contraire d’éviter que sous son contrôle, le maintien en zone d’attente ait pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.
L’avis de la commission est défavorable.
L’amendement no 58 n’est pas adopté.
L’article 28 ter est adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 381 .
Cet amendement, important, concerne les mineurs placés en zone d’attente pour les faire bénéficier, par principe, du jour franc. C’est une avancée dont chacun se réjouira.
La commission a évidemment donné un avis favorable à l’amendement que j’ai proposé.
Je suis à la fois d’accord et pas d’accord avec l’amendement du rapporteur, qui aurait pu faire l’objet d’une discussion commune avec mon amendement no 290 . En effet, les mineurs non accompagnés ne devraient pas faire l’objet d’un placement en zone d’attente, car ce sont des personnes d’une particulière vulnérabilité qui, comme telles, doivent se voir désigner un administrateur ad hoc et, s’il y a lieu, leur demande d’asile doit faire l’objet d’un examen sans maintien en zone d’attente. Cet amendement no 381 est incompatible avec l’amendement no 290 . C’est la raison pour laquelle j’ai demandé la parole dès à présent.
Ces deux amendements pouvaient difficilement être en discussion commune, car ils ne portent pas sur le même article du CESEDA, même s’ils traitent du même sujet.
L’amendement no 381 est adopté.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 290 .
Avis défavorable, en toute logique. Cet amendement présente en outre des défauts de formulation. Il fait ainsi disparaître le dernier alinéa de l’article L. 221-5, qui détermine les conditions requises pour la fonction d’administrateur ad hoc. Il néglige également de préciser, chose importante, ce que l’administrateur ad hoc fait de l’enfant qu’il représente. C’est la raison pour laquelle la commission avait émis un avis défavorable à cet amendement.
L’amendement no 290 n’est pas adopté.
La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement no 293 rectifié .
L’amendement no 293 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 403 rectifié .
Cet amendement vise à adapter les peines applicables en cas de soustraction à la mesure d’éloignement et à prévoir les cas d’évasion des centres de rétention. La loi prévoit des sanctions en cas de soustraction à l’exécution d’une mesure d’éloignement, mais ne distingue pas assez les cas dans lesquels un étranger refuse de coopérer en vue de son éloignement de ceux dans lesquels il tente par tous moyens d’y faire obstacle.
Il s’agit donc, avec cet amendement, d’adapter l’échelle des peines applicables en inscrivant dans la loi la possibilité pour le juge de prononcer des peines aggravées lorsque les faits sont commis avec violence, effraction ou corruption, voire sous la menace d’une arme ou d’une substance explosive, incendiaire ou toxique.
Il importe de préciser que cet amendement est essentiellement rédactionnel, en tout cas pour les trois quarts des modifications proposées. La seule nouveauté est, comme le ministre vient de l’évoquer, la répression de l’évasion d’un centre de rétention, ce qui semble logique et cohérent, et qui n’était pas jusqu’ici prévu dans notre législation. La commission a évidemment émis un avis favorable.
L’amendement no 403 rectifié est adopté.
La parole est à M. Erwann Binet, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 382 .
L’amendement no 382 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 29, amendé, est adopté.
L’article 30 est adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 316 .
Cet amendement a pour objet d’interdire qu’une évaluation de leur âge soit pratiquée sur des mineurs à partir de tests osseux. En effet, les médecins sont là pour soigner, et non pas pour déterminer si un enfant étranger est mineur ou non. En outre, ces tests scientifiques ne sont absolument pas fiables. La France s’honorerait donc de ne plus utiliser ces méthodes d’un autre siècle. Certains pays européens y ont renoncé et je ne désespère pas que nous puissions le faire nous aussi un jour.
Madame Guittet, je vous renvoie à proposition de loi relative à la protection de l’enfance que nous avons examinée, en première lecture, voici très peu de temps. En effet, cette proposition de loi interdit par voie d’amendement, sur proposition de M. Robiliard, le recours aux tests radiologiques de maturité osseuse pour déterminer l’âge des mineurs étrangers. L’exigence d’un faisceau d’indices, avec l’évaluation par une équipe pluridisciplinaire et l’examen des papiers officiels, permettra une évaluation plus rigoureuse et objective.
Vous comprendrez que nous ne pouvons pas inscrire des dispositifs concurrents dans deux textes simultanément en cours de navette. Avis défavorable de la commission, donc.
Je crains que votre information ne soit erronée, monsieur le rapporteur. En effet, ce que prévoit la proposition de loi, c’est un encadrement du recours aux tests osseux, pas leur interdiction.
Il est simplement indiqué qu’en cas de recours aux tests osseux, le rapport doit préciser la marge d’erreur et que le doute doit profiter à l’intéressé. Voilà la règle. Pour le reste, je partage votre avis : on ne peut pas débattre de la même question en même temps dans deux véhicules législatifs parallèlement en cours d’examen au Parlement.
L’amendement no 316 n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 181 .
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 183 , 184 , 185 et 186 , qui ont le même objet. J’en ai du reste déjà présenté l’économie générale à la tribune lundi, en soutenant la motion de rejet préalable au nom du groupe Les Républicains, et ces amendements ont déjà fait l’objet d’une proposition de loi que j’ai déposée devant la commission des lois en octobre 2013.
Ces amendements proposent une évolution forte, substantielle, du droit de la nationalité, qui ferait passer du droit du sol à ce que l’on pourrait appeler le « devoir du sol ». Nous avons la conviction que, pour renforcer la cohésion de notre communauté nationale, il faut donner toute sa force au principe d’assimilation inscrit dans le code civil lors de la refondation de la République, en 1945.
Aujourd’hui, le droit du sol permet aux étrangers nés en France de devenir français même s’ils ne le souhaitent pas, même s’ils sont en situation illégale au regard du droit de séjour, même s’ils ont commis des délits et sont en infraction au regard du code pénal, même s’ils s’enferment dans le communautarisme ou s’ils refusent toute assimilation à la communauté nationale.
Il me semble donc nécessaire d’ouvrir le débat qui permettrait d’évoluer vers un tout autre cadre – celui du « devoir du sol » –, ce qui s’écrirait juridiquement avec les amendements que nous vous proposons, c’est-à-dire avec l’idée que l’étranger né en France continuerait, à la différence de ce qui préside à la procédure de naturalisation, à bénéficier d’une sorte de présomption d’assimilation et qu’il deviendrait français s’il en manifeste de volonté et si l’État ne s’y oppose pas, les causes d’opposition pouvant être l’irrégularité du séjour, la condamnation pour des faits de délinquance ou tout autre motif de non-assimilation. Ce « devoir du sol » s’appliquerait partout en France, en métropole comme en outre-mer, et pour tous les étrangers, Européens comme ressortissants des pays tiers.
Nous avons évidemment un désaccord politique. Vous abordez un sujet que vous avez mis en avant dans l’actualité et exprimez votre souhait de remettre en cause profondément le droit du sol, qui est de tradition dans notre pays.
J’appelle en particulier l’attention de l’Assemblée sur votre amendement no 185 , qui tend à conditionner l’application du droit du sol au fait que l’un des deux parents soit en situation régulière au cours de la période de résidence nécessaire à l’acquisition de la nationalité. Les mots sont importants : ce qu’il faut, selon vous, ce n’est pas une absence de situation irrégulière, mais la présence d’une situation régulière. Imaginons un enfant né en France et dont les deux parents étrangers décèdent : le CESEDA ne prévoyant pas la délivrance de titres de séjour aux personnes décédées, aucun des deux parents n’est en situation régulière et la condition n’est donc pas remplie. C’est tristement amusant. Avis défavorable, donc, sur l’ensemble de ces amendements.
Sur la question du droit du sol et du droit du sang, le débat a été lancé par votre formation politique. Dès lors, il faut l’affronter et chacun doit pouvoir développer ses positions. Je veux donc dire ce que j’en pense.
J’insiste d’abord sur le fait que, pour le Gouvernement, le droit du sol n’est pas négociable et que vouloir le remettre en cause, c’est s’attaquer à ce qui est au coeur de notre nation et de la République, c’est s’attaquer à une certaine idée de la France.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ceux qui se risquent dans ces voies devraient s’inspirer de ceux dont ils se prétendent les héritiers. Dans une très belle formule, le général De Gaulle disait qu’est Français celui qui souhaite que la France continue.
En France, le droit du sol est, en effet, directement lié à la définition de la nation : une nation contractuelle et ouverte, fondée sur l’adhésion à des valeurs et à un projet commun, et non pas seulement sur la longue succession des générations. C’est cette conception ouverte de la nation qui a permis, depuis la fin du XIXe siècle, aux générations successives d’enfants d’immigrés de devenir Français.
L’instrumentalisation du droit du sol à des fins politiques est sans nul doute porteuse de toutes les divisions et elle est, à la fin, un jeu non pas à somme nulle, mais à somme dangereuse.
Je veux ensuite rappeler quelques évidences, quelques vérités. Acquérir la nationalité française par le droit du sol n’est pas un acte anodin. Cela ne se fait pas comme ça, par hasard. Les critères sont stricts, et même plus que chez certains de nos voisins dont la conception du droit du sol n’est pourtant pas très ancienne, comme l’Allemagne.
Il faut donc non seulement être né en France, mais y avoir résidé de manière continue pendant au moins cinq ans. C’est en outre un droit que l’on ne peut exercer qu’à la majorité ou, au plus tôt, à l’âge de treize ans.
Il faut aussi garder à l’esprit que, dans les faits, le droit du sol n’est aujourd’hui qu’une voie très minoritaire d’accès à la nationalité française. En réalité, la conception française de la nationalité fait déjà une place prépondérante au lien de filiation : 750 000 personnes naissent françaises chaque année, en France ou à l’étranger, parce que l’un au moins de leurs parents est français. Dans le même temps, 25 000 personnes seulement obtiennent la nationalité par le droit du sol.
Ces quelques rappels factuels et objectifs des termes de l’équation devraient inciter ceux qui se plaisent à diffuser l’idée selon laquelle notre législation sur le droit du sol aurait un effet attractif et que ce serait là l’un des principaux problèmes de la France à garder sur ces questions davantage de mesure. Tel n’était certes pas le sens de votre propos, mais c’est celui des propos tenus par d’autres, qui ne sont pas nécessairement très présents à nos débats dans cet hémicycle. Je tenais donc à faire cette mise au point et à exprimer très clairement la position du Gouvernement sur ce sujet.
« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre, cette réflexion existe dans notre pays et aboutira peut-être, dans un autre cadre et à un autre moment.
Ce débat sur la nationalité n’est assurément pas une affaire de régulation quantitative de l’immigration – nous sommes d’accord sur ce point. Je crois profondément, en revanche, et c’est une différence entre nous, qu’il est aujourd’hui pleinement républicain de s’interroger sur la force qu’a – ou n’a pas – le principe d’assimilation à la communauté française.
Lorsqu’en vertu des articles du code civil régissant le droit du sol actuel, certaines personnes deviennent françaises alors même que leur comportement et leurs actes, en responsabilité, ne démontrent en rien une adhésion à la communauté nationale, lorsque certaines de ces personnes sont condamnées par la justice de notre pays pour des actes de délinquance récidiviste, lorsque certaines de ces personnes s’enferment dans le communautarisme, la République est fondée à s’interroger sur ce qu’elle a fait de l’application du principe d’assimilation.
Les amendements que nous avons présentés et qui sont, je le comprends, voués au rejet compte tenu de la majorité du moment dans cet hémicycle, ne suppriment pas le droit du sol : ils inversent la charge de la preuve. Ils indiquent à ces personnes nées étrangères en France qu’elles restent présumées assimilées, mais que la République peut s’opposer si elle constate que le contrat entre la République et l’étranger postulant à la nationalité est rompu si son comportement traduit un refus d’assimilation dans la communauté nationale. Nous n’épuiserons certes pas le débat aujourd’hui, mais il n’est pas négligeable car il se trouve au coeur de la conception que nous nous faisons du pacte républicain dans la France de 2015.
On ne peut pas mélanger, sur un sujet aussi important, qui renvoie à des éléments-clés de notre histoire, toutes les notions pour suivre la pente de l’amalgame, de l’approximation et du raccourci, qui est celle de l’époque dans laquelle nous vivons.
Tout d’abord, la question du droit du sol ou de la filiation n’a rien à voir avec l’ambition d’assimilation que porte la République à destination d’un certain nombre…
Non ! En l’état actuel du droit, l’assimilation reste la règle. Je vais d’ailleurs vous lire la circulaire que j’ai moi-même adressée aux préfets, bien avant ce débat, le 30 mars 2015 : « L’acquisition de notre nationalité constitue ainsi dans la vie d’une personne un acte fondamental qui doit demeurer l’aboutissement logique d’un parcours d’intégration puis d’assimilation républicaine réussi et exigeant. »
Quelle est la tradition républicaine en France, celle que l’on va puiser au creuset de notre histoire, celle qui prend pour référence les intellectuels et les philosophes qui ont contribué à mettre la République en mouvement ou, du moins, à la fonder intellectuellement et politiquement ? La République postule que l’adhésion à la nation et aux valeurs de la République se fait par le contrat. C’est donc par un processus d’adhésion aux valeurs fondant notre pays que le processus d’assimilation ou de reconnaissance républicaine s’effectue.
C’est d’ailleurs parce que nous considérons que dans la République, le creuset des valeurs communes auxquelles nous adhérons, par-delà ce qui nous différencie, est plus fort que tout que nous pouvons, dans la République une et indivisible, vivre ensemble, par-delà les origines, les histoires personnelles, les cultures et les appartenances religieuses qui nous ont conduits ou guidés dans nos parcours personnels.
La laïcité est, de ce point de vue, une valeur qui répond à cette ambition puisqu’elle pose comme principe que, par-delà l’appartenance religieuse de chacun et la possibilité de croire ou de ne pas croire, la République garantit la possibilité à chacun de trouver son chemin par le libre exercice de sa conscience. C’est dans cette foi dans la capacité de l’État à se tenir à distance de la religion que réside cette possibilité de liberté.
Ces valeurs fondent le contrat républicain français ; ce sont ces valeurs qui ont donné de la force à la République dans l’histoire ; ce sont ces valeurs qui conduisent le général de Gaulle, après la période funeste de l’Occupation, à l’occasion du discours de Bayeux présentant la forme qu’il souhaite donner aux institutions et plus tard, lorsqu’il devient Président de la République sous la Ve République, à affirmer qu’il n’a jamais inventé de nouveaux fondements à la République, mais qu’il a simplement voulu rendre à la République les fondements qu’elle avait perdus. C’est cela, la tradition républicaine française ! Elle n’est pas à réinventer : elle existe ! Elle n’est pas un facteur de division : elle est un facteur de rassemblement de tous les Français dans l’idéal républicain, dans l’histoire républicaine !
Si je prends un peu de temps pour répondre à votre propos, c’est parce que la démarche qui est la vôtre – et cela me gêne fondamentalement compte tenu des convictions qui sont les miennes – consiste à préempter cet héritage qui est inclusif de tous les Français et de tous ceux qui ont décidé de rejoindre la République française, pour en faire un élément de division entre la droite et la gauche. D’une belle idée inclusive, vous faites, à la faveur d’un débat, un élément de division politicienne. Cela, ce n’est pas une élévation de la politique, monsieur Larrivé : c’est un abaissement !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je suis très troublé ! C’est la première fois que je prends la parole dans ce débat, et je remercie M. le ministre pour ses propos.
Monsieur Larrivé, vous utilisez un langage extrêmement policé et très performant sur le plan du droit, mais, je vais le dire assez clairement, même si les mots que j’emploie sont moins forts que ceux employés par le ministre : il semble que certains nouveaux Français ne vous agréent pas, pour des motifs pour le moins inavouables. Le débat que vous avez mis sur la table est tout simplement honteux, compte tenu de l’histoire de notre pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’amendement no 181 n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 183 .
Il a été défendu. Monsieur le ministre, si nous étions venus avec des amendements profondément antirépublicains, proposant la suppression de tout lien entre la naissance en France et l’accès à la nationalité, si nous étions venus avec des amendements indiquant que le droit du sang était la seule voie d’accès à la nationalité, alors en effet, nous nous serions placés en dehors du cadre de la République.
Ce n’est absolument pas ce que nous avons fait, ce n’est pas ce que nous faisons et je crois pouvoir dire avec conviction que ce n’est pas ce que nous ferons !
Quant à vous, monsieur Sebaoun, et parce qu’il faut aussi entrer dans le concret, au-delà des principes, je voudrais vous dire que l’un des amendements que nous défendons aurait pour effet de refuser le bénéfice de l’acquisition à raison du droit du sol à un étranger condamné à une peine de prison ferme.
Vous me dites qu’il y a des candidats à la nationalité qui ne m’agréent pas : en effet ! Le fait d’enfreindre le code pénal au point d’être condamné à une peine de prison ferme définitive, n’est pas, selon moi, la manifestation d’une volonté contractuelle. Pour moi, en effet, être condamné à une peine de prison ferme, cela n’est pas s’inscrire dans la lignée de la nation, selon le fameux discours de Renan.
Oui, je pense que la République française est fondée à s’opposer à l’entrée dans la nationalité française de celui ou de celle qui, par son comportement personnel, manifeste la volonté de ne pas rejoindre la communauté nationale.
Monsieur Larrivé, je ne vous reproche pas de ne pas être dans la tradition républicaine, et je ne vous reproche pas des amendements que vous n’avez pas présentés ; dans mon propos, d’ailleurs, il n’a pas été question de cela ! Je dis simplement que la République et ce qui la fonde ne justifient pas qu’on la préempte pour diviser, précisément parce que l’héritage que j’évoquais a été souhaité comme étant inclusif de tous les Français et de ceux qui acquièrent la nationalité française.
Je regrette simplement la stratégie qui est la vôtre, qui consiste, jusqu’à l’appellation de votre organisation politique, à préempter un héritage pour diviser les Français. Nous sommes tous « républicains » ou, du moins, devrions-nous l’être tous ! Et nous nous sommes beaucoup opposés dans cet hémicycle au cours des décennies précédentes entre droite et gauche sans que quiconque ne songe à remettre en cause ce qui constituait le creuset des valeurs communes. Ce n’est donc pas la peine de les préempter pour en faire un sujet de division, en prétendant que certains le seraient plus que d’autres et en abaissant le débat politique, comme il arrive que cela soit le cas.
Par ailleurs, il y a quand même un amendement de M. Ciotti – je lis ce que vous écrivez ! – qui préconise d’insérer dans le projet de loi un article ayant pour objet de limiter l’acquisition automatique de la nationalité française en conséquence de sa naissance en France à sa majorité, ou de la date de son incorporation en qualité d’engagé dans l’armée, à l’enfant mineur né de parents étrangers seulement s’ils sont ressortissants de l’un des États membres de l’Union européenne.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Imaginez-vous que cela est conforme à ce qu’est le creuset de valeurs communes auxquelles je faisais référence à l’instant ? Non !
Ce type d’amendement nous éloigne de ce qui nous a toujours rassemblés jusqu’à présent.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Larrivé, je me suis assez peu exprimée mais, au-delà de toutes ces choses scandaleuses que l’on peut parfois entendre, je vous plaindrais presque de ne pas pouvoir penser que la France est suffisamment forte pour accueillir des personnes qui n’ont pas toutes la même histoire et pour former avec elles une grande nation. Elle a déjà prouvé par le passé qu’elle le pouvait ; elle le prouvera à l’avenir. Si nous, qui siégeons ces bancs, n’en sommes pas convaincus, je me demande bien ce que nous y faisons !
Je voudrais également vous dire que vous ne m’avez pas du tout convaincue : nous avons examiné hier des amendements dans lesquels vous refusiez d’accorder quoi que ce soit à des étrangers de 65 ou 70 ans qui s’étaient montrés exemplaires. Aujourd’hui, vous nous dites que vous voudriez que les autres soient exemplaires avant de devenir Français ; mais, monsieur Larrivé, dans quel monde vivez-vous ?
Il y a effectivement, dans une nation, des personnes qui se conduisent bien, d’autres qui se conduisent mal. Nous avons un système social, nous avons un système judiciaire, et nous devons faire avec parce que nous devons tous vivre ensemble. Sinon, je vous donne un revolver et je vous dis « Monsieur Larrivé, choisissez ! Éliminez directement ceux dont vous pensez qu’ils ne peuvent pas vivre dans cette nation ! »
Les questions que nous pouvons nous poser à voix haute les uns par rapport aux autres, sur un sujet comme celui-ci, ne sont ni impertinentes, ni insolentes.
Nous pouvons avoir des opinions plus ou moins tranchées, plus ou moins différentes, et nous devons les écouter. L’échange que nous avons avec le ministre reste dans ce registre, et je regrette vraiment que l’on en sorte.
Monsieur le ministre, je ne suis pas là pour défendre l’amendement no 130 que vous avez utilisé dans votre argumentaire – il ne vous a d’ailleurs pas échappé que ni M. Larrivé, ni moi-même ne l’avons signé, car il peut y avoir des nuances plus ou moins marquées – mais, pour aller jusqu’au bout de la bonne foi sur ce sujet, ne faites pas de cet amendement un brûlot insensé tel que celui qui ne l’aurait pas sous les yeux pourrait le percevoir.
Je vais vous lire tout simplement – sans le reprendre à mon compte – l’exposé sommaire de cet amendement : « Le présent amendement propose que la nationalité acquise au travers du droit du sol ne demeure en vigueur que pour les enfants nés en France de parents ressortissants d’un des vingt-huit pays de l’Union européenne. Les enfants nés de parents extracommunautaires n’obtiendraient plus automatiquement la nationalité française à leur majorité. Ils pourraient en revanche passer par procédure classique de naturalisation. »
Je ne partage pas cette opinion, sinon j’aurais signé l’amendement, mais reconnaissez au moins que cela n’est pas totalement scandaleux ! On a le droit d’avoir cette opinion, on a le droit de ne pas être d’accord avec cette opinion,…
…mais de là à utiliser cet amendement, surtout vis-à-vis de ceux qui ne l’ont pas cosigné, pour démontrer que nous serions illégitimes, franchement, non !
De plus, monsieur le ministre, vous avez le droit d’évoquer de Gaulle parce qu’il appartient à la République…
… mais vous utilisez des citations du général de Gaulle à l’encontre de deux représentants des nombreux membres du groupe Les Républicains qui sont fondamentalement gaullistes : je trouve cela quelque peu disgracieux !
Mme Pochon intervient rarement dans le débat ; peut-être cette rareté est-elle la marque d’une sagesse.
D’avoir entendu ce que vous avez dit, madame, les bras m’en tombent.
L’amendement no 183 , mes chers collègues – et je sais que le ministre le sait – est directement issu des travaux présidés par Marceau Long, alors vice-président du Conseil d’État à la fin des années 1980.
Cet amendement est directement issu de la loi qui, dans cet hémicycle, a été votée en 1993, ainsi que du rapport de Pierre Méhaignerie, figure du centrisme, ministre d’État, ministre de la justice dans le gouvernement de M. Balladur.
Il ne s’agit donc pas, mes chers collègues, d’une rupture insensée avec l’histoire de la République française que de considérer qu’une loi votée en 1997 ou 1998 sur le rapport de Mme Guigou, venant abroger une loi votée en 1993 dans un autre contexte, devrait être aujourd’hui abrogée.
Pour le dire de manière plus directe et pour être totalement accessible, cet amendement consiste à reprendre la loi de 1993.
Ce n’est tout de même pas, pardonnez-moi, le contraire de la République !
Je ne sais pas si j’ai vraiment raison de vous répondre. Que nous ayons un débat avec ceux des orateurs de l’hémicycle qui sont dans le raisonnement, qui sont apaisés, que nous évoquions les avantages et les inconvénients qu’il y aurait à reprendre la législation de 1993, c’est ce que je propose. Mais je vous laisse à vos outrances, madame, à vos outrances qui sont profondément blessantes.
L’amendement no 183 n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 184 .
L’amendement no 184 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 185 .
L’amendement no 185 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 431 et 215 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 431 .
Sur cet amendement no 431 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Cet amendement du Gouvernement vise à ouvrir l’acquisition de la nationalité française par déclaration aux personnes dont un frère ou une soeur a obtenu la nationalité française par application du droit du sol.
Plusieurs d’entre vous ont souhaité saisir l’occasion de ce débat pour apporter une réponse à la situation complexe de certains enfants arrivés très jeunes sur le territoire et qui n’obtiennent leur naturalisation qu’au terme d’un long et difficile parcours, alors que leurs frères ou soeurs plus jeunes, nés en France, sont devenus Français sans difficulté.
Des amendements ont été déposés sur cette question par Mme Chapdelaine et par Mme Khirouni, toutes deux au nom du groupe SRC. Ils ne peuvent toutefois recevoir, en l’état, un avis favorable du Gouvernement, notamment pour des raisons légistiques. Le Gouvernement invite donc les signataires de ces amendements à se rallier à celui du Gouvernement.
Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée par les signataires de l’amendement : il s’agit en fait de simplifier les démarches d’accès à la nationalité française pour des personnes qui, en raison de l’ancienneté de leur séjour en France et de l’intensité de leurs liens avec notre pays, sont de toute façon naturalisées à leur majorité.
J’insiste sur ce point, parce qu’on va nous expliquer que les vannes sont grand ouvertes, que le laxisme est là et l’absence de responsabilité au rendez-vous… Il s’agit – je m’empresse de le dire – de personnes qui, de toute façon, seraient naturalisées à leur majorité, mais au terme d’une procédure longue. Il s’agit en fait, sans rien changer à l’équilibre de notre droit, de faciliter un parcours.
Le Gouvernement soutient cette mesure de simplification, qui ne fera pas entrer dans la nationalité française des personnes qui n’auraient pas vocation à y entrer mais permettra à des personnes ayant vocation à acquérir la nationalité française de l’obtenir dans le cadre d’une procédure simplifiée.
Il faudra remplir trois conditions. Tout d’abord, cette voie d’accès doit être réservée aux enfants nés à l’étranger, arrivés avant l’âge de 6 ans en France, pays qui a vu naître leur frère, leur soeur, ayant, eux, accédé à la nationalité.
Il semble important de prévoir une condition d’intégration scolaire, garantissant que le postulant à la nationalité a, par le suivi de sa scolarité obligatoire dans les établissements placés sous le contrôle de l’État, acquis les valeurs fondamentales de notre société et de la République.
Troisième point : il convient de prévoir de rendre applicable l’article 21-4 du code civil, qui permet à l’État de s’opposer à la naturalisation pour indignité ou défaut d’assimilation.
Cette mesure, je le redis, ne favorise pas l’accession à la nationalité de personnes qui n’avaient pas vocation à y accéder. C’est une mesure exigeante et encadrée et c’est une mesure de simplification qui permet de faciliter les démarches, ce qui profiterait à l’administration comme aux bénéficiaires.
Monsieur le président, sur le fondement de l’article 58 de notre règlement, je sollicite une suspension de séance d’un quart d’heure pour que la commission des lois puisse se réunir, monsieur le président Urvoas, afin d’examiner cet amendement portant article additionnel, présenté par le Gouvernement à seize heures onze – soit il y a deux heures.
Or, cet amendement n’est pas anodin, monsieur le ministre, puisqu’il modifie le code civil sur une question dont vous avez vous-même indiqué dans les débats qui ont eu lieu précédemment combien elle était sensible.
Il est extravagant que, pour des tractations de couloirs entre le groupe socialiste et le Gouvernement, celui-ci soit amené à nous saisir d’un amendement portant article additionnel dans de telles conditions. La commission des lois, je parle sous le contrôle de son président, n’a pas examiné l’amendement du Gouvernement visant à modifier le code civil sur les conditions d’accès à la nationalité française.
Est-ce, monsieur le président Urvoas, de bonne pratique législative que de faire cela ?
Au nom du groupe Les Républicains, je demande, monsieur le président, une suspension de séance.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Guillaume Larrivé a sollicité une réunion de la commission afin d’étudier l’amendement no 431 du Gouvernement. Je souhaite éclairer l’Assemblée sur la raison pour laquelle elle ne s’est pas réunie pendant cette suspension de séance.
M. Larrivé sait très bien qu’aux termes du Règlement, il n’y avait nulle obligation de nous réunir.
Certes, d’où cette explication. L’amendement no 431 du Gouvernement concerne la simplification de la procédure de naturalisation pour les fratries. S’il est vrai que le Gouvernement l’a déposé dans des délais relativement brefs, il corrobore l’amendement no 363 de Mme Chapdelaine, qu’elle a déposé dans les temps et que la commission a étudié au fond, ainsi que l’amendement no 215 que Mme Khirouni a également déposé dans les temps impartis, ce qui avait permis à la commission de délibérer en toute clarté.
Il n’a donc pas semblé utile de réunir cette dernière pour étudier un amendement…
…qui se borne à reprendre des modalités techniques, mais plus fonctionnelles que celles proposées par nos collègues.
Le souci de simplification du Gouvernement est donc louable et il n’était pas très utile de nous réunir pour le constater.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous ne voterons pas cet amendement. Si je me montrais polémique, mais je ne le suis pas, …
Sourires
…je dirais que vous créez une sorte de droit du sol hors-sol, c’est-à-dire une procédure d’automaticité de déclaration pour des personnes qui, pour le coup, ne sont pas nées en France mais qui sont arrivées ensuite dans notre pays.
Sur le plan de la technique juridique, je préférerais de beaucoup que l’on préservât pour elles la procédure de naturalisation, c’est-à-dire celle par laquelle la République choisit d’accorder ou non la nationalité, en l’occurrence aux personnes qu’elle estime assimilées à la communauté française, pour reprendre les beaux termes du code civil issu de l’ordonnance de 1945.
La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, pour soutenir l’amendement no 215 qui est en discussion commune.
Je souhaite remercier le ministre pour avoir fait montre d’une oreille attentive à l’égard de ces situations particulières d’enfants nés à l’étranger et arrivés jeunes sur le territoire national, qui ont un statut et des droits différents de leurs frères et soeurs nés en France.
Vous le savez, ces enfants nés à l’étranger ressentent souvent cette inégalité au sein de leur fratrie comme une injustice. Dès lors qu’ils ont été éduqués et scolarisés en France, cet amendement propose de leur accorder la nationalité française par voie simplifiée et de leur éviter ainsi le parcours plus complexe de la naturalisation.
Pour moi, monsieur le ministre, il s’agit d’une mesure d’égalité et de justice et je vous remercie de l’avoir retenue.
L’amendement no 215 est retiré.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, qui a déposé un amendement no 363 sur le même sujet, qui viendra plus tard dans la discussion.
Je souhaite à mon tour remercier M. le ministre pour son oreille attentive, mais aussi pour avoir proposé une meilleure rédaction que les nôtres.
J’ai envie de dire à nos collègues de l’opposition qu’il faut arrêter de fantasmer : ces enfants, de toute façon, auraient obtenu la nationalité française, mais à l’issue d’une procédure longue et laborieuse. Nous avons tous rencontré dans nos permanences des jeunes dans cette situation, qui avaient passé un concours de la fonction publique ou envisageaient de le faire avec de bonnes chances de réussite, et qui devaient attendre deux, voire trois ans avant d’obtenir la nationalité.
Une simplification était donc nécessaire. Non, nous n’ouvrons pas les voies de la naturalisation ! Nous ne faisons que simplifier un processus qui était très complexe.
Enfin, lorsque quatre enfants d’une fratrie de cinq ont la nationalité et que le dernier galère, cela ne donne pas une bonne image de notre pays. Or, ces enfants font aussi, souvent, de bonnes études.
Nous nous apprêtons à voter une mesure de justice. Je le répète : laissons les fantasmes dehors et contentons-nous de cette bonne idée !
Je souhaite rappeler rapidement de quoi nous parlons. L’amendement no 431 concerne des adultes, arrivés en France avant l’âge de six ans, qui ont effectué toute leur scolarité en France – c’est précisé – et ayant des frères et des soeurs français parce que nés en France.
Nous leur donnons la possibilité de réclamer la nationalité française par déclaration. Ce faisant, comme l’a très bien dit Chaynesse Khirouni, nous leur évitons tout le parcours classique de la naturalisation les obligeant à démontrer qu’ils maîtrisent la langue française – on peut imaginer qu’elle est acquise, après tant d’années de scolarisation sur le territoire – et qu’ils ont une conscience suffisante de l’histoire et remplissent l’ensemble des critères d’adhésion aux valeurs de la République, qui constituent également une condition légitime pour la naturalisation.
Nous leur offrons donc, très simplement, une présomption d’assimilation. Je tiens à le répéter parce que, monsieur Larrivé, lorsque vous vous êtes ému de cet amendement dans les médias, vous avez dit précisément que nous souhaitions accorder la nationalité de manière automatique aux clandestins, et que nous proposions une mesure folle : élargir le droit du sol, c’est-à-dire l’accès à la nationalité française à la terre entière.
Votre critique est excessive et fausse, raison pour laquelle elle n’a d’ailleurs pas été reprise par la plupart des médias. Elle n’en demeure pas moins inacceptable, je tenais à le dire.
La commission, évidemment, a donné un avis très favorable à l’adoption de l’amendement no 431 .
Nous avons bien compris que le ministre a voulu en quelque sorte synthétiser un ensemble d’amendements allant dans le même sens sans être identiques.
Pour ma propre gouverne, je souhaite poser une question, même si je ne serais pas choqué que l’on n’y réponde pas – quoique cela me gênerait un peu. Cet amendement a été déposé à seize heures onze cet après-midi, alors que l’hypothèse était loin d’être exclue ce matin que nous puissions terminer nos travaux avant la pause du déjeuner. Qu’en serait-il advenu dans ces conditions ? Sait-on pourquoi, à l’occasion de la prolongation de la discussion, le Gouvernement a été amené à déposer cet amendement no 431 visant à régler une question qui ne l’était pas complètement ? Je pose cette question par pure curiosité.
Deux éléments. Tout d’abord, j’ai entendu les propos tenus par le député Larrivé concernant cet amendement que le Gouvernement a en quelque sorte repris, puisqu’il lui a été inspiré par des amendements parlementaires.
Je le dis très clairement, et j’appuie ainsi les propos du rapporteur Erwann Binet : l’argument selon lequel cet amendement, présenté par des parlementaires et réécrit par le Gouvernement pour des raisons techniques, conduirait à faire accéder les clandestins à la nationalité est faux.
C’est faux, monsieur Larrivé, et je vous demande, sur un tel sujet, d’essayer de conserver le même ton que celui qui présida à nos échanges sur d’autres questions. Vous savez très bien que cela est faux. En effet, il s’agit d’adultes qui vivent en France depuis très longtemps et qui remplissent les conditions d’accès à la nationalité.
La seule chose que nous faisons, c’est substituer l’accès par déclaration à l’accès par décret. Ce n’est pas un processus de régularisation de clandestins. On ne peut pas, dans un débat comme celui-ci, dire des choses aussi fausses, en sachant du reste qu’elles sont fausses.
Je ne peux pas accepter que vous laissiez accroire aux Français que nous faisons le contraire de ce que le texte dispose. Cela n’est pas acceptable.
Pour répondre, ensuite, à la curiosité purement esthétique de M. Geoffroy, si le débat s’était tenu plus tôt, l’amendement aurait présenté un niveau technique de rédaction moins satisfaisant. Nous avons profité de ce temps supplémentaire pour affiner techniquement cet amendement, de manière à ce qu’il ait le meilleur niveau de rédaction possible, ce qui, de la part d’un gouvernement qui contribue à l’élaboration de la loi, devrait plutôt être de nature à vous rassurer.
Pardon de reprendre la parole, mais puisque vous me relancez, monsieur le ministre, sachez que mon désaccord politique se fonde, comme toujours, sur une vraie réalité technique. Il n’est nulle part inscrit dans votre amendement, et encore moins, d’ailleurs, dans l’amendement initial présenté par le groupe socialiste, que les personnes dont vous parlez sont entrées en France avant l’âge de six ans selon des procédures légales.
Votre argumentation serait fondée si, par exemple, vous aviez indiqué expressis verbis que cette disposition s’applique aux personnes arrivées en France selon les procédures légales de regroupement familial. Mais cela ne figure pas dans votre texte.
Vous ne précisez nulle part que cette disposition vise des personnes qui résident habituellement sur le territoire français depuis l’âge de six ans et qui y sont entrées – je dis bien « entrées » ! – selon des voies conformes au code de l’entrée et du séjour des étrangers du droit d’asile.
Qu’au moment où elles acquièrent la nationalité française, à dix-huit ans, elles soient en situation légale, je n’ai jamais dit le contraire. Mais ce que je maintiens fermement, c’est que, tel qu’il est aujourd’hui rédigé, cet amendement aura pour effet que des personnes entrées selon des voies illégales, et notamment selon les voies qui ne sont pas celles du rapprochement familial au sens du CESEDA, seront susceptibles d’acquérir la nationalité française à l’âge de dix-huit ans par la voie de la déclaration. Par conséquent, ce que j’ai dit à l’antenne de RMC mardi matin est hélas confirmé par la rédaction qui nous est présentée ce soir par le Gouvernement.
Les comptes rendus des débats parlementaires font foi des intentions du Gouvernement. Ils sont d’ailleurs utilisés par le juge constitutionnel pour apprécier l’esprit de la loi.
Monsieur Larrivé, il existe un compte rendu de la séance. Je me suis exprimé très clairement sur les conditions dans lesquelles le Gouvernement présente cet amendement. Par ailleurs, vous savez parfaitement que ce que vous avez dit est faux, pour la bonne et simple raison que, pour présenter la déclaration, il faut être en situation régulière. Par conséquent, quiconque est en situation irrégulière ne peut pas présenter la déclaration. Votre raisonnement est donc également faux en droit.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 27 Nombre de suffrages exprimés: 27 Majorité absolue: 14 Pour l’adoption: 25 contre: 2 (L’amendement no 431 est adopté.)
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 186 .
L’amendement no 186 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Sur l’amendement no 432 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.
Il s’agit d’un amendement de coordination.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 26 Nombre de suffrages exprimés: 26 Majorité absolue: 14 Pour l’adoption: 23 contre: 3 (L’amendement no 432 est adopté.)
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 16 .
L’amendement no 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 252 .
L’amendement no 252 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement no 182 .
L’amendement no 182 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Guittet, pour soutenir l’amendement no 317 .
L’amendement no 317 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir l’amendement no 363 dont nous avons parlé tout à l’heure.
L’amendement no 363 est retiré.
Permettez-moi de m’exprimer à la fois sur le présent article et sur l’article 34.
L’article 31 porte sur l’adaptation de quelques dispositions de ce projet de loi à Mayotte, étant entendu que l’ordonnance du 7 mai 2014 que nous aurons à ratifier à l’article 34 constitue le socle de l’adaptation du CESEDA dans ce département. Il s’agit ici de prendre en compte la réalité locale dans le processus d’intégration des étrangers accueillis, s’agissant notamment de la formation linguistique décrite à l’article 1er. Cette réalité locale s’apprécie sous la double dimension de la pratique de la langue française dans la société mahoraise, d’une part, et de la réalité des demandeurs de titre de séjours, venant très majoritairement de zones où la langue française n’est pas davantage parlée, d’autre part.
Une autre réalité réside dans le volume de personnes – je vous épargne les chiffres – qui sollicitent les pouvoirs publics pour entrer ou séjourner à Mayotte, qui pénètrent dans le territoire, qui tentent d’y pénétrer ou qui y restent illégalement. Tout cela a pour conséquence un volume très élevé de reconduites à la frontière. Cette réalité, mise en face de la capacité des pouvoirs publics à la traiter selon nos normes de droit commun, conduit immanquablement à des adaptations.
Celles-ci, je le sais, peuvent heurter des consciences, ou des principes, quoique l’ordonnance précitée les ait rendues compatibles avec nos engagements européens notamment. Mais quiconque a séjourné à Mayotte se rend compte de leur caractère nécessaire et parfois impératif : c’est le cas du ministre de l’intérieur, de notre rapporteur et du président de la commission des lois, qui s’y sont rendus ces derniers mois.
Pour ma part, conscient de la complexité de cette situation, de sa sensibilité au regard de l’ordre public, de ses incidences sur de nombreuses politiques publiques, je m’exprime avec retenue et prudence et j’approuve les adaptations qui nous sont soumises dans cet article, ainsi que celles faisant l’objet de l’ordonnance d’application du CESEDA à Mayotte, dont j’approuve la ratification prévue à l’article 34.
Je suis saisi de trois amendements, nos 383 , 385 et 384 rectifié , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Erwann Binet, pour les soutenir.
Les amendements nos 383 , 385 et 384 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L’article 31, amendé, est adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 31. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 386 .
Cet amendement, que j’ai cosigné avec plusieurs de mes collègues, dont Mme Chapdelaine, Mme Bareigts et Mme Mazetier, vise à prendre en compte la situation un peu particulière de ceux que l’on appelle les oubliés de la décolonisation à Madagascar.
Il s’agit de personnes originaires des îles britanniques qui ont immigré à Madagascar jusqu’au XXe siècle, et qui demeurent depuis des années sans statut stable du point de leur nationalité. L’absence d’état civil et le peu de liens que ces gens ont entretenus avec leur pays d’origine, les actuels Inde ou Pakistan, font qu’ils n’ont pas pu acquérir cette nationalité. Avant l’indépendance, le droit des colonies, limitant l’accès à la nationalité française pour les résidents, fait qu’ils n’avaient pas la nationalité française. Après l’indépendance, ils se sont trouvés dans une situation particulière, puisque parmi la vingtaine de pays concernés par le mouvement d’indépendance depuis 1960, seul Madagascar a une conception très stricte, et c’est un euphémisme, du droit du sang. Ils n’ont donc pas pu acquérir la nationalité malgache. N’ayant jamais eu la nationalité française, ils ne pouvaient pas l’obtenir par réintégration ; ils ne pouvaient pas davantage bénéficier d’une naturalisation classique, puisqu’ils ne résident pas en France.
Pour toutes ces raisons, environ 300 personnes à l’origine, et quelques dizaines aujourd’hui, se trouvent sans nationalité. Or vous savez que la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui fait partie de notre patrimoine, dispose que tout individu a droit à une nationalité, et que la France a ratifié en 1960 la convention de New York, datant de 1954, qui dispose que les États cocontractants facilitent, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des apatrides.
Je m’arrêterai là, vous renvoyant à notre exposé sommaire, que nous avons voulu le plus précis possible. Par cet amendement, nous proposons donc à notre assemblée de régulariser la situation des quelques personnes concernées, et uniquement de celles-ci, sans possibilité que d’autres cas puissent être visés, sur la base d’une étude que nous avons voulue la plus précise possible. Il s’agit d’accorder la nationalité française aux personnes résidant à Madagascar, qui sont nées avant 1960 de deux parents eux-mêmes nés à Madagascar, et dont la résidence habituelle se trouve sur cette île.
Si nous posons cette question dans notre hémicycle, c’est parce que les députés qui sont le plus impliqués sur ce sujet ont régulièrement contacté les administrations compétentes, qu’il s’agisse de la justice ou de l’intérieur, et qu’il leur a toujours été répondu que le cadre légal actuel ne permet pas d’avancer sur le sujet.
Nous vous proposons aujourd’hui de régler ce problème, qui peut sembler en grande partie symbolique, sauf que pour les personnes concernées, cette situation dure depuis plus de cinquante ans ! Il s’agit aussi, accessoirement, de reconnaître que nous avons eu notre part de responsabilité, au moment de la décolonisation, dans cette situation.
La préoccupation que vous exprimez est aussi celle de notre collègue Ericka Bareigts, cosignataire de cet amendement.
Je ne vous cache pas que, comme beaucoup d’entre nous, je ne suis pas spécialiste de cette question. L’exposé sommaire très exhaustif que vous présentez à l’appui de votre amendement est éclairant, et même touchant. Mais il me semble que la situation que vous décrivez dépasse la compétence, ou en tout cas la responsabilité du Parlement, s’agissant du projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Un éclairage technique sur le sujet paraît à tout le moins indispensable de la part du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle la commission vous invite à retirer cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.
Monsieur le député, le sujet que vous abordez est extrêmement complexe. Mais votre demande est tout à fait légitime et nous comprenons, à travers la présentation que vous venez de faire de cet amendement, la dimension humaine qui se cache derrière les cas que vous avez évoqués.
De nombreux problèmes techniques se posent néanmoins, à commencer par le principe d’égalité devant la loi. En effet, que ferions-nous des ressortissants d’autres territoires coloniaux qui se trouveraient dans la même situation et qui pourraient prétendre avoir accès à la nationalité française dans des conditions comparables ? Comment procéder, par ailleurs, à la vérification de la situation pénale de ceux qui accéderaient à la nationalité, dès lors que nous n’avons pas accès à l’ensemble des éléments concernant ces personnes qui vivent dans un pays étranger ?
Vous le voyez, plusieurs considérations techniques d’une extraordinaire complexité méritent un examen approfondi avant qu’il puisse être donné suite à la demande que vous avez formulée. Je voudrais, par conséquent, vous faire une proposition très concrète : je vous invite à retirer cet amendement, dont tous les aspects techniques ne sont pas encore maîtrisés, en contrepartie de quoi je m’engage à ce qu’ils le soient. Le Gouvernement, et notamment la garde des sceaux, pourrait faire en sorte qu’une étude approfondie balaye la totalité de ces sujets techniques. Sur la base de cette étude, qui pourrait être rendue dans les meilleurs délais, quelques mois ou quelques semaines, nous pourrions alors nous retrouver, nous parler et avancer.
Je pense pouvoir dire, au nom de tous les cosignataires de cet amendement, que nous allons effectivement le retirer. Mais je voudrais insister sur le fait qu’il s’agit d’une mesure de justice. Là encore, il faut se garder des fantasmes : cette mesure ne concernerait que quelques centaines de personnes, qui sont dans une situation de grande détresse et qui, surtout, ont un attachement très fort à la France.
Madagascar ne reconnaît pas l’apatridie. C’est très important : cela veut dire que ces quelques personnes n’ont pas de nationalité. Elles se sentent françaises et quand vous les rencontrez, il apparaît clairement qu’elles n’ont pas du tout l’idée de venir en France pour profiter des allocations familiales ou autres – pour vous rappeler de bons souvenirs des débats dans cet hémicycle. Ce sont des commerçants, ils ont juste envie que l’on reconnaisse leur droit, et de manifester leur attachement à la France.
Étant également cosignataire, je confirme que nous retirons cet amendement, mais je voudrais que nous soyons très précis : il ne s’agissait pas d’ouvrir des possibilités pour un grand nombre de personnes partout sur la planète. Il suffit de lire le deuxième alinéa de l’amendement : « Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes nées à Madagascar avant le 26 juin 1960 de deux parents qui y sont eux-mêmes nés, justifiant avant cette date, et jusqu’au jour de la souscription, d’une résidence habituelle à Madagascar et auxquelles aucune autre nationalité n’a été conférée depuis le 26 juin 1960 ».
Monsieur le ministre, nous avons entendu votre réponse et nous vous faisons évidemment confiance pour avancer sur ce sujet, mais je voudrais souligner à quel point cette mesure est circonscrite, territorialement et temporellement. Il ne s’agit pas de quelques centaines, mais au maximum de quelques dizaines de personnes, qui répondent à ces caractéristiques extrêmement précises. Si la situation n’a pas été réglée, c’est précisément parce qu’elle ne concerne qu’un tout petit nombre de personnes, très démunies face aux désordres et aux bouleversements de l’histoire qu’elles ont traversés.
Enfin, comme Marie-Anne Chapdelaine, je voudrais souligner, au nom de notre collègue Ericka Bareigts, que ces personnes sont extrêmement attachées à la France.
Monsieur le ministre, vous avez eu le mot juste en disant que la situation était touchante. Vous avez d’ailleurs dû rencontrer ce genre de cas, nous en avons tous rencontré lors de nos déplacements, et notamment à la Réunion.
Nous voulons essayer de régler un problème qui touche des personnes vivant totalement dans le champ républicain, et bien souvent totalement investies, malgré cette question qu’il faut résoudre.
Nous ne voulons pas créer de problème supplémentaire – vous avez noté les quelques difficultés qui devaient être réglées. C’est pourquoi nous sommes favorables à la méthode que vous avez détaillée : dans un calendrier assez rapide, essayer de trouver la méthode qui permettra de régler ces quelques dizaines de situations. Nous serons attentifs, à la rentrée, à essayer d’avancer.
Aujourd’hui, comme nous ne voulons créer aucun problème supplémentaire, nous allons bien entendu retirer cet amendement.
Cet amendement est retiré, nous y retravaillerons, mais il faut bien entendu que ce sujet puisse être débattu en deuxième lecture. Je pense que cela allait de soi.
L’amendement no 386 est retiré.
Les articles 32, 33 et 34 sont successivement adoptés.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 223 rectifié portant article additionnel après l’article 34.
L’objet de cet amendement est de procéder à la ratification de l’ordonnance 2015-124 du 5 février 2015, relative à l’application et à l’adaptation, à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, des dispositions de la loi du 13 novembre 2014 relative à la lutte contre le terrorisme permettant l’assignation à résidence d’un étranger expulsé ou interdit de territoire sur l’ensemble du territoire de la République.
L’amendement no 223 rectifié , accepté par la commission, est adopté.
Les articles 35 et 36 sont successivement adoptés.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour soutenir l’amendement no 365 .
Cet amendement a pour objet de modifier le titre du projet de loi, qui deviendrait « projet de loi relatif au droit au séjour des étrangers en France ».
En effet, la majorité des dispositions de ce projet de loi concernent le séjour des étrangers sur le territoire national. Il nous semble que la formule « droit des étrangers » est inadaptée, dans la mesure où le droit des étrangers concerne un champ beaucoup plus large : on aurait pu traiter alors de la citoyenneté des étrangers en France, de leur capacité électorale, ou d’autres problématiques sur la liberté d’entreprendre des étrangers, la carte de commerçant ou d’artisan et de nombreux autres droits.
Ce projet de loi a de grands mérites et nous pouvons en être fiers, mais nous vous proposons de mentionner dans son titre le droit au séjour.
Vous auriez tout à fait raison, madame Pochon, n’eût été l’adoption il y a quelques minutes de l’amendement du Gouvernement concernant la nationalité. Je vous suggère donc de retirer cet amendement.
Compte tenu de l’avancement que représente l’amendement que nous avons voté tout à l’heure, je retire cet amendement.
L’amendement no 365 est retiré.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je voudrais saluer un texte d’équilibre, qui va sécuriser le parcours des étrangers. Il comprend aussi une partie sur l’immigration illégale, et je dirais que nous avons enfin considéré que chez nous, l’étranger avait des droits et des devoirs. Il était très important de changer le regard que nous portions sur lui : ce n’est pas l’éternel fraudeur, ou l’éternel mineur auquel on n’arrête pas de tendre des embûches qu’il doit franchir pas à pas pour enfin obtenir peut-être le titre de séjour qui lui permettra de s’intégrer.
Nous pouvons être très fiers du texte que nous allons voter, et je voudrais remercier plus particulièrement M. le ministre pour l’écoute dont il a fait preuve ainsi que ses services, et nos deux excellents rapporteurs, M. Erwann Binet et Mme Valérie Corre.
Je me réjouis de l’excellent travail que nous avons mené. Je pense que le résultat est un texte dont nous pouvons être très fiers. En tout cas, le groupe socialiste est fier de le voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’orateur éloquent du groupe socialiste pourrait laisser penser que ce projet de loi nous fait passer de l’ombre à la lumière. Je crains que cela ne soit pas le cas.
L’intérêt de ce débat a été de montrer ce que nous avons en commun, la République, mais aussi ce qui nous sépare. Et en effet, nous n’avons pas les mêmes objectifs, la même vision, la même conception de ce que doit être une politique d’immigration.
Ce débat a eu la vertu de permettre au groupe des Républicains d’exposer un certain nombre de propositions, de ruptures aussi avec les pratiques et le droit actuel.
Nous constatons, nous nous y attendions d’ailleurs, que la majorité des députés socialistes refuse les avancées que nous avons proposées, refuse que l’Assemblée nationale puisse un jour définir des plafonds d’immigration, refuse que la capacité d’intégration puisse être vérifiée dans le pays d’origine, avant l’entrée en France, refuse au fond tous les outils d’une politique républicaine de diminution de l’immigration.
Pour le reste, ce sont les faits qui seront nos juges. J’aimerais croire que dans les mois qui viennent, monsieur le ministre, nous pourrons avoir un vrai débat sur l’application de cette loi, car nous verrons, je le crains que ce que nous avons annoncé se vérifiera hélas. Cette loi va fragiliser les procédures d’éloignement des étrangers en situation clandestine et faciliter à l’excès les conditions de délivrance des titres de séjour.
Au total, cette loi ne mérite sans doute ni excès d’honneur, ni excès d’indignité, mais ce n’est pas une loi qui va dans la bonne direction.
En cette fin de débat, je voudrais d’abord faire une simple remarque que je pense partagée par un nombre important de collègues ici présents en cette fin de session : ce ne sont pas des conditions idéales pour examiner ce texte, et l’inscription en urgence ne sert pas non plus la qualité de nos débats.
Nous avons régulièrement droit aux commentaires du président de la commission des lois sur la manière dont le Parlement légifère. Je crois que les termes employés à chaque fois par Jean-Jacques Urvoas s’avèrent justes et pertinents, notamment à la fin de ce débat, qui a été plutôt calme mais qui aurait mérité une plus grande affluence, car les enjeux sont de taille.
Comme j’en faisais le constat lors de la discussion générale, nous avons connu des périodes au cours desquelles la question des étrangers était utilisée comme un chiffon rouge, comme une petite allumette pour enflammer le débat public. Cela n’a pas été le cas, au contraire même, et c’est sans doute à mettre au crédit du Gouvernement.
C’est un point positif, d’autant plus que l’on assiste, et je le constate avec inquiétude, à un durcissement, un glissement de la part de l’opposition. Ce qui était impensable il y a quelques années – je rappelais les déclarations de Nicolas Sarkozy sur l’aide médicale d’État – devient tout à fait possible. L’opposition nous a dit qu’elle ne toucherait pas au droit du sol, pourtant je suis persuadé que dans peu de temps, une partie de la campagne présidentielle se jouera sur la mise en cause du droit du sol. Ce durcissement, ce glissement et cette course ne peuvent qu’inquiéter celles et ceux qui pensent que l’immigration est d’abord une richesse, et qu’elle ne devrait pas être utilisée de façon politicienne pour diviser la communauté nationale.
C’est à tel point que l’on a l’impression, à écouter les interventions de l’opposition, que le texte présenté par le Gouvernement marquerait un très grand progrès. Ce n’est pas tout à fait le cas. Ce texte ne dégrade rien, il présente même quelques avancées, notamment sur la volonté de mieux intégrer, mais il ne marque pas de rupture avec les législations précédentes. Le ministre a d’ailleurs été très clair là-dessus, c’est une continuité tout à fait républicaine, dit-il, par rapport à ce que nous connaissons depuis des dizaines d’années.
Mais les obstacles, une certaine forme de soupçon, les contrôles me semblent toujours constituer une logique très pernicieuse dès qu’il s’agit des étrangers. Je crois que la France se grandit quand elle accepte de considérer que l’immigration est une richesse, quand elle considère que ce n’est pas un fléau. Si l’on étudie les chiffres, au regard de la situation de nos voisins européens, on peut se dire que nous débattons beaucoup d’une situation somme toute assez banale. C’est ce qui explique que, comme sur le texte relatif à l’asile, le groupe écologiste, tout en saluant le comportement du ministre, s’abstiendra.
Le projet de loi est adopté.
Mesdames et messieurs les députés, au moment où nous arrivons au terme de ce débat, je voudrais remercier très sincèrement l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués dans les longues heures de discussion que nous avons eues.
Je voudrais notamment remercier et féliciter du fond du coeur le rapporteur, Erwann Binet, qui a fait un travail absolument remarquable avec le concours de Marie-Anne Chapdelaine et de l’ensemble des parlementaires du groupe socialiste, républicain et citoyen. J’ai trouvé que le rapporteur était parfois mis en cause et attaqué de façon injuste pendant ce débat, et cela ne se justifiait pas. Je veux lui dire tout mon soutien, et cela renforce encore la très grande estime que j’ai, non seulement pour sa personne, mais aussi pour le travail qu’il a accompli.
Je veux aussi dire quelques mots sur les conclusions que je tire des plusieurs mois qui viennent de se passer, puisque nous arrivons au terme de la discussion de deux textes : l’un portant sur l’asile et l’autre sur le séjour.
Qu’a fait le Gouvernement ? Quelle est la philosophie qui l’inspire ? Quels sont les résultats qu’il veut atteindre ? D’abord, la France est un pays qui, en Europe, a toujours eu une position particulière pour l’accueil de ceux qui sont persécutés, torturés, emprisonnés dans leur pays. Le droit d’asile en France a toujours eu une couleur, une dimension et un relief particulier. La manière dont nous l’avons fait vivre a été à l’honneur de la République et de la France depuis des décennies, et même au-delà depuis des siècles.
Nous avons voulu moderniser le droit d’asile pour le rendre conforme à cette tradition française. Aux termes de la loi récemment adoptée, nous faisons passer la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile de vingt-quatre à neuf mois, nous donnons plus de moyens à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides – OFPRA – et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII –, nous créons plus de places, près de 12 000, dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, nous mettons en place, avec la ministre du logement, un plan exceptionnel de 11 000 places pour accueillir tous ceux qui sont en situation de détresse, nous reconnaissons davantage le droit des demandeurs d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile et devant l’OFPRA.
Dans le même temps, parce que nous sommes responsables et considérons que la soutenabilité de la politique de l’asile suppose la reconduite à la frontière des personnes qui ont été déboutées du droit d’asile et qui ne peuvent avoir accès au séjour à un autre titre, nous nous donnons, par la seconde loi, les moyens de ces reconduites, qu’il s’agisse de l’assignation à résidence ou de la clarification des modalités d’intervention du juge administratif et du juge des libertés et de la détention au moment de la rétention.
En deuxième lieu, je veux insister non seulement sur la vocation de la France à accueillir ceux qui souffrent de la persécution – elle le fait, avec l’Europe – mais aussi sur le fait qu’elle est une grande puissance économique, qui croit à ses atouts et aux chances de la croissance et qui a vocation à accueillir les talents. Le « passeport talent » et le titre pluriannuel de séjour constituent des progrès du point de vue la simplification, tout en donnant la possibilité à ceux qui veulent venir dans notre pays de le faire en étant assurés qu’ils ne seront pas confrontés à une succession d’obstacles.
De la même manière, ceux qui viennent doivent s’intégrer. Nous renforçons le contrat d’intégration en élevant son niveau d’exigence.
Une fois encore, tout cela n’est possible que dans la mesure où nous luttons résolument contre l’immigration irrégulière. Le démantèlement des filières a augmenté de 25 % depuis 2012. Nous sommes déterminés à continuer cette lutte, sans quoi tout ce que nous faisons par ailleurs ne sera pas soutenable. La démarche du Gouvernement est donc porteuse d’une véritable modernisation et d’une véritable ambition.
Je conclurai en évoquant la question des étrangers en France, dans un pays qui est traversé par des tensions, des antagonismes et même, lorsque l’on lit ce qui circule sur les réseaux sociaux – je vous invite à le faire ! – des haines qui nous éloignent chaque jour davantage, de façon insidieuse et terrible, du creuset des valeurs de la République. Dans ce contexte, toute personne portant une parole publique, toute personne traitant de sujets sensibles doit chercher systématiquement le mot juste. Sa parole ne doit pas susciter des craintes, des haines ou des antagonismes, mais de la confiance dans les valeurs de la République et dans la capacité de celle-ci à rassembler en son sein tous ses enfants – rassembler, mais pas n’importe comment : en faisant en sorte que chacun de ces enfants soit effectivement dans la République et dans la conformité à ses valeurs et à ses principes.
C’est pour cette raison que j’ai essayé – y suis-je parvenu ? je ne sais, mais telle était ma volonté tout au long de ce débat – de m’inscrire systématiquement dans la pondération, dans la recherche du compromis et de l’apaisement, dans l’idée de conforter la République. Sur un tel sujet, tous les débats qui visent à attiser les peurs pour susciter du ressentiment ou de la haine nous éloignent de la République. C’est une discipline que d’y parvenir. Si cela pouvait devenir une discipline collective et républicaine, nous aurions beaucoup avancé. Pour ma part, dans les semaines qui nous restent à travailler ensemble sur ces questions, car il reste des étapes, je veillerai à ce que les concepts justes, les chiffres exacts et la parole équilibrée et apaisante soient la modalité d’expression du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne (no 3035).
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je veux, au nom du Gouvernement, vous remercier du travail considérable réalisé depuis que ce projet de loi, adopté en première lecture par le Sénat, vous a été soumis.
Le Sénat avait déjà enrichi le texte, afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel constatant le caractère inconstitutionnel de la garde à vue de quatre-vingt-seize heures en matière d’escroquerie. Il avait également précisé la loi du 15 août 2014, pour indiquer que la décision mettant à exécution l’emprisonnement, en cas de non-respect des obligations résultant d’une contrainte pénale, est exécutoire par provision. Vous avez non seulement permis que ce texte transpose les décisions-cadres qui auraient dû l’être en 2011 et 2012, mais qu’il introduise aussi dans notre procédure pénale des dispositions améliorant la protection des victimes, précisant certaines dispositions pénales suite à des avis du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, et mettant en oeuvre la loi du 25 novembre 2009 relative à l’encellulement individuel.
Je veux saluer tout particulièrement vos travaux qui ont permis de parachever la rédaction de l’article relatif à la transmission des informations relevant du domaine pénal par l’autorité judiciaire aux administrations, rédaction qui permet d’atteindre un équilibre délicat entre la nécessité de protéger les publics les plus vulnérables et le respect du principe fondamental de la présomption d’innocence, auquel nous sommes tous attachés.
Comme je l’ai indiqué, le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui permet la transposition de décisions-cadres qui auraient dû être transposées en 2011 et 2012.
La première vient prévenir et régler les situations dans lesquelles au moins deux États membres de l’Union européenne sont saisis de procédures pénales parallèles. Afin d’éviter les doubles poursuites, le projet de loi prévoit des mécanismes d’échange et de consultation entre autorités judiciaires pour éviter des procédures pénales parallèles et les regrouper dans l’un des États concernés.
La seconde décision-cadrepermet la reconnaissance mutuelle des décisions de probation ou de placement sous contrôle judiciaire. Tous les citoyens de l’Union pourront ainsi bénéficier de ces alternatives à la détention provisoire ou de peines de probation, même lorsque ces mesures seront prononcées par les autorités judiciaires d’un État dans lequel ils ne résident pas. Le suivi des obligations dans le pays de résidence sera dès lors plus effectif et la réinsertion des personnes concernées sera facilitée car elles seront plus proches de leur environnement habituel.
Enfin, ce projet de loi transpose les directives relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de protection et celles établissant les normes minimales concernant les droits des victimes. Les mesures de protection ordonnées par un État membre seront exécutées dans le pays de résidence de la victime, comme, par exemple, l’interdiction d’un contact entre cette victime et l’auteur de l’infraction. Ainsi, les auteurs d’infractions ne pourront mettre à profit les différences qui existent parfois entre les systèmes judiciaires des États membres, et les jugements et décisions rendus à leur encontre au sein de ces mêmes États seront respectés et exécutés dans l’ensemble de l’Union.
J’en viens aux amendements apportés à ce projet de loi.
Concernant la protection des victimes, même si la directive du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité ne l’exigeait pas, les dispositions des articles 4 quater A, 4 quater et 5 bis A s’inscrivent dans la logique d’une meilleure protection des victimes en permettant qu’en cours de procédure pénale, celles-ci puissent être protégées d’éventuelles pressions ou de représailles, par un huis clos au moment de leur témoignage mais aussi par une publicité restreinte de leur identité.
Ces dispositions facilitent également l’information des victimes relativement aux modalités de recouvrement des dommages et intérêts alloués par les juridictions et mettent en place un financement de l’aide qui leur est accordée.
Concernant l’encellulement individuel, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 en a posé le principe, qui est conforme aux règles pénitentiaires européennes et dont on parle depuis si longtemps – certains se rappellent peut-être que la commission d’enquête parlementaire sur la situation dans les prisons françaises avait déjà, en 2000, fait figurer l’encellulement individuel parmi les recommandations les plus urgentes ; c’était il y a quinze ans ! Sa mise en oeuvre réclame le développement de nos capacités pénitentiaires, mais aussi celui des mesures de probation. Tel est l’objet de toutes les dispositions, largement inspirées du rapport de Dominique Raimbourg, qui favorisent le prononcé de mesures de probation ainsi que leur suivi.
Quant aux amendements relatifs à l’indispensable sécurisation de notre procédure pénale, ils ont tous pour objet de préciser la loi pénale, en indiquant le point de départ du caractère exécutoire de la contrainte pénale, la durée des peines de stage, les délais de détention provisoire en cas d’appel, la nécessité de motiver les décisions de renvoi de la chambre de l’instruction, ou encore le délai imparti à la Cour de cassation pour statuer sur une demande de dessaisissement. Ces précisions étaient indispensables après les avis émis par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation.
J’en viens enfin aux dispositions relatives à la transmission aux administrations, par l’autorité judiciaire, d’informations relevant du domaine pénal. Madame la ministre de l’éducation vous parlera après moi de cette question difficile et importante.
Les dispositions que vous vous apprêtez à voter ont été critiquées en raison de leur caractère général, de l’atteinte qu’elles porteraient à la présomption d’innocence et du transfert de la responsabilité des mesures préventives de l’autorité judiciaire vers les autorités administratives.
Vous le savez, un des principes directeurs de notre procédure pénale est le secret de l’enquête, prévu par l’article 11 du code de procédure pénale. Si l’amendement gouvernemental s’était contenté d’y prévoir une dérogation uniquement pour des infractions commises par des professionnels travaillant en contact avec les mineurs, et seulement pour certaines infractions, il aurait, a contrario, interdit tout autre signalement. Votre assemblée, notamment votre rapporteur Dominique Raimbourg, y a été sensible et a fait état de la nécessité de protéger tous les publics les plus vulnérables, telles par exemple les personnes sous tutelle. Il serait en effet inconcevable qu’une personne condamnée pour abus de faiblesse sur une personne vulnérable à raison de son âge ou d’une maladie et travaillant au sein d’un hôpital ou d’une maison de retraite ne soit pas signalée à l’administration de la santé.
Le Gouvernement est conscient de la nécessité de conjuguer la meilleure protection possible des publics les plus vulnérables – avant tout les mineurs, mais pas seulement – et le respect de la présomption d’innocence des personnes mises en cause par la justice. Ce sont ces deux exigences qui ont guidé nos travaux comme elles ont guidé les réflexions de l’Assemblée.
Le travail très important qui a eu lieu depuis la première lecture dans votre commission des lois entre les parlementaires de toutes tendances et les ministères concernés, ceux de la justice et de l’éducation nationale, a permis de parvenir à un compromis acceptable. L’obligation de signalement concernant les professionnels travaillant au contact de mineurs est limitée aux situations où l’intéressé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer. Par ailleurs, elle ne peut être relative qu’à des infractions limitativement énumérées, de nature sexuelle ou violentes. Pour ces professionnels, la possibilité d’informer les autorités hiérarchiques des agents pour les infractions sexuelles et violentes est prévue, dès le stade de la garde à vue, sous le contrôle du procureur, ce qui constitue une garantie. Mais uniquement s’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’intéressé et moyennant une garantie importante : le recueil des observations de la personne mise en cause.
Enfin, pour les agents qui ne travaillent pas de façon habituelle avec un public de mineurs, ou qui travaillent avec des mineurs mais commettent d’autres infractions que les infractions sexuelles ou violentes, le texte ouvre une possibilité de signalement, mais limitée aux hypothèses dans lesquelles l’intéressé est mis en examen, renvoyé devant une juridiction de jugement ou condamné, et prévoit l’information systématique de ce dernier.
Avec ce texte, nous veillons donc à améliorer la protection des victimes, notamment les plus fragiles, à mettre en application le principe de l’encellulement individuel et à sécuriser notre procédure pénale.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd’hui pour la lecture définitive du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dont nous avons débattu la semaine dernière.
Vous le savez, le Sénat a rejeté, avec les autres dispositions de ce texte, celles que vous aviez adoptées concernant la transmission d’informations entre la justice et les administrations. Pour expliquer ce rejet ont été avancés à la fois la précipitation, le caractère général des dispositions, l’atteinte portée à la présomption d’innocence ou encore le transfert de la responsabilité des mesures préventives de l’autorité judiciaire vers les autorités administratives.
Soyons clairs. Avec la garde des sceaux, nous assumons d’avoir agi rapidement, mais en aucun cas dans une quelconque forme de précipitation. Les dysfonctionnements révélés à la fin d’avril par les inspections générales de nos ministères respectifs nous sont apparus à ce point graves et systémiques que nous nous devions d’agir rapidement et de soumettre au Parlement un dispositif complet permettant d’apporter une réponse aux familles, mais aussi de donner aux professionnels des solutions.
Ce dispositif, que vous validerez je l’espère, n’est pas une réponse de circonstance. Il n’est pas non plus formel, coupé des réalités. Au contraire, ce sera le premier à être construit pour donner aux professionnels un cadre sécurisé pour la transformation d’informations entre la justice et les administrations, pour des infractions concernant des personnes exerçant auprès de mineurs.
Les actes de pédophilie ne sont pas nouveaux. Mais après vingt-deux circulaires, depuis 1813, demandant à la justice de transmettre à l’éducation nationale les informations qui y sont relatives, nous ne pouvions nous contenter cette année d’en rédiger une vingt-troisième.
Ce n’est pas que rien n’ait été fait en deux cents ans. Mais collectivement, nous tolérions d’en rester à un cadre incertain : incertain pour les magistrats, appelés à agir sans que la loi ne les ait autorisés à transmettre des informations couvertes par le secret de l’instruction ; incertain pour les administrations, informées par la rumeur, la presse ou une indiscrétion. Les situations sont beaucoup trop sensibles pour que l’on puisse accepter de maintenir un tel flou.
Refuser un cadre légal clair et précis n’était pas sans conséquences. On ouvrait ainsi des failles aux prédateurs sexuels, dont on sait qu’ils recherchent les contextes professionnels dans lesquels ils peuvent côtoyer des enfants. On s’interdisait aussi d’imposer aux agents de terrain des procédures claires.
La volonté politique de traiter ce problème dans sa globalité ne s’exprimait pas. Vous avez aujourd’hui la possibilité, par votre vote, d’établir enfin par la loi ce qui était jusque-là le fruit d’appréciations inégales sur le territoire, de nous donner les moyens d’agir et de répondre à la demande des professionnels.
Ce n’est pas un blanc-seing. Voilà un mois, jour pour jour, que nous avons engagé ce débat. Le texte, nous le reconnaissons tous, a bien évolué grâce au travail de votre rapporteur, que je remercie pour sa détermination et le compromis qu’il a su forger.
Ce compromis permettra d’éviter que des agents condamnés ou mis en examen pour des délits ou crimes sexuels sur mineurs puissent continuer, sans que cela soit connu de leur employeur, à être quotidiennement au contact d’élèves dont ils sont censés, d’après le référentiel métier de l’éducation nationale, « garantir la sécurité, la sûreté et le bien-être ».
Ce ne sont pas des cas isolés. Mes services m’ont fait part de plus de 400 situations qui ont donné lieu entre 2012 et 2014 à des échanges entre la justice et l’éducation nationale. Des liens existent donc, certes, mais ils étaient jusque-là aléatoires. Les affaires tragiques de Villefontaine et d’Orgères nous ont montré combien les prédateurs usent de ces failles.
Notre objectif est de les empêcher de nuire aux enfants. Cela ne signifie pas que nous devions agir sans discernement, dès qu’une rumeur se propage. Les amendements du rapporteur ont d’ailleurs permis de renforcer sensiblement les droits et les garanties apportées à la personne mise en cause.
Avec la garde des sceaux, nous avons eu à chaque instant de nos travaux le souci de conjuguer la meilleure protection possible des publics vulnérables et le respect de la présomption d’innocence. À cet égard, vous avez prévu que l’information apportée à l’administration sera régie par le secret professionnel et que la personne mise en cause sera systématiquement informée de la transmission d’informations à son employeur.
Je rappelle que l’obligation de signalement concernant les professionnels travaillant au contact de mineurs est limitée aux situations où l’intéressé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer. Par ailleurs, elle ne peut être relative qu’aux infractions limitativement énumérées, de nature sexuelle ou violentes. La transmission d’information n’est évoquée dès le stade de la garde à vue que lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’intéressé, moyennant le recueil des observations de la personne concernée.
L’ensemble de ces garanties étaient utiles pour trouver un équilibre qui ne fasse pas prévaloir une sorte de principe de précaution sur la présomption d’innocence. Je n’ignore pas que le Sénat conteste cet équilibre et que, pour ce motif, il s’est refusé à débattre sur le fond du texte. Vous vous êtes livrés à cet exercice et, grâce à vous, nous avons progressé.
Mesdames et messieurs les députés, si vous adoptez ce texte, nous ne tarderons pas à l’appliquer. Sur le terrain, la quasi-totalité des futurs « référents justice » de mon ministère ont été identifiés et pourront être nommés dès la rentrée scolaire. Avec le concours du ministère de la justice, nous les formerons pour agir et mettre en place un nouveau partenariat.
Ce partenariat sera d’ailleurs bénéfique aussi pour d’autres sujets que la pédophilie. Les différents rapports et missions de vos commissions ont en effet montré que des améliorations importantes pouvaient être apportées, en particulier dans le domaine de la protection de l’enfance.
En votant en faveur de ce projet de loi, vous nous accorderez votre confiance afin que nous puissions, avec la garde des sceaux, changer vraiment les choses. Les inspections générales, que nous avions mandatées sur les affaires de Villefontaine et d’Orgères, nous invitaient à le faire ; les parents d’élèves nous pressent également d’agir. Je vous remercie donc par avance de votre vote et de votre confiance.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, le texte soumis à votre vote est, dans son ensemble, un texte d’adaptation.
Il s’agit d’abord d’une adaptation explicite au droit de l’Union européenne, qui prévoit la limitation des conflits de compétence, afin que les juridictions des vingt-huit États ne puissent juger deux fois les mêmes faits, et la reconnaissance mutuelle des mesures pré-sentencielles de contrôle judiciaire et des peines de probation post-sentencielles, qui peuvent être exécutées indifféremment dans les États membres.
C’est utile, c’est nécessaire, cela confirme la naissance d’un droit pénal européen, un exercice très difficile puisque les mots n’ont pas la même signification selon les institutions. La difficulté de construction de ce droit européen transparaît dans le langage utilisé dans les directives, puisque l’on n’y parle jamais de « procureur », par exemple, mais d’« autorité poursuivante », et que l’on y évoque les « parties signataires ».
Par ailleurs, deux directives intéressant principalement les victimes sont transposées.
Ce texte procède aussi à une forme d’adaptation implicite. Nous avons ainsi repris les dispositions concernant la sur-amende pénale, en application de la directive du 25 octobre 2012 qui prévoit l’unification du droit des victimes dans l’ensemble de l’Union européenne. Conformément aux règles pénitentiaires européennes, nous reprenons également un certain nombre de mesures que j’avais préconisées dans mon rapport.
L’une des dispositions de ce texte qui fait l’objet de nombreuses discussions concerne la transmission d’informations de la justice en direction de l’éducation nationale et, au-delà, de toutes les administrations employant du personnel en contact quotidien ou fréquent avec des mineurs. Elle n’est jamais que le fruit de l’adaptation de la directive 2013-55 du 20 novembre 2013, qui fait obligation aux États de se transmettre les informations concernant les qualifications professionnelles.
Ces adaptations sont nécessaires pour garantir la sécurité juridique, une exigence nationale et européenne.
Permettez-moi de vous en donner quelques exemples. L’article 5 septies fixe la durée maximale des stages. L’article 5 decies encadre les délais d’examen des appels formés contre une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ce qui n’est pas très parlant à première vue mais qui comble le vide juridique qui permettait à un détenu d’être libéré d’office compte tenu du délai entre l’appel et l’audience devant la Cour d’appel.
L’article 5 septdecies E vise à permettre aux directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation – SPIP – d’avoir accès directement au bulletin no 1 du casier judiciaire des personnes condamnées. On ne refait pas l’histoire, mais dans le drame de Pornic, une telle possibilité aurait permis à l’agent de probation de prendre connaissance du passé judiciaire de l’assassin, qui en l’occurrence n’était renvoyé devant lui que pour injure à magistrat et qui n’avait à purger qu’un sursis avec mise à l’épreuve. Ici encore, il y a une urgente nécessité d’adapter les textes.
Enfin, l’article 6 bis répare une malfaçon de la loi sur la transparence de la vie politique.
Toutes ces adaptations sont urgentes. De la même façon, les dispositions de l’article 5 septdecies A, relatives à la transmission des informations concernant des condamnations ou des poursuites doivent être mises en oeuvre dès la rentrée scolaire prochaine.
Ce sentiment d’urgence était partagé par nos collègues sénateurs, qui ont introduit par exemple un article 5 bis afin de satisfaire aux injonctions du Conseil constitutionnel. Cet article adapte en effet la procédure applicable en matière d’escroquerie en bande organisée, après que le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme la disposition autorisant une garde à vue de 96 heures lorsque l’infraction en cause n’est qu’une infraction aux biens.
Pour dire les choses comme elles sont, nous comprenons mal que le Sénat ait adopté une motion d’irrecevabilité et refusé d’examiner les articles. Les sénateurs taxent certains des articles que nous avons introduits de cavaliers, alors qu’eux-mêmes en avaient introduits de semblables ! Dans une procédure accélérée, il arrive que l’une des deux assemblées n’ait pas une entière visibilité du texte, mais la commission mixte paritaire permet de régler cette difficulté.
Ces adaptations diverses sont utiles et opportunes. Les critiques du Sénat sur le fond ne sont pas légion. Elles portent sur la possibilité d’accorder plusieurs sursis avec mise à l’épreuve de suite et sur la disposition permettant au juge d’application des peines de prendre explicitement en considération la situation de surpopulation carcérale pour statuer sur les efforts de réinsertion du condamné.
Le Sénat doute également de la constitutionnalité du dispositif de sur-amende. Dans la rédaction de l’article nouveau soumis à votre vote, nous avons pourtant pris en compte les observations du Conseil constitutionnel, qui reprochait au premier texte de ne pas prendre en considération l’individualisation de la peine.
Enfin, figurent dans le rapport du Sénat des critiques sur le dispositif de transmission de l’information. En revanche, on n’y trouve aucune critique sur le dispositif obligeant le procureur à transmettre des condamnations, et pas davantage sur celui le contraignant à transmettre les décisions plaçant un intéressé, pendant le cours des poursuites, sous contrôle judiciaire et lui interdisant spécifiquement d’avoir des contacts avec des mineurs.
Les possibilités de transmission me semblent pourtant à l’abri des critiques du Sénat. Lorsque le procureur en a la possibilité, celle-ci est très encadrée. Elle n’est prévue que pour des infractions graves, commises par des personnes bien déterminées, celles qui, professionnellement ou par leur activité bénévole, sont en contact avec des mineurs.
Par ailleurs, cette transmission n’est possible qu’à des stades déterminés de la procédure : la mise en examen, la décision de renvoi devant le tribunal correctionnel – qu’elle émane du juge d’instruction par ordonnance, du procureur par citation ou de l’officier de police judiciaire par convocation – et la fin de la garde à vue. S’agissant de cette dernière, des dispositions particulières ont été prises avec des garanties spécifiques et l’obligation de recueillir l’avis de l’intéressé sur la transmission.
Pour reprendre une expression chère à tous, c’est un texte d’équilibre qui est soumis à votre appréciation. Il est urgent, il est nécessaire et j’espère et je pense que vous le voterez.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour la lecture définitive du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.
Afin de nous intégrer efficacement à l’espace pénal européen, il est nécessaire d’adopter ce texte, qui répond à deux objectifs : nous mettre en conformité avec nos engagements européens et actualiser notre procédure pénale.
La transposition dans notre droit national de l’ensemble des dispositions européennes qui s’imposent à nous relève maintenant de l’urgence. Il s’agit des décisions-cadres du 30 novembre 2009, du 27 novembre 2008 et du 23 octobre 2009, mais également des directives du 13 décembre 2011 et du 25 novembre 2013. Ces règles européennes auraient dû être respectivement transposées avant le 6 décembre 2011, le 15 juin 2012 et le 1er décembre 2012. Nous avons également dépassé le délai pour l’une des directives, qui aurait dû être transposée au plus tard le 21 décembre 2013.
Par ailleurs, ce projet de loi vise trois grands objectifs destinés à intégrer la France dans l’espace pénal européen et adapter ainsi notre procédure pénale aux législations en vigueur chez nos voisins.
Le premier objectif est d’éviter que des poursuites parallèles soient menées dans des États membres au sujet des mêmes faits et des mêmes personnes. Il s’inscrit dans le respect du principe juridique selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes infractions, que l’on retrouve à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. Ainsi, pour prévenir ces « doublons juridiques », le texte prévoit dans son article 1er des mesures d’échanges d’informations entre les autorités poursuivantes des différents États.
Le deuxième objectif est d’appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle, en France et dans les autres pays membres, des décisions de contrôle judiciaire ainsi que des mesures probatoires prononcées dans un pays donné mais exécutées dans un autre. Les décisions prises à l’encontre d’un citoyen de l’Union européenne dans un pays qui n’est pas son lieu de résidence pourraient ainsi être exécutées dans son pays d’origine, en restant conformes au droit du pays donné et sans aller à l’encontre de la volonté de la personne condamnée.
Je tiens par ailleurs à saluer, au nom de mon collègue Stéphane Claireaux, la mise en place à Saint-Pierre-et-Miquelon d’un véritable service pénitentiaire d’insertion et de probation, calqué sur ce qui se fait dans les autres départements de France, ce qui donne un fondement juridique à la pratique. En effet, ce territoire a été récemment doté d’un poste de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation.
Enfin, le troisième objectif est d’instituer une reconnaissance mutuelle des décisions de protection et d’aide européenne des victimes afin de permettre aux victimes de certaines violences de bénéficier des mesures de protection mises en place par leur pays, y compris lors de leurs déplacements. Des normes minimales relatives au respect du droit des victimes en matière de procédure pénale seraient également mises en oeuvre. Ainsi, en matière de violences faites aux femmes, l’Union européenne avait, dès 2009, enjoint les États membres à renforcer leur législation.
Harmoniser ces législations et ces politiques pour la défense des droits de chacun et pour la protection des victimes est donc l’une des pierres angulaires d’un espace de sécurité et de justice commun.
Afin d’assurer le financement d’une telle protection des victimes, l’article 4 quater reprend la loi du 15 août 2014 en instaurant une amende au profit des associations de victimes. Le taux de cette contribution est fixé à 10 % des sanctions pécuniaires prononcées. Toutefois, au nom du principe de l’individualisation des peines, le juge reste libre de modifier cette amende au cas par cas, ou, le cas échéant, d’y déroger.
Les dispositions en matière criminelle ont toujours fait l’objet d’une volonté d’harmonisation au niveau européen. En effet dès le programme de La Haye, l’Union européenne a affirmé sa volonté de créer un espace de sécurité, de liberté et de justice. Dès lors, il est indispensable que les États membres aient une conception identique, du moins dans ses éléments essentiels, des notions de liberté, de sécurité et de justice. Cette compréhension doit reposer sur les valeurs qui sont les nôtres, c’est-à-dire les principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que d’État de droit.
Bien sûr, ce projet de loi fait suite à de nombreuses ébauches visant à créer cet espace pénal européen. Par exemple, dès 1998, le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale avait été évoqué lors du Conseil européen de Cardiff, puis dans les conclusions du traité de Tampere en 1999.
En matière de lutte contre les actes criminels, par une décision de 2002 avait été créé l’organe institutionnel Eurojust, qui siège à La Haye et dont la mission est de faciliter la coopération judiciaire en vue de prévenir les crimes les plus graves comme le trafic d’êtres humains et de drogues, le blanchiment d’argent ou encore le terrorisme.
Mais cet espace pénal s’est réellement concrétisé à l’occasion de la ratification en 2007 du traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. Il est plus que temps d’en renforcer les dispositions.
Or, comme vous le savez, les radicaux de gauche ont toujours été profondément attachés à l’Union européenne et à la mise en place de dispositions communes entre les États membres. Rappeler notre attachement à l’Europe et à la solidarité entre ses États n’est pas superflu dans la période actuelle.
Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’insertion controversée de l’article 5 septdecies A en première lecture, issu d’un amendement du Gouvernement. J’aborderai le fond du dispositif dans un instant mais je souhaite tout d’abord évoquer la méthode du Gouvernement.
Amendement déposé hors délai, examiné à une heure du matin un mercredi soir, après demande de retrait d’un amendement plus mesuré du rapporteur… Le Gouvernement prend ses libertés, une fois encore, avec le travail des parlementaires. Or, force est de constater que nous sommes contraints, de plus en plus fréquemment, d’examiner les textes dans de telles conditions.
Revenons-en au fond. Ce nouvel article visait à ouvrir la possibilité pour le ministère public d’informer les administrations et les organismes compétents de l’existence d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est en lien avec des mineurs.
L’objectif de cette disposition se justifie pleinement. En effet, elle vise à protéger les mineurs du fait des majeurs ayant autorité sur eux. Les récents cas de pédophilie découverts par le ministère de l’éducation nationale dans la commune de Villefontaine, en Isère, nous obligent à prendre nos responsabilités et à trouver des réponses pénales adaptées.
Toutefois, nous craignions que l’insertion d’un tel dispositif aille à l’encontre du principe juridique de la présomption d’innocence, principe fondamental de notre droit pénal que nous avons le devoir de protéger au nom des libertés de chacun. En effet, la seule ouverture d’une enquête ou d’une instruction ne constitue pas une preuve suffisante de la commission des faits par la personne soupçonnée et pourrait entraver la procédure. Plus encore, l’utilisation de ces informations non définitives pourrait porter préjudice à la réputation et à l’honneur de la personne concernée.
Ainsi nous sommes rassurés que la commission ait modifié ce dispositif. Désormais, l’existence d’une enquête ou d’une instruction ne sera pas un fait suffisant. Seules les condamnations, y compris non-définitives, pourraient faire l’objet d’une information par le ministère public. Ceci constitue une sécurité nécessaire, une décision de justice ayant déjà été prononcée par un magistrat indépendant et impartial.
En outre, le rapporteur, Dominique Raimbourg, a veillé à ce que la communication de cette information reste une simple faculté. Nous sommes donc satisfaits de cette nouvelle rédaction, plus équilibrée, assurant le respect des droits de la défense tout en remplissant son objectif indispensable de protection des mineurs.
Enfin, en tant que membre de la commission de la défense, j’approuve le renforcement de la coopération policière et pénale européenne prévu par le texte. Dans le contexte actuel et face aux différents dangers qui menacent notre territoire, assurer à nos concitoyens une sécurité maximale, fruit d’une action conjointe, me semble être un objectif primordial.
Ainsi, pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe des radicaux, républicains, démocrates et progressistes que je représente aujourd’hui votera en faveur de ce texte. Je vous remercie.
Nous arrivons au terme de cette session extraordinaire et du débat parlementaire autour de ce texte. Nos échanges ont été très riches, tant en commission qu’en séance, en particulier la semaine dernière puisque nous avons pu aboutir à un compromis avec le Gouvernement.
La situation était urgente, reconnaissons-le. Nous devions absolument passer par une loi et le texte que nous nous apprêtons à voter ce soir réalise un excellent compromis entre la nécessité de protéger des enfants et celle d’inscrire des dispositions dans le code de procédure pénale.
Je retiendrai cinq points de ce projet de loi : il s’inscrit dans le cadre de la réforme pénale d’août 2014, il modernise les dispositifs, il rend la procédure pénale efficace et lisible, il tend à lutter contre la récidive et surtout il tend à éviter l’incarcération.
Aujourd’hui naît un modèle français, qui en inspire d’autres puisque récemment, Barak Obama, qui fut le premier président des États-Unis à visiter une prison, a reconnu que la France menait, au sein de l’Europe, une politique particulièrement volontariste. Nous sommes très heureux de pouvoir faire des émules jusqu’aux États-Unis où la situation est particulièrement préoccupante puisque plus de deux millions de personnes s’y trouvent incarcérées, notamment des jeunes.
Nous savons aujourd’hui que la politique du tout carcéral est un échec. C’est pourquoi le groupe socialiste, républicain et citoyen salue tout particulièrement l’action volontariste du Gouvernement. Nous avons ouvert les yeux depuis 2012 et ce texte inscrit dans un véritable changement de cap : il faut éviter l’incarcération et, quand elle ne peut l’être, en faire un moment utile, construire pas à pas l’espace pénal européen et mettre notre législation pénale en conformité avec l’ensemble de nos engagements européens, et surtout tenir compte des décisions des juridictions européennes.
Ensuite, les débats parlementaires ont enrichi le texte initial concernant l’indemnisation des victimes, j’y reviendrai, et l’aménagement des peines, en ouvrant la possibilité de prononcer un travail d’intérêt général ou un stage de citoyenneté même en l’absence du prévenu : voilà de la simplification et de l’efficacité ! De même, la possibilité de convertir une peine d’emprisonnement en sursis avec mise à l’épreuve, en contrainte pénale, en jours-amende ou en travail d’intérêt général est, là encore, une mesure d’efficacité. Fixer de nouveaux délais destinés à accélérer les procédures et à faciliter l’examen des recours, c’est encore une mesure d’efficacité et de modernisation ! Protéger les témoins dans les cas de crimes et délits très aggravés en ordonnant le huis clos et en leur garantissant la confidentialité, c’est aussi tenir compte des réalités ! Il en va de même pour les personnes condamnées à des peines de jours-amende : ouvrir la possibilité de ne pas exécuter une peine de prison ferme et de faire cesser les effets de la peine en payant l’intégralité de l’amende, c’est encore répondre par l’efficacité.
Troisièmement, je l’ai dit et répété : il y a urgence. Ces différents textes européens auraient dû être transposés depuis bien longtemps.
Quatrième point : le coeur du projet de loi porte sur la coopération judiciaire au sein de l’Union européenne. Le respect absolu de la règle non bis in idem, nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits, est rappelé. La possibilité d’exécuter des mesures de contrôle judiciaire, qu’il s’agisse du contrôle judiciaire, des condamnations ou des décisions probatoires, dans un autre État que celui qui les a prononcées est particulièrement attendue : élue d’une région frontalière où une juridiction statue notamment sur des infractions douanières, je peux vous dire que les articles 2 et 3 de ce texte seront particulièrement déclinés, tant pour ce qui est du contrôle judiciaire que de l’exécution des peines, et ce pour tous les ressortissants de l’Union européenne.
À titre personnel, j’ai d’ailleurs longtemps regretté que le droit pénal européen se limite au mandat d’arrêt européen, une procédure très risquée compte tenu du manque d’harmonisation, voire des contradictions entre législations, notamment dans les codes de procédure pénale.
Enfin, le dernier point porte sur la mesure forte qui concerne les victimes : nous instaurons une contribution dans la limite de 10 % qui laisse une totale liberté au juge, qu’il s’agisse des amendes pénales ou des amendes douanières recouvrées.
Puisque nous sommes en fin de session, veuillez excuser mon impertinence, mais je m’adresserai aux bancs de droit en paraphrasant Pierre Desproges : les victimes, c’est comme l’amour, il y a ceux qui en parlent et ceux qui le font ! Cela dit, il me semble désormais urgent de me taire, non sans vous avoir précisé que nous voterons ce texte.
Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Qu’il me soit permis, madame Capdevielle, de former un voeu : celui que ce texte, que nous aurions souhaité voter, ne soit pas la victime de la méthode qui a été employée. Vous n’ignorez pas en effet, bien que vous ayez légèrement atténué le fait dans votre propos – comme il est normal de votre part, de même qu’il est normal de la mienne que j’insiste sur ce point – que le déroulement de la procédure d’examen de ce texte met le texte lui-même en péril.
C’est d’autant plus regrettable que l’une des dispositions du texte les plus importantes par sa portée, même si son contenu devait être modifié et l’a globalement été, et qui ne faisait pas partie des dispositions initiales puisqu’elle ne relève pas de la transposition d’une directive européenne, reçoit notre assentiment, et le mien en particulier.
Il est vrai que nous atteignons la fin de la session extraordinaire et qu’il peut sembler inutile de s’occuper de procédure et de principes de l’élaboration de la loi, mais je souhaite tout de même axer la première partie de mon propos sur ce thème.
« De l’usage immodéré de la procédure accélérée avec le risque majeur de faire capoter l’intérêt d’un texte » : voilà le commentaire qui pourrait un jour être fait de ce qui a conduit au vote d’aujourd’hui et, peut-être, de ce qui se passera demain, suite aux difficultés que le Conseil constitutionnel pourrait faire à ce texte. Vous le savez en effet : contrairement à nous, nos collègues sénateurs ont décidé de le soumettre à l’examen du Conseil.
Le risque est donc majeur que les dispositions qui n’étaient pas inscrites dans le texte initial, puisqu’elles ne relèvent pas de la transposition de directives européennes dans notre droit positif, subissent les foudres du Conseil au motif qu’elles constituent des cavaliers législatifs. Pourquoi ce risque est-il majeur ? Parce que ce texte ne comporte pas qu’un seul cavalier présumé, mais une quantité incroyable !
Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, de tempérer quelque peu votre ardeur concernant l’équilibre « donnant-donnant » entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le texte initial comportait huit articles, et nous l’aurions globalement voté sans aucune difficulté. Le Sénat y a ajouté cinq articles. Encore faut-il préciser qu’ils visent à leur tour à transposer des directives que le calendrier permettait de transposer plus tard : pour une fois, les délais de transposition correspondraient à ce que nous devrions faire toujours et que nous ne faisons que rarement.
Quoi qu’il en soit, cela n’a rien à voir avec ce qui a été fait à l’Assemblée, où vingt-sept nouvelles dispositions ont été adoptées, qui sont autant de cavaliers législatifs – c’est ainsi, je le crains, que le Conseil constitutionnel les qualifiera.
Ceci, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, ne se serait pas produit si le Gouvernement avait, pour ce texte, décidé de mettre un terme provisoire et peut-être définitif à cette fichue habitude qu’il prend depuis un certain temps de ralentir l’examen des textes en employant la procédure accélérée. Cette procédure, en effet, consiste en une seule lecture par assemblée ; elle suscite parfois quelques frictions et états d’âme concernant la forme, comme les a manifestés le Sénat compte tenu de la manière dont il a été traité. Une commission mixte paritaire est ensuite convoquée mais, en règle générale, il est évident qu’elle est vouée à l’échec, comme c’est de plus en plus souvent le cas. Je qualifierai la nouvelle lecture qui suit dans chacune des assemblées de lecture inutile. Enfin, une lecture définitive a lieu – nous y sommes.
La plupart du temps, l’idée toute simple de soumettre le texte à la procédure ordinaire et de veiller pas à pas à ce que l’Assemblée de son côté, le Sénat du sien et les deux chambres ensemble tâchent de bâtir un texte qui recueille le consensus, permettrait sans doute de gagner du temps et en outre limiterait, voire supprimerait les risques que le Conseil constitutionnel annule certaines dispositions par ailleurs importantes, pertinentes et décisives. Je crains fort qu’il ne retienne des motifs en ce sens.
Je souhaitais préciser ce point, et je ne suis pas le seul. Si je dis cela, ce n’est d’ailleurs pas parce que je suis un élu de l’opposition : sans lui faire l’outrage de trahir sa pensée et ses écrits, je rappelle que le président de notre commission forme parfois un jugement plus rude encore que le mien concernant la procédure retenue par le Gouvernement.
À l’origine, ce texte était positif : il s’agissait de transposer des décisions-cadre, avec un peu de retard, ce qui le rendait d’autant plus nécessaire. Le Sénat a ensuite proposé des dispositions convenables, que nous soutenions. En revanche, les ajouts auxquels le Gouvernement a procédé relevaient pour l’essentiel de causes importantes. Je pense en particulier à l’affaire tragique de Villefontaine, au sujet de laquelle le Gouvernement, et je l’en félicite, a fait ce qu’il avait à faire, en toute clarté et avec volonté. Il ne faut pas croire, ce serait même injurieux, que le Gouvernement a utilisé une méthode un peu trop martiale devant l’opinion : au contraire, il a fait son devoir.
C’est pour cela qu’il est regrettable que cette disposition, qui aurait pu ne souffrir aucune contestation, soit ici accompagnée d’autres mesures dont certains collègues de la majorité, c’est leur droit, estiment qu’elles sont importantes mais qui nous posent problème. Je le répète, et vous le savez : nous sommes hostiles à la peine de sursis avec mise à l’épreuve prononcée contre un récidiviste. De même, l’obligation de prendre en compte les conditions d’incarcération des condamnés pour prononcer des remises de peine complémentaires ne correspond pas à notre philosophie. Voilà des dispositions qui nous auraient peut-être empêchés de voter le texte, quoique, comme elles sont mêlées à d’autres mesures importantes, nous aurions – j’aurais – peut-être fait le choix de privilégier ce qui est important au détriment de ce dont je regrette la présence dans le texte mais qui semble moins important.
Vous avez donc pris un risque, dont je crains fort qu’il ne soit grave au regard de ce que nous avons à faire ensemble et de ce qu’il revient, vous avez raison sur ce point, madame la ministre, à la loi de dire et de faire, au lieu de se contenter d’une vaine circulaire de plus.
Je salue l’accord que le Gouvernement a donné à l’un de nos amendements, mais je regrette que nous ne soyons pas allés un peu plus loin. Le Gouvernement et la majorité ont refusé l’amendement de M. Lellouche. Vous avez certes accepté celui que j’ai présenté avec M. de Ganay, et c’est une bonne avancée. Je regrette néanmoins que vous n’ayez pas pris la liberté utile de faire davantage.
Ce matin, le Sénat a rejeté le texte en adoptant une motion d’irrecevabilité. C’est dommage qu’il en soit arrivé là. Ulcéré sans doute de découvrir de nombreux et importants amendements qui sortaient du cadre initial de la commission mixte paritaire, il était normal qu’il manifestât quelque perplexité, voire de l’inquiétude.
Pour conclure, je ferai part à ceux qui n’en ont pas eu connaissance des propos tenus ce matin au Sénat par le rapporteur François Zocchetto : « Ce texte souffre de trois défauts. En premier lieu, sa généralité : loin de se limiter aux atteintes contre les mineurs, il s’étend à toute infraction et à toute administration. Son deuxième défaut majeur est qu’il est gravement attentatoire à la présomption d’innocence, puisqu’il intervient avant toute condamnation pénale et hors du contrôle d’un juge. Enfin, il transfère la responsabilité de l’autorité judiciaire vers l’administration pour prendre des mesures préventives contre la personne mise en cause. Outre qu’elle prive la personne en cause de tout recours, cette sous-traitance aux administrations laisse celles-ci démunies face à un problème qui les dépasse ».
Je ne vais pas plus loin, mais ces propos que François Zocchetto a tenus ce matin au Sénat, il les aurait tenus – je le sais car il me l’a dit – si sa commission avait eu la possibilité de se pencher sur ces dispositions et d’en débattre avec le Gouvernement. Elle ne l’a pas eue. Cela a conduit à ce qui s’est produit ce matin au Sénat.
Je suppose que cela n’empêchera pas notre assemblée de voter ce texte, mais le risque très fâcheux pourrait exister que cette mauvaise appréciation de la procédure conduise le Conseil constitutionnel à renvoyer, pour des raisons évidentes, l’ensemble de ces articles là d’où ils n’auraient pas dû sortir. Il pourrait le faire, et ce serait très regrettable.
Nous attendions un signal nous permettant de décider d’un vote positif ; vous comprendrez que cela ne puisse se produire. Nous nous abstiendrons donc, pour ne pas empêcher ce texte d’aboutir – et comment le pourrions-nous, puisque nous sommes minoritaires ! Tout cela est néanmoins regrettable. J’espère que le Conseil constitutionnel ne fera pas trop de mal à ce texte. S’il le faisait, nous n’en serions pas les responsables. À l’avenir, le Gouvernement serait fondé à écouter plus souvent la parole très juste du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je tâcherai d’être plus modéré que mon camarade Geoffroy, dont vous conviendrez tout de même qu’il n’a pas exagéré…
Sourires.
Après deux lectures au sein de chacune des assemblées et l’échec de la commission mixte paritaire le 2 juillet dernier, nous achevons aujourd’hui l’examen de ce texte.
Le projet de loi initial, examiné en premier lieu au Sénat, visait à transposer trois décisions-cadre adoptées par l’Union européenne et une directive. La première est relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation. La deuxième concerne l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions relatives à des mesures de contrôle en tant qu’alternative à la détention provisoire. La troisième porte sur la prévention et le règlement des conflits en matière d’exercice de la compétence dans le cadre des procédures pénales.
Le projet de loi entend également transposer la directive du 13 décembre 2011 relative aux conditions applicables aux ressortissants des pays tiers ou aux apatrides pour qu’ils puissent bénéficier d’une protection internationale.
Ces trois décisions-cadres auraient dû respectivement être transposées avant le 6 décembre 2011, le 15 juin 2012 et le 1er décembre 2012 ; quant à la directive, elle aurait dû l’être au plus tard le 21 décembre 2013. Ces retards nous contraignent une fois encore à procéder à ces transpositions dans la précipitation, sous la menace d’actions en manquement.
Ainsi que l’ont souligné les précédents orateurs du groupe UDI sur ce texte, la France a encore des progrès à faire pour réduire ce déficit de transposition. Quoi qu’il en soit, ce projet de loi a son importance car c’est en appliquant les mêmes règles de procédure aux nationaux des différentes États de l’Union que nous pourrons construire un véritable espace juridique pénal européen.
Ce texte constitue donc une étape indispensable que le groupe UDI, profondément européen, ne peut qu’encourager. Lors des précédentes lectures, nous avons souligné les mesures qui, selon nous, constituent de réelles avancées.
L’article 1er, dont la rédaction a été améliorée par le Sénat, permettra de limiter les situations dans lesquelles deux procédures pénales parallèles, portant sur les mêmes faits et mettant en cause les mêmes personnes, sont conduites indépendamment dans deux États différents. Nous pourrons ainsi éviter les confusions qui peuvent naître lorsque les juridictions de deux pays s’intéressent au même dossier.
Les articles 2 et 3 permettent de renforcer la coordination entre les magistrats des différents États membres de l’Union et étendent ainsi le champ des décisions pénales susceptibles d’être exécutées dans un autre État que celui qui les a initialement prononcées.
Cependant, l’enjeu d’un tel texte est aussi de procéder à une transposition suffisamment fidèle au droit européen tout en l’adaptant à notre droit national, sans pour autant céder à la tentation d’une « surtransposition ». Or, si le Sénat a su répondre à ces exigences, notre assemblée a considérablement modifié le texte depuis la première lecture.
Le Sénat a ajouté aux huit articles initiaux cinq nouveaux articles, tout en restant dans les limites du droit d’amendement, quand notre assemblée en a inséré vingt-huit !
Trois des dispositions ajoutées par le Sénat portent sur une adaptation au droit de l’Union européenne. Quant aux articles 5 bis et 5 ter, ils apportent quelques corrections à deux dispositions du code de procédure pénale rendues nécessaires, l’une par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’autre par le nouveau dispositif de la contrainte pénale.
L’article 5 bis a pour objet de résoudre une difficulté posée par une censure du Conseil constitutionnel s’agissant des gardes à vue en matière de criminalité organisée.
L’article 5 ter répare un oubli de la loi sur la prévention de la récidive concernant le caractère exécutoire de la conversion de la contrainte pénale en peine d’emprisonnement.
Or, les vingt-huit articles introduits dans le texte par notre assemblée traitent de sujets aussi divers que la prise en compte des conditions de détention sur l’obtention des remises de peine ou la création d’une majoration des amendes pénales au profit de l’aide aux victimes. Nous ne considérons pas ces dispositions comme étant toutes dénuées de pertinence. Pour autant, certaines d’entre elles auraient mérité davantage de débats.
Ce procédé a donc malheureusement conduit le Sénat à déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi et à ne pas adopter le texte.
L’article 5 septdecies A est également l’une des principales causes de désaccord entre nos deux assemblées. Cet article, introduit à l’initiative du Gouvernement, a pour objectif, louable, d’apporter une réponse aux questions qui avaient été soulevées en mars 2015 à la suite d’affaires de pédophilie survenues au sein d’établissements scolaires.
Pour autant, il est très général, puisqu’il ne se limite pas aux atteintes contre les mineurs et s’étend à toute infraction et à toute administration. En outre, il est attentatoire à la présomption d’innocence puisqu’il intervient avant toute condamnation pénale. Enfin, le transfert de responsabilité qu’il opère de l’autorité judiciaire vers l’administration prive la personne de tout recours et risque de laisser les administrations démunies face à un problème qui les dépasse.
Bien que modifié en commission par le rapporteur puis à nouveau, en séance, par le Gouvernement, cet article ne nous satisfait donc pas.
Notre position, au stade de cette ultime lecture, n’a donc pas changé : ce texte est nécessaire au regard de nos engagements européens et utile pour renforcer l’entraide judiciaire européenne. Néanmoins, en raison des nombreux cavaliers législatifs qui y ont été introduits, le groupe UDI s’abstiendra de le voter.
Et, chers collègues, puisque la session parlementaire est terminée, je vous rappelle qu’il existe dans le Pacifique un petit coin de France où il est bon de se ressourcer : la Polynésie ! Je vous remercie.
Rires.
Nous vous suivrons volontiers, cher collègue, mais après avoir écouté M. Coronado.
En matière de destination touristique, ma circonscription n’est pas mal non plus !
Sourires.
Nous arrivons à la fin de l’examen d’un texte qui constitue une étape de plus dans notre législation pour la création d’un espace de sécurité, de liberté et de justice au sein de l’Union européenne. Ce mouvement concerne à la fois la coopération policière et la coopération judiciaire dans le domaine pénal.
Or, la coopération policière bénéficiait déjà de mesures importantes contrairement à la justice, marquée par les exigences du respect des souverainetés étatiques. Le pouvoir judiciaire correspond en effet à la mise en oeuvre d’un pouvoir étatique régalien, placé au même niveau que les pouvoirs législatif et exécutif en application du principe de la séparation des pouvoirs.
Ce projet de loi avait d’abord pour objectif de mener à bien les adaptations législatives nécessaires à la mise en oeuvre des décisions-cadres de l’Union européenne en matière de procédure pénale.
Première conséquence, il réduit les contradictions entre les législations nationales en cas de procédures pénales parallèles dans plusieurs États membres et afin d’éviter des doubles poursuites sur les mêmes faits. C’est la question de l’application du principe non bis in idem. Conformément au protocole no 7 de la Cour européenne des droits de l’homme, « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ».
Avec la même logique, le regroupement de la procédure dans un État membre permettra d’éviter les enquêtes concurrentes et les doubles poursuites sur les mêmes faits. Ceci traduit certaines préoccupations en matière de protection des personnes mises en cause pénalement, mais également une volonté d’efficacité en matière de sécurité.
La reconnaissance des décisions judiciaires prises dans un État membre par les autorités compétentes des autres États membres est un autre point important du texte. Conformément au principe de reconnaissance mutuelle des décisions, l’application de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives par les autorités nationales compétentes constitue en effet une mesure indispensable.
Le projet de loi vise dans cette optique l’exécution des décisions de contrôle judiciaire, des condamnations et des décisions de probation comprenant la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution au sein des États membres de l’Union européenne. La situation des justiciables poursuivis ou condamnés dans un État membre se trouvera améliorée puisque le texte permettra l’exécution du contrôle judiciaire ou de la peine de probation dans l’État où ils résident habituellement ou dans l’État où ils disposent d’attaches familiales ou professionnelles.
Assurément, les apports visant à faciliter le recours à des peines alternatives telles que le sursis avec mise à l’épreuve – point sur lequel notre collègue de l’opposition Guy Geoffroy et moi sommes en désaccord – et la contrainte pénale favoriseront la réinsertion sociale des personnes condamnées. En l’espèce, il est également opportun de lever les modalités relatives aux obstacles qui caractérisent la libre circulation des décisions judiciaires.
Ce texte, qui vise aussi à protéger les victimes, permettra à celles-ci, grâce à un amendement du groupe écologiste dont je me félicite, d’être domiciliées chez un tiers au moment du dépôt de plainte. C’est une mesure utile et nécessaire qui aura un effet concret, certaines victimes pouvant hésiter à déposer plainte.
En outre, la notification à la victime du droit de saisine des services d’aide au recouvrement des victimes d’infractions – disposition issue d’un autre amendement de notre groupe – mais également l’information des victimes en cas de non-lieu, ou encore la possibilité de se faire traduire les actes de procédure, constituent pour les victimes de réelles avancées que nous devons en grande partie au travail de notre rapporteur.
En outre, dans l’article 6 bis, qui prévoit des sanctions pénales en cas de financement d’un parti politique par une personne morale, un oubli, qui a profité notamment au Front national, a pu être corrigé au cours de l’examen de ce texte.
Reste un point important, qui a suscité bien des polémiques : il s’agit de l’amendement dit « Villefontaine », qui est à l’origine de l’échec de la commission mixte paritaire. Cet amendement, relatif à l’information des employeurs en cas d’infraction liée à la pédophilie, avait été âprement débattu, dans cet hémicycle puis au Sénat, et sa rédaction initiale avait suscité de nombreuses critiques.
Pour rappel, cet amendement très sensible juridiquement et politiquement fut déposé la veille de la séance, le 23 juin 2015. De quoi s’agit-il concrètement ?
L’amendement « Villefontaine » prévoit la transmission de l’information aux administrations lorsqu’une personne travaillant aux côtés d’enfants est mise en examen ou renvoyée devant le tribunal pour des fautes graves commises contre les mineurs, qu’elles soient ou non de nature sexuelle. Les recteurs de l’éducation nationale, les responsables d’association qui travaillent avec des mineurs, ou encore les directeurs d’institutions privées seront ainsi informés en cas de poursuites judiciaires engagées contre leurs employés.
Cet amendement prévoit l’information de l’employeur par l’autorité judiciaire dès lors que la personne est suspectée d’atteinte sur des mineurs et qu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre les faits qui lui sont reprochés. En outre, les infractions concernées sont définies de manière particulièrement large. Je ne les citerai pas car nous les avons déjà évoquées.
Il appartiendra au procureur de la République, au stade de l’enquête, d’apprécier la situation à partir des éléments qui sont à sa disposition et, avant l’engagement de poursuites, de décider de la transmission de l’information lorsqu’il existera des raisons sérieuses de soupçonner que la personne mise en cause doit faire l’objet d’un signalement.
Le Sénat s’est interrogé, à juste titre, sur la légalité constitutionnelle de cette disposition. En effet, le procureur de la République pourrait informer l’administration de la mise en examen d’un agent ou de son renvoi devant une instance de jugement avant même toute condamnation. Il pourrait donc informer l’administration dès la garde à vue. Cette information est obligatoire en cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire assorti d’une interdiction d’exercer une activité en rapport avec les mineurs.
Ce dispositif porte gravement atteinte à la présomption d’innocence puisqu’il intervient avant toute condamnation pénale et hors du contrôle d’un juge. De plus, le transfert de responsabilité vers l’autorité administrative n’est pas souhaitable puisque la personne mise en cause ne peut faire valoir ses droits alors que les mesures conservatoires prises à son encontre peuvent être qualifiées de sanctions.
Je partage, ainsi que l’ensemble de mon groupe, les préoccupations qui ont été exprimées à cette tribune.
Outre les questions de fond qui portent sur le nécessaire secret professionnel qui doit présider à la transmission d’informations et sur l’atteinte à la présomption d’innocence, je partage également les interrogations qu’a exprimées, à maintes reprises et encore récemment dans la presse, le président de notre commission des lois sur la manière dont est fabriquée la loi.
Pourquoi, en effet, déposer aussi tardivement des amendements de cette importance et de cette nature ? Car malgré son caractère délicat, cet amendement a été déposé sans étude d’impact ni saisine du Conseil d’État, ce qui avait été le cas pour la création du FIJAIT, le fichier national des auteurs d’infractions terroristes.
Comme le président de la commission, je m’interroge : pourquoi le Gouvernement est-il ainsi conduit à amender notablement ses propres projets de loi ? Pourquoi lui faut-il procéder d’une manière que nous avions dénoncée dans le passé, en légiférant en urgence et sous le coup de l’émotion ?
L’amendement dont il est question expose les problèmes posés par les amendements gouvernementaux portant article additionnel. Ce type de pratique, comme cela a été dit, place les soutiens du Gouvernement devant le fait accompli et dans une situation de plus en plus intenable. C’est pourquoi il serait temps de s’opposer très fermement à cette pratique qui court-circuite l’étude d’impact, l’avis du Conseil d’État, le travail du rapporteur et même les parlementaires dans leur droit d’exercer leurs prérogatives.
En dépit de cette critique sur une pratique gouvernementale qui tend à se répandre, ce texte contient de nombreuses avancées pour les justiciables et pour les victimes. C’est pourquoi le groupe écologiste, après mûre réflexion, a décidé de lui apporter son soutien et de le voter.
Le projet de loi est adopté.
L’Assemblée a achevé l’examen des textes qui étaient inscrits à son ordre du jour.
Le président a reçu du Premier ministre communication du décret du Président de la République, en date du 23 juillet 2015, portant clôture de la session extraordinaire.
En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.
Je vous souhaite à tous un bon été.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly