Intervention de André Vallini

Séance en hémicycle du 23 juillet 2015 à 15h00
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Présentation

André Vallini, secrétaire d’état chargé de la réforme territoriale :

Monsieur le président, madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je veux, au nom du Gouvernement, vous remercier du travail considérable réalisé depuis que ce projet de loi, adopté en première lecture par le Sénat, vous a été soumis.

Le Sénat avait déjà enrichi le texte, afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel constatant le caractère inconstitutionnel de la garde à vue de quatre-vingt-seize heures en matière d’escroquerie. Il avait également précisé la loi du 15 août 2014, pour indiquer que la décision mettant à exécution l’emprisonnement, en cas de non-respect des obligations résultant d’une contrainte pénale, est exécutoire par provision. Vous avez non seulement permis que ce texte transpose les décisions-cadres qui auraient dû l’être en 2011 et 2012, mais qu’il introduise aussi dans notre procédure pénale des dispositions améliorant la protection des victimes, précisant certaines dispositions pénales suite à des avis du Conseil d’État, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, et mettant en oeuvre la loi du 25 novembre 2009 relative à l’encellulement individuel.

Je veux saluer tout particulièrement vos travaux qui ont permis de parachever la rédaction de l’article relatif à la transmission des informations relevant du domaine pénal par l’autorité judiciaire aux administrations, rédaction qui permet d’atteindre un équilibre délicat entre la nécessité de protéger les publics les plus vulnérables et le respect du principe fondamental de la présomption d’innocence, auquel nous sommes tous attachés.

Comme je l’ai indiqué, le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui permet la transposition de décisions-cadres qui auraient dû être transposées en 2011 et 2012.

La première vient prévenir et régler les situations dans lesquelles au moins deux États membres de l’Union européenne sont saisis de procédures pénales parallèles. Afin d’éviter les doubles poursuites, le projet de loi prévoit des mécanismes d’échange et de consultation entre autorités judiciaires pour éviter des procédures pénales parallèles et les regrouper dans l’un des États concernés.

La seconde décision-cadrepermet la reconnaissance mutuelle des décisions de probation ou de placement sous contrôle judiciaire. Tous les citoyens de l’Union pourront ainsi bénéficier de ces alternatives à la détention provisoire ou de peines de probation, même lorsque ces mesures seront prononcées par les autorités judiciaires d’un État dans lequel ils ne résident pas. Le suivi des obligations dans le pays de résidence sera dès lors plus effectif et la réinsertion des personnes concernées sera facilitée car elles seront plus proches de leur environnement habituel.

Enfin, ce projet de loi transpose les directives relatives à la reconnaissance mutuelle des décisions de protection et celles établissant les normes minimales concernant les droits des victimes. Les mesures de protection ordonnées par un État membre seront exécutées dans le pays de résidence de la victime, comme, par exemple, l’interdiction d’un contact entre cette victime et l’auteur de l’infraction. Ainsi, les auteurs d’infractions ne pourront mettre à profit les différences qui existent parfois entre les systèmes judiciaires des États membres, et les jugements et décisions rendus à leur encontre au sein de ces mêmes États seront respectés et exécutés dans l’ensemble de l’Union.

J’en viens aux amendements apportés à ce projet de loi.

Concernant la protection des victimes, même si la directive du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité ne l’exigeait pas, les dispositions des articles 4 quater A, 4 quater et 5 bis A s’inscrivent dans la logique d’une meilleure protection des victimes en permettant qu’en cours de procédure pénale, celles-ci puissent être protégées d’éventuelles pressions ou de représailles, par un huis clos au moment de leur témoignage mais aussi par une publicité restreinte de leur identité.

Ces dispositions facilitent également l’information des victimes relativement aux modalités de recouvrement des dommages et intérêts alloués par les juridictions et mettent en place un financement de l’aide qui leur est accordée.

Concernant l’encellulement individuel, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 en a posé le principe, qui est conforme aux règles pénitentiaires européennes et dont on parle depuis si longtemps – certains se rappellent peut-être que la commission d’enquête parlementaire sur la situation dans les prisons françaises avait déjà, en 2000, fait figurer l’encellulement individuel parmi les recommandations les plus urgentes ; c’était il y a quinze ans ! Sa mise en oeuvre réclame le développement de nos capacités pénitentiaires, mais aussi celui des mesures de probation. Tel est l’objet de toutes les dispositions, largement inspirées du rapport de Dominique Raimbourg, qui favorisent le prononcé de mesures de probation ainsi que leur suivi.

Quant aux amendements relatifs à l’indispensable sécurisation de notre procédure pénale, ils ont tous pour objet de préciser la loi pénale, en indiquant le point de départ du caractère exécutoire de la contrainte pénale, la durée des peines de stage, les délais de détention provisoire en cas d’appel, la nécessité de motiver les décisions de renvoi de la chambre de l’instruction, ou encore le délai imparti à la Cour de cassation pour statuer sur une demande de dessaisissement. Ces précisions étaient indispensables après les avis émis par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation.

J’en viens enfin aux dispositions relatives à la transmission aux administrations, par l’autorité judiciaire, d’informations relevant du domaine pénal. Madame la ministre de l’éducation vous parlera après moi de cette question difficile et importante.

Les dispositions que vous vous apprêtez à voter ont été critiquées en raison de leur caractère général, de l’atteinte qu’elles porteraient à la présomption d’innocence et du transfert de la responsabilité des mesures préventives de l’autorité judiciaire vers les autorités administratives.

Vous le savez, un des principes directeurs de notre procédure pénale est le secret de l’enquête, prévu par l’article 11 du code de procédure pénale. Si l’amendement gouvernemental s’était contenté d’y prévoir une dérogation uniquement pour des infractions commises par des professionnels travaillant en contact avec les mineurs, et seulement pour certaines infractions, il aurait, a contrario, interdit tout autre signalement. Votre assemblée, notamment votre rapporteur Dominique Raimbourg, y a été sensible et a fait état de la nécessité de protéger tous les publics les plus vulnérables, telles par exemple les personnes sous tutelle. Il serait en effet inconcevable qu’une personne condamnée pour abus de faiblesse sur une personne vulnérable à raison de son âge ou d’une maladie et travaillant au sein d’un hôpital ou d’une maison de retraite ne soit pas signalée à l’administration de la santé.

Le Gouvernement est conscient de la nécessité de conjuguer la meilleure protection possible des publics les plus vulnérables – avant tout les mineurs, mais pas seulement – et le respect de la présomption d’innocence des personnes mises en cause par la justice. Ce sont ces deux exigences qui ont guidé nos travaux comme elles ont guidé les réflexions de l’Assemblée.

Le travail très important qui a eu lieu depuis la première lecture dans votre commission des lois entre les parlementaires de toutes tendances et les ministères concernés, ceux de la justice et de l’éducation nationale, a permis de parvenir à un compromis acceptable. L’obligation de signalement concernant les professionnels travaillant au contact de mineurs est limitée aux situations où l’intéressé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer. Par ailleurs, elle ne peut être relative qu’à des infractions limitativement énumérées, de nature sexuelle ou violentes. Pour ces professionnels, la possibilité d’informer les autorités hiérarchiques des agents pour les infractions sexuelles et violentes est prévue, dès le stade de la garde à vue, sous le contrôle du procureur, ce qui constitue une garantie. Mais uniquement s’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’intéressé et moyennant une garantie importante : le recueil des observations de la personne mise en cause.

Enfin, pour les agents qui ne travaillent pas de façon habituelle avec un public de mineurs, ou qui travaillent avec des mineurs mais commettent d’autres infractions que les infractions sexuelles ou violentes, le texte ouvre une possibilité de signalement, mais limitée aux hypothèses dans lesquelles l’intéressé est mis en examen, renvoyé devant une juridiction de jugement ou condamné, et prévoit l’information systématique de ce dernier.

Avec ce texte, nous veillons donc à améliorer la protection des victimes, notamment les plus fragiles, à mettre en application le principe de l’encellulement individuel et à sécuriser notre procédure pénale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion