Intervention de Vanik Berberian

Réunion du 2 septembre 2015 à 15h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France :

La DGF avait été mise en place à une époque où les périphéries des villes étaient en plein développement et avaient besoin d'infrastructures – piscines, patinoires, bretelles d'autoroute… – alors que les populations continuaient à quitter les campagnes. Cela pouvait se comprendre dans les années 1960-1970. Mais le contexte a changé, cette époque est révolue, l'exode rural est terminé et je trouve scandaleux que la République traite différemment un habitant des campagnes et un habitant des villes.

Nous savons qu'il existe des communes rurales riches et des communes urbaines pauvres, et c'est tout l'intérêt du travail entrepris par la députée Christine Pires Beaune et le sénateur Jean Germain que de l'avoir démontré. Cela étant, il est très difficile de tirer des généralités de la situation particulière de chaque commune qui dépend de son histoire, de son mode de gestion et de ses ressources, réelles ou attendues. Chaque collectivité a des priorités distinctes et peut être amenée à faire des choix très différents. À titre d'exemple, je n'ai voulu toucher dans ma commune – commune touristique qui fait partie des « Plus beaux villages de France » – ni à l'investissement ni aux dépenses de fonctionnement ; j'ai préféré diminuer de huit à quatre les recrutements saisonniers en jouant sur les congés d'été : deux pour remplacer les employés communaux en vacances et deux affectés à l'Office du tourisme. On peut appeler cela de la bidouille, des économies de bouts de chandelle, mais c'est le choix que nous avons fait cette année pour compenser la baisse des dotations.

D'un autre côté, les citoyens doivent être responsabilisés et comprendre que les choses ont un coût. C'est sans doute la seule vertu de ces baisses de dotation que de nous obliger à repenser la manière de produire des services au meilleur coût, ce qui a néanmoins ses limites : arrive un moment où c'est l'amplitude même de ces services qu'il faut réduire. On n'a pas lésiné sur les moyens pour nous faire la promotion de la commune nouvelle ; on aurait pu faire autant pour préserver les communes existantes… Et s'il faut faire des économies, efforçons-nous de les faire en amont, pas en aval !

Cela me ramène à la question des normes, qui constituent parfois autant d'aberrations, dont voici un exemple : la région Centre a mis en place un programme d'aide à la transition énergétique, dont nous avons voulu profiter pour remplacer la chaudière de notre mairie. Or il s'est avéré que les exigences en termes d'économies d'énergie étaient telles qu'il nous aurait fallu, pour pouvoir bénéficier des aides, engager des dépenses inconsidérées, sans rapport avec l'utilisation réelle du bâtiment. Nous avons donc décidé de nous passer de l'aide de la région… ce qui ne l'empêche pas d'afficher ses ambitions en matière de transition énergétique. Il faut bien voir que nous nous fixons à nous-mêmes des objectifs qui sont hors d'atteinte !

À un moment donné, il faut faire confiance aux élus et leur laisser de la souplesse au lieu de leur imposer des normes qui conviennent à un endroit mais pas dans d'autres. Et la réforme territoriale procède du même travers : on a voulu habiller tout le territoire français de la même manière. Lors des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat, les uns et les autres, toutes sensibilités politiques confondues, étions arrivés à la conclusion unanime qu'il fallait faire des économies, rationaliser et clarifier. Résultat des courses : la réforme n'aboutit à rien de tout cela. Au lieu de clarifier, on a compliqué. À l'idée que c'est à Bordeaux que l'on décidera que le car passera ou pas le matin à cause du verglas, les Creusois sont un peu inquiets… Au lieu d'envisager la question des compétences adaptées à chaque périmètre, on s'est intéressé à la taille du costume sans se soucier de celle du bonhomme qui sera dedans ! Cela révèle notre incapacité à admettre de la souplesse, à faire confiance, à imaginer une autre forme de gouvernance pour notre pays, qui aboutisse à une vraie décentralisation. C'est l'éternel débat entre Jacobins et Girondins, dont nous ne sommes toujours pas sortis…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion