Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 23 juillet 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voilà à nouveau réunis en séance afin d’examiner, en lecture définitive, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, adopté en nouvelle lecture le 8 juillet 2015 par notre assemblée.

Nous regrettons bien entendu le désaccord en commission mixte paritaire, mais il n’est pas singulier de constater qu’il était difficilement possible de trouver un consensus avec l’actuelle majorité sénatoriale sur des dispositions législatives portant un réel message social, qui forment l’une des mesures phare de l’action gouvernementale actuelle, et qui symbolisent une large part de sa politique, axée sur le dialogue avec les acteurs sociaux pour parvenir aux meilleurs résultats possibles en matière de représentation.

Concernant le texte en lui-même, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste est pleinement satisfait de l’adoption par cette assemblée, en nouvelle lecture, de plusieurs points qui lui semblaient majeurs.

La consécration, à titre d’exemple, des mesures relatives aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles – CPRI – nous semble bien évidemment appropriée. La défense des salariés des plus petites entreprises nous est chère et ces dispositions permettant leur représentativité symbolisent l’objectif de ce projet de loi, dans la volonté d’introduire le meilleur dialogue possible avec l’ensemble des acteurs sociaux.

À ce titre, nous nous réjouissons que les dispositions remplaçant, dans le cas spécifique de Saint-Pierre et Miquelon, et s’agissant des commissions paritaires interprofessionnelles, le terme « régionale » par celui de « territoriale », aient été réintroduites lors de la nouvelle lecture. Cette évolution opportune, qui prévoit également que le Gouvernement fixe par décret la composition de cette CPTI, permet d’élargir avec souplesse le champ d’application de ces commissions au cas si particulier de cet archipel. L’ensemble des salariés des petites entreprises sera ainsi représenté sur tout le territoire national. Nous remercions à ce sujet le rapporteur Christophe Sirugue pour avoir réintroduit ces dispositions à l’occasion de la nouvelle lecture devant l’Assemblée nationale.

Je tiens par ailleurs à souligner l’avancée majeure du dispositif de la « prime d’activité », innovation de ce projet de loi. Le champ des bénéficiaires de la future prime a en effet été élargi, en nouvelle lecture à l’Assemblée, grâce à un amendement du groupe RRDP, aux foyers comprenant d’une part un conjoint bénéficiaire de la prime, et d’autre part un conjoint en congé parental mais qui exerce parallèlement une fonction d’assistance maternelle. Grâce à cet amendement, il a de surcroît été étendu aux foyers comprenant une seule personne, elle-même en congé parental d’éducation et qui exerce l’activité salariée d’assistance maternelle.

En effet, le projet de loi initial prévoyait d’exclure ces deux catégories de foyers. Rappelons toutefois que le congé parental d’éducation concerne à 96,5 % des femmes, d’ailleurs principalement salariées modestes. Il est logique de voir une telle disposition corrigée, puisqu’elle était défavorable à ces foyers qui ne déméritent pas au regard de leur activité professionnelle. II ne s’agit pas non plus d’une « trappe à pauvreté » puisque le congé parental est temporaire et que la salariée doit nécessairement reprendre son emploi au bout de deux années. Il s’agit uniquement d’un complément financier fort utile pour une activité professionnelle exercée dans le cadre d’un congé parental pris à 40 % du temps de manière contrainte, par des parents qui n’ont pas trouvé de mode de garde qu’ils puissent assumer financièrement. Cela nous semble bien plus adéquat aux valeurs qui nous sont chères, au centre desquelles l’égalité, qui illustre l’esprit même de la République.

De surcroît, nous sommes satisfaits des dispositions adoptées conjointement par notre assemblée et par le Sénat pour simplifier le statut des salariés embauchés en CDD saisonniers. En effet, leurs employeurs ne sont plus, dès lors, soumis aux nombreuses obligations administratives complexes qui s’imposaient dès que le contrat s’arrêtait. Ces mesures devenaient non seulement inutiles dès lors que le renouvellement du contrat était déjà prévu entre les parties, mais aussi dangereuses à l’égard de l’employeur lui-même qui pouvait se voir opposer un risque juridique grave en se soustrayant à une obligation devenue superflue. Un consensus sur ce sujet était donc souhaitable, et nous nous félicitons de son aboutissement.

Enfin, un dernier sujet relatif à ce texte me semble essentiel, et je souhaite l’aborder devant vous, mais autour d’une réflexion plus achevée. Le groupe des radicaux de gauche et apparentés s’est en effet déjà exprimé au sujet du régime d’assurance chômage de l’intermittence, et nous nous réjouissons des avancées consacrées par ce texte.

Il serait tout de même heureux de rappeler qu’en ces temps de crise, les intermittents du spectacle sont en première ligne pour jouer le rôle de boucs émissaires. Accusés de tous les maux, ils profiteraient du système, se tourneraient les pouces au soleil, creuseraient le trou de l’assurance chômage pendant que les autres travaillent durement.

Bref, en l’état actuel, rappelons que si la France se targue de rayonner culturellement, elle doit s’en donner les moyens.

Le débat autour du chômage des intermittents pèse presque chaque année sur les festivals estivaux, mais pas uniquement. Si les uns avancent que ce régime creuserait le déficit de l’assurance chômage à hauteur de 1 milliard d’euros, d’autres experts et spécialistes de la branche ont avancé des chiffres différents, mettant ainsi en exergue le fait qu’en appliquant le principe retenu par la Cour des comptes dans son rapport sur les intermittents, le régime le plus problématique creusant le déficit le plus large de l’assurance chômage ne serait pas celui des intermittents mais bel et bien les personnes employées en CDD.

Bref, il ne viendrait à l’esprit de personne de crier à l’abus quand son voisin a recours à son assurance après avoir eu un accident de voiture. Le régime de l’assurance chômage fonctionne de la même manière. Il est fondé sur un système de solidarité et il est utile de rappeler que quiconque touche le chômage a cotisé auparavant. Rappelons également que d’après l’UNEDIC, le déficit à « 1 milliard » d’euros comme on peut l’entendre régulièrement serait un chiffre faux. En effet, même si les intermittents revenaient au sein du régime général, il faudrait continuer à les indemniser. L’économie potentielle serait évaluée à 320 millions d’euros par an, c’est-à-dire trois fois moins que ce qu’avance la Cour des comptes. Sans compter que les intermittents qui n’auraient plus droit au chômage pourraient prétendre au revenu de solidarité active.

Les radicaux de gauche et apparentés estiment qu’il s’agit notamment, en temps de crise économique, de considérer la culture non pas comme un luxe, mais bien comme une échappatoire brève et opportune dans une vie économique morose et difficile. C’est aussi dans ces moments difficiles qu’émergent des projets remarquables, des histoires extraordinaires qui stimulent la création culturelle.

Les intermittents du spectacle ont une mauvaise image dans l’esprit de certains de nos concitoyens, ainsi que pour une partie conséquente de l’opposition actuelle à l’Assemblée nationale. II est temps de changer de paradigme et de rappeler les chiffres : le « droit d’entrée » actuel afin de toucher une allocation de retour à l’emploi est assez élevé en ce qui les concerne. En effet, les intermittents doivent justifier de 507 heures rémunérées sur dix mois pour les techniciens et sur dix mois et demi pour les artistes, contre 610 heures sur vingt-huit mois pour les salariés du régime général. En outre, la création artistique ne s’apparente pas au travail que la majorité d’entre nous connaît. Les heures passées à écrire un scénario ou monter une pièce de théâtre ont beau être cruciales, elles ne sont que rarement comptabilisées.

Les politiques publiques culturelles sont manifestement imbriquées avec l’économie. Ayons le courage de le dire : un régime spécial peut tout à fait être acceptable, surtout lorsqu’il concerne un domaine qui fait la fierté de notre pays. Il suffit pour cela de l’assumer clairement, comme certains le font avec les différentes niches fiscales que nous connaissons. Cessons de dire aux intermittents qu’ils « n’ont qu’à » choisir un autre métier, formule que personne ici n’oserait utiliser avec les agriculteurs, par exemple. Le tissu économique de notre pays est divers, varié, riche de différences. La culture peut être agricole ou intellectuelle. Dans les deux cas, cultivons-la !

Pour conclure, et vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient ce texte qu’il a déjà voté en nouvelle lecture et qu’il votera à nouveau.

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