La mobilisation de la filière laitière est totale, et les producteurs de lait maintiendront de nombreux blocages dans tout le pays. La situation difficile, parfois irréversible, nous incite à nous battre pour défendre la richesse de la filière laitière. Depuis de nombreux mois, nous sommes force de proposition pour trouver des solutions. Dans dix ans, 50 % des producteurs de lait seront à la retraite : nous nous battons aujourd'hui pour que les 50 % restant soient bien là dans dix ans. Car les premiers à lâcher sont les plus fragiles, ceux qui viennent d'investir et sur lesquels nous comptons pour l'avenir. Clairement, la solution passe par le prix du lait.
En 2013-2014, les trésoreries ont été mises à mal parce que le prix du lait en France était pris dans un schéma contractuel qui ne lui permettait pas d'égaler les niveaux atteints dans d'autres pays européens. Les retours sur l'investissement que nous avons consenti à cette période, que nous attendions en 2015, n'ont pas eu lieu. Après la chute des cours, le prix payé aux producteurs a baissé à la même cadence que dans le reste de l'Europe. La FNPL a invoqué cette situation pour réclamer une clause contractuelle « de survie » permettant de payer aux producteurs un prix du lait à un bon niveau dès 2015. Les tables rondes, nous les avions organisées il y a déjà deux ans. Il ne nous semblait pas utile de recommencer puisque nous avions convenu que la maturité de la filière laitière permettait aux transformateurs et distributeurs de s'inscrire dans une relation contractuelle garantissant un prix du lait convenable aux producteurs. Force est de constater que j'ai surestimé cette capacité de l'aval de la filière. Mais j'ai encore espoir, et nous sommes là ce soir pour trouver des solutions.
Ces dernières années, la grande distribution a bénéficié de la déflation des produits laitiers, quand les prix de l'ensemble des produits alimentaires augmentaient. Aujourd'hui, la brique de lait premier prix est à 60 centimes. Pourquoi aurions-nous honte de demander qu'elle passe à 1 euro, puisque cela ne ferait qu'assurer aux producteurs un juste retour de leur travail et de leurs investissements à long terme ? Le consommateur saurait que ce prix est celui du marché intérieur et qu'il reflète les enjeux sociétaux, les coûts sociaux étant plus importants en France que dans d'autres pays européens. Ou nous l'assumons, et nous allons jusqu'au bout du schéma, ou nous ne l'assumons pas, et alors il faut modifier les coûts qui mettent les producteurs de lait devant une équation impossible à résoudre. Nous vous demandons, à vous, élus de l'Assemblée nationale, de nous aider à trouver des solutions.
Parmi les mesures annoncées ce matin, nous sommes d'autant plus favorables à la démarche « origine France » que la filière s'est investie dans cette voie dès le mois de novembre. À cet égard, le « patriotisme » des distributeurs et acheteurs de la restauration hors foyer, qui recourent aux importations de lait, brille par son absence. Nos élevages ne retrouveront une dynamique que grâce à des décisions nationales.
Monsieur le président, il serait intéressant de réécouter l'enregistrement de la réunion sur l'embargo russe à laquelle vous m'aviez invité il y a un an. J'étais cet après-midi à la Commission européenne pour discuter des enjeux européens. Selon M. Tom Tynan, le conseiller du commissaire Phil Hogan, si le conseil des ministres prend une décision en septembre, quelque chose pourrait bouger sur le prix d'intervention dans un an… Autant dire qu'il n'y a rien à attendre au niveau européen ! Si nous ne sommes pas capables de relever les défis au niveau français, où trouverons-nous des solutions ? Sachant que nos collègues irlandais, belges et allemands vivent la même situation, si l'Union continue à ignorer le problème du prix du lait au niveau européen, c'est toute la filière laitière européenne qui va s'enflammer dans les semaines à venir.
Depuis la sortie des quotas laitiers, nous attendons une vraie politique laitière européenne. Le marché n'est pas une politique, c'est un constat. Cette politique européenne, nous avons commencé à la mettre en place avec la contractualisation, à laquelle nous croyons et qui est perfectible. En attendant, nous avons besoin dès à présent d'une clause de prix, qui serait, de la part de la distribution et des transformateurs, un signe fort adressé aux producteurs de lait.