Nous comprenons d'autant mieux la détresse des producteurs et des éleveurs que notre destin est commun : nous achetons et transformons 70 % de la production agricole française. De son côté, l'industrie alimentaire vit aussi une crise, même si elle est plus silencieuse : en moins de dix ans, nous avons perdu 2 358 petites et moyennes entreprises (PME) et 32 288 emplois sur tout le territoire.
Permettez-moi de vous lire deux extraits d'une lettre ouverte adressée conjointement le 11 juin 2014 par l'ANIA, la FNSEA et Coop de France au Premier ministre Manuel Valls : « Monsieur le Premier ministre, les organisations des filières agricoles et agroalimentaires tiennent solennellement à vous faire part de leur plus vive inquiétude, et de leur colère, face aux ravages de la guerre des prix, poursuivie, entretenue et amplifiée par les enseignes de la grande distribution » ; « Il nous semble nécessaire de rappeler la vérité avec force et clarté, car cette recherche systématique et permanente d'un prix toujours plus bas devient insoutenable et met en péril toute une chaîne alimentaire française, de l'amont agricole jusqu'au consommateur, et porte atteinte aux ambitions que nous souhaitons porter collectivement dans le cadre de notre contrat de filière alimentaire ». La teneur de cette lettre reflète toute la dureté de la situation actuelle.
On parle peu de la loi de modernisation de l'économie (LME) qui a été adoptée avant la crise, dans une période d'inflation et de faible volatilité des matières premières. Aujourd'hui, après dix années d'existence et dans un contexte de déflation alimentaire et de forte volatilité des matières premières, il me semble nécessaire de reconsidérer cette LME.
Arrêtons de reporter la responsabilité sur les uns et sur les autres : l'industrie alimentaire souhaite un diagnostic partagé, un état des lieux. Les prix les plus bas détruisent la valeur, l'emploi, et paralysent l'investissement. Comme l'ont rappelé les Jeunes Agriculteurs, le prix le plus juste favorise la création d'emplois, la reprise des investissements, et redonne confiance en l'avenir.
Fierté, responsabilité, ambition, tels sont les trois piliers qui portent l'industrie alimentaire française : la fierté de nos produits, de notre filière, de nos collaborateurs ; la responsabilité sociale et sociétale, bien au-delà de la responsabilité d'entreprise ; l'ambition de nourrir le monde, grâce à l'exportation, d'où la nécessité pour la filière de se mettre en ordre de marche pour jouer cette partition.