Intervention de André Laignel

Réunion du 1er septembre 2015 à 15h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

André Laignel, président du Comité des finances locales :

Je vous remercie de m'avoir invité à présenter devant vous l'état de nos finances locales.

Le rapport de l'Observatoire des finances locales pour 2015 a été présenté au mois de juillet dernier au Comité des finances locales, qui l'a adopté à l'unanimité. C'est donc bien au nom du CFL que je m'exprime aujourd'hui.

Je commencerai par souligner que les difficultés n'ont pas commencé en 2015, ni en 2014 – le CFL a signalé depuis plusieurs années que la baisse des moyens des collectivités territoriales poserait rapidement problème. C'est en 2010 que se situe le basculement, avec le plafonnement de la taxe professionnelle (TP), puis le gel des dotations aux collectivités locales. Celles-ci ont ensuite diminué de 1,5 milliard d'euros en 2014 et le Gouvernement a prévu, comme vous l'avez dit, une baisse supplémentaire de 11 milliards d'euros entre 2015 et 2017.

C'est la suppression de la taxe professionnelle qui a constitué le facteur principal des difficultés rencontrées : en effet, elle a été mal compensée, puisque les dotations prévues à cet effet n'ont jamais été réévaluées. Auparavant, les communes pouvaient compter sur une augmentation de 3 % à 4 % par an de la TP ; désormais, les dotations sont gelées – non seulement elles n'augmentent plus, mais elles sont rognées par l'inflation.

Ce sont donc de très mauvais coups qui ont été portés aux finances des collectivités locales. C'est dans ce contexte, que je tenais à rappeler, que s'inscrivent les difficultés actuelles.

Le rapport présenté au mois de juillet porte sur l'année 2014 – je m'aventurerai à parler un peu de l'année 2015, mais à partir d'estimations, alors que pour 2014 nous avons des chiffres définitifs émanant de l'État. Ce rapport du CFL est le vingtième : nous disposons donc d'analyses sur une longue durée.

Nous avons constaté en 2014 un nouvel effet de ciseau. Toutes collectivités confondues, les dépenses de fonctionnement ont connu une hausse de 2,3 %. Cela montre d'ailleurs plutôt une bonne maîtrise des dépenses par les collectivités, car les charges imposées ont été importantes – la Cour des comptes les a estimées entre 1,2 et 1,3 milliard. Les recettes de fonctionnement n'ont quant à elles augmenté que de 0,7 %. Les concours de l'État ont diminué, en 2014, de 5,5 %. Il a donc fallu trouver des compensations.

S'agissant des investissements, je soulignerai que les dépenses d'équipement ont diminué de 9,9 % pour l'ensemble des collectivités, et même de 12,9 % pour le bloc communal. Pour les départements, la diminution est de 2,2 %, mais ce chiffre vient après des baisses conséquentes lors des années précédentes. Seules les régions augmentent leurs dépenses d'équipement de 5,9 %, essentiellement pour investir dans le domaine ferroviaire.

Les subventions des départements aux communes ont diminué de 8,2 %. Les communes subissent donc la baisse des dotations de l'État, mais aussi celle des subventions reçues des régions et des départements : il y a là un net effet domino.

Il faut toujours lier fonctionnement et investissement : raisonner sur les seuls investissements n'apporte aucune solution.

J'en viens maintenant au besoin de financement, c'est-à-dire ce que l'on appelle le déficit au sens maastrichtien. Ce terme de « déficit » ne me paraît pas pertinent : les collectivités territoriales ont l'obligation de voter des budgets en équilibre. Le besoin de financement, c'est donc la part d'emprunt qui ne peut être consacrée qu'à l'investissement. Il s'est établi à 6,19 milliards d'euros, en baisse de 1,78 milliard. Le principal effort de résorption du déficit – tel qu'il est communiqué aux instances européennes – a donc été consenti par les collectivités territoriales.

Les chiffres de l'épargne nette – plus intéressante pour nos analyses que l'épargne brute, qui comprend aussi les remboursements d'emprunts – sont malheureusement très significatifs. L'ensemble de l'épargne nette a, en 2014, diminué de 14,4 % pour l'ensemble des collectivités locales – de 17,6 % pour le bloc communal, de 6,7 % pour les départements dont l'épargne avait déjà plongé les années précédentes, de 15,1 % pour les régions.

De 2011 à 2014, la baisse de l'épargne nette s'établit à 28,9 %, de façon équilibrée entre les différents types de collectivités locales : 30 % pour le bloc communal, 31 % pour les départements, 27 % pour les régions.

Pour compenser la baisse des moyens, les collectivités ont puisé dans leur trésorerie : en deux ans, celle-ci a été amputée de 6,6 milliards d'euros. Mais c'est un fusil à un seul coup !

Le CFL considère que la gestion des finances locales est dans l'ensemble saine et maîtrisée. L'ensemble des dépenses – fonctionnement et investissement – a baissé de 0,4 % en 2014, l'essentiel des réductions ayant porté sur l'investissement. Le besoin de financement est en baisse, et la part de la dette publique des collectivités territoriales – qui réalisent pourtant 70 % des investissements publics civils – n'est que de 9,2 %. Il faut enfin souligner que le taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques locales ne s'élève qu'à 6 % du PIB ; la part des collectivités territoriales dans les prélèvements obligatoires est sensiblement la même qu'il y a vingt ans. On ne peut pas, comme on le fait parfois, parler de dérive.

Nous avons tous conscience qu'un effort est nécessaire pour parvenir à redresser les finances de notre pays. Mais le CFL estime que cet effort pèse aujourd'hui de façon disproportionnée sur les collectivités territoriales.

Le bilan, c'est donc une épargne qui s'affaiblit fortement, voire qui s'effondre, des investissements en berne, une trésorerie entamée.

Pour 2015, nous ne pouvons raisonner que sur des estimations, fondées sur les budgets primitifs votés par les collectivités – alors que j'utilisais jusqu'ici des comptes administratifs 2014 définitivement arrêtés. Mais les chiffres me semblent significatifs : l'épargne nette des départements serait en baisse de 18,5 %, et celle des régions de 18,8 %.

Voilà résumée, par la sécheresse d'une énumération de chiffres, la situation de nos finances locales. Le rapport définitif de l'Observatoire des finances locales est déjà en ligne, et sera envoyé rapidement à chaque parlementaire.

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