Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 23 juillet 2015 à 15h00
Droit des étrangers — Vote sur l'ensemble

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Mesdames et messieurs les députés, au moment où nous arrivons au terme de ce débat, je voudrais remercier très sincèrement l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués dans les longues heures de discussion que nous avons eues.

Je voudrais notamment remercier et féliciter du fond du coeur le rapporteur, Erwann Binet, qui a fait un travail absolument remarquable avec le concours de Marie-Anne Chapdelaine et de l’ensemble des parlementaires du groupe socialiste, républicain et citoyen. J’ai trouvé que le rapporteur était parfois mis en cause et attaqué de façon injuste pendant ce débat, et cela ne se justifiait pas. Je veux lui dire tout mon soutien, et cela renforce encore la très grande estime que j’ai, non seulement pour sa personne, mais aussi pour le travail qu’il a accompli.

Je veux aussi dire quelques mots sur les conclusions que je tire des plusieurs mois qui viennent de se passer, puisque nous arrivons au terme de la discussion de deux textes : l’un portant sur l’asile et l’autre sur le séjour.

Qu’a fait le Gouvernement ? Quelle est la philosophie qui l’inspire ? Quels sont les résultats qu’il veut atteindre ? D’abord, la France est un pays qui, en Europe, a toujours eu une position particulière pour l’accueil de ceux qui sont persécutés, torturés, emprisonnés dans leur pays. Le droit d’asile en France a toujours eu une couleur, une dimension et un relief particulier. La manière dont nous l’avons fait vivre a été à l’honneur de la République et de la France depuis des décennies, et même au-delà depuis des siècles.

Nous avons voulu moderniser le droit d’asile pour le rendre conforme à cette tradition française. Aux termes de la loi récemment adoptée, nous faisons passer la durée de traitement des dossiers des demandeurs d’asile de vingt-quatre à neuf mois, nous donnons plus de moyens à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides – OFPRA – et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII –, nous créons plus de places, près de 12 000, dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, nous mettons en place, avec la ministre du logement, un plan exceptionnel de 11 000 places pour accueillir tous ceux qui sont en situation de détresse, nous reconnaissons davantage le droit des demandeurs d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile et devant l’OFPRA.

Dans le même temps, parce que nous sommes responsables et considérons que la soutenabilité de la politique de l’asile suppose la reconduite à la frontière des personnes qui ont été déboutées du droit d’asile et qui ne peuvent avoir accès au séjour à un autre titre, nous nous donnons, par la seconde loi, les moyens de ces reconduites, qu’il s’agisse de l’assignation à résidence ou de la clarification des modalités d’intervention du juge administratif et du juge des libertés et de la détention au moment de la rétention.

En deuxième lieu, je veux insister non seulement sur la vocation de la France à accueillir ceux qui souffrent de la persécution – elle le fait, avec l’Europe – mais aussi sur le fait qu’elle est une grande puissance économique, qui croit à ses atouts et aux chances de la croissance et qui a vocation à accueillir les talents. Le « passeport talent » et le titre pluriannuel de séjour constituent des progrès du point de vue la simplification, tout en donnant la possibilité à ceux qui veulent venir dans notre pays de le faire en étant assurés qu’ils ne seront pas confrontés à une succession d’obstacles.

De la même manière, ceux qui viennent doivent s’intégrer. Nous renforçons le contrat d’intégration en élevant son niveau d’exigence.

Une fois encore, tout cela n’est possible que dans la mesure où nous luttons résolument contre l’immigration irrégulière. Le démantèlement des filières a augmenté de 25 % depuis 2012. Nous sommes déterminés à continuer cette lutte, sans quoi tout ce que nous faisons par ailleurs ne sera pas soutenable. La démarche du Gouvernement est donc porteuse d’une véritable modernisation et d’une véritable ambition.

Je conclurai en évoquant la question des étrangers en France, dans un pays qui est traversé par des tensions, des antagonismes et même, lorsque l’on lit ce qui circule sur les réseaux sociaux – je vous invite à le faire ! – des haines qui nous éloignent chaque jour davantage, de façon insidieuse et terrible, du creuset des valeurs de la République. Dans ce contexte, toute personne portant une parole publique, toute personne traitant de sujets sensibles doit chercher systématiquement le mot juste. Sa parole ne doit pas susciter des craintes, des haines ou des antagonismes, mais de la confiance dans les valeurs de la République et dans la capacité de celle-ci à rassembler en son sein tous ses enfants – rassembler, mais pas n’importe comment : en faisant en sorte que chacun de ces enfants soit effectivement dans la République et dans la conformité à ses valeurs et à ses principes.

C’est pour cette raison que j’ai essayé – y suis-je parvenu ? je ne sais, mais telle était ma volonté tout au long de ce débat – de m’inscrire systématiquement dans la pondération, dans la recherche du compromis et de l’apaisement, dans l’idée de conforter la République. Sur un tel sujet, tous les débats qui visent à attiser les peurs pour susciter du ressentiment ou de la haine nous éloignent de la République. C’est une discipline que d’y parvenir. Si cela pouvait devenir une discipline collective et républicaine, nous aurions beaucoup avancé. Pour ma part, dans les semaines qui nous restent à travailler ensemble sur ces questions, car il reste des étapes, je veillerai à ce que les concepts justes, les chiffres exacts et la parole équilibrée et apaisante soient la modalité d’expression du Gouvernement.

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