Intervention de Miroslav Cerar,

Réunion du 8 juillet 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Miroslav Cerar, :

Je vous remercie d'avoir pris acte de la très forte exposition de la Slovénie à la dette grecque et de notre contribution à l'Union européenne en général. La Slovénie est certes un petit pays par sa taille, mais il est d'autres critères, et je vous suis très reconnaissant de nous considérer sur un pied d'égalité.

La Macédoine, le Kosovo et la Bosnie-Herzégovine se caractérisent par leur instabilité politique, et les risques d'aggravation ne peuvent être négligés. Il est bon que la France et les autres pays de l'Union européenne s'impliquent dans le processus de Brdo et dans les initiatives destinées à promouvoir le dialogue entre la Serbie et le Kosovo. Il est mauvais, en revanche, de laisser entendre à ces pays que leur demande d'adhésion à l'Union européenne n'aura jamais de suite favorable. Bien entendu, leur adhésion n'est pas possible à court terme, mais il faut permettre sans tarder à la Bosnie-Herzégovine, à la Macédoine et au Monténégro de faire un pas dans cette voie. Si nous ne leur permettons pas de s'intégrer à notre histoire commune, nous les perdrons et ils choisiront de s'allier à une autre force géostratégique ou ils pencheront vers la radicalisation. C'est d'autant plus nécessaire que le Monténégro s'apprête à intégrer l'Alliance atlantique, facteur de stabilisation de la région. Je serais très heureux que les États membres d'une Union dont le premier mérite est de garantir la paix depuis très longtemps sur le continent s'accordent pour dire leur soutien aux pays des Balkans occidentaux.

La croissance économique qu'a connue la Slovénie l'an dernier est principalement due à la hausse des exportations de ses entreprises, mais elle tient aussi à la stabilisation des normes. Certaines réformes sont encore inachevées, en matières fiscale et sociale notamment, mais les entreprises ressentent déjà les effets des dispositions prises par le gouvernement pour stabiliser l'environnent législatif et réglementaire. De plus, le budget pour 2015 a prévu une nette augmentation des moyens consacrés au soutien de l'investissement, ce qui favorise la croissance.

Le gouvernement au pouvoir en 2013 avait pris la décision de privatiser quinze entreprises publiques. La Slovénie souffrant à l'époque d'une crise profonde, le processus a été enclenché quelque peu précipitamment mais, parce que nous tenons à ne pas entamer la crédibilité de l'Etat, nous continuerons dans la voie ainsi tracée. Cinq privatisations ont déjà eu lieu ; les dix autres seront menées à bien selon des modalités diverses selon les cas. Ainsi, l'État restera propriétaire de 51 % du capital du port de Koper, mais il cédera intégralement d'autres entreprises. Nous appelons l'attention des investisseurs français sur l'intérêt de ces acquisitions. Revoz, la filiale slovène de Renault, est un excellent exemple de la coopération possible entre la France et la Slovénie, et nous souhaitons voir se multiplier les investissements directs de cette sorte. J'en parlerai tout à l'heure avec le Président Hollande.

Un projet de loi reconnaissant l'enseignement en langue étrangère devrait être présenté au Parlement slovène avant la fin de l'année ; le texte améliorera la situation de l'école française de Ljubljana. De nombreux Slovènes parlent le français ; à Ljubljana, il y a un Institut français … ainsi qu'une colonne érigée à la gloire de Napoléon et de son armée, rappelant le temps des Provinces illyriennes. Les Français ont contribué au renouveau culturel de la Slovénie, et les Slovènes en ont le souvenir.

Le partenariat stratégique entre la Slovénie et la France a pour domaines prioritaires de coopération économique l'industrie automobile – dans lequel nos PME sont très actives –, les infrastructures et les transports ; la modernisation de nos chemins de fer devrait particulièrement intéresser les investisseurs français.

Je remercie M. Lellouche pour ses commentaires. Le danger du populisme guette toujours les démocraties ; j'ai évoqué cette question dans mon ouvrage intitulé Comment expliquer la démocratie à mes enfants ? Hier soir, à Bruxelles, les Premiers ministres d'Italie, de Malte et de Slovaquie ont indiqué que le referendum grec leur pose des problèmes intérieurs, leur population respective demandant à leur tour l'organisation de referendums sur différents points, ce dont les gouvernements concernés ne veulent pas, car ils sont conscients des risques de populisme que cela induirait.

La Slovénie s'attache à contribuer à la protection de l'environnement, et je participerai personnellement à la COP21.

Le temps nous manque pour traiter au fond de la question soulevée par Slavoj Žižek. Je n'ignore pas la complexité et les multiples facettes du problème grec. Je suis aussi conscient que les difficultés des petits pays sont souvent provoquées par les mesures prises par les grandes banques internationales, ce dont il faut tenir compte pour la Grèce. Je sais qu'outre le mauvais fonctionnement de l'administration et l'irresponsabilité dans la conduite des affaires publiques ont joué en coulisse les intérêts des multinationales et des banques. Par souci de justice, nous devons nous efforcer de maintenir la Grèce parmi nous et de l'aider, mais encore doit-elle prendre la main que nous lui tendons et accepter ce soutien. Certains sociologues opposent la culture de la culpabilité – celle des sociétés occidentales – et la culture de la honte – la civilisation japonaise traditionnelle par exemple. Il est très gênant que le Premier ministre grec n'éprouve aucune honte à manipuler son peuple sur ce que fait l'Union européenne pour tenter d'aider la Grèce. Mais j'entends aussi les arguments qui incitent à faire pour la Grèce qui n'a pas été fait par le passé.

La crise grecque peut évidemment miner le projet européen. Jamais, au grand jamais, les idées extrémistes ne donnent de bons résultats à long terme. Pour notre part, nous avons dû, ces dernières années, trancher entre restrictions et soutien aux investissements. Nous sommes favorables aux dépenses nécessaires mais aussi aux restrictions qui s'imposent en certains domaines.

La question migratoire est le plus grand défi qui se pose à l'Union européenne depuis des décennies. Nous devons être solidaires des populations concernées et avoir une attitude humanitaire à l'égard des migrants, mais nous devons aussi prendre en compte d'autres facteurs. Il y a d'abord l'aspect sécuritaire : parmi les migrants se glissent des combattants qui s'infiltrent dans l'espace européen avec des intentions néfastes. De plus, les migrants « économiques », issus de plusieurs continents, forment une population très diversifiée et cela pose des problèmes complexes. Je suis convaincu qu'il nous faut montrer notre solidarité et agir au plus vite en coopérant avec les pays d'origine des migrants, en Afrique et au Proche-Orient, pour essayer de résoudre les crises là où elles éclatent – en Libye par exemple. Sur le fond, on ne pourra faire autrement que de stopper ces flux car les migrants sont trop nombreux. Nous n'y sommes pas encore, et j'espère que nous parviendrons à stabiliser la situation.

L'Union européenne et la communauté internationale ont une part de responsabilité dans la situation en Syrie, comme en Libye, en Irak et en Afghanistan : celle de ne pas avoir réagi à temps de manière appropriée. Je le redis, nous devons essayer de régler les problèmes à la racine. Au Conseil européen, des dissensions sont apparues quand on a débattu du nombre de migrants que l'Union peut accepter. La Jordanie seule compte plus de 1,5 million de réfugiés, et nous éprouvons des difficultés à déterminer comment accueillir 60 000 personnes ! D'évidence, il faut privilégier l'approche politique, c'est-à-dire résoudre les crises là où elles se produisent ; sinon, nous devrons faire face à des problèmes croissants. Déjà, des murs s'élèvent en Bulgarie, et la Hongrie a des plans similaires. C'est une horreur.

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