Je partage ce que vient de dire M. Jacques Creyssel. Permettez-moi néanmoins de rappeler que le métier du distributeur consiste à acheter le mieux possible pour faire bénéficier les consommateurs des avantages qu'il a tirés de sa négociation. Cela étant, je suis obligé de constater que nous faisons mal notre métier, car, en ce qui concerne les produits agricoles, nous ne respectons pas cette règle.
Pour commencer, nous sommes en contradiction avec la libre négociation ou la meilleure négociation possible sur les produits agricoles. Chez Leclerc – mais je pense qu'il en est de même des autres enseignes –, nous n'achetons jamais de porc espagnol ou allemand pour nos marques de distributeurs ; nous vendons 100 % de porc français ; la viande bovine que nous commercialisons dans nos magasins est à 90 ou 95 % française, le reste étant nécessité par les ajustements techniques. Il a été dit tout à l'heure que je ne sais qui importait 50 % de lait espagnol ou allemand ; celui que nous vendons dans nos marques de distributeurs est à 100 % français. Voilà pourquoi nous ne faisons pas bien notre métier.
Nous signons, lorsqu'on nous le demande, des accords d'encadrement des prix. Je rappelle pour mémoire l'accord sur les marges des fruits et légumes. Nous avons accepté un mécanisme d'encadrement de ces marges en cas de crise. Je rappelle également les hausses concertées, volontaristes, à la limite de l'entente, sur le lait, la viande bovine et le porc.
Enfin, le financement de France Filière Pêche est aussi une action volontariste de la grande distribution.
Alors que nous avons l'impression de faire un certain nombre de choses pour faciliter la commercialisation et la valorisation des produits agricoles français, aujourd'hui, ce n'est pas dans les cantines scolaires que les agriculteurs vont protester, c'est essentiellement dans nos magasins où ils commettent des exactions de plus en plus graves. Je précise que nous n'avons pourtant jamais refusé de nous asseoir autour d'une table pour travailler à des solutions constructives. Nous l'avons fait depuis plusieurs semaines, comme en d'autres occasions.
Nous nous inquiétons – et là, nous nous tournons vers les pouvoirs publics – du décalage qui s'accroît entre les prix plus ou moins accompagnés, plus ou moins encadrés, plus ou moins régulés, et les prix du marché. Quand on nous demande de jouer le jeu, nous le faisons, mais nous voudrions savoir jusqu'où cela peut aller et comment sortir de ce décalage.
J'ai eu l'impression que nous étions visés par l'analyse de la guerre des prix. D'abord, je le répète, nous faisons notre métier. Ensuite, il n'y a pas de guerre des prix en Allemagne, où les prix alimentaires sont inférieurs de dix points à ceux de la France. Je me demande donc si le problème y est uniquement lié. Cela étant, de nombreux secteurs de l'économie se livrent à une guerre des prix. Constatant que la grande distribution est la seule à qui on en fasse le reproche, je m'interroge sur cette spécificité.