Commission des affaires économiques

Réunion du 22 juillet 2015 à 21h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La commission des affaires économiques a organisé une deuxième table ronde sur la filière alimentaire : la crise des filières d'élevage, réunissant M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, M. Henri Brichard, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), M. Thomas Diemer, président des Jeunes agriculteurs (JA), M. Laurent Pinatel, secrétaire national, porte-parole de la Confédération paysanne, M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale, M. Jean Mouzat, président du Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF), M. Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB), M. Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine (FNP), M. Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), M. Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France et M. Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL), M. Jean-Philippe Girard, président de l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), M. Serge Papin, président-directeur général de Systèmes U, M. Stéphane de Prunelé, secrétaire général de l'Association des centres distributeurs Leclerc (ACDLec), M. Jérôme Bédier, secrétaire général du groupe Carrefour, M. Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino, M. Vincent Mignot, directeur général d'Auchan France, M. Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), et M. Dominique Guineheux, président du Syndicat national de l'industrie des viandes (SNIV).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie le ministre Stéphane Le Foll d'avoir accepté de participer à cette table ronde réunissant un certain nombre des acteurs concernés par la crise des filières d'élevage.

Habituellement saisie au fond sur les questions de consommation, d'agriculture et d'alimentation au sens large, la commission des affaires économiques a une mémoire assez précise des épisodes législatifs relatifs aux sujets qui vous préoccupent. Tout ne relève pas de la loi, et nous n'allons pas, à l'issue de la table ronde de ce soir, décider d'une proposition de loi. L'intérêt d'un tel échange est d'entendre le point de vue de chacun, comme nous le faisons, du reste, systématiquement lorsque nous avons à légiférer. Certaines dispositions réglementaires n'ont pas besoin de passer par la loi, d'autres relèvent du contrat entre des acteurs privés.

Le monde tel qu'il évolue doit nous inciter à tourner nos regards vers l'exportation. Malheureusement, les dimensions de notre salle ne m'ont pas permis d'inviter tous ceux dont l'activité s'y prête. Pour m'être impliqué dans le dossier de l'exportation du poulet et du porc à Taiwan, je mesure ce que les marchés à l'exportation peuvent représenter pour nos producteurs et nos transformateurs. Mais nous en resterons, ce soir, à la dimension nationale du sujet.

Une première table ronde a réuni, le 8 juillet dernier, la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, le médiateur des relations commerciales agricoles, le président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, et la présidente de la commission d'examen des pratiques commerciales, notre collègue Annick Le Loch. Il s'agissait d'entendre, dans un premier temps, ceux qui regardent, analysent, comparent, prennent des décisions, sans être nécessairement impliqués directement dans leur vie économique et professionnelle, voire affective. Nous en sommes au deuxième temps de la démarche, avec la réunion de l'ensemble des acteurs de la filière, en essayant de n'oublier personne, ce qui est compliqué. Toutes les organisations syndicales agricoles sont présentes, et je les en remercie, ainsi que les coopératives. L'association nationale des industries alimentaires est venue accompagnée d'autres représentants de l'industrie. Pour ce qui est des distributeurs, ont répondu présents Système U, Carrefour, Leclerc, Auchan et Casino, certains alors même qu'ils n'avaient pas été appelés. C'est dire si notre rendez-vous de ce soir est assez unique.

Je précise que cette table ronde est publique et qu'elle pourra être consultée sur internet, comme d'ailleurs la séance du 8 juillet dernier.

Nous allons commencer par entendre les représentants des organisations agricoles.

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Henri Brichart, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, FNSEA

L'agriculture joue un rôle économique et d'aménagement du territoire important. Tout le monde connaît la situation de l'élevage en France. Les éleveurs attendent des solutions à court terme mais aussi plus structurelles.

À court terme, ils ont besoin de prix qui leur permettent de couvrir leurs coûts de production et de continuer à faire vivre leurs exploitations. Sous l'égide du ministre de l'agriculture, un certain nombre d'engagements ont été pris par les uns et par les autres.

Du côté de la distribution, nous prenons acte de ce que le mouvement vers la revalorisation est enclenché. Pour les éleveurs, il est essentiel qu'il soit pérenne. L'engagement du consommateur, si l'on n'en parle pas souvent, est pourtant celui qui compte en définitive : ce sont les pratiques d'achat du consommateur qui font le prix du produit. À cet égard, l'étiquetage de l'origine des produits est un enjeu majeur.

La restauration hors foyer (RHF) est aussi un secteur extrêmement important : si le mouvement de hausse ne le touche pas, on ne parviendra pas à revaloriser le prix payé aux éleveurs. Cet après-midi, le ministre de l'économie a pris des engagements en ce sens.

Au chapitre des solutions à court terme, l'export est un sujet à ne pas négliger. Il est à la fois source de marchés, mais aussi d'équilibre de nos marchés intérieurs : il est parfois intéressant d'exporter des produits pour continuer à bien valoriser le marché intérieur.

Sans ces solutions à court terme, les éleveurs ne pourront pas rester sur les exploitations actuelles, et ils n'entendront pas ce qui pourra être fait à moyen et long terme. En la matière, trois grands chantiers sont identifiés, qui ont d'ailleurs été évoqués par le Premier ministre.

Le premier est celui des normes et de la réglementation : pesant fortement sur les coûts des exploitations, elles créent des distorsions dans la concurrence entre éleveurs européens. Nous ne disons pas qu'il n'en faut pas ; il faut un juste niveau. En tout cas, il faut éviter une sur-transposition des normes européennes.

Deuxième chantier, la question, de plus en plus préoccupante, de la dette dans les exploitations. Nous devons réfléchir collectivement à une restructuration de cette dette, qui permette aux éleveurs de passer ce cap difficile, mais aussi d'investir pour moderniser leurs élevages et les rendre plus compétitifs.

Le dernier chantier est celui de la contractualisation, qui apparaît comme le moyen de parvenir à la régulation de l'organisation des marchés, indispensable dans un monde devenu structurellement volatil. Les éleveurs veulent que leurs coûts de production soient pris en compte dans les contrats. Mettre en place la contractualisation pour tous les maillons de la filière, du producteur au distributeur, serait un gage de bon fonctionnement.

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Laurent Pinatel, secrétaire national, porte-parole de la Confédération paysanne

Ce n'est jamais de gaîté de coeur que les agriculteurs passent des journées entières sur des barrages. C'est pourtant certainement ce qui contribué à réunir des gens autour de la table pour trouver des solutions, même si la Confédération paysanne considère qu'elles ne répondent pas à la situation.

La crise en cours est structurelle et non conjoncturelle. Certes, quelques éléments de conjoncture – embargo russe, fermeture du marché chinois, sécheresse – ont contribué à l'accentuer, mais c'est la structure même du paysage agricole qui l'annonçait.

La Confédération paysanne estime que ce sont les décisions politiques qui ont conduit à la situation actuelle. Aujourd'hui, les paysans sont coincés dans un modèle qui ne correspond plus aux enjeux. Ceux qui sont surendettés ont simplement été les bons élèves des politiques publiques. Comment les sortir d'un système qui les étouffe et les empêche de dégager un revenu ? Comment changer le système agricole, réorienter l'agriculture ?

À court terme, il est indispensable de soulager les trésoreries, de rendre aux paysans la possibilité de regagner du revenu. À moyen terme, il faudra continuer à travailler et engager des réformes structurelles. La table ronde organisée cet après-midi par le ministère de l'agriculture n'a pas permis de lever tous les doutes en ce qui concerne la capacité des uns et des autres à travailler ensemble en toute transparence. C'est à un travail de reconquête de prix et de confiance dans les rapports commerciaux qu'il faudra s'efforcer.

La Confédération paysanne a pour principal cheval de bataille de faire de l'agriculture une pourvoyeuse d'emplois. Nous aimerions entendre qu'il faut sauver les éleveurs aussi bien que les élevages – car le drame, c'est qu'on peut très bien sauver l'élevage sans sauver les éleveurs. Dans un pays qui compte de plus en plus de chômeurs, la contribution du monde agricole à l'inversion de la courbe du chômage n'est pas à négliger. Le Gouvernement n'a pas dit s'il estime qu'il y a encore trop de paysans dans ce pays, et s'il faut encore en sacrifier quelques-uns pour sauver les autres. C'est bien dommage.

Toute l'agriculture doit se réorienter. D'abord, en changeant ce système productiviste qui abîme les hommes, les oppresse et les empêche de vivre. Il détruit tout notre cadre de vie et notre environnement. Or sans environnement, il n'y a pas d'agriculture, puisque c'est le support même de notre activité économique.

Ce sont, ensuite, les productions qui doivent être réorientées, notamment en viande bovine. La reconquête de la valeur ajoutée et d'un revenu décent pour les producteurs de viande bovine passe par la mise en adéquation de l'offre et de la demande – produire ce que l'on consomme et consommer ce que l'on produit, ce dernier terme n'étant pas le plus évident. Puisque l'on ne peut pas obliger les gens à manger ce qu'ils ne veulent pas, il nous semble que, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC), des politiques incitatives de réorientation de certaines productions auraient pu être menées pour satisfaire des besoins qui le sont aujourd'hui grâce à des importations.

Quant à l'exportation, la Confédération paysanne considère qu'elle n'est pas un gage de sécurisation des revenus. J'en veux pour preuve l'exportation du lait sur le marché chinois : ceux des segments qui étaient porteurs le sont restés, d'autres se sont révélés ne pas l'être du tout et ont mis aujourd'hui tout un secteur d'activité en difficulté. À moins qu'elle ne concerne des produits qui valorisent les savoir-faire, l'exportation n'est pas une bonne solution quand elle ne vise qu'à faire du chiffre d'affaires. Et ce n'est pas en s'agitant sur les marchés émergents, comme la Grèce ou le Vietnam dont on parle beaucoup en ce moment, qu'on résoudra le problème : le système est à bout de souffle. Or je n'ai pas entendu aujourd'hui une volonté forte de changer de cap, ce qui est bien dommage.

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François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale

La crise est installée, enracinée ; elle n'est pas, en effet, conjoncturelle. Je suis surpris que certains découvrent aujourd'hui qu'il y a un problème, alors même que nous sommes dotés d'un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, et que celui-ci a relevé, dans son rapport annuel, que presque tous les producteurs agricoles français ont vendu leur production en dessous de leur coût de production. Quel système économique peut perdurer dans de telles conditions ?

S'agissant des prix, je m'étonne de la nature des débats actuels. Comment, alors que l'Autorité de la concurrence nous surveille, peut-on convenir de hausses de prix programmées de semaine en semaine ? Surtout, est-il normal, des points de vue économique, social et éthique, d'acheter la production la plus noble qui soit, celle qui est vitale, qui nourrit les populations, en dessous de son coût ? Ce scandale permanent n'empêche pourtant personne de dormir. Alors que l'Observatoire des prix estimait, en 2013, le coût de production d'une tonne de lait à plus de 400 euros, il est surréaliste que les producteurs en réclament aujourd'hui 300 à 340 euros.

Cette crise profonde ne pourra être réglée que par des mesures structurelles. Aussi sommes-nous perplexes devant le plan annoncé cet après-midi : si certaines mesures peuvent contribuer à soulager quelque peu la trésorerie des agriculteurs, beaucoup procèdent du recyclage. Ainsi, les 150 millions d'euros d'avances de remboursement de TVA sont-ils dus aux agriculteurs. Ce sont là des mesures de nature conjoncturelle. Quant à celles qui permettraient à un producteur de se projeter dans l'avenir et d'espérer pouvoir respirer l'année prochaine, il n'y en a aucune puisque les distributeurs comme les transformateurs sont soumis à une loi, celle du marché, et à une règle, celle de l'Autorité de la concurrence.

C'est donc de Bruxelles que la réforme structurelle doit partir. Je suis surpris que la PAC soit peu évoquée. Bien sûr, la France est confrontée à des problèmes de compétitivité. Bien sûr, elle croule sous une réglementation coûteuse et paralysante. Mais l'essentiel, c'est quand même que, au sein de l'Europe, les producteurs puissent vivre de ce qu'ils produisent. C'est pourtant ce que la PAC a nié depuis 1992, année à partir de laquelle le prix payé aux producteurs a été déconnecté de la réalité économique. Dans le même temps, la PAC était soumise aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), avec pour effet d'exposer la viande bovine française à la concurrence brésilienne qui ne présente pourtant pas les mêmes caractéristiques.

Nous attendons une mobilisation pour que le constat soit enfin établi au niveau de l'Europe. Les PAC se succèdent sans qu'aucune ne soit jamais évaluée. Il est temps de le faire ! La PAC doit se remettre en phase avec les missions qui lui ont été assignées par les différents traités : régulation, prix raisonnables pour les consommateurs, niveau de vie équitable pour les producteurs.

Évidemment, les aides qui viennent d'être annoncées sont bonnes à prendre, mais le problème reste entier. Nous appréhendons beaucoup le mois de septembre prochain. C'est au niveau de Bruxelles que les choses doivent bouger. La PAC doit être revue.

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Jean Mouzat, président national du Mouvement de défense des exploitants familiaux, MODEF

La crise agricole sans précédent que nous connaissons mobilise nombre d'agriculteurs. Alors que certains lèvent les barrages, j'ai une pensée pour ceux qui en installent. En désaccord, comme moi, avec les mesures proposées, ils estiment que la prise de conscience des problèmes du monde paysan n'est pas suffisante.

Monsieur le ministre, je ne ferai pas la fine bouche : 600 millions d'euros, c'est une somme. Sachez pourtant que, sur ce montant, les 500 millions qui vont servir à régler de graves problèmes de trésorerie ne feront sans doute que repousser de six mois ou un an l'arrivée des huissiers, tant la situation de certaines exploitations est délicate. La crise est si profonde qu'on ne pourra pas faire l'économie d'un texte législatif sur les prix agricoles. Les traités européens ont beau garantir une concurrence libre et non faussée, cela fait trente ans que la situation du monde agricole se dégrade d'année en année.

Le MODEF considère que pour déterminer le prix de vente, il convient d'appliquer au prix de revient, calculé pour chaque filière, un coefficient multiplicateur représentant la rémunération qui doit normalement revenir au paysan, comme elle revient à tout autre citoyen français. Or le paysan est très souvent oublié. Il n'y a aucune honte à ce que les agriculteurs gagnent leur vie et à ce que les distributeurs dégagent une marge.

Nous avons atteint les limites d'un système libéral à outrance dans lequel les agriculteurs sont les dindons de la farce. Dans ce contexte, l'Europe a un rôle essentiel à jouer. Il faut sortir l'agriculture des discussions de l'OMC. Les produits alimentaires ne peuvent pas être traités comme des produits industriels. À quelles règles d'hygiène obéissent les produits agricoles que l'on importe massivement ? Les mesures draconiennes qui sont imposées aux éleveurs français – dont je me félicite puisqu'elles permettent de protéger le consommateur – doivent être les mêmes pour tout le monde.

La nouvelle carte des régions doit permettre à l'agriculture de rester une force vive économique, environnementale et culturelle dans chaque territoire. Si tel n'est pas le cas, les valeurs que porte la France à travers l'Europe et le monde seront en danger.

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Thomas Diemer, président des Jeunes agriculteurs, JA

Je me dois aujourd'hui d'être le porte-parole des milliers de jeunes agriculteurs qui sont mobilisés sur le terrain, alors qu'ils auraient mieux à faire en cette période de moissons. Le désespoir qu'ils manifestent doit être entendu. Ces jeunes aiment leur métier ; ils ont investi et travaillent dur, mais ne parviennent malheureusement pas à dégager un revenu à la fin du mois. On ne suscitera pas beaucoup de nouvelles vocations si une telle situation perdure.

Pour passer ce cap, nous demandons en tout premier lieu des prix rémunérateurs, qui valorisent l'acte de production. Je salue les démarches qui ont été initiées sur les filières bovine et porcine et qui commencent aujourd'hui à porter leurs fruits. J'espère que les quelques retards à l'allumage constatés ne remettent pas en cause la pérennité des engagements qui ont été pris. Cette dynamique, il faut continuer à la cultiver pour parvenir à un prix décent.

Les charges pèsent lourd sur nos exploitations. Les normes et réglementations s'accumulent en dépit du bon sens, au point que nous ne comprenons plus ce que l'on nous demande, qui est totalement déconnecté de l'agronomie, de l'acte de production. Il faut alléger notre quotidien, remettre à plat toutes ces réglementations, permettre aux jeunes qui ont investi pour moderniser leur exploitation de se désendetter.

Tous, nous devons devenir des militants de la promotion de nos produits agricoles, nous montrer fiers de leur diversité et de leur qualité. Nos productions doivent être valorisées par nos industriels, dans nos cantines, dans la restauration hors foyer. Aujourd'hui, on ne peut pas se satisfaire des faibles taux d'approvisionnement en produits français dans les cantines. Pour convaincre les consommateurs, l'accent doit être mis sur la traçabilité.

La valorisation de nos différentes productions agricoles passe par nos outils de distribution. Il faut sortir de la logique de guerre des prix qui nous conduit à notre perte, et passer à la notion de prix le plus juste pour tous les acteurs de la filière. Il est légitime que chaque maillon d'une filière puisse vivre de son travail, or la production n'y parvient pas aujourd'hui. La contractualisation, en intégrant tous les maillons de la filière et surtout les coûts de production, est l'outil qui nous permettra d'aboutir à un prix juste à tous les niveaux, et ainsi de dégager des perspectives pour les jeunes.

Le plus grand défi qui nous attend est le renouvellement des générations dans les filières d'élevage. Près de 50 % des producteurs partiront à la retraite dans les dix prochaines années. Ce chiffre doit nous interpeller et nous conduire à nous mobiliser afin de créer, demain, les conditions de l'avènement d'une nouvelle génération d'agriculteurs.

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Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine, FNP

La filière porcine est en crise depuis le mois de septembre 2007, soit depuis huit ans, et les éleveurs sont fatigués. Cette crise est due à l'inflation des normes et des charges depuis plusieurs années, à la volatilité des matières premières, à l'abandon des outils de régulation, à une guerre incessante des prix en France plus qu'ailleurs, à l'embargo russe depuis le mois de février 2014, à des règles sociales et fiscales différentes d'un pays européen à l'autre.

En 2014, la perte pour les éleveurs de porcs s'est élevée à près de 500 millions d'euros ; elle représente environ 800 millions d'euros depuis dix-huit mois. La situation est invivable, insurmontable même pour beaucoup d'éleveurs, dont quelques centaines sont actuellement en dépôt de bilan. En France, un éleveur de porcs moyen a près d'un million d'euros d'engagements financiers sur le long terme, près de 200 000 euros de cote de crédit à gérer au quotidien pour financer le stock circulant et souvent le double de dettes chez les fournisseurs. La plupart des éleveurs de porcs français a aujourd'hui souvent plus de dettes à court terme qu'à long terme, ce qui est un problème majeur. Pour sortir de ce marasme, il nous faut des prix. Continuer à produire en dessous du prix de revient, c'est à la fois une destruction de valeur pour les producteurs de porcs, une perte économique importante et une perte de vitalité de nos territoires ruraux. Derrière chaque producteur, il y a, en effet, des activités économiques indirectes, beaucoup d'emplois et un savoir-faire reconnu dans le monde entier.

Depuis plusieurs années, nous nous impliquons dans la démarche « Viandes de France ». Les éleveurs français se sont beaucoup mobilisés pour améliorer la traçabilité et assurer une certaine qualité en investissant très lourdement dans tous les processus de production. Si la situation est aujourd'hui globalement satisfaisante s'agissant de la viande fraîche, il est, en revanche, très difficile d'obtenir des industriels qu'ils fassent figurer l'origine de la viande sur les produits transformés, ce qui est pourtant indispensable à la fois pour garantir une qualité de production et rassurer le consommateur.

En ne réglant pas ce problème, on entretient une confusion sur les viandes consommées en France. Ainsi, près de 30 % des volumes de porc sont issus de viande importée de pays qui ne sont pas dotés des mêmes règles fiscales, sociales et environnementales. Alors qu'ils sont parmi les plus performants au monde sur les plans technique et économique, les éleveurs de porcs éprouvent un sentiment d'injustice : aujourd'hui, ils sont hors-jeu, car les processus industriels nécessitent des investissements très lourds pour pouvoir supporter la comparaison avec les pays voisins.

Je veux dénoncer toutes les distorsions de concurrence que nous subissons, notamment avec l'Allemagne. Lorsqu'un salarié dans l'abattage coûte environ 25 euros de l'heure en France contre quasiment la moitié en Allemagne, comment résister durablement à une telle pression économique ? C'est mission impossible pour l'industrie, et c'est finalement la disparition programmée de l'élevage.

Je pense, moi aussi, qu'il faut expertiser la dimension contractuelle et qu'il est indispensable de rénover les relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs. Nous n'avons pas vocation à passer notre vie sur les barricades. Ce que nous réclamons à cor et à cri, ce sont des relations commerciales apaisées qui permettent à chaque maillon de la filière de vivre dignement de son métier.

Sans doute faudra-t-il aussi réintroduire de la régulation. À l'heure où je vous parle, le secteur porcin français diminue de 2 % par an tandis que les Espagnols continuent à augmenter leur production à un rythme de 5 % par an. Cette situation totalement injuste et inacceptable met à mal le sentiment pro-européen des agriculteurs français ; elle crée un fossé énorme entre la dimension sociétale qui nous est chère et les ambitions que nous avons au plan européen.

Une fois les problèmes actuels réglés, nous espérons que pourront être mis en place tous les outils permettant aux éleveurs de réinvestir pour répondre aux nouveaux enjeux, qu'ils soient sociétaux, environnementaux et surtout agro-énergétiques. C'est essentiel pour l'avenir de notre métier et pour assurer la sécurité alimentaire des citoyens français.

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Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine, FNB

Ce matin, j'ai entendu un éleveur déclarer à la télévision : « Je ne veux plus voir mes vaches. Le ressort de la passion est cassé. Je veux qu'elles partent de l'exploitation le plus vite possible ». Il ne faut pas sous-estimer ce qui est en train de se passer. Dans un tel moment, il faut savoir prendre de la hauteur, et je tiens à remercier le ministre pour sa réactivité. Il y a deux mois, je lui avais dit que ça allait exploser. De fait, ce sont d'abord les abattoirs qui ont été bloqués. Le ministre a organisé une première table ronde. Mais cela n'a pas suffi. Il a fallu un deuxième blocage, très dur, et une deuxième table ronde pour que des décisions soient prises. Pourtant, beaucoup n'avaient encore pas compris. S'en est suivi l'accord important du 17 juin, qui doit servir d'exemple encore aujourd'hui. Toutefois, il s'agit d'une stratégie d'urgence qui ne peut pas durer indéfiniment. Chacun doit donc assumer ses responsabilités, et vite.

Du point de vue structurel, il faut méditer sur les importants changements en cours. L'Europe est aux abonnés absents : elle n'intervient plus, elle ne régule plus. Or la classe politique est passée à côté de cet événement. Je ne sais pas si c'est bien ou pas, en tout cas cela nous oblige à nous débrouiller seuls. Il n'y a pas d'autre solution que de jouer collectif, filière et pouvoirs publics travaillant ensemble. Beaucoup n'ont pas vu non plus l'accélération de l'économie de marché. La droite comme la gauche sont passées à côté. En trois ans, on a raté le train : pendant qu'en France on créait des coûts, ailleurs on les allégeait. La responsabilité est collective. Puis a été fait le choix du pouvoir d'achat par les prix bas, qui a détruit les plus faibles, ce qu'illustre la situation de l'élevage.

Ce sont donc en permanence des décisions à contre-courant qui ont été prises. Le décrochage date de 2003, lors de la crise de la vache folle. Des coûts sécuritaires ont été mis en place, que la grande distribution et les abattoirs ont légitimés, et les éleveurs sont restés sur le carreau. Depuis, on ne parvient pas à redresser les courbes. Sur les vingt dernières années, le prix à la consommation a augmenté de 62 %, le prix à la production a augmenté de 18 % et les coûts dans les exploitations de 56 %. Ce que personne ne sait faire, les agriculteurs l'ont fait. Ils ont réussi le tour de force de maintenir le même cheptel en France malgré le départ d'un tiers de leurs collègues. Ils se sont endettés, mais la machine s'est emballée parce que les exploitations ne sont pas des structures capitalistiques. À des familles, on a demandé de monter en puissance financièrement sans en avoir les moyens. Il y a quinze ans, des éleveurs s'installaient avec un capital de 200 000 euros à rembourser sur quinze ans ; aujourd'hui, on est face à des structures capitalistiques de 500 000 euros à 1 million, avec toujours des remboursements sur quinze ans. Donc le système disjoncte : l'endettement s'emballe, on accélère la modernisation, la politique de mise aux normes, et les structures financières explosent.

Le constat une fois posé, il faut passer à l'action, et très vite. Je salue le ministre, avec qui nous travaillons sur trois sujets : la grande distribution, la restauration collective, l'exportation. L'accord du 17 juin constituait une solution à court terme : il y a ceux qui l'ont compris, ceux qui ne l'ont pas compris et ceux qui continuent de ronger l'os. Examinons donc plus précisément le plan qui a été annoncé ce matin.

Il ne faut pas laisser les éleveurs seuls face aux banquiers. Les éleveurs dont je parle ne sont pas les malades chroniques de l'élevage, mais le fleuron de notre agriculture. Ce sont ceux qui ont créé leur structure il y a vingt-cinq à cinquante ans qui sont en train de se ramasser aujourd'hui.

On ne répondra aux défaillances de l'Europe, ou plutôt au changement de modèle, qu'en donnant une dimension collective à la filière bovine. Actuellement, il n'y a que des individualités les unes à côté des autres. Les éleveurs se sont remis en cause. C'est maintenant à la grande distribution de le faire. Elle doit passer d'une politique de gestion de flux à une gestion de produits. Les camions qui arrivent à l'heure, le réapprovisionnement, c'est bien, mais la qualité, avec la maturation, le tri des muscles, la segmentation et le respect du troupeau allaitant, c'est encore mieux. Sur tous ces sujets, j'attends beaucoup de la grande distribution pour éviter la catastrophe. Elle a une responsabilité et doit aider à redresser la barre.

Les industriels aussi doivent se remettre en cause, et comprendre que le marché européen ne va pas augmenter : il est mature. La France détient 30 % du cheptel européen. Nous considérons que c'est une richesse, d'autres estiment que c'est un handicap. Mais cette richesse est fragile. Pour la conserver, les industriels doivent se lancer au grand large, trouver les solutions dans l'exportation vers les pays tiers où la demande est forte. Le ministre a mis en place une plateforme « Viande France Export ». J'insiste pour que les industriels y adhèrent, car il est indispensable de chasser en meute. Ces marchés nous attendent. La compétitivité sera au rendez-vous si l'on sait positionner nos produits.

Vous, les politiques, avez failli dans votre mission en ce qui concerne la restauration collective. Vous avez fait beaucoup de promesses, mais ne les avez pas tenues. Alors qu'en Allemagne, la viande consommée dans la restauration collective est à 70 % allemande, en France, elle est à 70 % d'importation. J'ai entendu parler, cet après-midi, de code des marchés publics et d'appels d'offres, de décisions qui auraient été prises, des marchés de la grande administration qui allaient être rouverts, des collectivités territoriales qui allaient se mettre sérieusement au travail s'agissant des appels d'offres. J'ai entendu aussi qu'une ordonnance prise par le Gouvernement devrait permettre de mieux utiliser ces appels d'offres. On verra.

Ainsi devrions-nous trouver un équilibre entre la grande distribution, la restauration collective et l'exportation. Le marché intérieur doit être préservé et retrouver un niveau qualitatif. Le marché européen est un terrain de compétition qu'il faudra traiter, car sur ce plan aussi, on a failli. Et je ne parle pas du fiasco du photovoltaïque, et plus globalement des énergies renouvelables, dont les autres ont réussi à faire des armes redoutables.

Le système est en train d'atteindre ses limites économiques, sociales et sociétales. Je vous invite à méditer sur les faits suivants : avec quatre centrales d'achat dans notre pays, la concurrence est atone ; nous sommes le seul pays au monde à avoir fait trois lois sur la modernisation de l'économie, à être doté de médiateurs et d'un Observatoire de la formation des prix et des marges, et pourtant quelque chose ne fonctionne pas. Nous sommes porteurs de solutions parce que nous voulons que les éleveurs s'en sortent, mais il faut aller très vite.

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Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait, FNPL

La mobilisation de la filière laitière est totale, et les producteurs de lait maintiendront de nombreux blocages dans tout le pays. La situation difficile, parfois irréversible, nous incite à nous battre pour défendre la richesse de la filière laitière. Depuis de nombreux mois, nous sommes force de proposition pour trouver des solutions. Dans dix ans, 50 % des producteurs de lait seront à la retraite : nous nous battons aujourd'hui pour que les 50 % restant soient bien là dans dix ans. Car les premiers à lâcher sont les plus fragiles, ceux qui viennent d'investir et sur lesquels nous comptons pour l'avenir. Clairement, la solution passe par le prix du lait.

En 2013-2014, les trésoreries ont été mises à mal parce que le prix du lait en France était pris dans un schéma contractuel qui ne lui permettait pas d'égaler les niveaux atteints dans d'autres pays européens. Les retours sur l'investissement que nous avons consenti à cette période, que nous attendions en 2015, n'ont pas eu lieu. Après la chute des cours, le prix payé aux producteurs a baissé à la même cadence que dans le reste de l'Europe. La FNPL a invoqué cette situation pour réclamer une clause contractuelle « de survie » permettant de payer aux producteurs un prix du lait à un bon niveau dès 2015. Les tables rondes, nous les avions organisées il y a déjà deux ans. Il ne nous semblait pas utile de recommencer puisque nous avions convenu que la maturité de la filière laitière permettait aux transformateurs et distributeurs de s'inscrire dans une relation contractuelle garantissant un prix du lait convenable aux producteurs. Force est de constater que j'ai surestimé cette capacité de l'aval de la filière. Mais j'ai encore espoir, et nous sommes là ce soir pour trouver des solutions.

Ces dernières années, la grande distribution a bénéficié de la déflation des produits laitiers, quand les prix de l'ensemble des produits alimentaires augmentaient. Aujourd'hui, la brique de lait premier prix est à 60 centimes. Pourquoi aurions-nous honte de demander qu'elle passe à 1 euro, puisque cela ne ferait qu'assurer aux producteurs un juste retour de leur travail et de leurs investissements à long terme ? Le consommateur saurait que ce prix est celui du marché intérieur et qu'il reflète les enjeux sociétaux, les coûts sociaux étant plus importants en France que dans d'autres pays européens. Ou nous l'assumons, et nous allons jusqu'au bout du schéma, ou nous ne l'assumons pas, et alors il faut modifier les coûts qui mettent les producteurs de lait devant une équation impossible à résoudre. Nous vous demandons, à vous, élus de l'Assemblée nationale, de nous aider à trouver des solutions.

Parmi les mesures annoncées ce matin, nous sommes d'autant plus favorables à la démarche « origine France » que la filière s'est investie dans cette voie dès le mois de novembre. À cet égard, le « patriotisme » des distributeurs et acheteurs de la restauration hors foyer, qui recourent aux importations de lait, brille par son absence. Nos élevages ne retrouveront une dynamique que grâce à des décisions nationales.

Monsieur le président, il serait intéressant de réécouter l'enregistrement de la réunion sur l'embargo russe à laquelle vous m'aviez invité il y a un an. J'étais cet après-midi à la Commission européenne pour discuter des enjeux européens. Selon M. Tom Tynan, le conseiller du commissaire Phil Hogan, si le conseil des ministres prend une décision en septembre, quelque chose pourrait bouger sur le prix d'intervention dans un an… Autant dire qu'il n'y a rien à attendre au niveau européen ! Si nous ne sommes pas capables de relever les défis au niveau français, où trouverons-nous des solutions ? Sachant que nos collègues irlandais, belges et allemands vivent la même situation, si l'Union continue à ignorer le problème du prix du lait au niveau européen, c'est toute la filière laitière européenne qui va s'enflammer dans les semaines à venir.

Depuis la sortie des quotas laitiers, nous attendons une vraie politique laitière européenne. Le marché n'est pas une politique, c'est un constat. Cette politique européenne, nous avons commencé à la mettre en place avec la contractualisation, à laquelle nous croyons et qui est perfectible. En attendant, nous avons besoin dès à présent d'une clause de prix, qui serait, de la part de la distribution et des transformateurs, un signe fort adressé aux producteurs de lait.

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

J'ai souvent entendu les arguments qui viennent d'être exposés par les représentants syndicaux et professionnels. Le président de la FNPL a évoqué une réunion qui s'est tenue en 2014 pour une revalorisation de 25 centimes du prix du lait, au travers d'une médiation qui avait été engagée à ma demande. Nous tentons de mettre en oeuvre cette méthode pour le porc et la viande bovine, ce qui s'avère extrêmement délicat, car nous intervenons dans des relations commerciales. Mais si les choses se passent ainsi, c'est tout simplement parce qu'il existe un accord tacite entre tous les acteurs. En clair, nous essayons d'avancer ensemble. Ce principe, mis en oeuvre depuis deux ans, nécessite que chaque acteur prenne sa part de responsabilité dans la filière. Ainsi, la part est petite pour chacun et tout le monde avance. Cela a été vrai pour le lait il y a un an ; j'espère que nous allons réussir pour le porc et la viande bovine, sachant que les prix différents sur le marché européen ajoutent de la fragilité.

La question est encore plus compliquée pour le secteur du lait, où l'on trouve des produits transformés à haute valeur ajoutée mais aussi des produits de base, tel le lait de consommation transformé en poudre ou en beurre pour l'exportation. Chaque industrie propose des mix de produits à haute valeur ajoutée et de produits de base différents selon les produits, ce qui explique que les prix fluctuent en fonction des contrats.

À trois reprises, j'ai indiqué au conseil des ministres européen que l'élevage laitier européen étant en danger si la sortie des quotas n'était assortie d'aucune autre mesure de coordination européenne – je ne dis même pas de régulation, car à peine ce mot est-il prononcé que le débat est terminé pour certains. L'Union européenne est le premier producteur de lait du monde, nous devrions pouvoir coopérer. Or depuis la sortie des quotas laitiers, certains pays dépassent le niveau d'augmentation fixé par l'accord de 2008, au point d'avoir à payer des pénalités atteignant 900 millions d'euros – pénalités qu'ils voudraient, au passage, voir levées, ce que j'ai refusé. Aujourd'hui, la demande moindre sur le marché chinois fait que nous sommes confrontés à ce problème de prix bas du lait.

Le chemin que nous essayons de prendre est celui de la concertation, du dialogue et de la confiance, chacun assumant une part de responsabilité. Dans le domaine de l'agriculture, comme dans d'autres, la France aurait intérêt à prendre collectivement des décisions, non seulement pour régler un problème conjoncturel, mais aussi pour traiter les problèmes de moyen et de long terme. Les choses iraient beaucoup mieux ainsi !

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Jean-Philippe Girard, président de l'Association nationale des industries alimentaires, ANIA

Nous comprenons d'autant mieux la détresse des producteurs et des éleveurs que notre destin est commun : nous achetons et transformons 70 % de la production agricole française. De son côté, l'industrie alimentaire vit aussi une crise, même si elle est plus silencieuse : en moins de dix ans, nous avons perdu 2 358 petites et moyennes entreprises (PME) et 32 288 emplois sur tout le territoire.

Permettez-moi de vous lire deux extraits d'une lettre ouverte adressée conjointement le 11 juin 2014 par l'ANIA, la FNSEA et Coop de France au Premier ministre Manuel Valls : « Monsieur le Premier ministre, les organisations des filières agricoles et agroalimentaires tiennent solennellement à vous faire part de leur plus vive inquiétude, et de leur colère, face aux ravages de la guerre des prix, poursuivie, entretenue et amplifiée par les enseignes de la grande distribution » ; « Il nous semble nécessaire de rappeler la vérité avec force et clarté, car cette recherche systématique et permanente d'un prix toujours plus bas devient insoutenable et met en péril toute une chaîne alimentaire française, de l'amont agricole jusqu'au consommateur, et porte atteinte aux ambitions que nous souhaitons porter collectivement dans le cadre de notre contrat de filière alimentaire ». La teneur de cette lettre reflète toute la dureté de la situation actuelle.

On parle peu de la loi de modernisation de l'économie (LME) qui a été adoptée avant la crise, dans une période d'inflation et de faible volatilité des matières premières. Aujourd'hui, après dix années d'existence et dans un contexte de déflation alimentaire et de forte volatilité des matières premières, il me semble nécessaire de reconsidérer cette LME.

Arrêtons de reporter la responsabilité sur les uns et sur les autres : l'industrie alimentaire souhaite un diagnostic partagé, un état des lieux. Les prix les plus bas détruisent la valeur, l'emploi, et paralysent l'investissement. Comme l'ont rappelé les Jeunes Agriculteurs, le prix le plus juste favorise la création d'emplois, la reprise des investissements, et redonne confiance en l'avenir.

Fierté, responsabilité, ambition, tels sont les trois piliers qui portent l'industrie alimentaire française : la fierté de nos produits, de notre filière, de nos collaborateurs ; la responsabilité sociale et sociétale, bien au-delà de la responsabilité d'entreprise ; l'ambition de nourrir le monde, grâce à l'exportation, d'où la nécessité pour la filière de se mettre en ordre de marche pour jouer cette partition.

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Dominique Guineheux, administrateur du Syndicat national de l'industrie des viandes, SNIV

L'industrie des viandes en France représente 35 000 salariés sur le territoire, pas moins de 150 entreprises et un chiffre d'affaires constitué à 43 % par la grande et moyenne surface (GMS), à 25 % par la transformation, à 17 % par l'export, à 9 % par la restauration hors domicile (RHD) et à 6 % par les bouchers.

Je comprends parfaitement la problématique de la production. En France, le troupeau est riche et diversifié, avec 4 300 000 vaches allaitantes, 3 700 000 vaches laitières, et une multitude de races. Bien évidemment, les éleveurs doivent vivre décemment. S'ils disparaissent demain, la production s'arrêtera et nos abattoirs fermeront les uns après les autres. Nous sommes donc bien conscients qu'il est de l'intérêt de l'ensemble de la filière que les éleveurs continuent à produire.

Située entre l'amont et l'aval, l'industrie des viandes est prise en étau, accusée de manquer de pertinence et de performance par la grande distribution, c'est-à-dire ses clients, et de ne pas acheter assez cher aux éleveurs, coopératives ou négociants, ses fournisseurs. Pourtant, le rapport Chalmin l'a mis en évidence, le résultat des abatteurs et transformateurs ne reflète pas un profit exceptionnel. Depuis quelques semaines, nos clients de la grande distribution ont effectivement consenti des hausses : dès aujourd'hui pour le frais, courant septembre pour le surgelé. Sans doute ne sommes-nous pas allés assez vite dans la revalorisation des prix, mais la matière est compliquée et il faut du temps. En tout cas, il n'y a pas de raison que nous n'y arrivions pas.

Pour ce qui est de l'export, nous envoyons 242 000 tonnes de viande bovine principalement dans les pays d'Europe, qui représentent 96 % de nos débouchés aujourd'hui. Le marché étant mature, pourquoi ne pas se tourner vers les pays tiers, en effet ? Attention toutefois aux marchés d'opportunité : la production bovine se fait sur le temps long, elle ne peut pas se permettre de voir des marchés s'ouvrir et se fermer. La contractualisation est forcément beaucoup plus difficile sur un marché d'export puisque, pour être bonne, elle suppose trois maillons autour de la table : les producteurs, les abatteurs-transformateurs et le client. Mais sur le marché français, pourquoi pas : cette pratique existe déjà sur certains créneaux.

La RHD représente une réelle source potentielle de débouchés pour le marché franco-français. Or lorsqu'on entend que 70 % de la viande y est d'origine étrangère, il y a de quoi réagir. Je vous interpelle, mesdames, messieurs, les députés : faites un effort !

Enfin, le dumping social est un vrai problème : les coûts salariaux deux fois moins élevés sur le marché allemand nuisent évidemment à notre compétitivité.

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Olivier Picot, président de la Fédération nationale des industries laitières

En novembre 2008, lorsque le bilan de santé de la PAC a été approuvé à l'unanimité par l'ensemble des États membres sous présidence française, il instaurait une dérégulation complète des marchés : la volatilité qui existait sur le marché mondial est entrée en Europe. Aussi, dès 2008, on savait ce qui allait se passer.

Je ne reviendrai pas sur les causes multifactorielles de cette situation dont souffrent tout particulièrement les éleveurs, et qui affecte aussi les entreprises sur les marchés. Pourquoi la France est-elle plus particulièrement touchée ? Trois points peuvent l'expliquer.

Premièrement, la France est extrêmement exposée au marché mondial, car la moitié de sa production laitière y est directement connectée : soit parce qu'elle y vend des produits élaborés ou industriels, comme les poudres et matières grasses, soit parce qu'elle vend sur les marchés européens au prix mondial. Ainsi, la moitié des 24 milliards de lait collecté est directement impactée par le marché mondial, et quand celui-ci s'effondre, comme c'est le cas aujourd'hui, c'est 50 % du lait collecté en France qui en pâtit.

Deuxièmement, une guerre des prix fait rage sur l'autre moitié du lait français qui est vendue en France sous forme de produits de grande consommation. Or cette guerre de prix, je ne l'impute pas à la distribution : c'est la LME qui l'a organisée en autorisant les discriminations et en vidant de sa substance la notion de seuil de revente à perte. Organiser la dérégulation européenne, d'un côté, et la guerre des prix avec la LME, de l'autre, il fallait le faire ! En matière de choix politiques, nous demandons de la cohérence : si on dérégule, il ne faut pas de guerre des prix.

Troisièmement, la gestion départementalisée non marchande des quotas avait certes des vertus au regard de l'installation des jeunes, mais elle n'a pas permis à la France de se préparer, comme l'ont fait des pays d'Europe du Nord, à la sortie des quotas.

Que faut-il faire ? Sans revenir sur les mesures prises, il est fondamental de découpler le prix du revenu, de sorte que le revenu du producteur de lait ne soit pas directement impacté lorsque le marché est en baisse. C'est exactement ce que les Américains ont fait, il y a un an, avec le nouveau Farm Bill : une assurance, subventionnée par l'État, permet, lorsque le marché baisse, d'assurer un revenu minimum au producteur de lait. Ainsi le marché peut-il fonctionner sans plonger le monde agricole dans la détresse, comme il l'est en Europe aujourd'hui.

Pour terminer, l'Europe doit envisager de modifier le prix d'intervention, car il n'est pas raisonnable de rester à ce seuil. Il faut qu'un signal soit envoyé aux marchés. La Lituanie vient de mettre pour la première fois des produits laitiers à l'intervention : c'est du jamais vu en Europe en période estivale ! Et, à mon avis, ce n'est que le début. Par ailleurs, il conviendrait de signaler à la Commission européenne qu'engager des négociations bilatérales avec la Nouvelle-Zélande n'est pas la meilleure idée qui soit.

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Catherine Goavec, directrice générale de la Fédération des industriels charcutiers traiteurs, FICT

L'industrie charcutière française vend 67 % de sa production à la GMS et seulement 5 % à l'exportation.

Le maintien des prix actuels n'est pas sans conséquence, car le marché est européen et tous les maillons français et européens – producteurs, abatteurs-découpeurs, industrie charcutière – sont en concurrence. Sans réponse structurelle à la réalité du marché, nous ne pourrons pas nous déconnecter très longtemps de certains prix. D'autant que, pour la première fois depuis le début de l'année, la consommation de charcuterie est en baisse, au niveau français comme au niveau communautaire, alors que la production de porc continue à croître.

Comment soutenir ces prix très longtemps sans trouver des valorisations nouvelles aux produits français ? Pour être franche, je ne crois pas que la solution soit de fermer les frontières. Aujourd'hui, nous avons besoin d'importer 20 % de pièces de découpe, car la France est déficitaire en jambon, en coche et en boyaux, même si cette situation ne va pas forcément perdurer. Parmi les solutions à mettre en oeuvre, il faut d'abord redonner de la valeur aux produits français. Mettons-nous autour de la table pour étudier nos spécificités : nous manquons de certaines pièces de découpe alors que, dans certaines zones de France, il n'y a plus de production de porc. Ensuite, il est nécessaire de se pencher sur la variabilité des matières premières. La matière première porcine dans les comptes d'exploitation des entreprises représente 54 % du chiffre d'affaires de la filière. Il est donc fondamental d'avoir la bonne matière première, la qualité et le prix correspondant, mais aussi de nous doter d'outils de régulation. Nous avons formulé des propositions au ministre en ce sens, qu'il s'agisse de marchés à terme ou de contrats à livraison différée avec les différents maillons de la filière. Il faudra bien trouver des solutions pérennes pour sortir de la situation actuelle.

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Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France

Coop de France représente une partie des producteurs organisés et une partie de la filière abattage-découpe-transformation.

Notre filière a besoin de prix rémunérateurs : on ne peut pas maintenir une capacité d'élevage française sans des prix qui permettent aux éleveurs de gagner dignement leur vie.

Sur l'ensemble du territoire national, l'élevage représente 800 000 emplois induits. Relancer notre production, maintenir notre activité agroalimentaire est clairement un acte citoyen. La boucherie de détail et les grandes surfaces doivent mettre en avant le logo « Viande française », qui est la marque d'un produit sain, loyal, répondant à des normes sanitaires et environnementales de haut niveau. La restauration collective, elle aussi, doit opter pour de la viande française : distribuer cette viande sur l'ensemble de nos territoires et en assurer la valorisation créera de l'emploi et favorisera le dynamisme local.

Du point de vue de la compétitivité, notre filière souffre, certes, de distorsions de concurrence, mais aussi de la surcapacité de nos outils industriels, favorisée par des élus soucieux de maintenir l'emploi. C'est ainsi qu'il y a trois ans, FranceAgriMer estimait que la surcapacité d'abattage atteignait 25 %. La compétitivité se gagne aussi au niveau des élevages. Les obligations que doivent remplir les installations classées d'élevage sont intenables. Nos voisins allemands ne sont pas soumis au dixième de ce que nous faisons en France. Il faut simplifier le mécanisme, et seule la loi peut le faire.

Un autre sujet important est le revenu supplémentaire. Les énergies renouvelables sont un véritable enjeu pour l'agriculture, elles font partie de notre métier. Grâce à nos bâtiments agricoles, nous sommes capables de produire de l'énergie photovoltaïque ; avec nos fumiers et lisiers, nous pourrons produire demain du gaz et de l'électricité. Il faut accompagner ces avancées, mais aussi cesser de les pénaliser en votant des taxes en permanence. Le politique doit être cohérent : on ne peut pas, d'un côté, favoriser la création de sociétés d'aménagement du territoire, la création de valeur et d'énergie, et, de l'autre, imposer des taxes à ces productions d'énergie renouvelable !

Je termine par l'export. Les adhérents de Coop de France représentent 40 % de l'industrie agroalimentaire nationale. Pour nous, l'exportation est un relais de croissance qu'il importe d'accompagner. Comme le rapport du médiateur l'a mis en avant, il faut identifier des pays cibles dans lesquels les éleveurs français pourront tirer de l'excellence et de la qualité de la viande française des prix rémunérateurs. Le politique doit nous accompagner dans la négociation commerciale, au niveau des prix et des barrières sanitaires. Enfin, notre filière étant très dispersée, il est impératif de favoriser l'organisation des producteurs, en particulier pour la mise en marché, à travers le transfert de propriété.

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Dominique Chargé, président de la Fédération nationale des coopératives laitières, FNCL

Trois mois après la sortie des quotas laitiers, le secteur est en crise. Si cette sortie change la donne économique à l'échelle européenne, la situation a été initiée en 2004, avec le démantèlement de l'ensemble des outils d'encadrement des marchés laitiers. Désormais, les marchés laitiers européens sont exposés à la volatilité des cours mondiaux.

Le retard de compétitivité de l'ensemble de notre filière – production et transformation – n'est pas suffisamment évoqué. De mon point de vue, il est en partie dû au mode de gestion particulier des quotas laitiers que nous avions choisi en France. Les quotas départementaux ont été utilisés comme outils d'aménagement du territoire : à travers la répartition de la production laitière, ils ont favorisé le développement de produits à haute valeur ajoutée sur certains territoires, permettant à ces derniers de vivre de cette activité. Toutefois, en période de dérégulation, la volatilité expose dangereusement lesdits territoires et notre production laitière au risque des marchés.

Le dogme du prix bas est une autre explication, en ce qu'il nie la nécessité pour l'activité laitière de créer de la valeur, de la répartir sur l'ensemble de la chaîne puis de la faire redescendre sur les territoires. En clair, les produits alimentaires servent de carburant à ce dogme du prix bas. Pourquoi, alors que l'alimentation est une nécessité première ? Les surpromotions appliquées aux produits ont fait perdre au consommateur le bon repère du prix, au point qu'il ne comprend plus les problématiques liées aux activités de production et de transformation.

Ajoutons à cela que les importations de lait de consommation en brique ont augmenté de 50 % entre janvier et avril 2015 et celles de produits tels que l'emmental de 28 %. Il est clair que nous sommes exposés à la volatilité des marchés mondiaux. Avec la diminution des importations chinoises et l'embargo russe sur 250 000 tonnes de fromage européen, une partie du lait non valorisé à l'exportation revient sur le territoire national pour concurrencer nos transformations.

Je salue les mesures destinées à soulager les trésoreries et à désendetter les exploitations. Répondre à l'urgence est une nécessité. Pour autant, les producteurs et les industries laitières ont besoin de plus de perspectives et d'actions de long terme.

Dans ce contexte, nous sommes mobilisés pour accompagner les adhérents de nos coopératives. De mon point de vue, il n'y aura pas de solution durable sans une Europe volontariste et interventionniste sur les marchés. Comment peut-on laisser les producteurs laitiers assumer les conséquences d'une décision politique comme l'embargo, avec un système d'intervention valorisant la tonne de lait à 200 euros, alors que les coûts de production sont bien plus élevés ? Je souscris à ce qui vient d'être dit sur le système de sécurisation des marges. Cette voie doit être explorée pour l'Europe dans la perspective de la négociation PAC après 2020. Nous avons besoin de votre soutien, mesdames et messieurs les députés, sur ce nouvel outil.

L'export est un défi qu'il faut relever. La France a des atouts : ses produits sont plébiscités pour leur niveau de sécurité sanitaire et jouissent d'une bonne image gastronomique dans les pays où émerge une nouvelle classe de consommation à hauts revenus. Il faut continuer à promouvoir les produits français à l'étranger.

Enfin, monsieur le ministre, j'appelle à la responsabilisation des acteurs de notre secteur devant les marchés ; je sais que vous y tenez beaucoup. C'est le sens de la contractualisation, mais aussi de l'action des coopératives. Il faut inciter à faire des choix économiques partagés et assumés, avoir l'audace de parler de gestion du risque – car le risque économique, le risque de marché fait partie des problèmes à traiter –, passer au développement maîtrisé, qui consiste à mettre en production ce que l'on est capable de transformer et de vendre. J'y inclus le développement des marchés à l'exportation, car le marché mondial est demandeur.

Le deuxième volet de la responsabilisation des acteurs consiste à créer de la valeur en privilégiant l'offre française dans la distribution française et dans la restauration hors domicile, grâce à un meilleur encadrement des relations commerciales et à une relation plus responsable entre les acteurs économiques, notamment entre les transformateurs-fournisseurs et la distribution.

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je ne reviens pas sur le double processus de la suppression des quotas et de la guerre des prix. Vous l'avez parfaitement démontré et l'heure n'est pas à la politique, ce soir.

Revenir à un système de contre-prix, d'aides contracycliques de type Farm Bill nécessiterait que le système budgétaire européen soit non pas pluriannuel, mais annuel avec des ressources propres pour l'Europe. C'est toute la difficulté. En revanche, nous avons négocié des systèmes assurantiels qui vont être mis en place. Ensuite, dans la prochaine négociation de la PAC, une partie du premier pilier, c'est-à-dire les aides européennes, pourrait basculer sur un financement assurantiel plus large.

J'ai demandé à revaloriser le prix d'intervention du lait, avec un double système, sinon cela ne marchera pas : tout pays qui demande l'intervention doit en même temps s'engager à stopper l'évolution de sa production, pour ne pas retrouver ce que l'on a connu au moment de la mise en place des quotas : à force de stocker, un jour, il faut bien déstocker, et si le marché ne tient pas, tout s'effondre. J'attends une réponse à cette proposition, mais je connais la Commission européenne : tant qu'on n'est pas au fond du trou, elle affirme que cela va finir par s'arranger. Moi, je pense que ce ne sera pas le cas et qu'il faut prendre des décisions. J'y reviendrai au mois de septembre au niveau européen.

En ce qui concerne la contractualisation, nous n'avons pas commencé à travailler seulement aujourd'hui. L'an dernier, au Salon des Productions Animales-Carrefour Européen (SPACE), quand on a redressé la filière export de la volaille avec Doux et Tilly-Sabco, je l'avais dit : la filière porcine en particulier a besoin de réfléchir à la manière dont elle peut faire évoluer les relations commerciales et contractuelles. Nous en sommes convenus avec le président de la FNP, il faut avancer sur cette question. La France n'est intégrée ni par l'aval ni par l'amont. On est entre les deux. Dès lors, il faut chercher à travailler ensemble, à contractualiser.

D'ailleurs, le président de la FNB le sait, lui aussi, puisque sa fédération a fait des propositions il y a un an. Cela fait six mois que nous travaillons sur le sujet. Là non plus, on ne peut pas continuer avec un système complètement éclaté et la multiplication des cotations de marchés. Il faut organiser tout cela.

Si, face à la crise que nous connaissons aujourd'hui, nous ne nous mettons pas tous d'accord pour travailler ensemble au lieu de désigner les uns ou les autres comme les responsables d'une partie du problème, rien ne sera possible.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons à la grande distribution, dont je précise qu'elle n'est pas toute rassemblée sous la bannière de la Fédération des entreprises, du commerce et de la distribution.

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Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, FCD

La situation est grave, et ce n'est pas le moment d'élargir le sujet à de vieux débats. Ce n'est pas la LME qui fait baisser les cours mondiaux de la poudre de lait ni le cours européen du porc. Il faut se recentrer sur le sujet du jour.

Nous avons une crise de marché, avec une augmentation de la production, une baisse des exportations et une baisse de la consommation intérieure, et donc, une diminution des prix. Nous avons également une crise de compétitivité parce que nous avons des coûts de revient plus élevés que ceux d'autres pays.

Face à cette situation, je rends, moi aussi, hommage au ministre, qui a fait un travail remarquable afin que tout le monde travaille ensemble. Nous avons pris des engagements clairs, qui ont été beaucoup discutés ces temps-ci. C'est pourquoi nous avons demandé une transparence absolue, à laquelle nous sommes parvenus aujourd'hui. Le rapport du médiateur indique clairement que la grande distribution a tenu ses engagements.

Nous avons écrit ce matin, dans une lettre adressée au ministre, que non seulement nous allions continuer, mais qu'en plus, nous nous engagions à anticiper, c'est-à-dire que nous n'attendrons pas les augmentations de cotations. Aujourd'hui, les distributeurs ici présents sont allés très nettement au-delà des cotations. Si vous le souhaitez, nous vous fournirons les chiffres qui l'attestent.

Nous nous sommes également engagés, pour répondre à la demande du ministre, à ce que la totalité de la viande bovine ou porcine fraîche d'origine France soit étiquetée sous le logo « Viandes de France » d'ici à la fin de l'année. Nous sommes totalement solidaires de tout ce qui a été fait jusqu'à présent. Nous avons répondu aux demandes qui nous ont été faites, et nous travaillons quotidiennement avec, notamment, les présidents des associations spécialisées. Nous avons joué pleinement le jeu, ce qui n'est pas le cas de tous les acteurs. De notre côté, nous avons augmenté beaucoup plus les prix que ce qu'ont touché les éleveurs. Il y a donc un problème quelque part.

Du côté de la RHD, des engagements concrets doivent être pris. Il n'est pas normal que des cantines publiques, financées par des fonds publics, n'achètent quasiment que de la viande étrangère. C'est un sujet majeur. Je rappelle que nous ne représentons qu'une petite moitié du marché de la consommation bovine.

Même chose pour les industriels de la salaison. On sait fort bien que le taux d'utilisation de produits d'origine France est très nettement inférieur à celui de nos propres marques de distributeurs (MDD). Nous avons fait des efforts, que tout le monde en fasse ! Nous voulons jouer collectif et j'estime que, sur ce plan, les choses vont dans le bon sens.

Enfin, il faut penser sur le long terme, et d'abord en visant la qualité. C'est par la segmentation, par l'augmentation de la qualité que nous inverserons la baisse de la consommation qui est aujourd'hui l'un de nos problèmes fondamentaux. On le sait, le consommateur est prêt à payer plus s'il constate une hausse de la qualité.

Quant à la contractualisation, je rejoins ce qui a été dit sur son importance pour tout le monde.

Enfin, au-delà de la compétitivité, qui relève des pouvoirs publics, il y a la question de la modernisation. Il faut moderniser nos instruments : les cotations sont d'un autre âge, nous n'avons pas des marchés à terme modernes, certaines interprofessions ne sont pas longues, avec les acteurs des différents maillons de la filière autour de la table. Or c'est en discutant, en examinant ensemble les sujets que nous arriverons à progresser. Certes, nous condamnons les exactions qui ont été commises dernièrement dans les magasins, mais nous avons été capables de travailler ensemble.

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Stéphane de Prunelé, secrétaire général de l'Association des centres distributeurs Leclerc, ACDLec

Je partage ce que vient de dire M. Jacques Creyssel. Permettez-moi néanmoins de rappeler que le métier du distributeur consiste à acheter le mieux possible pour faire bénéficier les consommateurs des avantages qu'il a tirés de sa négociation. Cela étant, je suis obligé de constater que nous faisons mal notre métier, car, en ce qui concerne les produits agricoles, nous ne respectons pas cette règle.

Pour commencer, nous sommes en contradiction avec la libre négociation ou la meilleure négociation possible sur les produits agricoles. Chez Leclerc – mais je pense qu'il en est de même des autres enseignes –, nous n'achetons jamais de porc espagnol ou allemand pour nos marques de distributeurs ; nous vendons 100 % de porc français ; la viande bovine que nous commercialisons dans nos magasins est à 90 ou 95 % française, le reste étant nécessité par les ajustements techniques. Il a été dit tout à l'heure que je ne sais qui importait 50 % de lait espagnol ou allemand ; celui que nous vendons dans nos marques de distributeurs est à 100 % français. Voilà pourquoi nous ne faisons pas bien notre métier.

Nous signons, lorsqu'on nous le demande, des accords d'encadrement des prix. Je rappelle pour mémoire l'accord sur les marges des fruits et légumes. Nous avons accepté un mécanisme d'encadrement de ces marges en cas de crise. Je rappelle également les hausses concertées, volontaristes, à la limite de l'entente, sur le lait, la viande bovine et le porc.

Enfin, le financement de France Filière Pêche est aussi une action volontariste de la grande distribution.

Alors que nous avons l'impression de faire un certain nombre de choses pour faciliter la commercialisation et la valorisation des produits agricoles français, aujourd'hui, ce n'est pas dans les cantines scolaires que les agriculteurs vont protester, c'est essentiellement dans nos magasins où ils commettent des exactions de plus en plus graves. Je précise que nous n'avons pourtant jamais refusé de nous asseoir autour d'une table pour travailler à des solutions constructives. Nous l'avons fait depuis plusieurs semaines, comme en d'autres occasions.

Nous nous inquiétons – et là, nous nous tournons vers les pouvoirs publics – du décalage qui s'accroît entre les prix plus ou moins accompagnés, plus ou moins encadrés, plus ou moins régulés, et les prix du marché. Quand on nous demande de jouer le jeu, nous le faisons, mais nous voudrions savoir jusqu'où cela peut aller et comment sortir de ce décalage.

J'ai eu l'impression que nous étions visés par l'analyse de la guerre des prix. D'abord, je le répète, nous faisons notre métier. Ensuite, il n'y a pas de guerre des prix en Allemagne, où les prix alimentaires sont inférieurs de dix points à ceux de la France. Je me demande donc si le problème y est uniquement lié. Cela étant, de nombreux secteurs de l'économie se livrent à une guerre des prix. Constatant que la grande distribution est la seule à qui on en fasse le reproche, je m'interroge sur cette spécificité.

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Jérôme Bédier, secrétaire général du groupe Carrefour

Nous sommes face à une crise d'une grande gravité. Nous mesurons parfaitement la situation dans laquelle se trouvent les éleveurs. Nous savons aussi que les actions qui sont menées ne sont pas anodines. Nous sommes d'accord sur la nécessité d'apporter collectivement des réponses adaptées, ce qui suppose de se dire les choses très directement, mais sans verser dans la caricature. Je trouve que nous avons, depuis quelques jours, sur ces sujets des débats constructifs : les positions ne sont pas systématiques et l'on n'essaie pas de faire porter de manière excessive le poids sur tel ou tel acteur.

Nous sommes convaincus que nous sortirons de tout cela par le haut, comme cela s'est toujours passé dans l'agriculture. Les crises survenues dans de nombreux secteurs ont toujours trouvé une issue dans la valeur ajoutée et dans le travail fait sur le produit. Les crises terribles de la viticulture ont été résolues par une segmentation par le haut, de même que la crise du poulet prêt à cuire dans la filière du poulet.

Chez Carrefour, nous aimons vendre des produits de bonne qualité, qui ne sont pas forcément les moins chers, et nos consommateurs aiment les trouver dans nos magasins. Nous n'avons pas que des prix d'entrée de gamme. C'est ainsi que se construit le commerce, et nous devons être capables de continuer à conduire ensemble ce travail. Ainsi que M. Georges Plassat, notre président-directeur général, l'a dit à plusieurs reprises, la course systématique aux prix bas ne conduit qu'à la catastrophe. Ce n'est pas la voie que nous devons suivre. Nous devons avoir, dans nos magasins, des prix compétitifs parce que certains de nos concitoyens les recherchent, mais nous ne sommes pas là pour chercher systématiquement à faire du low cost et à avoir le prix le plus bas possible.

Par ailleurs, j'estime que la transparence s'améliore. Le rapport du médiateur va dans ce sens, ainsi que l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Aujourd'hui, chacun visualise assez bien la situation des uns et des autres dans la filière. Je crois d'ailleurs que les interprofessions doivent continuer à jouer pleinement leur rôle de cadre naturel d'échange, dans lequel nous pouvons anticiper, essayer de construire notamment la segmentation dont je parlais tout à l'heure. J'ai entendu de la bouche de Jean-Pierre Fleury des mots que nous aimons beaucoup, comme la maturation ou la segmentation par les races. Tous ces éléments sont créateurs de valeur et correspondent à ce que nous essayons de faire, notamment par le canal de ce que nous appelons les Filières Qualité Carrefour, qui sont un des moyens de travailler sur ces sujets de segmentation.

Nous devons continuer à travailler sur la transparence, et nous jouons, nous aussi, la préférence. Nous le faisons systématiquement. Nous avons à peu près les mêmes chiffres en matière de porc, de boeuf et de lait. Nous faisons d'ailleurs l'objet d'une enquête de la part de la Commission européenne, qui estime que nous avons trop de légumes français dans nos magasins. On ne peut donc pas nous reprocher de ne pas jouer la préférence nationale ! Nous le faisons parce que nous pensons que c'est notre intérêt, le vôtre et celui de nos clients. C'est un mouvement naturel, et c'est la première solidarité que l'on peut avoir vis-à-vis du monde agricole.

En ce qui concerne nos engagements, nous avons toujours dit que nous serions d'accord avec une hausse de tarif présentée par des industriels si elle est justifiée par une augmentation de la rémunération du producteur. C'est dans cette logique que nous travaillons.

Aujourd'hui, nous devons bâtir ensemble un programme d'action extrêmement rapidement. La distribution n'est pas concernée par tous les sujets, ou alors indirectement. Mais qu'il s'agisse d'assurance, de contractualisation à trois dans le cadre de l'interprofession – notamment dans le lait –, de gestion des surcapacités ou de la mise en place d'outils de maîtrise des marchés, il nous semble important d'utiliser la crise actuelle pour bâtir ce programme d'action et nous projeter tous ensemble dans une logique positive et constructive.

La France est un très grand pays en matière d'alimentation, d'agroalimentaire, de production agricole et de grande distribution. Nous avons, dans ce domaine, des acteurs de référence partout dans le monde. Si nous travaillons collectivement, nous devrions arriver à un bon résultat.

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Pour éclairer le débat, je rappelle qu'il y a de moins en moins de centrales d'achat et que, récemment, Auchan et Système U ont fait cause commune.

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Vincent Mignot, directeur général d'Auchan France

La crise actuelle du monde de l'élevage nous préoccupe très fortement. Auchan a toujours respecté ses engagements. S'agissant du porc, nous avons augmenté nos prix d'achat de 5 centimes chaque semaine, avec l'objectif de faire monter le prix au cadran à 1,40 euro. C'est aujourd'hui chose faite. En ce qui concerne le boeuf, nous avons également augmenté les prix de 5 centimes chaque semaine. Nous l'avons encore confirmé lors de la table ronde de cet après-midi. Aujourd'hui, nous atteignons les 20 centimes. Quant au lait, nous avons tenu nos engagements puisque, depuis le mois de février, nous achetons le lait 340 euros les mille litres. Je ne m'explique donc pas la facture qu'un éleveur de l'Orne m'a apportée cet après-midi, affichant un montant de 300 euros. Je tiens cette facture à la disposition des services de l'État.

Auchan défend trois partis pris.

Le premier est de privilégier l'approvisionnement français à 100 % pour le porc, le boeuf, ainsi que pour le lait pour nos marques de distributeurs. Chez nous aussi, deux tiers des fruits et légumes sont français. On commence d'ailleurs à nous taquiner un peu sur cet approvisionnement que d'aucuns estiment être un peu trop français ou protectionniste.

Notre deuxième parti pris concerne la valorisation de l'origine France. Je n'y reviens pas, car la question de l'étiquetage « origine France » a été largement débattue aujourd'hui.

Notre troisième parti pris vise la contractualisation et le développement des filières, telles Porcilin ou autres porcs Label Rouge.

Pour en venir au rapport du médiateur, je me félicite de cette initiative qui réaffirme la transparence et salue le travail qui a été fait : à la fois sérieux et factuel, il n'est pas tombé dans la stigmatisation de tels ou tels acteurs.

Depuis ce matin, des mesures ont été annoncées par le Gouvernement. Votre commission y travaille aussi, ce qui est une bonne chose. Nous avons eu beaucoup d'échanges avec M. Auffray et M. Fleury. Nous avons décidé de travailler ensemble plus longuement, sur le moyen et le long terme, pour trouver des solutions, s'agissant notamment de la contractualisation pluriannuelle.

Nous réussirons à construire un avenir pérenne si nous travaillons à la transparence. Verser, depuis le mois de février, 340 euros pour mille litres de lait et s'apercevoir cet après-midi que certains éleveurs sont rémunérés 300 euros révèle qu'il y a un souci en la matière. Il faut creuser cette question.

Par ailleurs, je suis convaincu de la nécessité de monter en gamme. Nous sommes nombreux à partager le sentiment qu'il faut augmenter la qualité de l'alimentation et éduquer les consommateurs, notamment les enfants, au bien manger.

Enfin, j'ai compris que certains d'entre vous allaient regarder ce qui se passe dans la RHD. J'en serai ravi parce que c'est un vrai sujet. Tout ne peut pas être reproché à la grande distribution.

Pour finir, j'aurai un mot pour les quelque 55 000 collaborateurs d'Auchan en France. Ils sont fatigués d'être constamment stigmatisés et ont de plus en plus de mal à tolérer les exactions comme celles que nous avons subies la semaine dernière.

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Serge Papin, président-directeur général de Système U

Je remercie Stéphane Le Foll de vouloir trouver des solutions et pas des coupables. J'observe que ces réunions se voulant constructives et d'une bonne tenue sont assez paradoxales avec la situation dans les magasins. Je pense que nous sommes tous d'accord sur la nécessité de trouver des solutions afin d'aboutir à un apaisement sur le terrain. Le ministre dit également qu'en prenant chacun sa petite part de responsabilité, nous pourrions tous nous réconcilier. Pour ce qui nous concerne, nous en avons vraiment envie.

Pour entrer concrètement dans le sujet, il y a des choses que nous pouvons faire et d'autres que nous ne pouvons pas faire. Ainsi, les commerçants français ne pourront pas intervenir sur la compétition européenne. Sur tout ce qui a trait aux règles, aux normes, à la fiscalité, au social, on ne peut faire de reproches aux commerçants français.

Nous ne pouvons pas non plus revenir sur la loi de modernisation de l'économie. Parmi les distributeurs, j'ai sans doute été l'un des seuls à m'élever contre cette loi, bien avant le président de l'ANIA et M. Olivier Picot. Depuis au moins trois ans, nous nous sommes élevés contre cette loi auprès de tous les ministres de l'économie en place, de droite comme de gauche, et des ministres de l'agriculture, car nous en mesurions les inconvénients pour les PME et les filières agricoles. Cette loi, il faudra la revoir, ne serait-ce que pour instaurer la contractualisation à trois. Nous ne nous en sortirons sur le moyen terme que si la production est présente à la signature du contrat, sans quoi cela ne marchera jamais. Pour cela, monsieur le ministre de l'agriculture, il faut que vous consultiez votre collègue ministre de l'économie, parce qu'il faut changer les rapports entre l'industrie et le commerce.

Aujourd'hui, dans les négociations entre l'industrie et le commerce qui se développent du 1er novembre au 28 février, on ne voit que les transformateurs. On n'y voit pas un seul agriculteur. C'est un problème quand on veut donner aux transformateurs de quoi rémunérer les producteurs. Tant que nous n'aurons pas cette signature à trois, nous n'y arriverons pas. Et si nous voulons y arriver rapidement, pour les accords de 2016, par exemple, il faut que le législateur intervienne.

La contractualisation tripartite, nous la vivons dans le cadre de notre MDD. Elle est devenue un modèle et cela se passe bien. Quand nous contractualisons avec Terrena pour le porc, il y a un amortisseur ; nous sommes 20 centimes au-dessus du cours. S'agissant de la production Biolait, nous sommes à 40 centimes. Quand on contractualise à trois, trois signatures sont apposées et chacun est responsable. Une législation adaptée est donc nécessaire. Si on laisse les choses en l'état, les négociations de 2016 seront, en gros, les mêmes que celles de 2015.

Il y a maintenant quatre groupes de négociation, mais cela ne change rien. Avec mes collègues de chez Auchan, nous pouvons être un peu plus puissants, mais aussi responsables. La taille n'a rien à voir avec la responsabilité. Nous avons vraiment envie que les producteurs s'en sortent. Et ce n'est pas parce que Système U est l'allié d'Auchan que cela va changer son état d'esprit sur ce point.

Chacun de nous l'a dit, nous achetons 100 % français. Nous sommes maintenant à 1,40 euro pour le porc. Concernant la filière bovine, nous avons engagé la démarche pour atteindre les 20 centimes. Le problème, c'est qu'il faudra que cela tienne à terme. Voilà, au-delà des mesures d'urgence, le travail qu'il faudra mener. Car je crains que nous ne nous retrouvions dans la même situation au mois de septembre.

Enfin, je souhaite que cessent les exactions. Il y a actuellement des magasins saisonniers qui ne peuvent pas accueillir les touristes. Or la colère que les producteurs manifestent vis-à-vis des commerçants n'est pas méritée.

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Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino

Casino achète la viande, comme tous les produits agricoles, directement, sans passer par l'alliance que nous avons conclue avec Intermarché. Il y a toujours huit centrales d'achat en France, les supercentrales achetant essentiellement les très grandes marques internationales, peu susceptibles de souffrir de dépendance économique vis-à-vis d'un distributeur qui ne représente, à l'échelle mondiale, que 2 % de leur chiffre d'affaires.

Vu de nos magasins, nous avons l'impression de faire beaucoup de choses intéressantes, mais ce soir, nous nous rendons compte de tout ce que nous ne pouvons pas faire. Nous, distributeurs, nous ne pourrons pas résoudre les problèmes structurels qui n'ont pas été réglés depuis des décennies. Nous ne pourrons pas compenser les difficultés de l'export, qu'elles affectent la viande bovine, le beurre, la poudre ou d'autres produits laitiers. Nous ne pourrons pas compenser la non-participation de la restauration hors domicile, pas plus que nous ne pourrons convaincre le consommateur de consommer ce qu'il ne veut pas consommer.

En revanche, nous avons fait des choses constructives et intelligentes. Lors des négociations du mois de février, le prix du lait était relativement bas. Chacun d'entre nous, à sa manière, sans se concerter, a eu l'intelligence de fixer un prix au-dessus du marché, pensant qu'il serait rattrapé par le marché, ce qui ne s'est pas produit. Mais, comme les autres, nous sommes restés au même prix depuis le début, en regrettant que cela n'arrive pas jusqu'au producteur. Être resté à ce prix est intelligent. C'est un bon système et nous pouvons continuer dans ce sens. Il convient de porter cela à notre crédit.

Chez Casino, nous avons aussi régulé les promotions dans le domaine du porc, suite à une discussion avec son responsable national. Nous l'avons fait, monsieur le ministre, avant même que vous ne nous y incitiez. Notre enseigne, comme les autres, a donné, à partir du 22 juin, 5 centimes supplémentaires par semaine, et nous nous y tenons. Nous regrettons de voir qu'ils n'ont pas été inscrits dans les cours. C'est la question de l'oeuf et de la poule. L'idée était d'amorcer le processus, en attendant que les cours suivent, ce qui ne s'est pas produit. Cela étant, nous avons pris des mesures, nous en avons discuté cet après-midi et nous espérons que cela va arriver. Certes, il y a dans ce processus une part artificielle. Mais nous sommes dans l'urgence et nous devons poursuivre cet effort.

Cet après-midi, il y a eu de nombreux communiqués. Je signale que, s'agissant du marché du steak, il y a eu une augmentation pour les produits vendus en boucherie et même pour le surgelé – avec un petit différé parce qu'il y a des stocks. Pour les autres produits, nous n'avons pas eu, pour l'instant, de demande des industriels.

D'autres choses restent à faire. Nous pouvons améliorer l'étiquetage, travailler sur les modes de contractualisation en ce qui concerne la qualité et la segmentation. Je ne serai pas aussi catégorique que M. Serge Papin, il n'y a peut-être pas à revoir la LME, car c'est le problème des gros qui se cachent derrière les petits. Et les gros n'ont pas besoin de vous, mesdames et messieurs les députés, car ils se débrouillent très bien au niveau mondial. En revanche, on peut imaginer des mesures de discrimination positive pour les PME. Ce serait probablement utile. On nous objectera que ce n'est pas possible au niveau européen. Étudions le sujet ! Je pense qu'on peut faire quelque chose pour protéger les PME et leur donner des garanties supplémentaires dans les négociations.

On le fait d'une manière volontaire avec la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France, mais on pourrait peut-être inscrire cela dans la réglementation, à défaut de le faire dans la pratique. Il faudrait y réfléchir, non pas – je me tourne vers les industriels – dans un esprit polémique, mais dans un esprit constructif. J'estime que ce serait utile pour ces entreprises.

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

La grande distribution s'étonne de ne pas retrouver chez les producteurs les hausses de prix qu'elle a appliquées. N'oublions pas que, dans le cas du lait, par exemple, le produit acheté au producteur va pour partie à la grande distribution et pour partie ailleurs. Évitons de montrer qui que ce soit du doigt.

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Je vous annonce dès à présent que j'ai demandé à deux membres de notre commission, Mme Annick Le Loch et M. Thierry Benoit, de piloter une mission d'information sur les réformes structurelles envisageables à moyen terme, notamment en matière de restauration hors domicile et de contractualisation à plus de deux. Je demande donc aux responsables de groupe de me fournir le nom de ceux de leurs membres qui souhaitent s'associer à ce travail.

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Je tiens tout d'abord à souligner la réactivité de l'exécutif face à l'urgence de la crise de ces derniers jours, même si les mesures qui ont été prises ne peuvent satisfaire complètement des personnes intéressées. Je rappellerai aussi le rôle joué par le Président de la République et le ministre de l'agriculture dans la réforme de la PAC : c'est grâce à eux que le budget de la PAC a été maintenu et qu'une partie de celui-ci a été transférée à l'élevage. Certains affirment que le Gouvernement a attendu au lieu d'anticiper la crise. Mais il y a deux ou trois ans, le ministre de l'agriculture avait déjà exigé que l'on soutienne plus particulièrement l'élevage. Malheureusement, ces mesures, bien qu'utiles, se sont avérées insuffisantes.

Vous avez également bien fait, monsieur le ministre, de soutenir une loi mettant l'agro-écologie au coeur du système. Cela vous a d'abord valu des critiques mais finalement, chacun a compris qu'il s'agissait pour notre pays de produire plus mais surtout de produire mieux. On s'aperçoit, en effet, que ceux qui ont réussi à atteindre l'autonomie sur leurs exploitations agricoles et ceux qui ont pris de l'avance en adoptant de nouvelles méthodes culturales souffrent moins que les autres aujourd'hui.

Vous avez pris des mesures d'urgence afin que nous retrouvions de la compétitivité au plan national. Nous ne pouvons, en effet, pas compter sur l'Europe qui a démoli les quelques outils de régulation dont nous disposions. Je m'abstiendrai d'ailleurs de commenter les positions politiques et syndicales qui furent prises lors de l'instauration des quotas laitiers – dont chacun comprend désormais l'intérêt. Toujours est-il que ceux qui se plaignent aujourd'hui sont ceux qui s'y opposèrent hier. Si l'Europe vise à l'harmonisation, sommes-nous en mesure, au niveau français, d'instaurer collectivement une contractualisation intelligente dans l'ensemble de la filière pour permettre à tous les acteurs de vivre, sans que les uns le fassent aux dépens des autres ?

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Je me réjouis de cette réunion, tout en regrettant qu'elle soit organisée en fin de session parlementaire et à une heure aussi tardive : elle aurait, en effet, mérité de longs développements. Conformément à la règle du jeu que nous nous sommes fixée ce soir, je n'entrerai pas dans la polémique politicienne, me contentant de tirer trois enseignements de ce que j'ai entendu tout à l'heure.

Derrière la crise conjoncturelle se profile une crise structurelle qui touche à la structuration des bilans financiers, la restauration des marges et l'organisation des filières, sujets qui n'ont malheureusement pas été traités au cours des derniers mois. Avant de s'y attaquer, il nous faut d'abord régler la crise du discours politique sur l'agriculture. Le Parlement souffre d'un déficit d'expertise et d'un excès de postures sur les questions agricoles. L'agriculture n'est pas seulement un sujet de société, c'est un secteur économique avec ses particularités et sa complexité. Il fait l'objet de tableaux de bord élaborés par FranceAgrimer et d'autres structures dépendant des autorités publiques, mais dont les chiffres ne sont malheureusement jamais analysés ici.

Le traitement de ces sujets suppose aussi que l'on s'attaque à la crise de l'action publique, pointée du doigt ce soir par le ministre et plusieurs autres interlocuteurs, c'est-à-dire au manque d'articulation entre les niveaux européen, national et local. Au niveau national, la question est aussi de savoir comment en finir avec le supplice chinois qui consiste, ministre après ministre, loi après loi, pour chacun à prendre qui une taxe, qui une obligation administrative, qui l'interdiction de telle molécule, sans mener la moindre étude d'impact sur la compétitivité du secteur agricole. L'aveuglement de l'action publique est un vrai scandale auquel nous devons à tout prix remédier. Monsieur le président Brottes, selon quelles modalités allons-nous poursuivre nos travaux pour apporter des réponses à ces trois crises ?

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J'ai déjà partiellement répondu à cette question en vous annonçant la création d'une mission d'information. J'imagine que vous y participerez, cher collègue.

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Je n'ai nullement été convaincu par la déclaration d'amour de la grande distribution aux producteurs, qui ne correspond guère à ce que l'on peut constater dans les faits. Elle m'a d'ailleurs rappelé une expression paysanne de chez moi : il a la queue du renard qui lui sort de la gueule et il dit qu'il ne l'a pas croqué ! Soyons tout de même conscients des conditions qui sont imposées à la production agricole, comme d'ailleurs aux PME, soumises à des contraintes d'achat qui s'apparentent à une vis sans fin. Le système même soumet les producteurs à des objectifs de rentabilité financière tels qu'ils ont du mal à trouver un équilibre.

Le problème peut-il être résolu grâce à une bonne entente entre les uns et les autres, ou – comme l'a décidé M. le ministre parce qu'il n'avait pas d'autre solution – par des engagements volontaires ? Pour ma part, je ne crois pas que l'incitation apportera des résultats dans la durée car, encore une fois, cela est contraire aux objectifs de rentabilité qui sous-tendent le système. Peut-on vraiment faire l'économie d'évolutions législatives ? Ne conviendrait-il pas d'envisager l'instauration d'un revenu minimum garanti, comme cela existe au Canada pour la production laitière ou aux États-Unis dans certains secteurs ? Enfin, l'Union européenne impose des verrous – tels que l'interdiction d'instaurer des prix-planchers – qu'il convient de faire sauter.

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Est-il possible, dans ce pays, de créer des liens de confiance entre l'amont et l'aval, c'est-à-dire entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs ? Si nous sommes là ce soir, c'est parce que la réunion des parties prenantes que vous avez organisée il y a plus d'un mois n'a produit aucun résultat. C'est ce qui vous a fait dire ce matin, en conférence de presse devant le Premier ministre, que vous continueriez à mettre la pression sur certains partenaires.

Alors que ma circonscription compte encore 40 % d'emplois industriels, je suis aussi soucieux à l'égard des outils de transformation. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ne pourrait-il pas être étendu au secteur de la production agricole et au secteur coopératif ? Si nous nous posons de manière récurrente la question de la compétitivité pour gagner des parts de marché à l'export, c'est parce que notre agriculture est techniquement performante. Comme je ne cesse de le dire depuis plusieurs jours, nous avons les meilleurs agriculteurs du monde – raison pour laquelle les Chinois investissent en Bretagne. À l'UDI, nous prônons l'instauration d'une TVA sociale afin de taxer la consommation davantage que les outils de production et la production elle-même.

Enfin, que pensez-vous de l'idée d'instituer au sein de l'Union européenne un dispositif de sécurisation des marges, des prix et des revenus agricoles ? Qu'il y ait quatre ou huit centrales d'achat, le problème est qu'il y a en France peu de concurrence ainsi qu'un rapport de forces déséquilibré entre les nombreux transformateurs et les plus de cent mille éleveurs.

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Monsieur le ministre, vous avez présenté ce matin un plan de soutien à l'élevage, rappelant qu'il nécessitait la mobilisation de tous. Dans ce cadre, vous avez prévu la mise en application de certaines recommandations de votre guide pratique intitulé Favoriser l'approvisionnement local et de qualité en restauration collective. Dans son rapport d'information publié au début du mois, notre collègue Brigitte Allain a estimé que, dans la restauration collective, si 10 % des produits alimentaires étaient achetés localement, on pourrait créer entre 80 000 et 100 000 emplois. Or les élus locaux ne cessent de souligner l'existence de freins juridiques rendant illégale la préférence locale ou nationale dans le cadre des marchés de denrées alimentaires. Ils pointent également les difficultés logistiques auxquelles ils sont confrontés lorsqu'ils souhaitent lancer des appels à projets privilégiant des produits locaux de qualité. Que comptez-vous faire pour assurer une meilleure diffusion de ce guide pratique ? Comment faciliter les démarches des élus locaux ? Ne pourrait-on pas assouplir davantage le code des marchés public en ce domaine ? Faut-il prendre l'initiative d'une proposition de loi pour pouvoir, dans le cahier des charges des appels d'offre de la restauration collective publique, déterminer un niveau plancher de viandes respectant une charte de qualité et de fruits et légumes de saison ?

Je ne comprends pas pourquoi nous nous trouvons dans une telle situation d'urgence alors que nous disposons aujourd'hui de plusieurs outils – l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, le médiateur des relations commerciales agricoles, l'Autorité de la concurrence ou encore la commission d'examen des pratiques commerciales – qui auraient pu nous permettre de prévenir cette crise et d'anticiper la colère des éleveurs. Tout le monde s'accorde, en effet, à dire que ce problème ne date pas d'hier. De quelles marges de manoeuvre et de quels moyens ces organismes disposent-ils ? Enfin, vous avez proposé, en février dernier, la mise en place de cellules d'urgence en préfecture : qu'ont-elles apporté concrètement sur les territoires ?

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Personne ne peut se réjouir d'échanger à nouveau sur la énième crise des filières d'élevage, car ce sont avant tout des femmes et des hommes qui souffrent. Permettez-moi cependant de m'interroger sur les choix successifs qui ont été faits, qui confortent un type d'agriculture spécialisé et industrialisé. Alors que le commissaire européen à l'agriculture, M. Phil Hogan, voyait dans la fin des quotas « une chance en termes de croissance et d'emplois grâce à de nouveaux marchés à l'export », c'est précisément l'abandon progressif des instruments de gestion de marché qui a conduit à la dégradation de la situation financière des éleveurs.

Quelles leçons allons-nous tirer de ces crises à répétition ? Allons-nous analyser les raisons profondes de la disparition progressive de nombreux emplois dans les secteurs de l'élevage ? Entre 2000 et 2010, 37 % des élevages laitiers ont disparu. En Allemagne, ce chiffre atteint plus de 50 %. Les redressements et liquidations judiciaires ont augmenté de 11,7 % entre 2013 et 2014. Laisserons-nous notre pays poursuivre cette quête des marchés mondiaux, fatale aux producteurs depuis des décennies ? Allons-nous nous satisfaire de gérer, une fois de plus, les crises avec les dispositifs habituels ou accepterons-nous enfin de repenser nos politiques agricoles ?

Que faire ? Écouter toutes les organisations professionnelles et syndicales ? C'est précisément ce que nous faisons ce soir ; c'est ce que n'a pas fait le Sénat. S'il est utile d'activer des dispositifs d'urgence pour garantir le maintien des familles sur leur ferme, il est indispensable de définir en parallèle une stratégie de territoire favorisant une activité agricole durable. Il convient aussi d'interdire la vente à perte et, dès à présent, de construire l'après-crise.

Dans leur rapport d'information sur l'élevage, nos collègues Germinal Peiro et Alain Marc avaient avancé des propositions visant notamment à favoriser les circuits courts et de proximité, à approvisionner la restauration collective en produits locaux et à accroître l'autonomie protéique des exploitations. Au terme de six mois d'auditions des professions alimentaires, j'y ajouterai quelques idées : favoriser la conversion bio, qui n'est pas une niche puisque nous importons actuellement 30 % de lait bio en France ; élaborer au niveau européen une politique agricole et alimentaire commune assortie de véritables outils de régulation et de contractualisation, pour rétablir la maîtrise de la production et garantir un revenu ; refuser des accords bilatéraux avec les États-Unis ou le Canada, qui ne font qu'aggraver une concurrence aux finalités mercantiles et non humanistes ; croiser les logiques de filière avec des logiques de territoire. Voilà le défi que je vous propose de relever pour redonner de la valeur à l'alimentation, comme je le préconise dans mon rapport d'information intitulé Et si on mangeait local ? Ce n'est pas là une utopie que je vous propose, mais bien un projet d'avenir pour les territoires et pour l'agroalimentaire.

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M. Yves Daniel, M. Jean-Luc Bleunven et moi-même saluons la combativité du ministre et tenons à souligner la hauteur et la dignité des propos des agriculteurs qui viennent de s'exprimer. Celles-ci devraient inspirer le débat politique. Dès demain matin, en Lorraine, où la polyculture-élevage est dans son essence même menacée par cette crise, je délivrerai au président de région et au président de département le message concernant les marchés de la restauration hors domicile, à mettre en oeuvre dès la rentrée scolaire en Lorraine et Meurthe-et-Moselle.

Vous proposez la mise en place de groupes de travail dans la mesure où tous les problèmes ne seront pas résolus par les mesures d'urgence que vous avez prises. Des réponses structurelles doivent être apportées. MM. Dominique Chargé et Bruno Colin ont fixé un horizon à 2020, année de la réforme de la PAC. Je propose que soit défini un cahier des charges en vue de cette réforme, reposant sur quatre thèmes : les régulations, depuis les territoires jusqu'à la planète en passant par l'Europe ; l'identification des systèmes les plus résistants à cette crise ; le prix du foncier ; les aides contra-cycliques en matière fiscale et les aides de la PAC. Le problème ne réside ni dans l'agro-écologie ni dans l'installation : celles-ci sont, au contraire, les solutions.

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« Le plan du Gouvernement se limite à des mesures d'urgence », titrait Le Monde de cet après-midi, ce qui résume notre impression. Si le mouvement s'arrête, ce sera surtout par lassitude, car, à travers des reports de charges, on repousse les problèmes au lieu de les régler. Quelles mesures structurelles envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, notamment au niveau européen où la fin des quotas n'a pas été accompagnée ? Alors que la négociation de la PAC après 2020 arrive, quelles initiatives allez-vous enfin prendre en Europe ? Qu'envisagez-vous de faire pour mettre fin à l'inflation des normes et des charges ? Allez-vous renoncer à l'application du compte pénibilité au monde agricole ? Qu'allez-vous faire pour permettre aux filières de se structurer afin d'affronter les grandes surfaces lors des futures négociations ?

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Tout d'abord, je souhaite m'adresser aux distributeurs puisque je corédige un rapport, qui sera présenté en octobre, sur la première année d'application du volet de la loi sur la consommation consacré aux relations entre les fournisseurs et les distributeurs. Je souhaite vous faire part de mes premières conclusions sur la campagne de négociations de 2015, qui s'est déroulée dans un cadre juridique renforcé. Hormis pour les PME, elle a été aussi conflictuelle que les précédentes – voire pire encore, selon certains de vos fournisseurs – du fait de rapprochements de centrales d'achats.

J'en ai acquis deux convictions.

D'une part, la guerre des prix à laquelle se livre la grande distribution ne profite à personne, surtout pas aux fournisseurs qui voient leurs marges s'amoindrir pour faire face aux exigences toujours plus grandes des distributeurs. Nous en voyons les conséquences sur l'amont des filières, notamment au niveau des productions agricoles.

D'autre part, la loi ne réglera pas tout. Il faut sortir de l'hyper-conflictualité des relations commerciales pour développer des partenariats économiques, créer de la confiance. Il faut changer d'état d'esprit : négocier et non tuer, et le faire loyalement. Il s'agit de créer de la valeur tout au long de la chaîne de production, de l'agriculteur au distributeur. À cet égard, je veux saluer la méthode du Gouvernement et du ministre : renfort de la médiation adoptée dans la loi d'avenir pour l'agriculture ; organisation de tables rondes ; création de comités de suivi.

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Ma première question, qui s'adresse à M. Stéphane de Prunelé, porte sur le prix du lait. Si on l'augmente de 1 centime par litre dans vos rayons, ce qui aura un impact faible sur le pouvoir d'achat des consommateurs, combien le producteur percevra-t-il en plus ?

Monsieur Creyssel, vous avez évoqué la volatilité des marchés, que nous pouvons constater pour le porc et le lait. Quelles mesures concrètes préconisez-vous ? Faut-il harmoniser les marchés, les cotations qui s'y déroulent ?

Entre la France et l'Allemagne, on constate une disparité dans la répartition de la valeur, qui n'est pas liée à des différences de coût du travail. Faut-il réduire le nombre de metteurs en marché pour resserrer la chaîne et permettre ainsi une meilleure rémunération des producteurs, en particulier des éleveurs ?

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Dans mon département de la Sarthe, l'agriculture est une activité importante que nous tenons à sauvegarder. Elle est à l'image de l'agriculture française, reconnue pour son excellence, et les crises touchent les Sarthois comme les autres.

Sans refaire l'histoire, nous pouvons dire que la loi de modernisation de l'économie de 2008 a dérégulé les relations commerciales et accentué la pression sur les petits fournisseurs et producteurs. Ses effets ont été dévastateurs. Saluons l'engagement et le courage du ministre face à cette crise importante qui touche le monde agricole dont nous comprenons tous la détresse.

Chacun doit prendre sa part de responsabilité, notamment les distributeurs auxquels je voudrais adresser une question que tout le monde se pose : quelles marges dégagez-vous sur les produits qui transitent par vos entreprises et comment les justifiez-vous ? Avec un peu plus de temps, j'aurais aimé aborder aussi le thème de la confiance entre les différents acteurs de ce secteur.

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Comme beaucoup de personnes autour de cette table, je considère que chaque exploitation agricole est un pilier de l'aménagement du territoire de notre pays. Les caméras se sont focalisées sur certaines régions et sur certains secteurs agricoles. Élu d'une zone de montagne tournée exclusivement vers la production fourragère, je vous préviens que d'autres situations extrêmement délicates s'annoncent, sous l'effet conjugué de la sécheresse et de la baisse des trésoreries. Dans les zones d'appellation d'origine contrôlée (AOC), les prix du lait sont figés sur une année. L'automne va être catastrophique dans des zones où d'habitude l'agriculture est plutôt préservée. Je tenais à le dire aux pouvoirs publics et aux partenaires de la grande distribution et de l'industrie de l'agroalimentaire.

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Pour ma part, je viens de Montpellier, d'une région méditerranéenne concernée à un double titre par le débat : les élevages de ses montagnes, et ses habitants qui sont aussi des consommateurs.

En premier lieu, je voulais interroger les distributeurs sur les déréférencements de produits que je peux constater en tant que consommatrice. Il arrive qu'un produit disparaisse des rayons pendant plusieurs mois, puis qu'il revienne pendant quelques semaines avant d'être à nouveau indisponible. Comment la chaîne de production peut-elle s'adapter à de telles pratiques ?

En deuxième lieu, je voudrais faire observer que l'effort d'innovation n'est finalement pas rémunéré puisque les distributeurs copient très rapidement les nouveautés pour les commercialiser sous leur propre marque. Là encore, de l'agriculteur au transformateur, toute la chaîne de production subit les effets de cette pression sur les marchés.

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Pour renchérir sur les déclarations de M. Antoine Herth et de M. Daniel Fasquelle, j'ajoute que nous avons un problème de rapport aux entrepreneurs dans ce pays. Or les agriculteurs sont des entrepreneurs. Dans cette maison, j'entends trop souvent mal parler de l'entrepreneur.

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Monsieur le ministre, dans les Côtes d'Armor, des mesures conjoncturelles d'aide à la filière porcine ont déjà été mises en place il y a quelques semaines par le biais de la mobilisation du fonds d'allégement des charges financières des agriculteurs (FAC), mais les critères ont été jugés un peu stricts. À l'aune des annonces de ce matin et pour plus d'efficacité, serait-il possible de réviser ces critères, notamment ceux qui sont liés à la baisse de l'excédent brut d'exploitation ?

Ma deuxième question porte sur les publicités comparatives sur les prix et s'adresse plus particulièrement aux distributeurs. De mon point de vue, ces publicités ne font que conforter la course au prix le plus bas et elles interrogent sur le modèle économique que nous voulons et les équilibres souhaitables entre les différents acteurs du marché. Quel est votre avis sur cette question précise ?

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Monsieur le président, je vous remercie d'avoir accepté d'organiser cette réunion que nous avions réclamée la semaine dernière à la faveur des questions au Gouvernement. Lors de la séance de questions de ce jour, treize interventions sur seize concernaient l'agriculture. Je tenais à l'indiquer à nos invités, pour leur montrer à quel point les parlementaires se sentent concernés par le sujet.

Pour ma part, je comprends le désespoir du monde agricole, qui va en s'accentuant. Nous n'avions jamais connu une telle situation. Il n'y a qu'à voir le nombre d'exploitations qui ont disparu au cours des dernières années. C'est pourquoi je partage pleinement les propos des représentants des jeunes agriculteurs, des producteurs de lait et des transformateurs : oui, il faut sortir de cette guerre des prix menée par la grande distribution. Finissons-en avec ce dogme du prix bas, dont l'agriculteur est la première victime ! Il faut payer le juste prix et sécuriser les marges. Nous sommes tous d'accord, je l'espère, pour considérer que la situation ne peut pas durer et que nous devons réagir avant qu'il ne soit trop tard. Les exactions commises dans les magasins sont regrettables mais il faut mesurer et comprendre le désespoir des agriculteurs.

Pour terminer, j'aimerais que les représentants de la grande distribution me confirment qu'ils achètent tous français, comme j'ai cru le comprendre en les écoutant. Cela me surprend un peu. J'ai une dernière question à l'intention plus particulière des centres Leclerc qui se flattent toujours d'être moins chers : à quel prix pour les agriculteurs ?

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Dans mon département de l'Aveyron, l'agriculture et l'agroalimentaire représentent le premier secteur d'emploi.

Dans le cadre du rapport sur les signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO), que j'ai remis en janvier dernier, j'ai évoqué les aides communautaires à la promotion. Les programmes conduits par la France sont majoritairement orientés vers le marché national. Ne serait-il pas possible d'envisager que certaines filières portent leurs efforts vers les pays émergents qui constituent d'excellents débouchés ? Est-ce le sens des mesures que vous avez annoncées ce matin afin de soutenir la promotion dans les filières ?

Ce même rapport traitait de la simplification de la communication sur les SIQO à l'exportation. Ne pourrait-on pas confier la promotion de nos filières à la Société pour l'expansion des ventes de produits agricoles et alimentaires (SOPEXA), dans le cadre de la délégation de service public qui lui a été octroyée ?

Vous avez annoncé ce matin des mesures sur la restauration hors foyer dont il était aussi question dans mon rapport. Comment inciter les responsables de la commande publique à prendre davantage en compte les productions françaises, par le biais des cahiers des charges ?

Enfin, ne pourrait-on pas compléter l'article 40 de la loi d'avenir pour l'agriculture, en prévoyant que l'information des jeunes en matière d'alimentation porte aussi sur les différents modes de production, ce qui contribuerait à en faire des consommateurs avertis ?

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Je vais commencer par une exhortation : faisons tout pour que les paysans puissent couvrir les besoins français sans être dépendants des marchés mondiaux et, parallèlement, pour que les collectivités territoriales et l'État jouent le jeu et mettent en avant les produits locaux de qualité dans la restauration collective. Les citoyens eux-mêmes doivent exiger que leurs élus locaux aillent en ce sens. Sachant qu'il faut quatre à cinq ans pour gagner ce pari, ne perdons plus de temps !

Ma question porte sur la production de lait et s'adresse plus particulièrement à M. le ministre. La France compte-t-elle participer à la mise en place d'outils de régulation européens ?

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Monsieur le ministre, depuis une vingtaine d'années, le pastoralisme vit difficilement la réapparition du loup dans nos départements alpins. Je voudrais dire l'exaspération, l'épuisement, l'angoisse quotidienne des éleveurs confrontés aux attaques incessantes du loup, la nuit comme le jour.

Je salue l'action du Gouvernement, la vôtre, monsieur le ministre, et celle de la ministre de l'écologie Ségolène Royal : des mesures ont été prises qui élargissent les autorisations de tirs de défense et de prélèvement. Mais je vous appelle aussi à la plus grande vigilance sur la mise en place rapide des brigades d'appui aux éleveurs contre les attaques du loup, et sur l'engagement d'une démarche auprès de la convention de Berne pour que les modes de gestion du loup soient adaptés en fonction de sa présence sur le terrain.

Le pastoralisme est absolument nécessaire au maintien de l'emploi dans nos montagnes, à l'entretien et la préservation de nos paysages, à la préservation de la biodiversité. Il est aussi nécessaire pour assurer la réalité des circuits courts de qualité. Il est très difficilement compatible avec une telle présence du loup : leur nombre a triplé en dix ans et leurs attaques ont doublé en cinq ans.

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Ma première question s'adresse aux représentants de la grande distribution. Comment peut-on changer de braquet, de logiciel, afin de vendre des produits et non plus des prix ? Philippe Chalmin, le président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, a en effet constaté ce que ressentent nos concitoyens : actuellement, on vend des prix et non plus des produits.

Mes deux questions suivantes vous sont destinées, monsieur le ministre. Avez-vous l'intention de proposer des évolutions législatives ? La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été souvent critiquée et accusée de ne pas faire son travail correctement. Pouvez-vous nous préciser ses actions ?

Enfin, j'ai une question pour le président Brottes concernant la suite de nos travaux. Il y a quelques années, nous avions auditionné le commissaire européen à l'agriculture. L'occasion n'est-elle pas venue de renouveler l'expérience ?

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Les demandes sont en cours mais, en son début de mandat, il est un peu débordé.

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À mon tour, je voudrais souligner la mobilisation et la combativité du ministre et aussi le sens des responsabilités de tous les partenaires que nous avons entendus ce soir. Ces échanges me donnent confiance dans notre capacité collective à résoudre cette crise à la fois conjoncturelle et structurelle, par le biais d'une contractualisation qui présente toutes les vertus à long terme. C'est une contractualisation pluriannuelle qui permet d'amortir, de compenser, d'avoir une lisibilité. Y êtes-vous prêts ?

En ce qui concerne la restauration hors foyer, nombre de collectivités ont la volonté de favoriser l'agriculture locale mais sont rebutées par les difficultés juridiques. Le ministère a publié un document très élaboré pour leur expliquer la marche à suivre, mais il est un peu compliqué. Ne pourrait-on pas envisager du « prêt-à-porter » à destination des collectivités, en leur rédigeant les trois lignes qu'elles doivent écrire dans leur appel d'offres ?

Dans le passé, il fallait plusieurs générations pour financer le capital productif d'une exploitation. De nos jours, il faudrait financer un capital monstrueux en une seule génération. La rentabilité du travail ne le permettant pas, ne faudrait-il pas réfléchir à de nouvelles méthodes de financement de ce capital productif, plus étalées dans le temps, plus solidaires, ouvertes à d'autres intervenants que les producteurs eux-mêmes ? On parle de financement participatif pour les start-up, mais l'agriculture est aussi un secteur innovant. Nous devons tous réfléchir à la manière de mobiliser des moyens pour financer le capital productif sans engloutir le revenu des agriculteurs.

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Le monde agricole est soumis à une volatilité de plus en plus forte ; l'Europe ne garantit plus les prix comme auparavant, ce qui prive la puissance publique de certains leviers. Parmi les moyens d'action qui restent, il y a la fiscalité. Dans un rapport récent, j'insistais sur le fait que la fiscalité agricole actuelle ne permettait pas ou pas assez de tenir compte de cette volatilité de plus en plus marquée des prix et donc des revenus. Dans ce rapport, il était proposé d'assouplir les dispositifs prévus dans le droit fiscal mais peu utilisés, telles les déductions pour aléas. Monsieur le ministre, cette crise n'est-elle pas l'occasion de renforcer ces dispositifs de lissage des revenus et donc de l'impôt acquittable ?

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Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, FCD

Madame Valérie Rabault, vous m'avez interrogé sur la volatilité des marchés et les mesures destinées à y remédier. En fait, j'ai décrit un déséquilibre de marché mais je n'ai pas de proposition sur le sujet. Pour illustrer mon propos, je vais prendre l'exemple du porc : au cours des quatre premiers mois de l'année, la production européenne a augmenté de 5,6 %, les exportations ont diminué de 12,3 % et la consommation intérieure a baissé de 2 %. Le déséquilibre entre l'offre et la demande se traduit par une baisse des cours européens.

Madame Dubois, vous nous avez interrogés sur les marges. Dans son dernier rapport que j'ai sous les yeux, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires indique que la marge de la grande distribution a baissé de 1,2 % sur les produits de boucherie en 2013, après avoir diminué de 0,8 % en 2012. En ce qui concerne les produits laitiers, la marge a progressé de 1,4 % en 2013, alors qu'elle avait augmenté de 2,4 % en 2012. Ces chiffres sont cohérents avec la marge moyenne du secteur qui se situe aux alentours de 1 %.

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Serge Papin, président-directeur général de Système U

Nous vendons des prix et non plus des produits, dites-vous, madame Massat. Le commerce n'est que le reflet de la société et celle-ci évolue : elle n'est plus dans le modèle quantitatif des années 80, ce qui d'ailleurs pose un problème général qui est au coeur de nos discussions de ce soir. Actuellement, les gens cherchent à consommer mieux plutôt qu'à consommer plus ; ils sont conscients que leur consommation reflète la manière dont ils respectent leur santé et l'environnement ; ils sont sensibles aux arguments sur la production locale et la rémunération des agriculteurs. Le consommateur est de plus en plus citoyen et nous en tenons compte.

Nous sommes aussi confrontés à d'autres circuits, tels que la vente sur internet.

Pour nous, le produit est d'autant plus important que nous investissons dans la formation aux métiers de bouche, par exemple, ce qui n'est pas sans conséquence sur les marchés. Considérant que l'apprentissage est un échec, l'éducation nationale ambitionne de conduire 80 % à 90 % d'élèves au baccalauréat. Je ne le lui reproche pas, mais sachez que si les commerçants ne prenaient pas l'initiative de former des jeunes à ces métiers, il n'y aurait plus personne pour les exercer.

Sans ce rapport au produit, nous serions finis. Nous nous définissons d'ailleurs comme des commerçants et non pas comme de simples distributeurs, des hard discounters – je peux en dire du mal, ils ne sont pas là ce soir ! Le commerçant s'occupe d'une personne physique, le client, qui accorde une importance à la relation. Notre métier consiste aussi à construire des relations, sinon il n'aurait plus d'intérêt.

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Claude Risac, directeur des relations extérieures du groupe Casino

Le consommateur est un concept des années 70 qui n'existe plus. Nous avons désormais affaire à des consommateurs : certains recherchent des produits équitables, respectueux de l'environnement, locaux ; d'autres veulent des prix bas parce qu'ils sont en difficulté, à une époque où la France crée de nouveaux chômeurs tous les mois. Même le prix bas doit être juste, mais il ne faut pas oublier que tous les consommateurs ne sont pas dans une recherche de qualitatif.

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Vincent Mignot, directeur général d'Auchan France

Madame Le Dain, je viens de vérifier qu'en ce moment, dans nos magasins, vous pouvez choisir entre quatre sortes de rillettes et six types de brioches. Nous devrions pouvoir vous servir dès demain matin.

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Jérôme Bédier, secrétaire général du groupe Carrefour

Pour ma part, madame Le Dain, je puis vous assurer que les marques de distributeurs sont une très grande source d'innovation, notamment parce qu'elles permettent aux PME, qui peuvent avoir du mal à lancer des produits sous leur marque face à des concurrents très puissants, de faire vivre leurs nouveautés. On s'aperçoit que les marques de distributeurs contribuent à faire un peu évoluer les offres.

Madame Erhel, je trouve votre question sur la publicité comparative tout à fait pertinente. Chez Carrefour, nous nous sommes décidés à en faire pour ne pas apparaître comme des ringards aux yeux de l'opinion, mais trouvons que certaines pratiques ne sont pas justifiées. C'est ainsi que certains comparateurs mélangent supermarchés et hypermarchés, alors que les différences de prix sont naturelles entre ces deux types de magasin. Le ministère de l'économie et des finances, chargé de la régulation économique, devrait d'ailleurs se saisir de cette question et faire en sorte qu'il y ait, au minimum, un code de bonnes pratiques. Nous pouvons très bien faire notre métier de commerçant, y compris en recourant à des publicités un peu agressives, sans passer forcément par la mécanique des comparateurs de prix.

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Stéphane de Prunelé, secrétaire général de l'Association des centres distributeurs Leclerc, ACDLec

Madame Rabault, pourriez-vous préciser votre question relative au lait ?

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Je souhaitais savoir ce qui revient à l'agriculteur lorsque vous augmentez le prix du litre de lait de 1 centime dans vos rayons.

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Serge Papin, président-directeur général de Système U

Pour une augmentation de 1 centime du litre de lait UHT, le producteur recevra environ 0,3 centime d'euros. En gros, il perçoit un tiers de l'augmentation.

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Ça, c'est chez Super U, mais chez Leclerc, qu'en est-il ?

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Stéphane de Prunelé, secrétaire général de l'Association des centres distributeurs Leclerc, ACDLec

J'apporte la même réponse que M. Papin. Pourquoi voudriez-vous qu'elle soit différente ?

La question essentielle est surtout de savoir à quel prix nous achetons le lait. En la matière, nous avons pris des engagements, et nous les respectons.

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Jean-Philippe Girard, président de l'Association nationale des industries alimentaires, ANIA

Le ministre a appelé chacun à prendre sa part. C'est bien le cas de l'industrie alimentaire qui innove, modernise, exporte, valorise, emploie, investit. Elle est, en particulier, très impliquée dans le plan industrie, dans le contrat stratégique de filières – terrain sur lequel elle aimerait que la grande distribution soit plus présente –, et dans un pacte de responsabilité très ambitieux.

Je profite de la présence des représentants de la grande distribution qui, de manière unanime, disent accepter d'acheter plus cher, pour leur demander devant vous s'ils acceptent aussi les augmentations de l'industrie alimentaire sur les produits transformés contenant de la viande bovine, du porc ou du lait. Dans la période difficile que nous traversons, s'engagent-ils à ne pas demander de ristournes supplémentaires et de promotions exagérées ?

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Stéphane de Prunelé, secrétaire général de l'Association des centres distributeurs Leclerc, ACDLec

Quelqu'un a parlé tout à l'heure de discrimination positive. Sachez que nous la pratiquons déjà, depuis plusieurs années, en faveur des PME de tous les secteurs de l'agroalimentaire, notamment en matière de négociation de tarifs. Je ne crois pas, d'ailleurs, que nous soyons les seuls.

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Bruno Colin, président de la filière bovine de Coop de France

Les metteurs en marché ont été interpellés. Il faut, à coup sûr, que nous nous organisions mieux, que nous nous restructurions et que nous concentrions nos opérateurs commerciaux – je demande que ne soient reconnus que ceux qui ont le transfert de propriété.

La contractualisation constitue pour nous une sorte de leitmotiv : la contractualisation avec l'éleveur est à la base de notre fonctionnement, et au sein de la filière, elle nous permet d'être présents jusqu'à la distribution. Elle représente aujourd'hui 20 à 25 % de notre volume d'activité, et nous voulons encore progresser.

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Dominique Guineheux, administrateur du Syndicat national de l'industrie des viandes, SNIV

Parmi les points importants sur lesquels travailler, la guerre des prix et les déréférencements figurent en bonne place.

La restauration hors domicile a été pointée du doigt : il faudra rendre les cahiers des charges moins complexes afin que nous puissions répondre aux appels d'offres et trouver des débouchés sur le terrain.

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Comment les producteurs réagissent-ils à ces diverses interventions et propositions ?

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Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait, FNPL

Il y a, à tout le moins, un malentendu sur le prix du lait. J'avais compris, en février dernier, qu'après une année 2014 à 365 euros, les transformateurs et les distributeurs s'étaient donné comme objectif pour 2015 de payer le lait aux producteurs 340 euros les mille litres, mix inclus, pas de le vendre à la grande distribution à 340 euros. Ne mélangeons pas tout et, surtout ne résumons pas une négociation à un chiffre auquel on fait dire des choses fausses !

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Franck Geretzhuber, Auchan France

Il n'y a pas de malentendu mais, lorsque nous achetons le lait à 340 euros et que le producteur en encaisse 300, il y a un problème.

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Paul Auffray, président de la Fédération nationale porcine, FNP

J'insiste sur la question du coût de la main-d'oeuvre en Europe : aujourd'hui, les Allemands et les Espagnols massacrent notre agriculture à coup de dumping social. Que peuvent faire les pouvoirs publics pour régler ce problème, notamment au niveau européen ?

Les pays du nord de l'Europe sont aujourd'hui clairement positionnés sur des modèles d'élevage porcin de très grande taille à capitaux industriels, voire d'intégration verticale, alors que le modèle français reste familial. Comment voulez-vous que nous puissions résister à cette évolution ? On ne peut pas, dans le même temps, dénoncer la ferme des mille vaches et accueillir à bras ouverts les produits importés du monde entier à vils prix ! Il est difficile pour les producteurs de gérer une telle contradiction.

S'agissant de la contractualisation à trois, je suis très intéressé par l'idée mais, pour l'amorcer, il faut pouvoir engager le dialogue avec un certain nombre d'acteurs. Si les contacts avec la distribution sont aujourd'hui bien engagés, je ne parviens pas à discuter avec les industriels de la charcuterie. Le dialogue avec les grandes marques nationales, c'est zéro ! Elles sont aux abonnés absents, hormis Herta. J'attends depuis quinze jours des réponses de certains groupes : c'est véritablement du mépris à l'égard du monde agricole !

Ces marques ne méritent d'ailleurs pas le qualificatif de nationales puisqu'elles utilisent, pour certaines d'entre elles, 80 % à 90 % de viandes étrangères importées. Elles sont devenues des massacreurs du monde agricole français. Il faut absolument reconstruire un dialogue à trois de façon transparente.

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Catherine Goavec, directrice générale de la Fédération des industriels charcutiers traiteurs, FICT

Nous avons une interprofession longue et j'ai du mal à comprendre ce qui vient d'être dit. Plusieurs entreprises reçoivent les éleveurs et vont les voir, même si elles n'ont pas directement rencontré le président de la FNP.

Cela dit, il est aussi possible qu'aujourd'hui, certains en aient assez de voir leur entreprise envahie ou leurs camions vandalisés, même lorsqu'ils transportent de la viande française. Il reste, monsieur Auffray, que nous avons toujours privilégié le dialogue, et vous le savez bien. Je n'accepte pas ce que vous venez de dire.

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Concernant les filières intégrées, j'ai compris lors d'une visite de notre commission à Rungis, que certains grossistes en viande investissaient dans des élevages, s'assurant ainsi des garanties concernant certaines races, et que d'autres, dans le fromage, achetaient des magasins. L'intégration verticale se fait aussi dans d'autres secteurs que la grande distribution.

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Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine, FNB

Il va falloir nous répondre une bonne fois pour toutes concernant la contractualisation à trois qui intègre les coûts de production : faut-il modifier la loi ?

Que pouvons-nous vraiment attendre de Bruxelles ? On nous dit que 2020 est demain, mais ce n'est tout de même que dans cinq ans, et en cinq ans, il s'en passe des choses – il suffit de voir ce qui vient de se produire en trois semaines ! L'échéance de 2017 n'est-elle pas préférable pour traiter les sujets d'aléas économiques ?

J'entends trop souvent que si l'on augmente les prix payés aux producteurs, cela risque d'augmenter les prix pour les consommateurs. Je rappelle qu'en vingt ans les prix à la consommation ont augmenté de 62 % alors que les prix à la production n'ont augmenté que de 18 % ! Il faut arrêter de culpabiliser les producteurs, et la représentation nationale ne doit pas se faire avoir avec ce genre de discours.

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Stéphane le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Il est essentiel que des responsables professionnels s'interrogent sur les évolutions nécessaires du modèle français et sur les enjeux de moyen et de long terme. Quels sont nos atouts pour réussir à conserver des exploitations agricoles dans leur diversité ? La question que pose la ferme des mille vaches – et elles peuvent bien être deux mille ou dix mille –, c'est de savoir si ce modèle est plus compétitif que les autres. Si c'est le cas, on pourra toujours dire ce que l'on voudra : un jour ou l'autre, il s'imposera. M. André Chassaigne va protester, mais l'économie finira par gagner.

Je ferai des propositions la semaine prochaine. Notre modèle porcin, par exemple, n'est intégré ni par l'aval ni par l'amont. Il se situe entre le modèle espagnol, dont la filière est parfaitement organisée, et les filières nordiques intégrées et structurées en amont par trois ou quatre coopératives. Notre modèle familial a-t-il un avenir ? Je le pense. Dans les modèles industriels, toute l'alimentation vient de l'extérieur. Or le porc, c'est 60 % d'aliments. Notre stratégie doit donc consister à utiliser notre foncier et nos capacités de production fourragère, et à les gérer plus collectivement, sans avoir peur de passer à de plus grandes échelles. Si l'on veut tout ramener à des exploitations de vingt ou cinquante hectares, on n'y arrivera pas. Quinze groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) ont été mis en place par des exploitants agricoles, qui gèrent en partie l'approvisionnement fourrager. C'est là un axe stratégique que doivent notamment adopter les grandes régions de l'ouest de la France où la production hors-sol est extrêmement développée. Voilà ce qu'il faut organiser ! Ce sont de telles conditions qui permettront aux ateliers et aux groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) de subsister, dans un système aussi performant et plus résilient qu'un système industriel dépendant de son environnement, très sensible aux aléas et qui, de plus, nécessite un très important investissement en capital.

Au-delà de l'entente à trois, la contractualisation est nécessaire pour réorganiser la commercialisation de la production. Il s'agit de ne pas rater les stratégies structurantes de valorisation de la production agricole. Les salaisonniers constatent, par exemple, que notre industrie valorise moins bien le cochon que l'industrie espagnole. Même si le prix payé au producteur est plus élevé en Espagne qu'en France, c'est la stratégie d'organisation de filière qui rend l'industrie espagnole plus performante. Cela doit inciter à se poser des questions. Puisque personne ne se rencontre, j'ai décidé de convoquer une réunion au ministère de l'agriculture, en ma présence, pour engager les discussions sur les questions de contractualisation. Nous allons, en particulier, expertiser la relation entre un groupement de producteurs et Herta, examiner des solutions intégrant la gestion d'une part de la volatilité des prix. Chacun doit s'y retrouver et le producteur doit avoir la capacité de planifier le revenu qu'il tirera de sa production.

Cela vaut aussi pour la contractualisation laitière : nous sommes les seuls dans toute l'Europe à avoir des contrats garantissant une durée de collecte de cinq ans mais pas le prix. Le problème, c'est que vous pouvez finir par livrer votre lait à un prix qui ne rémunère pas le capital et le travail engagés : c'est ce qui se produit aujourd'hui. Il faut donc regarder ce qu'il est possible de faire sur les contrats laitiers, dans une perspective d'avenir. Ainsi, derrière des mesures qui peuvent sembler conjoncturelles, le plan traite les aspects structurels.

C'est dans le secteur de la viande bovine que les évolutions sont les plus difficiles et les plus nécessaires. Aujourd'hui, la production est extraordinairement dispersée en termes de races. On ne peut que respecter la passion des éleveurs qui viennent présenter leurs bêtes au salon de l'agriculture, mais il faut que cette diversité trouve un débouché auprès des consommateurs. Si ces questions ne sont pas posées, si les professionnels ne s'organisent pas pour traiter ces sujets structurants, les problèmes ne seront pas résolus.

Les commerçants ne vont évidemment pas aborder seuls ces questions : il faut les traiter avec eux. La consommation de la viande bovine a, par exemple, évolué : le steak haché représente aujourd'hui 50 % de la consommation de viande. Nous continuerons à défendre le steak frites et l'entrecôte, mais la réalité est là, qui bouleverse notre organisation. Alors que seule la vache laitière de réforme était destinée à cette production, la demande en steak haché est telle qu'on y a ajouté les vaches allaitantes. Or au coût de production du modèle allaitant, les agriculteurs ne peuvent pas s'y retrouver. Voilà un problème à gérer à court terme mais, pour pérenniser le système, il faut y réfléchir dans une perspective de moyen et de long terme.

Comment retrouver notre place et notre compétitivité ? Des importations, il y en aura toujours, mais nous ne pouvons pas continuer à régresser. Depuis sept ou huit ans, la production porcine a perdu plus de 10 %, et le mouvement se poursuit : nous produisons environ 20 millions de porcs quand nous en produisions 28 ou 29 millions il y a moins de dix ans. Pendant la même période, l'Espagne est passée d'une production de 15 à 40 millions de porcs, et l'Allemagne de 35 à 55 millions. Laissons les Allemands produire les porcs que nous mangeons, peuvent se dire certains – pas de porcs, pas de problèmes ! On ne peut pas accepter cela, aussi faut-il se structurer, jouer sur nos atouts.

Le ministère de l'agriculture a publié un guide pratique intitulé Favoriser l'approvisionnement local et de qualité en restauration collective. Je pars toujours du principe que nous devons inciter les acteurs à agir. Les collectivités locales se plaignaient que le système des marchés publics les empêche d'acheter local. En nous appuyant sur un travail effectué par la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt de Rhône-Alpes en 2010, que nous avons actualisé, nous montrons qu'il est possible d'acheter local dans le respect des marchés publics. Emmanuel Macron a présenté ce matin une ordonnance qui modifiera directement les règles des marchés publics pour indiquer comment faire pour acheter local. L'État et Bercy se sont également engagés à revoir tous les contrats passés par les administrations de l'État sur la base de l'achat local.

Les collectivités locales doivent aussi le faire, et c'est le cas dans nombre d'endroits. Aux élus de tout niveau de prendre maintenant leurs responsabilités ! Rien ne sert de venir se plaindre au ministre si les responsables locaux ne font pas avancer les choses avec les outils qu'on leur donne. Les cantines peuvent parfaitement acheter bio, et cela depuis près de deux ans. Je n'ai pas attendu la crise pour comprendre qu'il fallait développer cet usage. Mais alors que nous étions là en mode incitatif, nous avons décidé, pour l'État, de passer au mode de l'injonction.

Bien évidemment, le CICE fonctionne pour la production agricole ; 1,6 milliard d'euros lui est consacré. Le producteur de porcs en hors-sol du Calvados que j'ai vu hier et qui emploie trois salariés en bénéficie bien. Il est vrai, cependant, que la plupart des exploitations porcines et bovines qui emploient des salariés n'utilisent pas le CICE par manque d'information. Pourtant, aujourd'hui, l'accès au dispositif n'est plus compliqué et cela fonctionne – sauf pour les coopératives, qui ne payant pas l'impôt sur les sociétés, ne peuvent pas en bénéficier. Ces possibilités données aux professionnels, les éleveurs doivent s'en saisir car derrière, il y a de l'emploi.

J'ai bien compris qu'il était indispensable de recaler le dispositif du fonds d'allégement des charges financières des agriculteurs pour assouplir les critères afin qu'il bénéficie à davantage de monde. Ce sera fait.

Nous mobiliserons immédiatement le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour faire face à la sécheresse.

Quant à la PAC, quand il s'agit de négocier à vingt-huit pays une réforme qui engage la bagatelle de 36 ou 37 milliards d'euros à l'échelle européenne, les discussions ne sont pas faciles et il faut du temps. Nous venons de le faire, et ce n'est donc pas moi qui négocierai la prochaine réforme de la PAC. Dans mon esprit, une part de l'aide actuelle pourrait être utilisée pour élaborer un système assurantiel. Même sans budget européen propre, la France, les professionnels et les responsables politiques peuvent décider d'y consacrer une partie du premier pilier. Cette année, par exemple, 200 millions d'euros sur cinq ans ont été consacrés à l'investissement dans les bâtiments d'élevage à travers les plans pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), une autre fois, ils pourraient aller dans ce système assurantiel. Le débat est ouvert ; il sera tranché par mes successeurs.

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Monsieur le ministre, mesdames et messieurs, je vous remercie vivement d'avoir accepté l'invitation de la Commission à participer à cette table ronde.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 22 juillet 2015 à 21 h 30

Présents. - Mme Brigitte Allain, M. Thierry Benoit, M. Yves Blein, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Daniel Fasquelle, M. Jean Grellier, M. Antoine Herth, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Germinal Peiro, M. Dominique Potier, Mme Béatrice Santais, M. Jean-Charles Taugourdeau

Excusés. - M. Joël Giraud, M. Kléber Mesquida, M. Fabrice Verdier

Assistaient également à la réunion. - M. François André, Mme Isabelle Attard, M. Serge Bardy, M. Philippe Baumel, M. Jean-Luc Bleunven, M. Christophe Bouillon, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Claude Buisine, M. Alain Calmette, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Michel Clément, M. Jean-Jacques Cottel, M. Charles de Courson, M. Rémi Delatte, M. Jean-Louis Destans, Mme Françoise Dubois, Mme Laurence Dumont, Mme Sophie Errante, M. Yves Fromion, M. Guillaume Garot, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, Mme Estelle Grelier, M. Jean-Jacques Guillet, M. Jean Launay, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Viviane Le Dissez, M. Bruno Le Roux, M. Michel Lesage, M. Bernard Lesterlin, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Elisabeth Pochon, Mme Catherine Quéré, Mme Valérie Rabault, M. Dominique Raimbourg, M. François Rochebloine, M. Martial Saddier, Mme Suzanne Tallard, Mme Cécile Untermaier